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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/688/2017

ATA/983/2018 du 25.09.2018 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/688/2017-FPUBL ATA/983/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 septembre 2018

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Yvan Jeanneret, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

1. Par décision du 16 février 2011, le Conseil administratif de la Ville de Genève (ci-après : CA ou la ville) a engagé Monsieur A______, né le ______ 1960, en qualité de chef de service et commandant du service d'incendie et de secours (ci-après : SIS) à compter du 1er juin 2011.

2. Par courrier du 16 janvier 2015, Madame B______, présidente de la commission du personnel du SIS (ci-après : la commission du personnel), a informé Madame C______, directrice en charge du département de l'environnement urbain et de la sécurité (ci-après : DEUS ou le département), que M. A______ s'était rendu le 2 janvier 2015 en caserne de manière informelle pour boire un café avec la section de service du jour. Un échange d'opinions sur divers sujets avait suivi le café. Il n’y avait pas eu de conflits et personne n'avait monté le ton. Néanmoins, au moment de son départ, M. A______ avait tenu les propos suivants en serrant la main d'un collaborateur de service : « Au revoir, sergent D______, vous me faites chier ». Elle invoquait notamment la présence de deux témoins et priait Mme C______ de prendre les mesures adéquates.

3. Par courrier du 23 janvier 2015, Mme C______ a informé M. A______ des faits portés à sa connaissance par Mme B______ et lui a demandé de s'expliquer sur cette accusation par retour de courrier.

Si les faits étaient confirmés, ils constitueraient une violation flagrante du Statut du personnel de la ville du 29 juin 2010 (SPVG - LC 21 151) (ci-après : le statut) et seraient passibles d'une sanction. Le directeur adjoint, Monsieur E______, recevait une copie du message.

4. Par courriel du 26 janvier 2015, M. A______ a réfuté toute insulte ou volonté d'attitude insultante à l'égard d'un membre du personnel du SIS le
2 janvier 2015 ou à toute autre occasion. Il confirmait que la visite de début d'année en caserne avait été particulièrement amicale et détendue. Il se tenait à disposition pour un échange concernant les propos allégués.

5. Le 19 mars 2015, M. A______ a fait l’objet d’un entretien périodique. Le formulaire n’a pas été signé par les parties.

Parmi ses qualités, il était relevé que M. A______ avait la capacité d’identifier les problèmes structurels et organisationnels du service.

La direction du département s’inquiétait toutefois de constater que la relation avec le chef de service montrait quelques fissures, lesquelles portaient atteinte au lien de confiance. Elle relevait notamment l’incident du 2 janvier 2015, un article paru dans la Tribune de Genève en octobre 2014, des éléments qui avaient émaillé un processus de recrutement et des problèmes de commandes effectuées auprès de la pharmacie du F______.

La direction du département s’inquiétait également de la qualité du climat de travail au sein du SIS et entre le chef de service et la commission du personnel. La nouvelle législature ne saurait débuter sans un changement radical de situation à cet égard.

Il était attendu de M. A______ qu’il développe sa capacité à dépasser une situation de frustration pour « habiter » la fonction qui était la sienne en la développant. Si l’environnement de travail évoluait, si le cadre changeait, il convenait que le chef de service fasse le nécessaire pour s’y adapter. Il devait développer son savoir-faire pour que la fonction de chef de service en civil soit mieux comprise et acceptée par le personnel en uniforme et donner du sens et de l’envergure à son rôle. Il était attendu de lui qu’il développe les conditions nécessaires à un bon climat de travail au sein du service.

6. Dès le 27 mars 2015 et jusqu’au 19 avril 2015, M. A______ s'est trouvé en état d'incapacité totale de travailler pour cause de maladie et ce pour une durée indéterminée.

7. Le 21 avril 2015, la direction du DEUS, sous la signature de Mme C______, a prononcé un avertissement à l'encontre de M. A______, en raison des paroles prononcées le 2 janvier 2015 par ce dernier.

8. Le 29 avril 2015, le CA a informé M. A______ de l'ouverture d'une enquête administrative à son encontre pour des faits autres que ceux visés par son avertissement.

Il lui était reproché :

- d’avoir outrepassé ses compétences financières, selon un courrier du 5  décembre 2013 de la direction du DEUS ;

- selon ce même courrier, de ne pas avoir pris les mesures adéquates, dans le cadre du SIS, visant à respecter les règles en matière de commandes et d’achat d’équipement pour le service ;

- d’avoir déchiré devant la commission du personnel, lors d’une séance qui s’était tenue le 27 mars 2014, un organigramme du SIS qu’il avait lui-même élaboré et qui avait été validé par le magistrat en charge du DEUS ;

- d’avoir fait des déclarations intempestives à la Tribune de Genève, en particulier à l’occasion de la grève des gardiens-pompiers de la prison de
Champ-Dollon du mois d’octobre 2014, sans en avertir au préalable sa hiérarchie, de sorte qu’il n’avait pas respecté la directive départementale relative aux communications à l’extérieur du DEUS ;

- d’être intervenu à diverses reprises dans le processus de recrutement de la personne appelée à remplacer Monsieur G______, afin de privilégier une candidature interne, alors qu’il ne disposait d’aucune prérogative pour ce fait. Il aurait ainsi cherché à biaiser le processus de recrutement en question ;

- de n’avoir pas transmis, à la commission du personnel, les informations nécessaires relatives aux postes à repourvoir et à l’organisation du service, d’avoir manqué de collaboration avec la commission du personnel et d’être régulièrement absent des séances représentant un enjeu pour le personnel du SIS, ce qui constituait un frein à son bon fonctionnement ;

- de rencontrer des difficultés de communication et de comportement avec les autres membres de l’état-major du SIS, en particulier avec le commandant H______ ;

- de ne pas parvenir à élaborer une stratégie interne, ni à avoir une vision globale du service depuis le changement de magistrat en charge du DEUS, ce qui mettrait les membres de la direction du SIS dans des situations presque insupportables ;

- de ne pas réussir à se positionner et à trouver ses marques depuis l’arrêt du projet « convergences » et l’évolution de ses missions ;

- d’être réfractaire à tout changement dans le mode de fonctionnement de la direction du DEUS ;

- d’avoir adopté un comportement incompatible avec son statut d’employé de la ville susceptible non seulement de porter préjudice aux intérêts de celle-ci, mais également de porter atteinte à la considération et à la confiance dont la fonction publique devait être l’objet.

Par ailleurs, il était à signaler que récemment M. A______ avait fait l’objet d’une sanction pour avoir proféré des insultes à un collaborateur, en déclarant devant témoin « sergent D______, vous me faites chier ».

9. Par décision sur recours du 26 octobre 2015, le CA a confirmé l'avertissement infligé le 21 avril 2015 à l'encontre de M. A______.

10. Par acte du 26 novembre 2015, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant principalement à sa nullité et subsidiairement à son annulation. Son droit d'être entendu avait été violé tant devant la direction du département, que devant le CA.

11. Le 8 juin 2016, le rapport d’enquête administrative a été rendu.

La plupart des griefs apparaissaient réalisés. M. A______ n’avait pas pris les mesures adéquates visant à respecter les règles en matière de commandes et d’achats d’équipement. Il avait déchiré l’organigramme du SIS lors d’une séance de la commission du personnel, avait fait des déclarations non autorisées à la Tribune de Genève et était intervenu indument dans un processus de recrutement afin de privilégier une candidature interne. Il avait manqué de collaboration et de communication à l’égard de la commission du personnel, avait rencontré des difficultés de communication et de comportement à l’égard des autres membres de l’état-major du SIS, n’était pas parvenu à élaborer une stratégie interne, ni à avoir une vision globale du service, n’avait pas réussi à se positionner et à trouver ses marques depuis l’arrêt du projet « convergences », s’était révélé réfractaire à tout changement dans le mode de fonctionnement de la direction du DEUS et avait porté atteinte à l’image de la ville ainsi qu’à la considération et la confiance dont la fonction publique devait être l’objet.

M. A______ était chef de service du SIS depuis cinq ans et sur l’ensemble de sa carrière, il avait reçu deux demandes d’explication de sa hiérarchie, un courriel de mécontentement du magistrat de tutelle, un courriel de recadrage et un avertissement qui avait été contesté et dont la procédure était pendante.

12. Le CA a communiqué ce rapport à M. A______, en l’invitant à lui faire parvenir ses observations et à indiquer s’il souhaitait être entendu.

Il envisageait la résiliation de son engagement pour motif objectivement fondé, en raison de manquements graves et répétés à ses devoirs de service.

13. Dans le délai imparti, M. A______ a fait part au CA de ses observations, concluant à son audition par une délégation de ce dernier, au classement sans suite de l’enquête administrative, à la révocation de sa suspension et à sa réintégration effective dans un poste adapté au sein de la ville.

Il n’existait aucun motif fondé de résiliation des rapports de travail. Il était rare de compulser un dossier aussi inconsistant que monté de toute pièce pour tenter d’évincer un cadre devenu indésirable par le seul changement de magistrat de tutelle.

14. Par arrêt du 30 août 2016 (ATA/731/2016), la chambre de céans a constaté la nullité de la décision d’avertissement prononcée par la direction du DEUS le 21 avril 2015. Elle a également constaté la nullité de la décision sur recours du CA du 26 octobre 2015. Le droit d’être entendu de M. A______ n’avait pas été respecté, en particulier il n’avait pas été entendu oralement.

15. Le 8 novembre 2016, la directrice du DEUS a prononcé un avertissement à l’encontre de M. A______, retenant que ce dernier avait prononcé, le 2 janvier 2015, les mots qui lui étaient reprochés, manquant de ce fait gravement à ses obligations d’employé de la ville et de cadre supérieur.

16. Par courrier du 23 novembre 2016, Monsieur I______, directeur général, et Monsieur J______, vice-président du CA, ont informé M. A______ que lors de sa séance du même jour, le CA avait décidé de poursuivre le processus de licenciement et de résilier son engagement. Dans la mesure où il était en période de protection, la notification de la résiliation de son engagement interviendrait au terme de celle-ci.

17. M. A______ a répondu par courrier du 1er décembre 2016. Le 5 octobre 2016, il avait rencontré Madame K______, Conseillère administrative, ainsi que M. I______. La possibilité encourageante d’un reclassement avait été évoquée. Les semaines avaient passé sans que la ville ne donne suite à cet entretien et sa relance du 17 octobre 2016 avait obtenu comme réponse le courrier du 23  novembre 2016.

Le CA était en train de le briser ; la méthode était inadmissible et choquante.

18. Le même jour, M. A______ a écrit à la direction des ressources humaines, en lui remettant le rapport établi par le Docteur L______, psychiatre, qui l’avait examiné sur demande du médecin-conseil. Ce dernier pointait la discrimination dont il avait été victime dans la gestion et le suivi de son cas par la ville. Les atteintes à sa personnalité subies sur son lieu de travail avaient eu des répercussions sur sa santé. Il n’avait bénéficié d’aucun suivi quel qu’il soit et il avait dû patienter près de dix-huit mois avant qu’un médecin-conseil n’examine son cas.

Il demandait à la direction de bien vouloir agir conformément au statut, en prenant toutes mesures appropriées pour éclaircir les faits et au besoin permettre la sanction des responsables.

Selon le certificat médical établi par le Dr L______ le 7 octobre 2016, médecin-conseil psychiatre de la ville, M. A______ souffrait d’une dépression réactionnelle. Il n’était pas apte à l’emploi. Son état évoluait positivement, le pronostic était favorable et une reprise était envisageable dans six à sept mois, peut-être moins, mais « hors contexte antérieur ».

Il ne comprenait que partiellement la situation, dans le sens qu’il ignorait les motifs ayant conduit à une enquête administrative, ainsi que les raisons ayant justifié que M. A______ soit traité si différemment des autres collaborateurs en arrêt maladie au sein de la ville.

19. Le 6 décembre 2016, M. A______ a recouru devant le CA contre la sanction disciplinaire prononcée le 8 novembre 2016, concluant préalablement à son audition et principalement à l’annulation de la décision querellée.

20. Le 22 décembre 2016, sur demande de la direction des ressources humaines, M. A______ a précisé ses demandes. Il attendait depuis plusieurs années que son service intervienne pour mettre à plat les difficultés qui l’avaient opposé à sa hiérarchie, notamment à Monsieur M______, conseiller administratif, dont l’inimitié à son égard et la volonté de se débarrasser de lui n’étaient un secret pour personne et certainement pas pour la direction des ressources humaines.

Il souhaitait que son employeur assume son rôle, investigue les faits, prenne les mesures adéquates, sanctionne les responsables et protège sa personnalité.

21. L’incapacité de travail de A______ a pris fin le 13 janvier 2017.

22. Par courrier du 17 janvier 2017, la direction des ressources humaines a répondu au courrier de M. A______ du 22 décembre 2016.

M. A______ avait été reçu le 16 mars 2015, à sa demande, pour un entretien confidentiel, par une psychologue de l’entité psychologie du travail. Conformément aux pratiques de celle-ci, toute personne y faisant appel dans ce contexte, était systématiquement informée des différents outils et possibilités qui s’offraient à elle, comme le dépôt d’une plainte pour harcèlement. Les collaborateurs et collaboratrices étaient également avisés, à cette occasion, du fait que si ils ou elles entendaient déposer une plainte ou solliciter une mesure, il leur incombait de le manifester formellement auprès de la direction des ressources humaines.

M. A______ n’avait adressé aucune demande en ce sens avant son courrier du 1er décembre 2016.

Les documents relevant de l’enquête administrative n’étaient pas en leur possession. Or, l’examen par les spécialistes de la direction des ressources humaines d’une plainte pour atteinte à la personnalité nécessitait une description détaillée de ces circonstances. Ils attendaient ainsi les informations détaillées relatives aux personnes mises en cause, aux faits et aux comportements reprochés, afin de permettre de fonder un préavis à l’attention du CA concernant l’ouverture d’une éventuelle enquête.

23. Par courrier du 25 janvier 2017, le CA a notifié à M. A______ son licenciement pour le 31 mai 2017 et l’a libéré de son obligation de travailler. La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

Le rapport, dressé à l’issue de l’enquête administrative du 8 juin 2016 ouverte à son encontre, établissait qu’il avait adopté, à réitérées reprises, un comportement inadéquat et incompatible avec son statut de membre du personnel de la ville et de cadre supérieur disposant d’un pouvoir d’encadrement sur un service tel que le SIS. À la lecture de ce rapport, le CA constatait également l’existence de très nombreuses déficiences de sa part dans la conduite du SIS, lesquelles aboutissaient au constat d’une insuffisance patente de ses prestations, ainsi que de son inaptitude à exercer les fonctions de chef de service.

L’enquête administrative avait tout d’abord mis en évidence que M.  A______, bien que dûment averti par la direction du DEUS, dès 2013, de la nécessité de mettre en place une clarification des procédures en matière d’engagements financiers, des mesures de contrôle, ainsi qu’une directive interne s’y rapportant, n’avait rien entrepris à ce sujet, ce qui avait conduit à l’émergence de dysfonctionnements au sein du SIS, comme celui ayant permis à un cadre du service de commander librement des médicaments pour son unité auprès d’une pharmacie qui lui appartenait.

Il ressortait également de l’enquête que même après avoir été informé par ses adjoints des irrégularités en question et du conflit d’intérêts manifeste qu’elles comportaient, M. A______ n’avait pas réagi, laissant la situation se péjorer durant plusieurs mois encore.

Le rapport d’enquête administrative indiquait qu’au cours d’une séance devant la commission du personnel, M. A______ avait déchiré l’organigramme officiel du SIS qu’il avait lui-même élaboré et qui venait d’être validé par la direction du DEUS, tout en déclarant que ce document n’avait aucune valeur, ce qui avait eu pour effet de choquer profondément les cadres présents lors de la séance dans la mesure où, tant par le geste que par la parole, M. A______ avait mis en doute, devant ses propres subordonnés, la structure et l’identité du service, ainsi que l’autorité de la direction du DEUS.

Par son comportement, M. A______ avait non seulement manifesté un manque patent de respect à l’égard de ses supérieurs et du personnel du SIS, mais avait aussi passé outre son obligation de maintenir un climat de travail favorable.

M. A______ avait fait des déclarations intempestives à la Tribune de Genève, sans en avertir au préalable sa hiérarchie et donc sans respecter la directive départementale relative aux communications à l’extérieur du DEUS.

Il était intervenu à diverses reprises dans le processus de recrutement de la personne appelée à remplacer M. G______ afin de privilégier une candidature interne, biaisant par là-même le processus de recrutement en question. Il n’avait pas transmis à la commission du personnel les informations relatives aux postes à repourvoir et avait manqué de collaboration avec cette dernière, ce qui avait constitué un frein au bon fonctionnement du service.

L’enquête administrative avait mis en lumière que M. A______ avait fait preuve d’un manque de coopération et de dialogue avec la commission du personnel au point que son attitude avait engendré, au fil du temps, une situation de paralysie.

Privilégiant dans ses rapports avec ladite commission la confrontation et le manque de considération à l’égard des représentants du personnel au détriment d’un véritable échange, M. A______ n’avait pas encouragé la communication et la collaboration, ainsi que le respect dû aux employés. En raison d’une telle conduite, de nombreux dossiers s’étaient retrouvés en souffrance, le fonctionnement du service avait été entravé et l’ambiance de travail s’était péjorée.

L’enquête administrative avait aussi établi que depuis un certain temps déjà, M. A______ n’assumait plus ses tâches de chef de service : il n’organisait plus de séances de direction, ne représentait plus le SIS auprès de tiers, prenait des décisions sans concertation avec les autres membres de l’état-major. Il n’avait pas la volonté de trouver des solutions négociées. Non seulement il n’avait pas de stratégie interne ni de vision globale de son service, mais ne parvenait même plus à se positionner, depuis l’arrêt du projet « convergences » et l’évolution de ses missions.

M. A______ s’était montré réfractaire à tout changement dans le mode de fonctionnement de la direction du DEUS et avait adopté un comportement incompatible avec son statut d’employé de la ville susceptible non seulement de porter préjudice aux intérêts de la ville mais également de porter atteinte à la considération et à la confiance dont la fonction publique devait être l’objet.

En dehors du fait qu’il critiquait continuellement la direction du DEUS, avec laquelle il entretenait des relations tendues, il se montrait réfractaire à tout changement. Si l’attitude de M. A______ avait eu pour effet, dans un premier temps, de placer les autres membres de l’état-major du SIS dans une situation insupportable par rapport au service, au personnel et à la direction du DEUS, elle avait également entraîné, à la longue, une dégradation complète des relations entre l’intéressé et les personnes qui l’entouraient. Il avait rencontré des difficultés de communication et de comportement avec les autres membres de l’état-major du SIS, en particulier avec M. H______.

En agissant de la sorte, M. A______ n’avait pas respecté les art. 82, 83 let. a et c, 84 let. a, f et g du statut qui prescrivaient que les membres du personnel étaient tenus au respect des intérêts de la ville et devaient s’abstenir de tout ce qui pouvait lui porter préjudice (art. 82 statut), devaient par leur attitude entretenir des relations dignes et respectueuses avec leurs collègues, leurs supérieures et supérieurs et leurs subordonnées et subordonnés et faciliter la collaboration entre ces personnes (art. 83 let. a statut), justifier et renforcer la considération et la confiance dont le personnel de la ville devait être l’objet (art. 83 let. c statut), remplir leurs devoirs de fonction consciencieusement et avec diligence (art. 84 let. a), se conformer aux règlements et directives les concernant ainsi qu’aux instructions de leurs supérieures et supérieurs et en exécuter les ordres avec conscience et discernement (art. 84 let. f et g).

La fonction de M. A______ était la plus élevée dans la hiérarchie du service si bien que la ville était en droit d’attendre de sa part une attitude irréprochable et exemplaire, ce d’autant plus que le SIS était un des services les plus connus auprès de la population genevoise et donc le plus exposé.

Par son comportement, il avait risqué de mettre en danger l’ensemble de son service. Par son manque de considération d’autrui conduisant à des tensions relationnelles importantes, son rejet des responsabilités dans le fonctionnement du SIS, sa défiance continuelle à l’égard de sa hiérarchie ou encore, son manque de prise de conscience des enjeux du SIS, M. A______ avait démontré qu’il n’était manifestement plus digne de confiance et, pour cette raison, qu’il ne pouvait plus continuer à assumer les fonctions de chef de service.

Pour ces raisons, le CA considérait que M. A______ avait commis des manquements graves à ses devoirs de service, que ses prestations étaient insuffisantes, eu égard aux exigences de son poste, qu’il n’avait pas été apte à exercer correctement la fonction pour laquelle il avait été nommé, ce qui justifiait son licenciement pour motif objectivement fondé, au sens de l’art. 34 al. 2 let. a, b et c du statut.

Compte tenu du fait que son incapacité de travail avait pris fin le 13 janvier 2017, le CA avait décidé de notifier le 25 janvier 2017 à M. A______ son licenciement. Ce dernier était libéré de son obligation de travailler jusqu’au terme de la fin des rapports de travail, soit le 31 mai 2017.

24. Par courrier du 23 février 2017, le CA a donné suite aux échanges de courriers du mois de décembres 2016 avec la direction des ressources humaines.

Il ne donnerait pas suite à sa demande d’ouverture d’une enquête qui devait être dirigée en particulier contre un des conseillers administratifs. Les dispositions statutaires n’étaient pas applicables à ces derniers. De plus, le but principal d’une telle enquête était de faire cesser toute atteinte à la personnalité subie par un employé de la ville. M. A______ étant suspendu depuis deux ans, une telle procédure n’aurait aucun effet concret à son égard.

Par ailleurs, la demande ne pouvait que soulever d’évidentes réserves. Non seulement elle se référait à des faits remontant à plus de deux ans mais elle était présentée juste après que le CA avait confirmé vouloir résilier les rapports de service. Tout portait à croire qu’elle avait été déposée pour les besoins de la cause. M. A______ ayant préféré saisir la justice d’une action pécuniaire pour tort moral, il entendait laisser les tribunaux se prononcer sur la question.

25. Par acte du 27 février 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre de céans contre la décision de licenciement, concluant, préalablement, à ce que l’apport de son dossier administratif complet soit ordonné, ainsi que la jonction de la cause avec celle pendante et portant le numéro A/314/2017 et, principalement, à l’annulation de la décision querellée et à sa réintégration. Subsidiairement, il a demandé qu’il soit dit et constaté que le licenciement était contraire au droit, que sa réintégration soit proposée et, en cas de refus de la ville, que celle-ci soit condamnée au paiement d’une indemnité nette équivalente à vingt-quatre mois du dernier traitement brut, soit un montant total de CHF 410'962.80, avec intérêts à 5 % du jour de l’arrêt.

Il n’existait aucun motif fondé de licenciement et le dossier avait été monté de toutes pièces pour les besoins de la cause. Il n’avait pas manqué aux devoirs de sa charge et disposait des compétences et ressources requises pour le poste en question. Le CA avait déclaré que son licenciement intervenait tant en raison de l’insuffisance des prestations, que d’un manquement grave et répété aux devoirs de service, que de l’inaptitude à remplir les exigences du poste. Aucun des cinq griefs invoqués par l’autorité ne résistait à l’examen. L’autorité ne produisait aucun élément un tant soit peu consistant à l’appui de son grief. Le dossier démontrait qu’il avait respecté les compétences financières. Il s’était montré très exigeant sur la transparence et la saine gestion des deniers de l’État. Il avait dénoncé et mis fin aux aberrations et autres petits arrangements cautionnés par les précédentes directions.

Il s’était vu imposer par le magistrat de tutelle des dépenses somptuaires, telle la coûteuse création d’un insigne de corps ou encore les coûts d’un chasseur de tête, à assumer par le SIS, sans que le département n’ait produit le devis correspondant.

Il n’était pas responsable des tensions régnant au sein de la commission du personnel. Il devait y défendre la position du magistrat de tutelle, sans que ce dernier ne prenne les décisions attendues. À force d’inaction, la commission du personnel, en particulier sa présidente, avait reporté la faute sur lui, alors qu’il ne disposait pas des validations nécessaires de l’exécutif. La commission du personnel était un lieu où s’affrontaient des avis divergents. Le fait qu’il ait de façon théâtrale fait mine de déchirer un organigramme ne saurait être constitutif d’un manquement à ses devoirs.

C’était avec l’assentiment de la direction du DEUS que la Tribune de Genève avait recueilli ses propos. Le reproche était d’autant plus malvenu qu’au final, le magistrat avait ordonné l’arrêt du recouvrement auprès du canton des frais d’intervention du SIS à la prison de Champ-Dollon (CHF 150'000.-), ce qui lésait les intérêts financiers du SIS au bénéfice de considérations manifestement politiques.

Le processus de recrutement du remplaçant de M. G______ s’était fait dans la plus grande transparence. Il avait souhaité que Madame N______ soit réentendue, ce à quoi le recruteur n’avait rien trouvé à redire. Ce faisant, il n’avait pas biaisé le processus de sélection, étant rappelé que Mme N______ n’avait pas été retenue et que les CHF 14'000.- ponctionnés sur le budget du SIS pour ce processus de recrutement hautement inhabituel n’avait pas permis de repourvoir le poste.

Enfin, l’autorité faisait état de toute une série de lacunes dans sa gestion du service et de son personnel. Il était difficile d’y voir clair, tant les reproches étaient généraux, abstraits et jamais étayés. Les seuls éléments au dossier permettaient au contraire de s’apercevoir qu’il disposait d’un réel crédit auprès de ses subordonnés, y compris auprès de M. H______, que ses compétences humaines et managériales étaient reconnues et constatées dans ses différents entretiens d’évaluation et qu’il avait repris en mains un service « sclérosé » de l’aveu même de la direction du DEUS. Le réel malaise venait en réalité du fait que le corps des sapeurs-pompiers, très soudé, rejetait ce qui lui était étranger. Ce faisant, l’arrivée d’un commandant et chef de service en civil, non issu du rang, avait provoqué de très nombreuses résistances qu’il avait dû gérer en plus d’une charge de travail importante, notamment en raison de la suspension de plusieurs employés ou du départ à la retraite de M. G______.

Le licenciement prononcé ne reposait ainsi sur aucun motif objectivement fondé. Une des conditions légales au licenciement n’étant pas remplie, la décision de la ville était contraire au droit. De plus, la décision violait le principe de proportionnalité, aucune démarche de reclassement n’ayant été entreprise et l’autorité ayant choisi de prononcer la sanction la plus lourde qu’il soit sans avoir même essayé de dégager une voie alternative ou d’apporter le moindre soutien à son employé.

La chambre administrative pouvait ainsi proposer sa réintégration. Il se déclarait prêt à assumer un poste au sein de la ville. En cas de refus, celle-ci devait être condamnée au paiement d’une indemnité nette de CHF  410'962.80, correspondant à vingt-quatre mois de salaire.

Il n’y avait en effet aucune raison de s’écarter du maximum légal, tant le comportement de l’employeur avait été choquant. Ce dernier l’avait plongé dans la maladie et la souffrance depuis plus de deux ans, alors que cette situation aurait pu être évitée si l’employeur avait pris son rôle au sérieux.

Par ailleurs, le licenciement était abusif. L’employeur avait gravement violé son devoir de protection de la personnalité de son employé. Il avait, à plusieurs reprises, tiré la sonnette d’alarme auprès de la direction du DEUS, ainsi que des ressources humaines, sur l’impossibilité de mener à bien sa mission, en raison d’une mise sous pression et d’un harcèlement dont il faisait l’objet de la part de sa hiérarchie. Plus encore, la défiance, voir la franche hostilité du nouveau magistrat, de même que celle d’une partie de la base uniformée du SIS, rendait toute avancée et toute amélioration impossible. Ainsi, au lieu de réagir comme tout employeur sensé, d’enquêter, de chercher des solutions et d’aplanir les difficultés, le département s’était muré dans le silence, refusant de prendre en considération ses plaintes et signalements et l’avait laissé se débrouiller seul face à une situation de plus en plus intenable, jusqu’au « burn out ».

Il avait été licencié parce que sa personnalité déplaisait au magistrat, parce qu’il s’était plaint de la violation de sa personnalité, parce qu’il avait refusé d’accepter le chantage opéré entre une enquête administrative et un départ négocié et finalement, parce que sa position de civil au sein d’un corps militaire et uniformé était de plus en plus intenable. Autant de raisons qui relevaient du congé abusif au sens de l’art. 336 CO, l’employeur se prévalant de sa propre faute, singulièrement de son effarante passivité et de son incapacité à restaurer l’autorité du chef de service dans un contexte devenu franchement hostile. La dégradation publique et humiliante de M. A______ devant les troupes rassemblées en était assurément la plus remarquable démonstration.

Ce comportement devait être sanctionné avec la plus grande fermeté et les limites de l’action de l’État devaient être clairement rappelées à la ville par une annulation pure et simple de la décision querellée en application de l’art. 106 du statut.

26. Le 16 mars 2017, le juge délégué a informé les parties qu’il n’entendait pas joindre la présente procédure avec celle portant le no A/314/2017.

27. Par décision du 3 avril 2017, le CA a confirmé l’avertissement infligé le 8 novembre 2016 à M. A______.

28. Par acte du 4 mai 2017, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre de céans contre la décision du 3 avril 2017, concluant principalement à ce que la nullité de la décision soit constatée, subsidiairement, à l’annulation de la décision. Une procédure portant le numéro A/1611/2017 a été ouverte.

29. Dans ses observations du 17 mai 2017, la ville a conclu au rejet du recours.

Compte tenu des motifs développés dans la décision querellée, sa décision de licencier M. A______ était fondée.

Les communes disposaient d’un très large pouvoir d’appréciation dans la poursuite des relations contractuelles. La ville était largement fondée à considérer, au vu de l’ensemble des éléments recueillis au cours de l’enquête administrative, qu’elle disposait d’un juste motif de résiliation l’autorisant à dénoncer l’engagement de l’intéressé.

Contrairement au régime applicable au personnel de l’administration cantonale, le statut ne prévoyait aucune obligation à charge de l’employeur de rechercher un autre poste ou de proposer des mesures de reconversion en cas de licenciement fondé sur le manquement grave ou répété aux devoirs de service. Le statut ne prévoyait la mise en œuvre de telles mesures que dans l’hypothèse d’une suppression de poste, exclusivement. De plus, les actes reprochés à M. A______ étaient d’une telle gravité que si la ville avait dû le « reclasser », en dépit des nombreuses déficiences qui lui étaient reprochées, elle manquerait totalement de crédibilité auprès de son personnel.

Le congé n’était pas abusif. Les rapports de travail avaient été résiliés en raison de manquements graves et répétés de M. A______ ainsi que d’une inaptitude complète de celui-ci à exercer la fonction de chef de service. Compte tenu de ces éléments, il n’était raisonnablement pas possible d’exiger de la ville la poursuite des relations contractuelles.

Si la chambre administrative arrivait à la conclusion que le licenciement était abusif, force serait alors de constater que les éventuelles indemnités qui pourraient être dues à M. A______ devraient nécessairement être réduites au minimum, soit à trois mois de salaire. Il n’était en effet pas possible d’imputer une quelconque faute à la ville dans la mesure où le congé avait été donné en raison du comportement de M. A______, comme la ville l’avait longuement démontré. La responsabilité de ce dernier dans la résiliation du contrat de travail était importante. Si M. A______ avait eu une attitude plus conforme à ses obligations contractuelles, il aurait été maintenu à son poste. Enfin, M. A______ n’avait produit aucune pièce attestant d’éventuelles difficultés de réinsertion dans la vie économique et professionnelle.

Par ailleurs, dans la mesure où M. A______ se serait inscrit au chômage ou aurait bénéficié de prestations d’une institution de prévoyance, la ville ne pourrait s’exécuter qu’en mains de l’institution précitée, conformément à la subrogation légale en faveur de cette dernière.

30. Lors de l’audience de comparution personnelle qui s’est tenue le 2 novembre 2017, les parties ont exprimé leur accord pour suspendre la cause relative à l’action pécuniaire jusqu’à l’issue de la présente procédure.

M. A______ a exposé qu’il avait été sanctionné par l’assurance-chômage d’une suppression d’indemnités pendant deux mois, puis avait suivi des formations prises en charge par cette assurance. Il avait perçu les indemnités de chômage, soit 60 % de son salaire précédent, jusqu’à fin octobre 2017. Le 1er  novembre 2017, il était entré en fonction comme directeur de O______, diminuant ainsi son salaire de 15 ou 20 %.

Depuis son licenciement, il avait rencontré d’importantes difficultés médicales. Il allait mieux, mais poursuivait son traitement avec son médecin trois à quatre fois par mois. Il n’avait pas complétement recouvré son état de santé. Sa nouvelle fonction requérait un important effort.

31. Lors de l’audience de comparution personnelle et d’enquêtes du 19 mars 2018, plusieurs témoins ont été entendus.

- Madame P______, coach et formatrice d’adulte, a été entendue en qualité de témoin. Elle accompagnait les personnes en conflit dans les entreprises depuis dix-huit ans au moins.

Elle avait passé une journée avec M. A______ afin d’établir un bilan. Elle l’avait auparavant rencontré une première fois en mai 2014 dans le cadre d’une évaluation relative à un poste de directeur au Services industriels de Genève. Elle avait alors constaté qu’il ne se portait pas bien. Il était affaibli, épuisé et en souffrance psychologique par rapport à son travail. Elle avait souhaité le revoir le 26 mai 2014 pour discuter d’un éventuel accompagnement. L’employeur de M.  A______ avait donné une suite positive à cette demande.

Le 23 octobre 2014, elle avait participé à une réunion avec deux personnes des ressources humaines. Sa proposition de continuer le suivi de M. A______ avait été refusée. Les personnes des ressources humaines lui avaient expliqué qu’aucune aide n’était prévue lorsque la souffrance n’était pas liée à un problème d’alcool ou à un problème courant. La procédure ne répondait ainsi pas au besoin. Rien n’avait été proposé. Les ressources humaines avaient également motivé leur refus par ses tarifs estimés trop élevés. Elle avait gardé des contacts avec M. A______ avec lequel elle discutait deux fois par année.

Elle s’était basée sur le récit de ce dernier. Ce qu’il lui avait décrit lui avait paru banal, dans le sens où elle avait déjà pu observer ces situations dans d’autres contextes professionnels. La personne entrait en conflit dans ses valeurs avec celles d’autrui et se sentait à la longue atteinte dans son identité. Le fait de recevoir des injonctions contradictoires rendait également difficile la poursuite du travail en accord avec ses propres valeurs et celles de l’entreprise.

En principe, elle réussissait à instituer un dialogue entre l’employeur et l’employé et à rétablir une communication, mais cela n’avait pas été le cas pour M.  A______, pour lequel elle s’était vue opposer un non catégorique. Par conséquent, dans la mesure où une collaboration avec l’employeur n’avait pas été possible, elle avait travaillé avec M. A______ afin de voir avec lui ce qu’il pouvait faire de son côté pour éviter de se retrouver dans des situations de souffrance.

- Le Dr L______, dûment délié de son secret médical, a également été entendu en qualité de témoin.

Il était lié à la ville par un contrat de médecin-conseil pour les questions de psychiatrie. Il avait rédigé le certificat médical du 7 octobre 2016. Les questions posées se rapportaient à l’adéquation du traitement, à la durée de l’arrêt de travail, à la possibilité d’une reprise dans sa fonction, le cas échéant avec des limitations.

Il s’était fondé sur l’entretien qu’il avait eu avec M. A______, d’environ une heure, ainsi que sur le rapport du médecin traitant qu’il avait également appelé. Il avait été étonné de constater qu’après autant de mois d’absence de travail, ce n’était qu’en fin de droit que l’avis du médecin-conseil avait été sollicité ou que d’autres mesures permettant un éventuel retour au travail avaient été envisagées. Cela tranchait avec ce qui se faisait d’ordinaire.

Lorsqu’il parlait d’un retour au travail « hors contexte antérieur », il faisait référence au fait que M. A______ ne pouvait pas se retrouver à devoir entreprendre une réforme qui était jugée impopulaire ; une telle situation aurait été intenable. Selon l’expérience, tout corps étranger à un corps constitué était mal perçu, ce d’autant plus lorsque les réformes n’étaient pas agréées. Il faisait allusion au projet de fusion entre le SIS et le service des pompiers de l’aéroport. Il pensait que la situation professionnelle de M. A______ avait influencé de manière significative l’état de santé de celui-ci.

- M. A______ a précisé qu’il était à nouveau en arrêt de travail depuis le 28  février 2018 pour un mois au moins. La reprise avait probablement été trop rapide.

32. Lors de l’audience d’enquêtes du 26 mars 2018, Monsieur Q______, consultant, a été entendu en qualité de témoin.

En 2014, il avait effectué une mission d’accompagnement auprès du DEUS en vue de donner plus d’autonomie aux chefs de service. L’idée était que chacun d’eux gagne en leadership, mais aussi de les souder entre eux. Pendant une période de plusieurs mois, il les avait rencontrés ensemble. À la fin de sa mission, plusieurs personnes lui avaient fait part de leur satisfaction. Elles avaient retrouvé plus d’autonomie, comparable à celle qu’elles connaissaient dans leurs précédents emplois. Toutefois, la démarche n’avait pas abouti à une satisfaction totale. Pendant une certaine période, ces employés s’étaient trouvés à devoir exécuter des ordres avec des cautèles très étroites. À la fin de la mission, ces cautèles avaient été élargies, mais il était difficile de changer un modèle pratiqué pendant un certain temps sans s’en défaire totalement.

Sous la direction de Monsieur R______, les décisions étaient prises très rapidement au niveau de la direction du DEUS. Il appartenait ensuite à la direction du département de pallier les éventuelles défaillances. Au départ de Mme C______ qui avait travaillé avec M. R______, un changement s’était opéré et les chefs de service avaient retrouvé plus d’autonomie et de responsabilités. Cela avait réduit le stress des chefs de service.

Il avait rencontré M. A______ dans le cadre de sa mission. Ce dernier n’avait pas participé à tout, en raison d’un arrêt maladie. Il avait constaté une certaine souffrance chez ce dernier. Celui-ci donnait des exemples factuels de situations dans lesquelles il ne pouvait pas concrétiser ses idées. Il disait y être empêché en raison d’une impossibilité de mettre en œuvre des orientations stratégiques qui avaient été décidées. Cet empêchement était lié à une interférence du département dans ses visions stratégiques et au manque de légitimité qui en découlait. Les autres chefs de service arrivaient à réaliser leurs orientations stratégiques. Eux-mêmes encourageaient M. A______ a en faire de même.

M. E______ était à l’origine de cette réflexion et avait voulu un changement de mode de philosophie de management. Ce changement était également souhaité par le chef du département. Les réunions mensuelles bilatérales entre celui-ci et les chefs de services avaient été supprimées, l’idée étant que la référence devienne le chef de service et non plus directement le chef du département. L’enjeu était de renforcer la position du chef de service. Ce changement de paradigme était également de nature à renforcer M. A______ au sein de son service. Compte tenu de sa mission, il était important qu’il puisse disposer d’une autonomie et d’une aura de chef à l’égard de l’important service qu’il dirigeait, non seulement en ce qui concernait la mission qui lui était confiée, mais également au vu des développements futurs et d’une vision d’avenir.

M. M______ avait un style radicalement différent de celui de M.  R______. Il était moins structuré, ne voulait pas faire de management, mais souhaitait être l’interface avec la population et faire de la politique. M. R______ était capable de faire tant de la politique que du management. Il agissait très rapidement et rien ne se mettait au travers du rythme qu’il avait choisi de prendre. Il pouvait aussi s’impliquer dans l’opérationnel. Il y avait une complémentarité entre lui et Mme C______.

Lorsqu’il évoquait l’ingérence du chef du département, il pensait plutôt aux réactions qu’il pouvait avoir face à des situations particulières. D’autres chefs de service s’étaient plaints du manque de liberté, respectivement de retours négatifs qu’ils avaient reçus. Ces ingérences pouvaient également se manifester par une réaction disproportionnée par rapport à des erreurs bagatelles, ou des peccadilles, telles par exemple le mauvais alignement d’un paragraphe. L’efficience et l’efficacité du service public n’était pas vraiment compatible avec ce type de remarques. Au contraire, il fallait laisser une autonomie et la responsabilité qui allait avec au chef de service. Par exemple, les projets de lettres signées par le président du département, mais préparées par un chef de service, pouvaient faire quatre allers-retours pour un problème parfaitement banal. Ce système était inefficient et consommait un temps important, quand bien même il pouvait être légitime au regard du chef du département.

Il avait travaillé avec l’entreprise S______ pour obtenir un retour des chefs de service. Ces derniers avaient choisi les collaborateurs qui avaient participé à cette évaluation. L’ensemble des chefs de service y avait participé. Un des buts de l’évaluation était d’examiner s’il y avait un écart entre leur propre perception et celle des collaborateurs. Il n’y avait rien d’anormal, ni d’alarmant par rapport à M.  A______. Il n’y avait rien de notable, tant sur le plan positif que sur le plan négatif.

Il avait eu l’impression qu’il était presque trop tard pour modifier les choses par rapport à la souffrance de M. A______, qui s’était enfermé dans un système et n’arrivait pas à en sortir. Les autres chefs de services avaient quant à eux mieux su s’adapter aux changements.

33. Le 13 avril 2018, les parties ont informé la chambre administrative qu’elles ne sollicitaient pas d’acte d’instruction complémentaire.

34. Le 27 avril 2018, la cause a été gardée à juger.

35. Par arrêt de ce jour, la chambre administrative a rejeté le recours interjeté le 4 mai 2017 par M. A______ contre la décision du CA du 3 avril 2017.

Pour le surplus, il sera revenu ci-après sur les arguments et faits allégués par les parties, dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 104 du statut ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La chambre de céans a procédé à l’audition de plusieurs témoins, dont les déclarations ont été décrites plus haut, dans la partie « en fait ». Dans le délai imparti aux parties à l’issue de la dernière audience d’enquêtes, celles-ci ont renoncé à l’audition d’autres témoins. Aucun autre acte d’instruction ne sera donc ordonné, étant précisé que le dossier, qui comporte également les procès-verbaux des auditions effectuées par l’enquêteur que le recourant ne critique pas dans ses écritures, est en l’état d’être jugé.

3. Le litige porte sur la légalité de la décision de licenciement du 25 janvier 2017.

a. En tant qu’employé de la ville, le recourant est soumis au statut ainsi qu’au règlement d’application du statut du personnel de la Ville de Genève
(REGAP - LC 21 152.0), adopté le 14 octobre 2009 par le CA.

Le chapitre VI du statut énonce les devoirs du personnel. Parmi les devoirs généraux, les membres du personnel sont tenus au respect des intérêts de la ville et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 82 statut), doivent par leur attitude entretenir des relations dignes et respectueuses avec leurs collègues, leurs supérieures et supérieurs et leurs subordonnées et subordonnés et faciliter la collaboration entre ces personnes (art. 83 let. a statut), justifier et renforcer la considération et la confiance dont le personnel de la ville doit être l’objet (art.  83 let. c statut), remplir leurs devoirs de fonction consciencieusement et avec diligence ( art. 84 let. a), se conformer aux règlements et directives les concernant ainsi qu’aux instructions de leurs supérieures et supérieurs et en exécuter les ordres avec conscience et discernement (art. 84 let. f et g).

Aux termes de l’art. 93 al. 1 du statut, les membres du personnel qui violent leurs devoirs de service intentionnellement ou par négligence peuvent se voir infliger un avertissement ou un blâme ou la suppression de l’augmentation annuelle de traitement pour l’année à venir.

Selon l’art. 94 du statut, en tout état de cause, si la violation des devoirs de service le justifie, le changement d’affectation d’office au sens de l’art. 41 al. 4 ou le licenciement sont réservés.

b. L’art. 34 du statut fixe les conditions d’un licenciement pour motif objectivement fondé.

Aux termes de l’art. 34 al.1 du statut, après la période d’essai, un employé ou une employée peut être licenciée, par décision motivée du CA, pour motif objectivement fondé pour la fin d’un mois, moyennant un délai de préavis de trois mois durant les cinq premières années de service (a), quatre mois de la sixième à la dixième année de service (b), six mois dès la onzième année de service (c).

Selon l’art. 34 al. 2 du statut, le licenciement est contraire au droit s’il est abusif au sens de l’art. 336 CO ou s’il ne repose pas sur un motif objectivement fondé. Est considéré comme objectivement fondé tout motif dûment constaté démontrant que les rapports de service ne peuvent pas se poursuivre en raison soit de l’insuffisance des prestations (a), un manquement grave ou répété aux devoirs de service (b), l’inaptitude à remplir les exigences du poste (c), la suppression du poste sans qu’il soit possible d’affecter la personne concernée à un autre emploi correspondant à ses capacités et aptitudes professionnelles (d), l’échec définitif aux examens d’aptitude à l’exercice de sa profession (e).

c. L’art. 99 statut règle la procédure en cas de licenciement. Lorsqu’il s’avère qu’un membre du personnel est passible d’un licenciement au sens de l’art. 34 al. 2, lettre a à c, le CA ouvre une enquête administrative qu’il confie à une ou plusieurs personnes choisies au sein ou à l’extérieur de l’administration municipale au sens de l’art. 97 (al. 1).

Un licenciement ne peut être prononcé sans que la personne intéressée ait pu préalablement faire valoir ses observations sur les motifs avancés pour le justifier (al. 2).

d. Les communes disposent d’une grande liberté de décision dans la définition des modalités concernant les rapports de service qu’elles entretiennent avec leurs agents (arrêts du Tribunal fédéral 8C_78/2012 du 14 janvier 2013 consid. 6.1 ; 2P.46/2006 du 7 juin 2006 consid. 2.2 ; ATA/147/2018 du 20 février 2018 et les arrêts cités).

Ainsi, l’autorité communale doit bénéficier de la plus grande liberté d’appréciation pour fixer l’organisation de son administration et créer, modifier ou supprimer des relations de service nécessaires au bon fonctionnement de celles-ci, questions relevant très largement de l’opportunité et échappant par conséquent au contrôle de la chambre de céans (art. 61 al. 2 LPA). Ce pouvoir discrétionnaire ne signifie pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble, dès lors qu’elle ne peut ni renoncer à exercer ce pouvoir, ni faire abstraction des principes constitutionnels régissant le droit administratif, notamment la légalité, la bonne foi, l’égalité de traitement, la proportionnalité et l’interdiction de l’arbitraire. Il en découle que le juge doit contrôler que les dispositions prises se tiennent dans les limites du pouvoir d’appréciation de l’autorité communale et qu’elles apparaissent comme soutenables au regard des prestations et du comportement du fonctionnaire ainsi que des circonstances personnelles et des exigences du service (ATA/147/2018 précité et les arrêts cités).

Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 Cst., se compose des règles d’aptitude – exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; ATA/147/2018 du 20 février 2018 et les arrêts cités).

4. Il convient en premier lieu d’examiner le bienfondé des reproches adressés au recourant.

a. Il est, d’abord, reproché au recourant de ne pas avoir donné suite au courrier du 5 décembre 2013 de la direction du DEUS l’invitant à poursuivre le travail entrepris pour clarifier les procédures en lien avec la commande de fournitures et prestations. Il était précisé que le dépassement de CHF 162'000.- dans les comptes 2013 du SIS était dû au mode de commande de certains équipements, qui n’avait pas généré l’ordre d’engager le montant dans les comptes. Le manque de rigueur et de professionnalisme de l’un des subordonnés du recourant devait faire de la part de celui-ci l’objet « d’une mesure de recadrage ». Le recourant avait signé un engagement financier dépassant ses compétences. Le courrier relatif à cet engagement comportait une ambiguïté quant à son caractère de commande ; il appartenait néanmoins au recourant de vérifier la capacité financière de son service avant de le signer. Le recourant avait reconnu cette erreur. S’agissant d’un fait isolé, il ne donnerait pas lieu à une sanction.

Il ressort du dossier que le recourant a, par la suite, présenté des règles de gestion, mais aucune directive interne relative aux commandes de matériel et services par son service. Le recourant ne se prononce pas dans ses écritures sur ce grief. Il sera, partant, retenu que le reproche de ne pas avoir mené à terme les travaux de clarification des procédures de commande est fondé.

b. Il n’est pas contesté que le chef de l’unité ambulance du SIS a commandé des produits auprès d’une pharmacie dans laquelle il avait des intérêts financiers ni que le recourant a mis fin, avec effet immédiat, à cette pratique en décembre 2014. Il apparaît cependant, au regard des déclarations faites par M. G______ et Mme N______ à l’enquêteur que ces faits avaient été portés à la connaissance du recourant au printemps 2014. En septembre et octobre 2014, M. G______ avait rappelé ces faits au recourant, et lors d’une séance ayant eu lieu en octobre 2014, Mme N______ avait insisté pour savoir quelle suite avait été donnée à la problématique des commandes précitées. Le reproche d’avoir tardé à agir par rapport à une situation qu’il savait ne pas être admissible, puisqu’il y a mis fin en décembre 2014, est donc fondé.

À cet égard, il convient de relever qu’il n’appartient pas à la chambre de céans de se prononcer sur la décision du chef du département d’engager des frais – somptuaires selon le recourant – pour la création d’un insigne de corps ou pour payer un chasseur de tête, ni de déterminer si celui-ci aurait utilisé les moyens du SIS pour rendre un service privé à un député. L’existence et le bienfondé de ces décisions ne font pas l’objet de la présente procédure et ne présentent aucun lien avec celle-ci. Aucun élément ne vient d’ailleurs rendre vraisemblable que le recourant se serait opposé à ces décisions ni, a fortiori, qu’une éventuelle opposition de sa part à celles-ci serait à l’origine de son licenciement.

c. Le recourant ne conteste pas qu’il a, le 27 mars 2014 lors d’une séance de la commission interne du personnel du SIS, partiellement déchiré le nouvel organigramme du service, adopté peu avant. Il explique ce geste par le fait que ladite commission est un lieu où les intérêts divergents s’affrontent, qu’envoyé devant cette commission, il devait y défendre la position du magistrat en charge du département et que l’organigramme ne correspond pas au règlement d’organisation du SIS.

S’il est possible que les positions divergentes présentes au sein de la commission précitée puissent engendrer des relations tendues, il n’en demeure pas moins que le geste – que le recourant qualifie de théâtral – est de nature à décrédibiliser les options prises par la direction du département et de ceux qui ont validé ce document.

d. Le grief suivant adressé au recourant est celui d’avoir fait des déclarations à un journal sans avertir sa hiérarchie au préalable et sans respecter la directive départementale relative aux communications à l’extérieur du DEUS. Selon cette directive, les relations avec les médias sont du ressort du magistrat et du chargé de communication, qui décident ensemble qui répond aux sollicitations des médias.

Le recourant se réfère à un échange de courriels qu’il a eu avec M. E______ le 5 août 2014 au sujet d’un article à paraître dans le journal en question. Selon lui, il en ressortait le consentement de sa hiérarchie. Or, le reproche adressé au recourant ne concerne pas ses déclarations faites à la presse écrite en août 2014, mais celles publiées le 29 octobre 2014. À cet égard, il ne produit que son message électronique du même jour, dans lequel il se borne à se référer à son SMS de la veille et à la séance de la direction du DEUS et annexe l’article litigieux. Ces éléments ne permettent pas de retenir que le recourant aurait, au préalable, obtenu l’aval du magistrat ou du chargé de communication pour donner l’interview en question. En outre, le chef du département avait, dans un courriel du 16 août 2014 adressé au recourant, indiqué qu’il était convenu avec son homologue cantonal de ne plus s’exprimer publiquement sur le sujet. Le recourant savait donc pertinemment qu’il ne devait pas répondre aux sollicitations de journalistes sur ce sujet. Le reproche est donc fondé.

e. Dans un autre grief, il est reproché au recourant d’avoir indûment tenté d’intervenir dans le processus de recrutement du chef d’exploitation et de soutien au SIS.

Il ressort du dossier qu’alors qu’un mandataire externe, chargé de ce recrutement, avait émis sa recommandation d’engagement, le recourant l’avait appelé en lui demandant de reconsidérer son choix, avait fait part de ses doutes quant à la personne sélectionnée et demandé que le mandataire rencontre à nouveau la candidate qu’il souhaitait voir désignée. Le mandataire, après avoir revu cette candidate, n’avait pas changé d’avis. Selon ce mandataire, la démarche du recourant ne l’avait pas surpris ; il n’était pas inhabituel que l’on le contacte, et en tant que professionnel du recrutement, il attachait une certaine importance à dissiper d’éventuels doutes, de sorte qu’il avait volontiers répondu au recourant. Le regard porté par le mandataire sur l’intervention du recourant est donc plus nuancé que celui de l’intimée. Il convient encore de relever que, selon le mandataire, ce dernier avait été engagé alors que le recourant était en arrêt maladie. Le recourant n’avait ainsi pas pu participer à la mise en œuvre de ce mandataire. Dans ce contexte, l’intervention du recourant auprès du mandataire ne peut donc être qualifiée d’indue.

f. Le grief suivant concerne les rapports entretenus par le recourant avec la commission du personnel : il avait manqué de coopération et de dialogue, ce qui avait engendré une paralysie. Son attitude de confrontation et de manque de considération à l’égard des membres de cette commission avait conduit à ce que de nombreux dossiers s’étaient retrouvés en souffrance, à ce que le fonctionnement du service avait été entravé et l’ambiance de travail s’était péjorée.

Il ressort du dossier que les relations étaient particulièrement tendues entre le recourant et la présidente de la commission précitée. Lors de sa déposition devant l’enquêteur, cette dernière et M. E______ ont cependant relevé que le climat de travail pendant les rencontres avec la commission précitée était, en l’absence du recourant, plus propice aux discussions et à la compréhension mutuelle, quand bien même les avis pouvaient diverger. Selon la présidente de la commission, le mode de communication du recourant était basé sur la confrontation. Il avait fait montre d’une absence de volonté de faire avancer les projets et critiqué la direction. M. H______ a relevé que le recourant se montrait agressif à l’égard des représentants du personnel et que son comportement n’était pas toujours adéquat. Mme C______ a estimé que la tendance du recourant à compliquer des problématiques même simples diluaient les réponses dans le temps.

Au vu de ce qui précède, il sera retenu que le recourant n’a pas su instaurer et entretenir avec la commission du personnel la qualité de rapport que sa fonction exigeait. Il semble, au contraire, avoir contribué à la dégradation des rapports, alors que l’utilité de cette commission était précisément de permettre le dialogue afin de résoudre des difficultés dans la gestion du personnel. Le reproche est donc fondé en ce qui concerne le manque de dialogue et de coopération. Il n’est, en revanche, pas établi que cette attitude aurait entravé le fonctionnement du service.

g. Le dernier reproche adressé au recourant concerne sa capacité à diriger son service. L’intimée lui a reproché de ne plus organiser de séances de direction, de prendre des décisions sans concertation avec les autres membres de l’état-major, de ne pas avoir de stratégie interne ni de vision globale de son service, de ne plus se positionner depuis l’abandon du projet « convergences », de s’être montré réfractaire à tout changement dans le mode de fonctionnement de la direction du DEUS et d’avoir rencontré des difficultés de communication avec les autres membres de l’état-major.

Les évaluations périodiques des 29 mai 2012, 25 janvier 2013 et 29 septembre 2013 font état de la qualité du dialogue instauré par le recourant, de sa vision globale et stratégique, de sa capacité à se positionner et de sa disponibilité. Cette appréciation est appuyée par les courriels du commandant T______ du 30 mars 2012, de la directrice du département du 30 août 2012, de l’adjudant U______ du 19 décembre 2012.

Au cours de l’année 2014 cependant, les critiques adressées au recourant concernant sa manière de diriger le service ont commencé à se multiplier. Ses relations avec la commission du personnel sont devenues tendues et difficiles. Le commandant, le directeur adjoint et la présidente de la commission du personnel se sont ouvertement plaints auprès du chef du département du manque de suivi par le recourant des dossiers de candidatures pour les postes à repourvoir, de l’absence du recourant à certaines séances importantes et de l’inquiétude qui en résultait pour le personnel, qui était « en pleine crise ». Le commandant évoquait également le manque de réflexion globale du recourant, le climat conflictuel qui s’était installé, le fait que le recourant n’avait pas fait de point de situation avec ses suppléants à son retour d’une absence pour cause maladie et qu’il ne s’était pas concerté avec les autres membres de la direction avant d’annoncer sa volonté d’élaborer un nouvel organigramme.

Ces griefs sont également ressortis des auditions menées par l’enquêteur. En effet, la directrice a exposé qu’à l’automne 2014, elle s’était aperçue que la direction du SIS manquait de cohésion et de collégialité. Le recourant avait remis à la direction du département un organigramme sans en informer préalablement ses deux adjoints. De même, il avait soumis sa propre version du règlement d’organisation du SIS, alors que le magistrat de tutelle avait souhaité qu’un seul projet soit présenté conjointement par la direction du SIS et la commission du personnel. Le directeur adjoint a relevé que le recourant établissait des notes sans prendre position et pouvait se montrer passif. La confiance et les relations de travail s’étaient détériorées à partir de 2014. Seul M. G______, l’un des deux adjoints du recourant, avait entretenu de bonnes relations avec celui-ci. Selon celui-ci, les notes de ce dernier n’étaient toutefois souvent pas validées, car elles étaient touffues et complexes. Ces éléments se reflètent également dans l’entretien périodique du 19 mars 2015.

La difficulté du recourant à travailler en collaboration avec ses adjoints, à se positionner, à développer une stratégie interne, à communiquer ses positions de manière claire et à favoriser un climat de travail serein ont conduit à des tensions au sein du service et avec la direction ainsi que, comme déjà vu, avec la commission du personnel.

Ainsi, hormis le reproche de ne plus avoir organisé des séances de direction, qui n’est pas démontré, il sera retenu que les manquements concernant la manière de diriger le service sont établis.

5. Il convient, en outre, d’examiner si les manquements constatés constituent des violations des devoirs professionnels du recourant justifiant la décision de résiliation des rapports de service.

En ne menant pas à terme les travaux de clarification des procédures de commande, le recourant est contrevenu à son obligation de respecter les intérêts de la ville (art. 82 statut) et à remplir ses devoirs de fonction consciencieusement et avec diligence (art. 84 let. a statut). Il a également manqué à cette obligation en tardant à agir lorsqu’il a été porté à sa connaissance que des commandes étaient faites auprès d’une pharmacie avec qui un employé entretenait un lien d’intérêt. En commençant à déchirer l’organigramme du service lors d’une séance, le recourant a manqué à son devoir d’entretenir des relations dignes et respectueuses avec les autres employés de la ville et de faciliter la collaboration entre ces personnes (art. 83 let. a statut). En répondant aux questions d’un journaliste sans avoir obtenu au préalable l’aval de sa hiérarchie, le recourant a contrevenu à la directive relative aux communications à l’extérieur du DEUS et au souhait exprès du chef du département à cet égard ; ce faisant, il ne s’est pas conformé aux directives le concernant ainsi qu’aux instructions de son supérieur, contrairement à ce qu’exige de lui l’art. 84 let. f et g du statut, entamant ainsi la confiance placée en lui. En outre, le fait de ne pas avoir su instaurer et entretenir avec la commission du personnel la qualité de rapport que sa fonction exigeait constitue un manquement à son obligation d’adopter une attitude permettant de faciliter la collaboration avec celle-ci (art. 83 let. a statut). Enfin, le manque de concertation avec les autres membres de l’état-major, de stratégie interne et de vision globale du service n’était pas compatible avec la fonction de direction confiée au recourant.

Compte tenu de l’ensemble de ces manquements, la poursuite des rapports de service ne pouvait plus raisonnablement être envisagée. Compte tenu de la position hiérarchie occupée par le recourant, les fautes commises et l’attitude de celui-ci justifient de considérer ses prestations comme insuffisantes et de retenir que les manquements aux devoirs de service étaient suffisamment importants pour mettre un terme aux rapports de service.

6. Le recourant fait valoir que l’intimée aurait violé son devoir de protéger sa personnalité. Compte tenu de la pression qu’il subissait, du harcèlement dont il faisait l’objet de la part de sa hiérarchie et de la franche hostilité du nouveau magistrat ainsi que d’une partie de la base uniformée du SIS, toute avancée et amélioration de sa part étaient impossibles. Alors qu’il avait dénoncé cette situation à plusieurs reprises à la direction du DEUS et au département des ressources humaines, rien n’avait été entrepris. En l’absence de mesures prises pour protéger sa personnalité, la ville ne pouvait lui reprocher le fait que l’ambiance était devenue préjudiciable au travail, sans se voir reprocher un licenciement abusif.

a. Les membres du personnel de la ville ont droit à la protection de leur personnalité et l’employeur veille au respect effectif de ce droit, notamment en matière de harcèlement psychologique (art. 77 al. 1 et 2 du statut). Une directive générale relative à l’atteinte à la personnalité, harcèlement en Ville de Genève a été approuvée par le CA de la ville le 5 septembre 2012 (ci-après : la directive). Selon cette directive, le harcèlement psychologique est considéré comme une atteinte à la personnalité se rapportant à toute conduite abusive d’une ou plusieurs personnes qui vise à agresser ou à mettre en état d’infériorité un ou une membre du personnel, de manière constante et répétée (art. 3 de la directive).

b. Le mobbing, ou harcèlement psychologique, se définit comme un enchaînement de propos et/ou d'agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lequel un ou plusieurs individus cherchent à isoler, à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu de travail. La victime est souvent placée dans une situation où chaque acte pris individuellement, auquel un témoin a pu assister, peut éventuellement être considéré comme supportable, alors que l’ensemble des agissements constitue une déstabilisation de la personnalité poussée jusqu’à l’élimination professionnelle de la personne visée (arrêt du Tribunal fédéral 4D_22/2013 du 19 septembre 2013 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/728/2016 du 30 août 2016).

Il n'y a toutefois pas harcèlement psychologique du seul fait qu'un conflit existe dans les relations professionnelles, ni d’une mauvaise ambiance de travail, ni du fait qu’un membre du personnel serait invité – même de façon pressante, répétée, au besoin sous la menace de sanctions disciplinaires ou d’une procédure de licenciement – à se conformer à ses obligations résultant du rapport de travail, ou encore du fait qu’un supérieur hiérarchique n’aurait pas satisfait pleinement et toujours aux devoirs qui lui incombent à l’égard de ses collaborateurs. Il n’y a pas de mobbing non plus s’il existe des raisons objectives justifiant un certain comportement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1033 du 10 juin 2011 consid. 5.4).

Il résulte des particularités du harcèlement que ce dernier est généralement difficile à prouver, si bien qu'il faut savoir en admettre l'existence sur la base d'un faisceau d'indices convergents, mais aussi qu'il peut n'être qu'imaginaire, sinon même être allégué abusivement pour tenter de se protéger contre des remarques et des mesures pourtant justifiées (arrêt du Tribunal fédéral 2A.770/2006 du 26 avril 2007 consid 4.3 et 4C.343/2003 du 13 octobre 2004 consid. 3.1 ; ATA/1057/2015 du 6 octobre 2015 et les références citées). Enfin, dans la mesure où l’employeur doit se comporter conformément au principe de la bonne foi, il ne peut reprocher à l’employé à la personnalité duquel il a porté atteinte des prestations consécutives insuffisantes ; un tel procédé rend le congé abusif (ATF 132 III 115 consid. 2.2 ; 125 III 70 consid. et les arrêts cités).

c. Le dépôt d’une plainte en matière d’atteinte à la personnalité est réglé à l’art. 100 du statut. Les litiges concernant la protection de la personnalité, en particulier le harcèlement psychologique, qui n’ont pas pu être réglés au sein d’un service ou d’un département, peuvent faire l’objet d’une plainte auprès de la direction des ressources humaines. Pour le personnel de la direction des ressources humaines la plainte est déposée auprès de la direction générale. L’autorité qui reçoit la plainte prend toutes mesures propres à faire cesser l’atteinte, sans délai. Si l’atteinte persiste et sur demande de la personne plaignante, le CA, sur préavis de la direction des ressources humaines ou du directeur général ou la directrice générale de la Ville de Genève, ouvre immédiatement une enquête. La procédure d’enquête vise à établir l’existence ou non d’un cas d’atteinte à la personnalité et, le cas échéant, à proposer des mesures aptes à y remédier (al. 1 à 4).

d. En l’espèce, il ressort du dossier que lors de son engagement, il avait été laissé entendre au recourant qu’il pourrait être amené à diriger la nouvelle entité issue de la fusion prévue du SIS et du service de sécurité de l’aéroport (projet « convergences ».). Ce projet ayant été abandonné à la fin 2013, la déception du recourant avait été perceptible. Ensuite, la réorganisation du service avait impliqué de lui retirer, au début 2014, le titre de « commandant » pour le confier à M. H______, responsable de la conduite des opérations d’intervention. Faisant suite à cette décision, le recourant a lui-même établi le nouvel organigramme dans lequel le titre de commandant du SIS revenait à M. H______. Ce changement, formalisé par un nouveau cahier des charges le 1er février 2014, a cependant été vécu par l’intéressé comme une rétrogradation. En novembre 2014, il a d’ailleurs interpellé le magistrat de tutelle sur l’insécurité juridique qui résultait pour lui de cette situation, dès lors qu’il bénéficiait d’une prime réservée au personnel du SIS exerçant en uniforme, alors qu’il n’en portait pas, et que la nomination d’un responsable du SIS exerçant en civil ne figurait toujours pas dans le règlement d’organisation ; il évoquait également les mesures compensatoires qu’il avait proposées, notamment un changement de libellé de sa fonction, afin d’atténuer la possible perception de dégradation de chef de service. Il ressort par ailleurs du dossier qu’il n’était pas aisé pour le recourant de se faire reconnaître dans ses fonctions du fait qu’il n’exerçait pas en uniforme et que la décision de lui retirer la responsabilité des opérations de secours l’a affaibli dans son autorité à l’égard du personnel uniformé.

Le recourant a également eu de la peine, contrairement aux autres chefs de service du département, à s’adapter au changement de magistrat. À cet égard, il est, cependant, relevé que si la confiance du nouveau magistrat de tutelle du SIS a pu être ébranlée lorsque – comme exposé ci-avant – le recourant ne s’est pas conformé à l’instruction de celui-ci de ne pas répondre aux sollicitations de la presse, aucun indice ne permet de retenir que ledit magistrat aurait manifesté de l’hostilité à l’encontre du recourant. Le fait que le magistrat se soit, lors d’une séance avec la commission cantonale technique et financière, écarté de la présentation faite par le recourant, ne permet pas de retenir qu’il aurait ainsi cherché à humilier le recourant. Sur ce point, les versions des parties divergent, l’intimée exposant que le recourant se serait alors prononcé sur des questions d’ordre politique qui n’étaient pas de son ressort, alors que le recourant estime s’être référé à une note qu’il avait établie à l’intention du magistrat de tutelle du département. Or, aucun élément ne venant étayer ni l’une ni l’autre version, la chambre de céans ne saurait retenir comme établie l’une plutôt que l’autre version. En outre, le fait que le chef du département se soit adressé directement à un subordonné du recourant ne suffit pas à retenir une prévention du magistrat à l’encontre de ce dernier. Pour le surplus, le recourant a renoncé à l’issue de la dernière audience d’enquêtes à d’autres actes d’instruction, et aucun élément ni indice ne corroborant ses allégations relatives à une attitude hostile du magistrat à son encontre, la chambre de céans n’avait pas à investiguer davantage cet allégué.

Par ailleurs, il ne peut, contrairement à ce que soutient le recourant, pas non plus être retenu qu’il aurait été écarté progressivement des projets ou processus décisionnels : les procès-verbaux de séances font état de sa présence et ses éventuelles absences coïncident avec les absences pour cause de maladie subies dès la fin 2014.

La chambre de céans retient donc qu’il n’existait pas de conflit de personnes entre le recourant et d’autres membres du SIS, voire avec le chef du département, ni d’indices de harcèlement de la part de l’une de ces personnes ; aucun élément n’atteste d’un tel conflit ou d’un harcèlement. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner si le recourant aurait dû, voire pu saisir la direction des ressources humaines d’une plainte pour atteinte à la personnalité.

7. Se pose encore la question de savoir si au regard de la difficulté croissante que rencontrait le recourant à soigner le dialogue dans son service et avec la commission du personnel, à développer une stratégie et une vision pour son service ainsi que des signes de fatigue psychique observés par l’un de ses adjoints, la directrice et la responsable RH, l’intimée doit se voir reprocher, comme le soutient le recourant, un manque de réactivité découlant de ses obligations de protéger sa personnalité.

La responsable départementale RH a indiqué qu’à l’occasion du processus d’engagement du chef d’exploitation et de soutien, le recourant lui avait signalé qu’il n’allait pas bien. Elle ne l’avait pas questionné, ne souhaitant pas se trouver « en porte-à-faux » avec sa propre hiérarchie. Elle était au courant des tensions entre le recourant et le personnel du SIS. À la suite de la confidence précitée que lui avait faite le recourant, elle en avait néanmoins informé de manière informelle la directrice du département, mais ignorait quelle suite celle-ci y avait donnée. Cette dernière a indiqué que, face aux difficultés rencontrées par le recourant, elle lui avait proposé un coaching ; le recourant avait alors souhaité mandater Mme P______, qui oeuvrait au sein de V______Sàrl. Avec l’accord de la direction RH du département, le recourant a ensuite réalisé un bilan stratégique et professionnel. Le compte-rendu y relatif, daté du 29 août 2014, relève l’état d’épuisement psychique et physique du recourant. L’accompagnement proposé comportait six à dix séances de deux heures, qui devaient être associées à une ou deux séances avec la hiérarchie du recourant. Le but était de l’aider à « réagir à son environnement, de se protéger, de porter un autre regard sur sa situation personnelle et professionnelle et de [se] procurer l’énergie pour envisager la suite de sa carrière plus sereinement ». Lors de son audition par la chambre de céans, Mme P______ a indiqué qu’en octobre 2014, un debriefing avait eu lieu en présence de deux employés du service RH. Le recourant avait alors commencé à pouvoir mieux se protéger, mais « cela restait insuffisant ». La proposition de la coach de poursuivre son mandat avait été refusée. Celle-ci avait alors demandé ce qui pouvait encore se faire pour le recourant, mais rien n’avait été proposé. Selon elle, le recourant était entré en conflit avec ses propres valeurs ; elle avait recherché le dialogue avec l’intimée afin de « nommer les choses et rétablir le dialogue », mais s’était vue opposer un refus de celle-ci.

Par ailleurs, à la suite du changement de style de management, induit par l’arrivée du nouveau magistrat de tutelle du département, un consultant externe, M. Q______, a été mis en œuvre par le département, afin de renforcer la position des chefs de service. Cette mission d’accompagnement, qui s’est étendue sur plusieurs mois en 2014, a concerné l’ensemble des chefs de service, y compris le recourant. Le témoin Q______ a, toutefois, eu l’impression que ce dernier s’était « enfermé dans un système et n’arrivait pas à en sortir » ; pour ce témoin, l’aide qu’il apportait arrivait presque trop tard pour modifier les choses.

De l’avis du psychiatre du recourant, le syndrome d’épuisement professionnel avait évolué subrepticement depuis 2012. L’état dépressif d’intensité moyenne à sévère s’expliquait par la situation professionnelle du patient ; aucun élément anamnestique ou clinique autre ne pouvait expliquer ce diagnostic. Cet avis doit être apprécié avec retenue, compte tenu du lien thérapeutique unissant le médecin traitant à son patient. Le psychiatre médecin-conseil de l’intimée a d’ailleurs porté un regard plus nuancé sur les causes de l’état de santé psychique du recourant. Il a, certes, confirmé le diagnostic de dépression réactionnelle. Toutefois, à son avis, le recourant devait déjà avoir présenté des signes de dépression peu après sa prise de fonction. En outre, le médecin conseil a exposé, dans son attestation du 7 octobre 2016, que le recourant avait également rencontré des soucis d’ordre privé et était affecté par « une crise du milieu de la vie ». Tout en relevant qu’il avait une connaissance partielle du dossier, ce médecin a encore indiqué qu’il lui semblait que le recourant avait été traité différemment que les autres employés en arrêt maladie. Une reprise de travail « hors contexte antérieur » était envisageable dans les six à sept mois à venir. Lors de son audition par la chambre de céans, le médecin-conseil a précisé que ce qui l’avait surpris, c’était que son avis ne soit sollicité qu’en fin de droit. Par « travail hors contexte antérieur » il fallait comprendre que le recourant ne pouvait devoir se retrouver dans la même situation professionnelle que précédemment.

Au vu de ce qui précède, il n’apparaît pas que les difficultés de santé rencontrées par le recourant trouvent leur origine dans sa relation professionnelle avec l’intimée. Il ne peut non plus être reproché à celle-ci d’être restée totalement inactive lorsque le mal-être du recourant a été porté à sa connaissance. La ville a, en effet, proposé un coaching au recourant et pris en charge les frais de celui-ci, jusqu’en octobre 2014. Par ailleurs, lors de l’absence de longue durée d’un collaborateur du SIS, le service RH du département a requis et obtenu le soutien d’une personne venant en appui au SIS. Enfin, le recourant ne conteste pas avoir été reçu le 16 mars 2015 par une psychologue de l’entité psychologique du travail.

Cela étant et comme évoqué ci-dessus, le recourant avait vu ses perspectives et responsabilités professionnelles progressivement réduites, et la décision, qui a pris effet le 1er février 2014, de lui retirer le titre de commandant l’a encore affaibli dans son autorité et sa légitimité, notamment à l’égard du personnel uniformé. Toutefois, aucune mesure compensatoire n’a été prévue à la suite de cette réorganisation. La réponse donnée le 28 novembre 2014 par le magistrat de tutelle au courrier du recourant du 7 novembre 2014 l’interrogeant sur son statut administratif est restée vague, indiquant que les questions soulevées par le recourant seraient examinées courant septembre 2015 ; il convenait d’attendre le traitement de la réorganisation du SIS par la direction RH, par la commission d’évaluation et le CA. Or, en modifiant le cahier des charges du recourant le 1er février 2014 sans accompagner cette modification d’une mesure compensatoire et en laissant perdurer l’incertitude liée à son statut pendant plusieurs mois, voire plus d’une année, l’intimée a manqué d’égards à l’encontre du recourant. Ce manque d’égards était susceptible de porter atteinte à sa personnalité. En effet, le retrait du titre de commandant sans mesure compensatoire pouvait influer sur la perception par les subordonnés de sa fonction et de sa reconnaissance au sein du département, étant relevé qu’en tant que responsable n’exerçant pas en uniforme, sa légitimé était déjà mise à mal. S’il ne peut être retenu, comme exposé ci-avant, que l’état dépressif du recourant trouve son origine dans son vécu professionnel – des difficultés personnelles et une « crise du milieu de la vie » ayant concurremment été évoquées par le médecin-conseil –, il n’en demeure pas moins que le retrait du titre de commandant et l’absence d’une perspective, dans un délai raisonnable, de compensation de ce retrait étaient de nature à affecter son état de santé psychique. Si la mise en place d’une mesure compensatoire nécessitait un peu de temps, la communication de fin novembre 2014 indiquant qu’une telle mesure ne serait pas discutée avant le mois de septembre suivant n’était plus compatible avec les égards dus par l’intimée à son employé.

Une partie des manquements commis par le recourant ont eu lieu avant, voire peu après l’établissement de son nouveau cahier des charges en février 2014. Il ne peut donc être retenu que ceux-ci seraient en lien avec l’attitude de la ville, qui a tardé à clarifier le nouveau statut du recourant. En revanche, l’intéressé est resté ensuite de nombreux mois dans l’attente d’une proposition de clarification de son statut, attente finalement déçue par le courrier du magistrat de tutelle du 28 novembre 2014. Cette incertitude, qui s’est installée dans la durée, était de nature non seulement à le déstabiliser, mais aussi à laisser planer un doute auprès de ses subordonnés sur la reconnaissance dont il jouissait au sein du département. Ainsi, en tardant à clarifier le statut administratif du recourant, dont elle n’ignorait au demeurant pas qu’il traversait une période difficile, puis en ne lui offrant pas une perspective de clarification dans un délai raisonnable, la ville doit se voir reprocher d’avoir, par l’atteinte ainsi portée à la personnalité de son employé, contribué à rendre difficile pour le recourant d’exercer ses fonctions de manière satisfaisante.

Elle porte ainsi une part de responsabilité dans la dégradation des prestations du recourant, qui a conduit à son licenciement. Cette dégradation s’est notamment manifestée dans la difficulté croissante du recourant à maintenir un esprit de collaboration et d’échange au sein de son service, dans la péjoration de ses relations avec la commission du personnel et dans son incapacité à pouvoir développer une vision globale et une stratégie interne pour son service. Cette dégradation s’est progressivement installée et accentuée au cours de l’année 2014. Dès lors que l’attitude passive de l’intimée a porté atteinte à la personnalité du recourant, elle ne peut, de bonne foi, reprocher les prestations consécutives insuffisantes au recourant ; ce faisant, le congé prononcé se révèle contraire au droit.

8. Il reste à déterminer les conséquences du caractère abusif du congé.

a. Aux termes de l’art. 105 du statut, si la chambre administrative retient qu’un licenciement est contraire au droit, elle peut proposer au CA la réintégration de la personne intéressée. D’un commun accord, les parties peuvent convenir d’un transfert de la personne intéressée dans un poste similaire (al. 1). En cas de refus du CA, la chambre administrative alloue à la personne intéressée une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à trois mois et supérieur à vingt-quatre mois du dernier traitement brut (al. 2).

En lieu et place de la réintégration, la personne intéressée peut demander le versement d’une indemnité. La chambre administrative alloue à la personne intéressée une indemnité dont le montant se calcule comme suit : en cas de licenciement immédiat sans juste motif, l’indemnité s’élève au montant que la personne intéressée aurait gagné si les rapports de service avaient pris fin à l’échéance du délai de congé ou de la durée déterminée fixée dans le contrat, sous imputation des revenus que la personne intéressée a réalisés pendant cette période ou auxquels elle a intentionnellement renoncé ; s’y ajoute un montant supplémentaire qui ne peut être inférieur à trois mois et supérieur à douze mois du dernier traitement brut (al. 3 let. a), dans les autres cas, y compris en cas de licenciement abusif, l’indemnité s’élève à un montant qui ne peut être inférieure à trois mois et supérieur à douze mois du dernier traitement brut (al. 3 let. b).

En dérogation avec l’art. 105 du statut, lorsque le licenciement contraire au droit est également abusif au sens de l’art. 336 du Code des obligations (CO) ou des articles 3 ou 10 de la loi sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg) ou sans juste motif au sens de l’art. 30, la chambre administrative annule le licenciement et ordonne la réintégration de la personne intéressée (art. 106 statut).

b. L’indemnité visée à l’art. 105 du statut doit être fixée à la lumière de la jurisprudence dégagée pour l’application de l’art. 31 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05 ; ATA/449/2016 du 31 mai 2016 consid. 14 et les arrêts cités).

Conformément à cette jurisprudence, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce et de les apprécier sans donner une portée automatiquement prépondérante à certains aspects, comme le fait d’avoir, ou non, retrouvé un emploi en cours de procédure (ATA/347/2016 du 26 avril 2016 consid. 11b ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_472/2014 du 3 septembre 2015 consid. 11.2 ; 8C_421/2014 du 17 août 2015 consid. 3.4.2).

Dans un cas de licenciement formellement vicié, mais matériellement fondé, la chambre administrative a alloué deux mois d’indemnité. L’intéressée avait commis de graves manquements. Le refus de l’employeur de la réintégrer était justifié. L’intéressée avait travaillé pour l’autorité intimée pendant un peu plus de deux ans, était âgée de presque 50 ans et n’avait pas retrouvé de travail (ATA/871/2014 du 11 novembre 2014).

Dans un cas où le licenciement immédiat était justifié, mais formellement vicié, où les rapports de service avaient duré dix-sept ans et l'intéressée, demeurée au chômage depuis son licenciement, était âgée de 55 ans, l'indemnité a été arrêtée à quatre mois du dernier traitement brut (ATA/86/2017 du 20 février 2018). L’indemnité a été fixée à six mois du dernier traitement brut pour un employé dont les rapports de service avaient duré cinq ans, qui était demeuré au chômage après son licenciement, dont la confirmation de nomination avait à tort été omise, qui avait d’excellents antécédents, était âgé de 55 ans au moment du licenciement et dans un contexte où l’employeur portait une importante responsabilité dans la péjoration des conditions de travail et, par voie de conséquence, de la qualité du travail (ATA/273/2015 du 17 mars 2015).

c. En l’espèce, l’intimée a clairement indiqué son opposition à une réintégration si le licenciement était considéré comme contraire au droit et/ou abusif. Il ressort également des écritures de l’intimée et plus largement de la procédure que le lien de confiance est définitivement rompu, ce qui rendrait toute proposition de réintégration illusoire. En outre, le médecin-conseil de l’intimée a considéré qu’une reprise de travail dans le même contexte n’était pas envisageable. Cette option n’entre donc pas en ligne de compte, étant précisé que le recourant a retrouvé un emploi à compter du 1er novembre 2017 et qu’il a indiqué être à nouveau en arrêt de travail depuis le 28 février 2018. Par ailleurs, le statut ne prévoyant pas d’obligation de reclasser un employé en cas de licenciement, contrairement à ce que semble soutenir le recourant, il n’y a pas lieu non plus à un reclassement.

Il convient ainsi de fixer l’indemnité due au recourant. À cet égard, il y a lieu de tenir compte des manquements du recourant survenus en 2013 ainsi que pendant la première partie de 2014, à savoir le fait de ne s’être assuré que soit adoptée une directive interne relative aux commandes de matériel et de services par son service, d’avoir tardé à agir lorsqu’il a appris qu’un ambulancier commandait du matériel auprès d’une société dans laquelle il avait des intérêts financiers, d’avoir partiellement déchiré l’organigramme du service lors d’une séance avec la commission du personnel et d’avoir indûment répondu à un journaliste. Il sied toutefois également de retenir que l’atteinte portée à sa personnalité a contribué à la diminution progressive des compétences du recourant à développer une vision globale et une stratégie interne pour son service et à favoriser un climat de travail serein et emprunt d’échanges et de collaboration. Au moment de son licenciement, le recourant était âgé de 57 ans, soit un âge où il est notoirement plus difficile de retrouver un emploi. Il avait été engagé le 1er juin 2011 ; son emploi auprès de l’intimée a donc duré six ans. Sa période de chômage s’est étendue de juin à fin octobre 2017, et il a indiqué sans être contredit que son nouvel emploi avait induit une diminution de salaire de 15 % à 20 %. En outre, bien que ses problèmes de santé ne soient pas dus à l’atteinte portée à sa personnalité, cette dernière l’a affecté, comme l’ont relevé le médecin-conseil psychiatre et le médecin traitant du recourant.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’indemnité pour licenciement abusif due au recourant sera fixée à quatre mois de son dernier traitement brut comprenant le treizième salaire au prorata du nombre de mois fixés, à l’exclusion de toute autre rémunération, l’indemnité n’étant pas soumise à la déduction des cotisations sociales (ATA/148/2018 du 20 février 2018 consid. 9 ; ATA/449/2016 précité consid. 15 ; ATA/153/2016 du 23 février 2016). Conformément à l’art. 104 CO, ce montant porte intérêts à 5% dès le prononcé du présent arrêt (ATF 130 III 591 consid. 3.1), comme le requiert le recourant.

Le recours sera donc admis dans cette mesure.

9. Aucun émolument ne sera mis à la charge de l’intimée, bien qu’elle succombe en partie (art. 87 al. 1 2ème phr. LPA). En revanche, un émolument – réduit – de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui n'obtient que partiellement gain de cause (art. 87 al. 1 1ère phr. LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge de l’intimée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 février 2017 par Monsieur A______ contre la décision de la Ville de Genève du 25 janvier 2017 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

constate que la décision de la Ville de Genève du 25 janvier 2017 est contraire au droit ;

constate que la réintégration de Monsieur A______ n’est pas possible ;

dit que la Ville de Genève doit verser à Monsieur A______ une indemnité fixée à quatre mois de son dernier traitement brut, comprenant le treizième salaire au prorata du nombre de mois fixés, à l’exclusion de tout autre élément de rémunération, l’indemnité n’étant pas soumise aux déductions des cotisations sociales, ce montant porte intérêt à 5 % dès ce jour ;

l’y condamne en tant que besoin ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 500.- ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de Ville de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yvan Jeanneret, avocat du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Mme Junod, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, M. Pagan, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

K. De Lucia

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :