Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/135/2025 du 04.02.2025 ( PATIEN ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3501/2024-PATIEN ATA/135/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 4 février 2025 |
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Romain JORDAN, avocat
contre
COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS intimée
A. a. A______ était la propriétaire du chat Noa.
b. Le 3 mai 2023, elle a déposé auprès de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission) une plainte contre le Dr B______, vétérinaire exerçant au sein de la clinique C______ SA, route de D______ ______b au E______.
Son chat Noa s’était vu diagnostiquer, à la clinique F______ à Saint-Genis-Pouilly en France, un carcinome de la glande salivaire sans présence de métastases à distance.
Elle avait décidé de le confier au Dr B______, spécialiste en chirurgie oncologique.
L’opération avait eu lieu le 1er juillet 2022. Noa s’était vite remis et avait retrouvé l’usage de la langue. Le Dr B______ l’avait appelée le 7 juillet 2022 pour lui annoncer que les résultats histologiques des tissus prélevés étaient excellents, lui confirmant qu’aucun traitement adjuvant n’était nécessaire. Il ne lui avait jamais parlé d’un risque de récidive.
Un nouveau rapport d’analyse du 7 juillet 2022 du laboratoire G______ à Hünenberg (Zoug) avait conclu à un risque de récidive, de la même manière que le rapport établi le 28 juin 2022 par le laboratoire d’anatomie pathologique du Sud-Ouest pour F______. À fin juillet 2022, la clinique H______ de Hünenberg, spécialisée en imagerie oncologique animale, avait recommandé une radiothérapie.
Noa avait recommencé à tousser et à avoir des difficultés à avaler durant la deuxième semaine d’août 2022. Sa fille l’avait amené chez le Dr B______ le 19 août 2022 pour une consultation. Celui-ci avait suspecté une inflammation de l’œsophage en lien avec la sonde. Il avait prescrit un anti-inflammatoire et un stimulant de l’appétit. Il n’avait jamais transmis les résultats de la prise de sang.
Le 26 août 2022, elle avait amené Noa, dont l’état ne s’améliorait pas, au cabinet du Dr B______. Ce dernier avait maintenu son diagnostic pour ainsi dire sans l’examiner et avait prescrit un antibiotique.
Le 16 septembre 2022, la clinique F______ avait constaté une masse dans la trachée et avait immédiatement transmis les résultats au Dr B______. Par retour de courriel, celui-ci avait maintenu son diagnostic initial, soit une sévère inflammation de l’œsophage, et recommandé la prescription de stéroïdes. Si le traitement n’était pas suivi d’effets, une biopsie pouvait être pratiquée pour exclure l’extension du carcinome.
Quinze jours plus tard, F______ avait réalisé un scanner. H______ avait alors conclu que Noa souffrait d’un cancer à un stade avancé.
Une radiothérapie avait été tentée mais l’état du chat s’était dégradé et il avait dû être euthanasiée le 27 octobre 2022.
Elle avait demandé à deux reprises des explications au Dr B______ mais celui-ci n’avait répondu que le 31 janvier 2023.
Le Dr B______ avait omis de mentionner suffisamment le risque de récidive tout au long de la prise en charge. Il avait exclu le recours à des thérapies supplémentaires. Il avait omis de pratiquer un examen clinique complet de suivi malgré les risques connus. Il avait fait un bilan sanguin le 19 août 2022 sans en communiquer les résultats et sans proposer ni pratiquer d’imagerie. Il avait conseillé le recours aux stéroïdes après avoir appris l’existence d’une masse dans la trachée. Il avait ainsi manqué à ses devoirs de vétérinaire.
c. Le 28 juillet 2023, la commission a informé A______ de l’ouverture d’une procédure et l’a interpellée sur sa qualité de partie.
d. Le 2 août 2023, A______ a indiqué que la voie de la plainte était également ouverte dans les affaires vétérinaires, que le détenteur de l’animal, chargé d’en prendre soin, était habilité à déposer une plainte et qu’il avait partant la qualité de partie.
e. Le 11 août 2023, la commission a indiqué à A______ que l’attribution du statut de dénonciateur au propriétaire d’un animal avait été confirmé par la jurisprudence.
Elle n’entendait pas lui reconnaître la qualité de partie à la procédure.
f. Le 15 août 2023, A______ a contesté que la jurisprudence ait pu trancher la question de la qualité de partie du propriétaire d’animal.
g. Le 17 août 2023, la commission a confirmé à A______ qu’elle n’entendait pas lui attribuer la qualité de partie.
h. Le 5 septembre 2023, A______ a réitéré sa demande d’être admise comme partie et invité la commission à statuer par une décision administrative sujette à recours.
i. Le 28 septembre 2023, la commission l’a informée que la demande serait soumise à sa prochaine séance plénière le 5 octobre 2023.
j. Par décision incidente du 10 octobre 2023, la commission a confirmé le statut de dénonciatrice d’A______.
k. Saisie d’un recours, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a annulé cette décision et a renvoyé la cause à la commission par arrêt ATA/612/2024 du 21 mai 2024, au motif que la composition de la commission qui avait prononcé la décision ne comprenait pas le vétérinaire cantonal, ce qui était contraire à la loi.
l. Par décision incidente du 8 octobre 2024, la commission a confirmé le statut de dénonciatrice d’A______.
Le statut du propriétaire d’un animal n’était pas expressément réglé par la loi. La jurisprudence le considérait néanmoins comme un dénonciateur. Il n’y avait pas lieu de lui accorder des droits plus étendus que le représentant thérapeutique ou légal d’un patient décédé.
B. a. Par acte remis à la poste le 21 octobre 2024, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que sa qualité de partie soit constatée. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée à la commission pour nouvelle décision.
La décision violait l’art. 9 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03). Le détenteur de l’animal avait le droit d’être informé de manière claire et appropriée sur les traitements et interventions possibles, leurs bienfaits et leurs risques éventuels. L’animal n’était pas une chose mais pas pour autant une personne. Le régime des choses lui demeurait applicable par défaut. Le détenteur de l’animal était ainsi titulaire des droits du patient et la qualité de partie devait lui être reconnue.
b. Le 4 novembre 2024, la commission s’en est rapportée à justice quant à sa recevabilité et a conclu au rejet du recours.
c. Le 11 décembre 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions.
La décision attaquée était finale, ce que la chambre administrative devait constater.
Le détenteur de l’animal avait les mêmes droits que le patient. Il pouvait être poursuivi en cas de mauvais traitements contre l’animal mais ne pourrait poursuivre le vétérinaire pour les mêmes motifs. La société des vétérinaires suisses prévoyait que le propriétaire forme la partie plaignante à la procédure de plainte de la clientèle. Un refus de lui reconnaître la qualité de partie reviendrait à vider de leur contenu les droits conférés aux patients et par analogie aux détenteurs d’animaux.
Si l’animal était reconnu comme le patient, son propriétaire devrait être considéré comme la personne habilitée à décider des soins en son nom.
La jurisprudence excluant la qualité de partie aux proches d’une personne décédée au motif que les droits de cette dernière sont strictement personnels et intransmissibles ne pouvait être transposée aux animaux, qui n’était pas encore considérés comme des personnes juridiques.
En toute hypothèse, le détenteur était la seule personne habilitée à décider des soins pour son animal.
d. Le 26 décembre 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05).
Il n’est pas douteux que la décision attaquée qui refuse à la recourante la qualité de partie devant la commission, est une décision incidente qui cause à cette dernière un préjudice irréparable (art. 57 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
Le recours contre une décision incidente doit être formé dans un délai de dix jours dès sa réception (art. 62 al. 1 let. b LPA).
L’intimée ne soutient pas que le recours aurait été déposé hors délai. Elle indique sur le courrier d’accompagnement que la décision attaquée est notifiée par recommandé mais ne fournit aucune information permettant de connaître la date à laquelle la décision a été reçue. Cela étant, la décision porte la date du 8 octobre 2024. Si elle a été reçue le lendemain, 9 octobre 2024, le délai de dix jours a commencé à courir le 10 octobre 2024 et a expiré le 19 octobre 2024, soit un samedi, de sorte que le recours a été déposé en temps utile le lundi 21 octobre 2024 (art. 17 al. 3 LPA).
2. L’objet du litige consiste à déterminer si la recourante doit se voir reconnaître la qualité de partie devant la commission.
2.1 Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), hypothèse non réalisée en l’espèce.
2.2 Le 1er septembre 2007 est entrée en vigueur la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd - RS 811.11). Certains des articles de cette loi ont fait l’objet d’une modification entrée en vigueur le 1er janvier 2018, le 1er février 2020, ainsi que le 1er janvier 2022.
La LPMéd, dans le but de promouvoir la santé publique, encourage la qualité de la formation universitaire, de la formation postgrade, de la formation continue et de l’exercice des professions dans les domaines de la médecine humaine, de la médecine dentaire, de la chiropratique, de la pharmacie et de la médecine vétérinaire (art. 1 al. 1). Dans ce but, elle établit notamment les règles régissant l’exercice des professions médicales universitaires sous propre responsabilité professionnelle (art. 1 al. 3 let. e).
Chaque canton désigne une autorité chargée de la surveillance des personnes exerçant, sur son territoire, une profession médicale universitaire sous leur propre responsabilité professionnelle (art. 41 al. 1 LPMéd). L’art. 43 LPMéd prévoit les sanctions disciplinaires pouvant être prononcées en cas de violation des devoirs professionnels. La LPMéd ne dit rien de la position du patient, de son représentant ou de ses proches.
2.3 L’art. 125B de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03) confie à la commission la compétence de traiter des plaintes et des dénonciations résultant d’une infraction à la LS ou à ses dispositions d’exécution dans les cas où l’infraction a été commise dans le cadre de soins prodigués à une personne déterminée par un professionnel de la santé ou une institution de santé. La procédure est dans tous les cas réglée par la LComPS - K 3 03 (al. 1). Cette disposition s’applique par analogie aux affaires vétérinaires (al. 3). Les sanctions et les autorités compétentes pour les prononcer sont définies aux art. 127 s. LS.
2.4 Selon l’art. 8 LComPS, la commission peut se saisir d'office ou être saisie par le dépôt d’une plainte émanant du patient concerné. Cette plainte peut également émaner de son représentant thérapeutique au sens de la LS ou de son représentant légal soit la personne habilitée à décider des soins en son nom (al. 1). La commission peut également être saisie par une dénonciation du département, des professionnels de la santé, des institutions de la santé, d'autres autorités ou de particuliers (al. 2).
L’art. 15 LComPS prévoit que le bureau de la commission peut classer les dénonciations manifestement mal fondées, ainsi que celles dont l'objet ne peut être déterminé ou se situe hors du champ de compétences de la commission de surveillance. Il en informe le dénonciateur par simple avis. Il détermine s'il y a lieu d'informer les personnes mises en cause de la dénonciation et de son classement.
Lorsqu’une instruction a été ouverte et une décision prise par la commission, l’art. 21 LComPS prévoit que les parties reçoivent notification de la décision (al. 1). Le dénonciateur est informé de manière appropriée du traitement de sa dénonciation par la commission de surveillance. Il est tenu compte, à cet égard, de tous les intérêts publics et privés en présence, notamment, s'il y a lieu, du secret médical protégeant des tiers (al. 3).
Selon l’art. 22 al. 2 LComPS, le plaignant, au sens de l’art. 8 al. 1 LComPS, ne peut pas recourir contre les sanctions administratives prononcées par la commission.
2.5 S’agissant de la qualité de partie devant la commission, selon l’art. 9 LComPS, le patient qui saisit la commission de surveillance, la personne habilitée à décider des soins en son nom, le professionnel de la santé ou l'institution de santé mis en cause ont la qualité de partie.
A contrario, le dénonciateur n'a pas cette qualité (ATA/840/2019 du 30 avril 2019 consid. 3f ; ATA/59/2018 du 23 janvier 2018 consid. 4a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 496 n. 1442 ; MCG 2003‑2004/XI 5733 ss ; ATA/662/2014 du 22 août 2014 consid. 8 et les références citées).
2.6 S’agissant de la notion de patient, la jurisprudence de la chambre de céans et, avant elle, du Tribunal administratif, a admis qu'un patient, au sens de l'art. 9 LComPS, était une personne qui entretenait ou avait entretenu une relation thérapeutique avec un professionnel de la santé dont l'activité est régie par cette loi (ATA/662/2014 précité consid. 10 et les références citées).
Le droit de plainte reconnu au patient, ainsi que sa qualité de partie à la procédure par-devant la commission trouvent leur fondement dans le fait que la législation sur la santé confère des droits au patient. La procédure devant la commission a en effet pour objet de permettre aux patients de s’assurer que leurs droits ont été respectés conformément à l’art. 1 al. 2 LComPS.
Dans la mesure où ils encadrent l’exercice d’une activité médicale susceptible de porter atteinte à l’intégrité corporelle (Nicolas JEANDIN, Commentaire romand, Code civil I, 2010, n. 62 ad art. 28 CC), les droits du patient font parties des droits de la personnalité au sens de l’art. 28 CC (Walter FELLMANN, in Ariane AYER/Ueli KIESER/Thomas POLEDNA/Dominique SPRUMONT, Loi sur les professions médicales [LPMéd], Commentaire, 2009, art. 40 n. 100). Strictement personnels, les droits de la personnalité sont par essence intransmissibles. Ils ne passent pas aux héritiers (Nicolas JEANDIN, Commentaire romand, Code civil I, 2010, n. 16 et 18 ad art. 28 CC ; Paul-Henri STEINAUER, Le droit des successions, 2006, p. 100).
Dans un précédent de 2013, un patient avait déposé plainte auprès de la commission avant son décès. Il n'avait pas désigné de représentant thérapeutique ni de personne habilitée à décider des soins en son nom. La chambre de céans a retenu qu’en déposant plainte et en concluant à ce qu’il soit constaté que la loi avait été violée à son préjudice, le patient décédé avait exercé ses droits de patient. Il avait fait usage d’une prérogative qui était la sienne car il était titulaire de ces droits. Toutefois, ses droits s'étaient éteints avec son décès. Ils n'avaient pas été transmis à ses héritiers, s’agissant de droits strictement personnels et intransmissibles. En conséquence, sa veuve ne pouvait pas prétendre lui succéder dans la procédure engagée devant la commission. Elle ne pouvait pas non plus, sur le plan procédural, invoquer qu’elle lui avait succédé en tant qu’il avait la qualité de partie à la procédure devant la commission. Si le législateur, par rapport à l'art. 9 LComPS, avait entendu conférer la qualité de partie aux héritiers du patient décédé, il aurait dans le même temps dû prévoir que tout ou partie des droits du patient seraient dévolus à ses proches en cas de décès, ce qui n'était pas le cas (ATA/527/2013 du 27 août 2013 consid. 6).
Ce raisonnement a été confirmé en 2016. Les droits de deux patients décédés, qui avaient déposé plainte auprès de la commission avant leur décès, étaient des droits strictement personnels et intransmissibles, de sorte qu'ils n'avaient pas été transmis à leurs héritiers. Ces derniers n’avaient en outre pas, à teneur du dossier, été désignés comme représentants thérapeutiques ou personnes habilitées à décider des soins en leur nom. Ainsi, leurs héritiers ne pouvaient pas prétendre leur succéder dans la procédure. Ils n'avaient pas la qualité de partie (ATA/474/2016 du 7 juin 2016 consid. 2j).
Plus récemment, la chambre de céans a jugé que les parents d’une jeune femme majeure qui était décédée n’avaient pas la qualité de partie. La défunte n’avait pas désigné de représentants thérapeutiques. Même à considérer qu’elle n’aurait plus été capable de discernement au moment d’être hospitalisée, l'art. 48 LS lu avec les art. 8 et 9 LComPS présupposait que le patient soit vivant, dans la mesure où il était question dans cette disposition de « recevoir des soins médicaux ». Or, cette situation n'était envisageable que du vivant du patient. Par conséquent et pour autant qu'il y ait eu une représentation thérapeutique des parents à l'égard de leur fille compte tenu de l'éventuelle incapacité de discernement de celle-ci, ce pouvoir de représentation avait pris fin au moment de son décès. (ATA/1075/2019 du 25 juin 2019 consid. 5).
Le Tribunal fédéral a jugé que cette interprétation de l’art. 9 LComPS n’avait rien d’arbitraire. La disposition octroyait la qualité de partie au « patient » ou à la « personne habilitée à décider des soins en son nom ». Il était soutenable de retenir que la formulation conditionnait la qualité de partie à la procédure non contentieuse à ce que le patient soit en vie. Si le législateur avait voulu, au décès du patient, conférer la qualité de partie à certaines personnes, dont les héritiers, il l'aurait spécifié dans la disposition en cause. De plus, étaient a priori en cause les « droits des patients ». Juger, en dépit de leur indétermination, que ceux-ci étaient des droits strictement personnels et intransmissibles ne pouvait pas non plus être qualifié d'arbitraire. Dans le même ordre d’idées, le mari et le fils d'une patiente décédée d'un cancer n'étaient pas habilitées à recourir contre un classement de leur dénonciation par la commission, faute d’avoir la qualité de partie à la procédure. Ils ne pouvaient notamment recourir par la voie du recours de droit public (alors en vigueur), faute de pouvoir se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé. Le prononcé d'une sanction disciplinaire tendait en effet uniquement à la sauvegarde de l'intérêt public, à l'exclusion de l'intérêt privé du dénonciateur (arrêt du Tribunal fédéral 2P.167/2001 du 5 février 2002 consid. 1.1). Il pouvait paraître difficilement compréhensible pour des parents qui avaient perdu un enfant qu'un patient ou son représentant puisse porter plainte et obtenir la qualité de partie à l'encontre d'un médecin qui aurait par hypothèse commis une erreur professionnelle ayant entraîné des lésions corporelles et que dans le cas le plus grave, à savoir le décès du patient, cette possibilité disparaisse. Toutefois, l'application du droit cantonal aboutissant à cette conclusion ne pouvait être qualifiée d'arbitraire. Cette approche n'était pas contradictoire avec la reconnaissance du droit des proches à l'accès au dossier médical d'un patient décédé. Un tel décès pouvait induire, outre une procédure disciplinaire, des procédures pénale, civile ou en responsabilité, dans lesquelles les parents du défunt avaient potentiellement la qualité de partie (arrêt du Tribunal fédéral 2C/675/2019 du 4 février 2020 consid. 2.5).
2.7 Dans un précédent de 2015 concernant la médecine vétérinaire, la chambre de céans a jugé que le droit d’être informé reconnu par l’art. 45 LS – soit le droit pour le patient d’être informé de manière claire et appropriée sur (a) son état de santé, (b) les traitements et interventions possibles, leurs bienfaits et leurs risques éventuels et (c) les moyens de prévention des maladies et de conservation de la santé (al. 1), y compris par écrit (al. 2) – appartenait en médecine vétérinaire au détenteur de l’animal (ATA/587/2015 du 9 juin consid. 5b). Cependant, dans cette affaire, qui concernait une sanction disciplinaire prononcée contre le vétérinaire, les propriétaires de l’animal, qui avaient saisi la commission après le décès de celui-ci, avaient la qualité de dénonciateurs devant la commission et n’avaient pas la qualité de partie devant la chambre de céans, sans que cela soit litigieux.
2.8 Dans un cas récent, la propriétaire d’une chienne qui avait saisi la commission d’une plainte contre une vétérinaire pour des violations des règles de l’art dans le cadre d’une opération s’est vu reconnaître la qualité de partie dans la procédure devant la chambre de céans ouverte à la suite du recours formé par la vétérinaire contre la sanction prononcée par la commission. Il ne ressort pas de la procédure que l’animal était décédé au moment du dépôt de la plainte ni du prononcé de la sanction, et la commission avait initialement informé la propriétaire qu’elle examinait sa « plainte » (ATA/347/2023 du 4 avril 2023).
2.9 Enfin, pour mémoire, les milieux de protection des animaux, et plus particulièrement la Protection suisse des animaux, ont déposé en 2006 une initiative populaire fédérale rédigée de type constitutionnel, intitulée « Contre les mauvais traitements envers les animaux et pour une meilleure protection juridique de ces derniers (initiative pour l’institution d’un avocat de la protection des animaux) » (FF 2006 1041 ; Message du Conseil fédéral, FF 2008 3883 ss). Cette initiative, qui a été rejetée en votation populaire le 7 mars 2010 (FF 2010 2397), ne concernait cependant que la procédure pénale.
3. En l’espèce, la recourante fait valoir que le droit à l’information de l’art. 45 LS est reconnu au propriétaire de l’animal par la jurisprudence. Cela est exact et cette reconnaissance est logique du moment que c’est le propriétaire qui contracte avec le vétérinaire et qui décide des soins à prodiguer à son animal.
On ne saurait toutefois inférer de ce statut du propriétaire du vivant de l’animal la qualité de partie devant la commission une fois l’animal décédé. Il est vrai que l’animal ne peut procéder par lui-même, et en particulier saisir la commission de son vivant. C’est toutefois à son maître qu’il est loisible de le faire à ce moment-là.
Cela étant, une fois l’animal décédé, il est conforme à la jurisprudence précitée que son propriétaire ne se voie pas reconnaître la qualité de partie devant la commission lorsqu’il la saisit en relation avec la mort de son animal. Certes, l’animal ne possède pas de droits strictement personnels et c’est son maître qui entretient pour lui la relation juridique avec le vétérinaire et prend les décisions de son vivant. Le propriétaire de l’animal ne devient pas pour autant le patient et lui accorder après la mort de l’animal des droits que celui-ci ne possédait ni n’exerçait ne trouve pas de fondement dans la loi – et reviendrait en outre à octroyer au propriétaire d’un animal décédé plus de droits qu’aux proches d’un humain décédé.
Il sera enfin rappelé que la procédure disciplinaire devant la commission tend uniquement à la sauvegarde de l'intérêt public, à l'exclusion de l'intérêt privé du dénonciateur et que, comme la parenté d’un humain décédé, le propriétaire peut se voir reconnaître la qualité de partie dans une procédure pénale ou civile dirigée contre la ou les personnes qu’il tient pour responsables de la mort de son animal.
C’est ainsi de manière confirme au droit que la commission a dénié à la recourante la qualité de partie dans la procédure disciplinaire devant elle, et ne lui a reconnu que la qualité de dénonciatrice.
Mal fondé, le recours sera rejeté.
4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 21 octobre 2024 par A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 8 octobre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
met un émolument de CHF 500.- à la charge d’A______ ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat de la recourante, ainsi qu'à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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