Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3579/2023

ATA/146/2025 du 04.02.2025 sur JTAPI/658/2024 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3579/2023-ICCIFD ATA/146/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 février 2025

4ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2024 (JTAPI/658/2024)


EN FAIT

A. a. A______, née en 1950, ressortissante chinoise et suissesse, à la suite de sa naturalisation en février 2019, et B______, né en 1951 et ressortissant chinois, sont mariés et domiciliés dans le canton de Genève depuis plusieurs années. À titre de « profession exercée », ils indiquent « retraite de l’ONU ».

b. Dans leurs déclarations fiscales de 2018 à 2021, dont le contenu sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit, ils ont déclaré posséder quatre immeubles, deux dans le canton de Genève et deux en Chine. Selon les attestations du contribuable jointes auxdites déclarations, ils avaient acheté le bien immobilier, dans lequel ils vivaient, en 2016 pour leur fils, majeur, parti à l’étranger en 2017, mais assumaient le paiement des prêts hypothécaires y afférents. La mère du contribuable, âgée de 90 ans en 2019, habitait dans l’un de leurs immeubles sis en Chine (« C______ Road »), tandis que le loyer de l’autre immeuble chinois (« D______ Road ») – dont les montants figuraient dans les attestations susmentionnées du contribuable (CNY 108'000.-, équivalent à environ CHF 15'972.- en 2018, à CHF 15'015.- en 2019, à CHF 14'688.- en 2020 et à CHF 15'313.- en 2021) – était destiné entièrement « à la pension alimentaire » de cette parente sans revenu et disposant de l’aide d’une femme de ménage, engagée à plein temps, en raison de son état de santé.

B. a. Le 10 mai 2023, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a émis les bordereaux et avis de taxation relatifs à l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et aux impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) de 2018 à 2021, notifiés aux contribuables.

Ils n’étaient pas inscrits comme propriétaires du bien immobilier dans lequel ils habitaient. Pour les immeubles situés dans les pays ne connaissant pas la notion de valeur locative, celle-ci était calculée à 4,5% net du capital estimé moins l’abattement pour occupation continue ; s’agissant d’un forfait, les charges et les frais d’entretien n’étaient pas déductibles.

b. À la suite de leur réclamation du 5 juin 2023, les contribuables ont été informés, par courriers recommandés des 17 août et 5 septembre 2023, que les taxations précitées seraient modifiées en leur défaveur en lien avec l’immeuble sis en Chine et loué à une tierce personne (« D______ Road »). Il figurerait dans la partie louée avec la mention du loyer annuel obtenu qui était de CNY 108'000.-, à savoir CHF 15'978.- pour 2018 (taux 14.7953), CHF 15'536.- (taux 14.385558) pour 2019, CHF 14'688.- (taux 13.600173) pour 2020 et CHF 13'563.- pour 2021. L’utilisation faite du montant perçu n’avait pas d’impact sur son imposition. Comme les biens immobiliers étaient loués, l’abattement de 8% du capital pour occupation continue serait supprimé.

L’AFC jouissait des mêmes compétences dans la procédure de réclamation que dans celle de taxation. Elle pouvait ainsi déterminer à nouveau tous les éléments de l’impôt et, après avoir entendu le contribuable, également modifier la taxation à son désavantage, comme le lui permettaient les dispositions légales topiques citées.

c. Après avoir reçu les observations des contribuables des 3 et 22 septembre 2023, l’AFC a, par décisions du 4 octobre 2023, partiellement admis leur réclamation et rectifié, en leur défaveur, les taxations ICC et IFD de 2018 à 2021 au sujet du bien immobilier sis en Chine et loué à un tiers (« D______ Road »), comme cela leur avait été annoncé dans les courriers susmentionnés. Des bordereaux et avis de taxation rectificatifs ont été émis le 4 octobre 2023 concernant ces périodes.

Au sujet de leurs interrogations sur la fluctuation de leurs impositions, ils avaient, pendant plusieurs années, bénéficié du statut de fonctionnaire international, à l’origine de l’exonération de leurs revenus d’activité lucrative, mais ce statut ne leur était plus applicable depuis leur retraite. La charge de famille pour la mère du contribuable était admise. Les déductions, telles que les charges de famille, pouvaient être augmentées selon la période fiscale. En cas de question sur les chiffres retenus dans leurs bordereaux d’imposition et annexes y relatives, ils pouvaient s’adresser à l’autorité fiscale.

Les taxations litigieuses ICC étaient maintenues concernant l’autre immeuble qu’ils possédaient en Chine (« C______ Road »), habité par la mère du contribuable. Comme il n’était pas en location, il était considéré à leur disposition, de sorte que la valeur locative devait être calculée. Sur ce point, pour les biens immobiliers se situant dans les pays ne connaissant pas la notion de valeur locative, celle-ci était calculée à 4,5% net du capital estimé, moins l’abattement pour occupation continue. Comme il s’agissait d’un forfait, les charges et frais d’entretien n’étaient pas déductibles. Les estimations fiscales de leurs biens immobiliers situés en Chine n’avaient pas été modifiées et étaient conformes à leurs déclarations.

Par ailleurs, les immeubles situés en Chine devaient être pris en compte en Suisse pour calculer leur taux d’impôt, qui était celui qui serait applicable au revenu total ou à la fortune totale du contribuable, pour les personnes qui n’étaient imposables dans le canton que sur une partie de leur revenu ou fortune, en application de l’art. 6 al. 1 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) ou de l’art. 7 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11).

d. Par jugement du 24 juin 2024, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) a rejeté le recours contre les décisions sur réclamation précitées.

Les déclarations fiscales 2018 à 2021 étaient « manifestement » incomplètes, car elles n’indiquaient pas les montants exacts des revenus et de la fortune imposables, compte tenu des frais élevés d’un immeuble dont ils n’étaient pas propriétaires, si bien que l’AFC était tenue de les corriger afin d’établir des taxations exactes. Elle ne pouvait le faire que partiellement par les bordereaux du 10 mai 2023, puisqu'elle elle ne connaissait alors pas encore le montant exact du loyer de l’immeuble locatif en Chine. En effet, les contribuables avaient mentionné un loyer de seulement CHF 1'331.- pour les années 2018 et 2019, et un loyer nul pour 2020 et 2021, alors qu’ils avaient encaissé un loyer de CNY 108'000.- chaque année, comme indiqué dans leur réclamation du 5 juin 2023. Ainsi, tant leurs déclarations fiscales que les bordereaux initiaux étaient manifestement incomplets, ce qui expliquait la modification de ces derniers après leur réclamation.

Au vu du dossier, l’AFC n’avait émis aucune taxation provisoire pour l’ICC, de sorte qu’elle n’était pas tenue de respecter le délai d’un an prévu à l’art. 38 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17), étant rappelé que la LIFD ne prévoyait pas un tel délai. Par ailleurs, les bordereaux de taxation (ordinaire) du 10 mai 2023 avaient été établis avant l’échéance du délai de prescription quinquennal fixé par les dispositions topiques, étant précisé que le délai d’un an de l’art. 38 LPFisc ne s’appliquait pas à ces bordereaux.

Eu égard aux art. 42 et 43 al. 1 LPFisc et art. 134 et 135 al. 1 LIFD, l’AFC était exempte de tout reproche concernant la rectification des bordereaux initiaux des contribuables compte tenu des éléments nouveaux imposables indiqués par les recourants, qu’elle avait émis après les avoir entendus. Elle leur avait également expliqué les raisons de la variation d’une année à l’autre de la fortune, des revenus et de la déduction pour charge de famille.

La violation alléguée de la Convention entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République populaire de Chine en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune du 25 septembre 2013 (CDI-CHN - RS 0.672.924.91) était écartée. Selon les annexes aux bordereaux rectificatifs du 4 octobre 2023, l’AFC avait pris en compte les valeurs des deux immeubles sis en Chine uniquement pour fixer le taux d’imposition des éléments imposables en Suisse, ce qui était conforme à l’art. 24 § 2 let. a CDI-CHN. S’il en résultait une double imposition indirecte, comme le soutenaient les contribuables, elle était alors voulue par les deux pays signataires de ladite convention. Les calculs comparatifs présentés par les contribuables n’étaient pas déterminants.

Les prétendues variations des valeurs retenues pour ces deux immeubles résultaient des valeurs fiscales déclarées par les contribuables, soit CHF 71'736.- (CHF 43'042.- après abattement) pour l’immeuble occupé et CHF 225'453.- pour l’immeuble loué. La valeur locative de l’immeuble occupé n’avait pas varié entre les bordereaux du 10 mai 2023 et ceux du 4 octobre 2023 et avait été calculée conformément au droit. En effet, pour les immeubles situés dans des pays ne connaissant pas le principe de la valeur locative, comme en l’espèce, la méthode forfaitaire de calcul de cette valeur (4,5% de la valeur fiscale) était conforme au droit fédéral et au principe de l’égalité de traitement, étant précisé qu’il ne s’agissait pas d’un « impôt foncier » comme le pensaient les contribuables, mais d’un revenu imposable (art. 21 al. 1 let. b LIFD, art. 24 al. 1 let. b LIPP). Enfin, le montant du loyer de l’immeuble (locatif) chinois avait certes varié d’une année à l’autre, mais uniquement en raison de la variation du taux de change entre les monnaies suisse (CHF) et chinoise (CNY), étant rappelé qu’il correspondait à celui déclaré par les contribuables au stade de la réclamation. L’affectation de ce loyer à l’entretien de la mère du contribuable ne justifiait pas son exonération de l’impôt, puisque cela relevait de l’utilisation du revenu, mais uniquement l’octroi d’une déduction sociale, dont le montant était fixé par la loi. Ainsi, les contribuables ne pouvaient pas se prévaloir simultanément de la non-imposition de ce revenu et de la déduction de celui-ci à titre de charge de famille.

Le montant de cette déduction sociale en IFD (CHF 6'500.-) était identique dans les quatre bordereaux IFD, conformément à l’art. 35 al. 1 let. b LIFD alors en vigueur. En ICC, la variation du montant de cette déduction résultait de la loi (art. 39 al. 1 let. a LIPP cum art. 12 RCEPF) prévoyant une déduction de CHF 9'980.- pour les années 2018 à 2020 et de CHF 13'000.- pour 2021. Les bordereaux litigieux étaient ainsi conformes au droit.

Les autres reproches et critiques des recourants paraissaient manifestement inconciliables avec les impératifs d’une administration de masse que représentait l'AFC-GE qui les avait, de surcroît, invités à s’adresser à elle en cas de besoin d’informations complémentaires. Ils auraient également pu consulter un mandataire qualifié en la matière. Enfin, la conclusion tendant à l’octroi d’une indemnité de CHF 5'000.- pour la perte de temps, la pression subie, des erreurs de calculs répétées et des rappels erronés était rejetée. Aucune loi fiscale ne prévoyait la possibilité d’indemniser les contribuables pour les démarches entreprises dans le cadre de procédures de taxation et de réclamation. Par ailleurs, les bordereaux litigieux étaient conformes au droit.

C. a. Par acte expédié le 29 juillet 2024, A______ et B______ ont recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation.

Ils invoquaient une mauvaise constatation des faits en lien, d’une part, avec la détermination du propriétaire imposable pour l’immeuble où ils habitaient compte tenu des modalités susmentionnées de son achat et, d’autre part, avec le montant des loyers provenant de l’immeuble chinois loué. Ils avaient clairement indiqué ces montants dans la rubrique « observations » prévue dans le logiciel de la déclaration pour 2018 à 2021 et n’avaient ainsi ni dissimulé ni modifié aucun élément dans leurs déclarations et observations, contrairement à ce qui ressortait du jugement querellé.

Ils se plaignaient de la manière dont avaient été traitées les questions concernant les grandes fluctuations de l’impôt qu’ils avaient soulevées devant l’AFC, la demande d’indemnité de CHF 5'000.- pour les inconvénients qu’ils avaient subis et les envois erronés de rappel de paiement des impôts litigieux. Cela justifiait une indemnisation pour « préjudice moral », sous peine de rendre le recours à la justice « inefficace ».

Ils ne comprenaient pas pourquoi la règle d’un an pour la modification des bordereaux provisoires ICC était énoncée dans les notifications fiscales mais pas celles relatives aux délais de cinq et quinze ans, ce qui n’avait été expliqué ni dans le jugement litigieux ni dans les décisions attaquées. Ils contestaient la pratique de l’AFC proposant aux contribuables de se rendre à son guichet pour obtenir des explications complémentaires et se plaignaient d’avoir été invités, dans le jugement querellé, à consulter un mandataire spécialisé, ce qu’ils considéraient fastidieux et décourageant.

Considérant que les principes d’égalité et de non-discrimination au sens de l’art. 25 CDI-CHN prévalaient sur toutes les autres règles de cette convention, ils estimaient subir une double imposition, contrairement aux avis de l’AFC et du TAPI, au motif que les calculs comparatifs qu’ils avaient produits démontraient clairement la « différence flagrante entre les taux d’imposition appliqués avant et après l’intégration des immeubles [sis en Chine] ». Ils se plaignaient aussi du fait que les résidents de Chine étaient traités différemment des résidents de Suisse qui étaient plus lourdement imposés, soulignant au surplus l’existence de procédure d’accord à l’amiable entre autorités dans ladite convention. Celle-ci devait être respectée.

b. L’AFC a conclu au rejet du recours ainsi qu’à la confirmation de ses décisions et du jugement querellé, en renvoyant à ses déterminations devant le TAPI.

c. Les contribuables n’ont pas émis d’observations complémentaires.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 60 al. 1 et 2 et 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 LPFisc).

2.             Conformément à la jurisprudence constante de la chambre administrative (ATA/1461/2024 du 12 décembre 2024 consid. 4.1.1 et les arrêts cités), l’objet du litige est circonscrit par les décisions litigieuses, à savoir in casu les taxations ICC et IFD des années 2018 à 2021, dans la mesure de leur contestation portée devant la chambre administrative à la suite des décisions sur opposition et du jugement querellé, précités. Dès lors, les arguments liés aux rappels en paiement d’impôts sont exorbitants à la présente procédure et ne seront pas traités.

3.             Pour les mêmes raisons, le grief lié à l’octroi d’une indemnité de CHF 5'000.- est irrecevable. La prétention en responsabilité invoquée par les recourants en raison d’un « préjudice moral » a, à raison, été écartée par le TAPI faute de fondement légal spécial, étant au surplus précisé qu’une éventuelle action en responsabilité contre les membres du personnel de l’AFC relève de la compétence du Tribunal de première instance (art. 7 al. 1 de la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes du 24 février 1989 - LREC - A 2 40), et non de la chambre de céans.

4.             Compte tenu des arguments susmentionnés des recourants, il convient d’abord de rappeler le cadre légal suivant.

4.1 Selon l'art. 65 al. 1 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. En outre, il doit contenir l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d'irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA). Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant, pourvu que la chambre administrative et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/88/2025 du 21 janvier 2025 consid. 2.1 ; ATA/533/2016 du 21 juin 2016 consid. 2b ; ATA/29/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2b).

4.2 En vertu de l’art. 61 al. 1 LPA, le recours devant la chambre administrative peut être formé : pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a) ; pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b), à l’exclusion de l’opportunité sous une réserve non déterminante en l’espèce (art. 61 al. 2 LPA).

4.3 Le droit d’être entendu au sens de l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) implique pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de sa portée et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; 143 III 65 consid. 5.2). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 83 consid. 4. 1). Elle ne doit pas se prononcer sur tous les arguments (arrêt du Tribunal fédéral 2C_286/2022 du 6 octobre 2022 consid. 6.3 et les arrêts cités). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_586/2021 du 20 avril 2022 consid. 2.1).

4.4 En cas de réclamation, l’autorité de taxation, l’AFC et l’administration fédérale des contributions jouissent des mêmes compétences dans la procédure de réclamation que dans celle de taxation (art. 134 al. 1 LIFD ; art. 42 al. 1 LPFisc). Aucune suite n’est donnée au retrait de la réclamation s’il apparaît, au vu des circonstances, que la taxation est inexacte (art. 134 al. 2 LIFD ; art. 42 al. 2 LPFisc). L’autorité de taxation prend, après enquête, une décision sur la réclamation. Elle peut déterminer à nouveau tous les éléments de l’impôt et, après avoir entendu le contribuable, modifier la taxation même au désavantage de ce dernier (art. 135 al. 1 LIFD ; art. 43 al. 1 LPFisc).

4.5 Vu l’application – non contestée – de la CDI-CHN, il y a lieu de rappeler que par « résident d’un État contractant », cette convention fait référence à « toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l’impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, (…) », à l’exclusion des personnes « qui ne sont assujetties à l’impôt dans cet État que pour les revenus de sources situées dans cet État ou pour la fortune qui y est située » (art. 4 § 1 CDI-CHN). Depuis la fin de leur statut de fonctionnaire international, les contribuables, domiciliés dans le canton de Genève, sont assujettis de manière illimitée en Suisse, dans ce canton (art. 3 al. 1 et 6 al. 1 LIFD ; art. 2 al. 1 et 5 al. 1 LIPP), ce qu’ils ne contestent à juste titre pas.

Les revenus qu’un résident d’un État contractant tire de biens immobiliers situés dans l’autre État contractant, sont imposables dans cet autre État (art. 6 § 1 CDI‑CHN). La fortune constituée par des biens immobiliers visés à l’art. 6, que possède un résident d’un État contractant et qui sont situés dans l’autre État contractant, est imposable dans cet autre État (art. 22 § 1 CDI-CHN). L’art. 24 de cette convention règle l’élimination des doubles impositions, en distinguant l’approche de la Chine (§ 1) et celle de la Suisse (§ 2).

Selon l’art. 24 § 1 let. a CDI-CH, en ce qui concerne la Chine, la double imposition est évitée ainsi : « lorsqu’un résident de Chine reçoit des revenus de Suisse, le montant de l’impôt payé sur ces revenus en Suisse conformément aux dispositions de la présente Convention est imputable sur l’impôt chinois perçu auprès de ce résident » (phr. 1). En revanche, l’art. 24 § 2 let. a CDI-CH prévoit qu’en ce qui concerne la Suisse, la double imposition est évitée ainsi : « lorsqu’un résident de Suisse reçoit des revenus ou possède de la fortune qui, conformément aux dispositions de la Convention, sont imposables en Chine, la Suisse exempte de l’impôt ces revenus ou cette fortune, sous réserve des dispositions de la lettre b, mais peut, pour calculer le montant de l’impôt sur le reste des revenus ou de la fortune de ce résident, appliquer le même taux que si les revenus ou la fortune en question n’avaient pas été exemptés » (phr. 1). La let. b précitée relative aux dividendes, intérêts et redevances, n’est pas déterminante en l’espèce.

En vertu de l’art. 25 § 1 CDI-CHN, les « nationaux d’un État contractant ne sont soumis dans l’autre État contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celles auxquelles sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre État qui se trouvent dans la même situation, notamment au regard de la résidence » (phr. 1).

4.6 En droit suisse, le taux de l’impôt, que ce soit sur les revenus nets (art. 25 et 36 LIFD, art. 11 LHID, art. 28 et 41 LIPP) ou sur la fortune nette (art. 13 LHID, art. 56 et 59 LIPP), se distingue des éléments pris en compte dans l’assiette fiscale, soit les éléments de revenus ou de fortune imposables en Suisse selon les normes topiques (art. 16 ss LIFD, art. 7ss et 13 ss LHID, art. 17 ss et 46 ss LIPP). Ainsi, en droit fiscal suisse, le rendement de la fortune immobilière, notamment les revenus issus de la location, est un revenu imposable (art. 21 al. 1 let. a LIFD, art. 7 al. 1 phr. 1 LHID, art. 24 al. 1 let. a LIPP). Il en va de même de la valeur locative des immeubles dont le contribuable se réserve l’usage en raison de son droit de propriété (art. 21 al. 1 let. b LIFD ; art. 24 al. 1 let. b LIPP ; art. 7 al. 1 phr. 1 LHID qui se réfère à l’habitation du contribuable dans son propre immeuble).

Les déductions fiscales prévues dans la loi, telles que celles prises in casu en compte par l’AFC (art. 35 al. 1 let. b LIFD, art. 39 al. 1 let. a LIPP), sont défalquées du total des revenus imposables respectivement de la fortune imposable pour aboutir au montant net soumis à l’imposition (art. 25 ss LIFD ; art. 9 ss LHID ; art. 28 ss et 56 ss LIPP).

5.             En l’espèce, les recourants se plaignent d’une mauvaise constatation des faits sur deux éléments. D’une part, quoiqu’ils en pensent, ils ne contestent pas ne pas être inscrits au registre foncier comme propriétaires de l’immeuble dans lequel ils habitent. Le fait d’assumer les charges financières y relatives n’y change rien. Ainsi, en ne prenant pas en compte cet immeuble dans leur taxation, l’AFC n’a pas violé la loi.

D’autre part, il convient de reconnaître avec les recourants qu’ils avaient annoncé, dans les observations jointes à leurs déclarations fiscales de 2018 à 2021, le revenu annuel tiré de l’immeuble qu’ils louaient en Chine, soit CNY 108'000.-, en indiquant l’estimation correspondante en CHF pour ces quatre années fiscales. Cela étant, il est aussi vrai, comme le relèvent l’AFC et le TAPI, que ces montants ne figuraient pas dans leurs déclarations fiscales. Comme le souligne le jugement querellé, ces dernières ne mentionnaient qu’un loyer de CHF 1'331.- pour les années 2018 et 2019. Quoiqu’il en soit, et comme l’ont expliqué les autorités précédentes, l’AFC peut, dans le cadre de la procédure de réclamation initiée par les contribuables, déterminer à nouveau tous les éléments de l’impôt et, après les avoir entendus, modifier la taxation à leur désavantage, ce qui en termes juridiques constitue une reformatio in pejus comme l’indique l’AFC dans ses déterminations devant le TAPI. Dans ces circonstances, le fait d’avoir annoncé lesdits loyers de l’immeuble locatif chinois dans les observations annexées aux déclarations fiscales, sans les reporter dans ces dernières, n’a pas d’incidence sur l’issue du présent litige, eu égard aux art. 134 al. 1 et 135 al. 1 LIFD et 42 al. 1 et 43 al. 1 LPFisc, étant au surplus précisé qu’aucune amende n’a été infligée aux contribuables pour ce motif.

Dès lors, ces griefs sont écartés.

6.             Dans leur argumentation concernant l’application de la CDI-CHN, qu’ils ne contestent pas, les contribuables observent une différence d’imposition selon que leurs immeubles sis en Chine sont pris en compte ou non dans le taux d’imposition. Ce faisant, un tel constat ne constitue pas une violation de ladite convention, ni d’ailleurs du principe de non-discrimination ancré à l’art. 25 CDI-CHN. En effet, tous les contribuables résidant en Suisse, quelle que soit leur nationalité, sont soumis aux normes fiscales précitées concernant les revenus tirés de leurs biens immobiliers, que ce soient sous forme de loyers provenant de tiers ou de la valeur locative liée à l’immeuble dont ils sont propriétaires et qu’ils occupent, tel que celui où habite la mère du contribuable en Chine. Par ailleurs, les approches, chinoise et suisse, pour éviter la double imposition ne sont pas pareilles, comme cela ressort expressément de l’art. 24 § 1 let. a et § 2 let. a CDI-CHN, exposé plus haut. Dès lors, dans la mesure où l’AFC a in casu pris uniquement en compte les revenus des biens immobiliers chinois appartenant aux contribuables pour fixer leur taux d’imposition sur les éléments imposables en Suisse, sans les inclure dans l’assiette fiscale, elle n’a pas violé la CDI-CHN ni le principe de non-discrimination précité. Le grief tiré d’une prétendue violation de cette convention est donc rejeté.

7.             Quant aux autres arguments invoqués par les recourants, liés aux fluctuations de l’impôt et aux indications figurant dans leurs bordereaux, notamment celle liée au délai d’un an en cas de taxation provisoire, ils ont été dûment traités par le TAPI ainsi que, s’agissant du premier, par l’AFC. Le fait pour les contribuables de se plaindre de la motivation de ces autorités, pourtant dûment exposée, ne suffit pas en soi à constituer un motif de recours au sens des art. 65 al. 1 et 61 al. 1 LPA, en l’absence d’une argumentation de leur part tendant à démontrer la violation d’une règle ou principe juridique, voire l’omission d’un élément factuel décisif. Tel n’étant pas le cas ici, ces arguments ne peuvent qu’être écartés.

Il en va de même de la critique au sujet de l’invitation des autorités précédentes à se rendre au guichet de l’AFC, ou à consulter un spécialiste, étant précisé que leur seule intention était de leur fournir respectivement veiller à ce que les contribuables puissent mieux comprendre leur position, en complément des décisions sur réclamation litigieuses et du jugement querellé.

Partant, le recours des contribuables doit être rejeté.

8.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge solidaire des recourants et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette le recours interjeté le 29 juillet 2024 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 juin 2024 ;

met un émolument de CHF 700.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :