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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1465/2024

ATA/80/2025 du 20.01.2025 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1465/2024-EXPLOI ATA/80/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 janvier 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE L'EMPLOI intimé
représenté par Me Émilie CONTI MOREL, avocate

 



EN FAIT

A. a. A______, domicilié à Genève est chauffeur de taxi indépendant.

b. Il aurait enregistré son entreprise individuelle au registre du commerce (sous numéro CHE-1______), ce qui n’est toutefois confirmé par aucune pièce au dossier, étant précisé qu’aucune entreprise active ou radiée ne figure au registre du commerce sous ce nom.

B. a. Le 8 février 2021, A______ a déposé, au moyen d’un formulaire en ligne, une demande pour cas de rigueur auprès du département devenu depuis lors celui de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département). Il y était mentionné comme la personne responsable.

Le montant du chiffre d’affaires (ci-après : CA) indiqué était de CHF 56'674.- pour 2018, CHF 54'278.- pour 2019 et CHF 21'347.- pour 2020. À la question « souhaitez-vous que le chiffre d’affaires pris en compte soit celui de l’exercice 2020 ou celui des douze derniers mois précédant la demande ? », A______ a coché la case correspondant à la réponse « sur 2020 ».

b. Le 8 mars 2021, le département a octroyé à A______ une aide financière de CHF 11’095.20. Il a retenu des coûts fixes de CHF 23'105.- pour l’année 2020, un CA de CHF 21'347.- ainsi que des coûts totaux (incluant le salaire du chef d’entreprise) de CHF 65'829.25. La décision mentionnait que des contrôles a posteriori pourraient être effectués et conduire, le cas échéant, à une restitution de l’aide.

c. Dans les bordereaux de taxation en matière d’impôt cantonal et communal (ci‑après : ICC) 2020 émis par ses soins le 8 décembre 2021, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a considéré les allocations perte de gain « Covid », soit un montant de CHF 21'980.-, comme des recettes, ce qui portait celles-ci, au total, à CHF 45'727.-.

d. Le 25 février 2022, le département a alloué à A______ une aide complémentaire de CHF 5'547.60 pour l’année 2020, à la suite du rehaussement des plafonds d’aide.

e. Le 30 avril 2022, A______ a déposé une demande complémentaire concernant le deuxième semestre 2021.

f. Le 13 juin 2022, le département a rejeté cette demande. L’entreprise de A______ avait déjà atteint le plafond de 20% du CA de référence (CA moyen des exercices 2018 et 2019) lors de l’acceptation de sa demande précédente.

g. Le 25 février 2022, le Conseil d’État a informé A______ que les plafonds maximum d’aide admis par entreprise avaient été relevés et qu’une aide financière complémentaire de CHF 16'147.60 pour la période du 1er janvier 2020 au 31 juin 2021 lui était octroyée.

h. Le 20 juillet 2022, A______ a déposé une déclaration complémentaire pour les mois de janvier à mars 2022. Il a annoncé un CA définitif de CHF 21’347.-. pour l’année 2020.

i. Lors de l’instruction de cette demande, le département a demandé à A______ des pièces complémentaires, en particulier ses avis de taxation 2019 à 2021, qu’il a fournis le 30 août 2022.

j. Par décision du 6 décembre 2022, le département a révoqué ses décisions d’octroi d’aides et demandé à A______ la restitution de CHF 16'642.80.

Les vérifications complémentaires effectuées démontraient, sur la base des états financiers 2020 définitifs remis à l'AFC-GE, que son CA pour l’année en question s’élevait à CHF 45'727.-, alors que celui retenu dans la décision du 8 mars 2021 sur la base de ses déclarations s’élevait à CHF 21’347.-. Les allocations pour perte de gain (ci‑après :  APG) perçues devaient en effet être intégrées au chiffre d’affaires de l’entreprise, comme l’avait retenu l’AFC-GE dans son bordereau de taxation 2020. Le taux de perte par rapport au CA de référence était donc de 20.99%.

Le calcul était le suivant : CA 2018 = CHF 59'074.- ; CA 2019 = CHF 56'678.- ; CA 2020 = CHF 45'727.-. Calcul du taux de perte : (CA 2020 / ((CA 2018 + CA 2019) / 2)) - 1, soit (45'727.- / ((59'074.- + 56'678.-) / 2)) - 1 = -20.99%.

Par conséquent, l’entreprise n’accusant plus un recul de son CA d’au moins 25% entre la moyenne pluriannuelle 2018-2019 et l’exercice 2020, elle ne pouvait bénéficier d’une aide à ce titre, ce qui valait aussi pour l’aide complémentaire accordée le 25 février 2022.

Ainsi, sur la base de l’ensemble des informations en possession du département relativement aux aides octroyées, les vérifications complémentaires aboutissaient au constat que l’entreprise n’était pas éligible au dispositif « cas de rigueur ». Dès lors, la totalité de l’aide perçue l’avait été à tort et devait être remboursée.

C. a. Le 13 novembre 2023, A______ a formé réclamation contre cette décision.

Le département avait retenu l’indemnité perte de gain dans son chiffre d’affaires, ce qui constituait une erreur. L’AFC-GE avait considéré ce montant comme une recette, mais elle n’était pas incluse dans le chiffre d’affaires, qui portait sur les revenus générés par son activité de chauffeur de taxi indépendant. Le CA se définissait comme les recettes totales générées par la vente des biens ou des services d’une entreprise. Or les services de son entreprise portaient sur le transport professionnel de personnes, pour lequel l’AFC-GE avait comptabilisé CHF 21'347.- en 2020, si bien que le calcul effectué dans la décision du 8 mars 2021 était correct.

b. Par décision du 3 avril 2024, le département a rejeté l’opposition.

L’ensemble des recettes devait être pris en compte pour déterminer l’aide financière pour cas de rigueur. C’était à bon droit que les APG avaient été intégrées au CA. Du reste, selon les art. 18 à 23 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), le montant total des recettes englobait non seulement les produits d’exploitation mais aussi les subventions ainsi que tous les autres produits.

Ainsi, les APG, qui avaient pour but de combler une perte de revenu, constituaient un produit imposable et devaient être comprises dans les recettes d’exploitation.

D. a. Par acte déposé le 2 mai 2024, A______ a interjeté recours auprès la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision sur réclamation précitée, concluant principalement à son éligibilité aux aides perçues et subsidiairement à un paiement échelonné du remboursement.

Il avait agi de bonne foi en déposant sa demande initiale en février 2021. Peu d’informations étaient alors disponibles. Un document officiel du Centre patronal (vaudois) de février 2021, dont il joignait un extrait, l’avait induit en erreur car il indiquait que les APG ne faisaient pas partie du CA. C’était en outre plus d’une année après qu’il eut fourni son avis de taxation 2020 que le département était revenu sur sa décision.

Tout en acceptant la prise en compte des APG dans le calcul du CA, il proposait de recalculer son droit à l’aide en faisant usage de l’option qui lui avait été proposée, à savoir de calculer le recul de son CA en prenant en compte non pas le CA 2020 mais celui des douze mois précédant la demande, soit de mars 2020 à février 2021. Avec ce calcul, son CA (recte : ses produits d’exploitation) de mars à décembre 2020 était de 12'652.- et ses APG de CHF 21'980.- ; pour janvier et février 2021, son CA était de CHF 575.- et les APG touchées de CHF 5'262.-. En ajoutant un montant de CHF 2'400.- pour la part privée de son véhicule, on obtenait un CA total de CHF 42'869.-. La baisse par rapport au CA de référence (CHF 57'876.-) était ainsi de 25.93%, ce qui avait pour conséquence qu’il était éligible à l’aide accordée.

b. Le 31 mai 2024, le département a conclu au rejet du recours.

La chambre administrative avait déjà validé à plusieurs reprises l’intégration des APG Covid-19 dans le CA de l’entreprise. Il découlait aussi de la jurisprudence que l’entreprise était liée par son choix de période de calcul, étant précisé qu’il aurait été loisible au recourant de déposer – à l’époque – une demande pour une autre période de référence si celle-ci lui paraissait plus favorable, ce qu’il n’avait pas fait.

Le recourant ne pouvait pas prétendre s’être fié de bonne foi à une décision de l’administration prise sur la base d’informations erronées lui étant imputables, ni avoir pu en inférer des assurances de l’autorité. Comme il le reconnaissait lui‑même, le document de février 2021 du Centre patronal n’émanait pas des pouvoirs publics mais d’une association de droit privé basée dans le canton de Vaud.

c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 16 août 2024 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 15 août 2024, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il n’aurait pas déposé une demande d’aide s’il n’était pas parvenu à la conclusion que son CA avait reculé de plus de 25%. Le montant à rembourser constituait un fardeau financier très important pour lui.

e. Le département ne s’est quant à lui pas manifesté.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 19 al. 2 LAFE-2021), étant précisé toutefois que la conclusion subsidiaire du recourant, à savoir l’octroi de modalités de remboursement, est irrecevable dès lors que cette question ne fait pas l’objet de la décision litigieuse.

2.             L’objet du litige porte sur la conformité au droit de la décision sur réclamation de l’intimé confirmant la demande de restitution du montant de CHF 16'642.80 versé au titre de l’aide financière extraordinaire dans le contexte de la crise liée au Covid‑19.

3.             La recourante contestait dans un premier temps la prise en compte des APG dans le calcul de son CA 2020, et conteste toujours la restitution du montant de CHF 16'642.80.

3.1 Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de Covid‑19 (loi Covid-19 - RS 818.102). Cette loi est applicable au cas d’espèce dans ses versions des 1er janvier, 1er juillet et 19 octobre 2021.

À son art. 12 al. 1, celle-ci prévoit les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises et les modalités de l’intervention de la Confédération à la demande des cantons. L’art. 12 al. 1bis, introduit le 18 décembre 2020, prévoit qu’il y a cas de rigueur au sens de l’al. 1 si le CA annuel de l’entreprise est inférieur à 60% de la moyenne pluriannuelle. La situation patrimoniale et la dotation en capital globales doivent être prises en considération, ainsi que la part des coûts fixes non couverts. Le Conseil fédéral règle les détails dans une ordonnance ; il prend en considération les entreprises qui ont réalisé en moyenne un CA de CHF 50'000.- au moins au cours des années 2018 et 2019 (al. 4).

3.2 Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 (Ordonnance Covid-19 cas de rigueur ; ci-après : l’ordonnance Covid‑19 ; RS 951.262). Cette ordonnance est ici applicable dans ses versions des 14 janvier, 19 juin et 1er octobre 2021.

3.3 Selon l’art.1 al. 1, en vertu de l’art. 12 de la loi Covid-19 et dans les limites du crédit d’engagement approuvé par l’Assemblée fédérale, la Confédération participe aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises occasionnent à un canton si les conditions énoncées sont réunies.

3.4 L’entreprise a la forme juridique d’une entreprise individuelle, d’une société de personnes ou d’une personne morale ayant son siège en Suisse (art. 2 al. 1). Au nombre des exigences pour bénéficier du soutien financier, l’entreprise doit établir notamment qu’elle s’est inscrite au RC avant le 1er mars 2020 selon la version du 14 janvier 2021 puis avant le 1er octobre 2020 à la suite d’une modification introduite le 31 mars 2021 (art. 3 al. 1 let. a), cette condition étant quoi qu’il en soit réalisée en l’espèce, et a réalisé en 2018 et en 2019 un CA moyen d’au moins CHF 50'000.- (art. 3 al. 1 let. b). Toujours à la suite d’une modification introduite le 31 mars 2021, l’art. 3 al. 3 prévoit que le CA au sens de cette ordonnance se réfère au compte individuel de l’entreprise requérante. Cette disposition vise toutefois à préciser les modalités de la prise en compte du CA des sociétés mères d’un groupe (voir ATA/474/2023 du 24 avril 2023 consid. 9a).

3.5 La Confédération participe uniquement aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur qu’il a prises occasionnent au canton si celui-ci lutte contre les abus par des moyens appropriés (art. 11 al. 1 let. c). Selon l’art. 12, la procédure d’octroi de mesures pour les cas de rigueur pour lesquelles le canton sollicite la participation de la Confédération est régie par le droit cantonal (al. 1). Le canton examine les demandes (al. 2, 1e phrase). La procédure relève du canton dans lequel une entreprise avait son siège le 1er octobre 2020 (art. 13 al. 1).

3.6 Le 29 janvier 2021, le Grand Conseil a adopté la loi relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus, pour l’année 2021 (12’863) du 29 janvier 2021 (ROLG 2021, p. 8 ; ci-après : aLAFE-2021).

À teneur de l’art. 1 aLAFE-2021, la loi a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l'épidémie de coronavirus (Covid-19) pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi et à l’ordonnance Covid-19 (al. 1), en atténuant les pertes subies par les entreprises dont les activités avaient été interdites ou réduites en raison même de leur nature entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021 (al. 2), et en soutenant par des aides cantonales certaines entreprises ne remplissant pas les critères de l’ordonnance Covid-19 en raison d’une perte de CA insuffisante et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes dans les limites prévues à l’art. 12 (al. 3).

Les aides financières consistent en une participation de l’État aux coûts fixes non couverts de certaines entreprises (art. 2 al. 1). L'aide financière n'est accordée que si les entreprises satisfont les critères d'éligibilité définis par la loi (art. 2 al. 7).

Selon l’art. 3 al. 1 aLAFE-2021, peuvent prétendre à une aide les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou le canton pour endiguer l'épidémie de Covid-19, doivent cesser totalement ou partiellement leur activité selon les modalités précisées dans le règlement d'application (let. a), ou dont le CA a subi une baisse substantielle selon les dispositions de l’ordonnance Covid-19 (let. b) ou dont la baisse de CA enregistrée se situe entre 25% et 40% et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (let. c).

L'aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l'État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes de l'entreprise (art. 5 al. 1 aLAFE‑2021).

L’indemnité est versée aux entreprises dont l’activité est interdite par décision des autorités fédérales ou cantonales (art. 7 et 8 aLAFE-2021), dont le CA est inférieur à 60% du CA antérieur (art. 9 à 11 aLAFE-2021), des aides pouvant être octroyées aux entreprises dont la baisse du CA enregistrée se situe entre 25% et 40% et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (art. 12a LAFE-2021).

L’indemnité – versée aux établissements dont l'activité est interdite par décision des autorités fédérales ou cantonales – n’est accordée que durant la période pendant laquelle l'activité est totalement ou partiellement interdite suite à une décision des autorités fédérales ou cantonales (art. 8 al. 1 aLAFE-202).

Aux termes de l'art. 14 aLAFE-2021, l’aide financière est accordée sur demande du bénéficiaire potentiel ou de son mandataire. La demande est adressée au département sur la base d’un formulaire spécifique, accompagné notamment de toutes les pièces utiles attestant des coûts fixes du bénéficiaire (al. 1). Sur la base des pièces justificatives fournies, le département constate si le bénéficiaire remplit les conditions d’octroi de l’aide financière, calcule le montant de celle-ci et procède au versement (art. 14 al. 3).

Selon l'art. 15 aLAFE-2021, intitulé « obligation de renseigner », le bénéficiaire de l’aide et/ou son mandataire collaborent à l’instruction du dossier et renseignent régulièrement le département afin de lui présenter une image fidèle et transparente de l'évolution des charges du bénéficiaire (al. 1) ; le demandeur autorise en tout temps le contrôle du respect des conventions collectives ou usages applicables ainsi que le paiement effectif des charges sociales (al. 2) ; le département peut en tout temps effectuer des contrôles dans les locaux du bénéficiaire et y consulter les livres, ou tout document utile, et être renseigné sur l'état de comptes bancaires ou postaux (al. 3).

La participation financière indûment perçue doit être restituée sur décision du département (16 al. 1 aLAFE-2021).

3.7 Le 3 février 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d’application de l’aLAFE-2021 (ROLG 2021, p. 31 ; ci-après : aRAFE-2021).

Selon l’art. 3 aRAFE-2021, sont bénéficiaires de l’aide les entreprises qui répondent aux exigences de l’ordonnance Covid-19 définies dans ses sections 1 et 2 (al. 1). Les entreprises qui ne répondent pas aux exigences relatives au recul du CA définies à l’art. 5 de cette ordonnance, et dont la baisse de CA enregistrée se situe entre 25% et 40%, peuvent bénéficier de l’indemnisation cantonale, conformément à l’art. 14 de la loi, pour autant qu’elles répondent aux autres exigences définies dans les sections 1 et 2 de l’ordonnance (al. 2).

L'aide financière est à fonds perdu (art. 4 al. 1 aRAFE-2021). Elle consiste en une participation de l'État de Genève destinée à endosser les coûts fixes non couverts de l'entreprise.

Peuvent prétendre à une aide financière les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou le canton de Genève pour endiguer l’épidémie de covid-19, ont dû cesser totalement ou partiellement leur activité suite à la fermeture de leur établissement pour au moins 40 jours en le 1er novembre 2020 et le 30 juin 2021 (art. 8 al. 1 aRAFE-2021). Peuvent prétendre à une aide financière les entreprises qui peuvent démontrer que la baisse de leur CA 2020 enregistrée se situe entre 25% et 40% du CA moyen des exercices 2018 et 2019 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de lutter contre l’épidémie de covid-19 (art. 14 al. 1 aRAFE-2021).

Selon l'art. 17 aRAFE-2021, l'entreprise demanderesse et le département signent une convention qui permet notamment au département d'obtenir des données sur l'entreprise nécessaires à l'étude des dossiers et à la gestion des aides auprès d'autres services fédéraux, cantonaux ou communaux. L'entreprise demanderesse collabore à l’instruction du dossier et renseigne régulièrement le département, afin de lui présenter une image fidèle et transparente de la marche de ses affaires (art. 20 aRAFE-2021). Les entreprises ayant bénéficié de l'octroi d'une aide s'engagent à faire parvenir au département, sur sa demande, durant les trois années qui suivent le versement de l'aide, la documentation permettant de vérifier que les conditions d'octroi ont été respectées (art. 23 aRAFE-2021).

Les montants indûment perçus, conformément à l'art. 16 aLAFE-2021, doivent être restitués (art. 24 al. 1 aRAFE-2021). Les entreprises doivent porter sans délai à la connaissance du département tout évènement qui rendrait exigible le remboursement de l'aide (art. 24 al. 2 aRAFE-2021).

3.8 Le 30 avril 2021, le Grand Conseil a adopté la loi relative aux aides financières extraordinaires de l'Etat destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus, pour l'année 2021 (loi 12938 ; ROLG 2021 p. 265), qui a abrogé l’aLAFE-2021 (art. 23), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel.

L’aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l’État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes non couverts de l’entreprise, en application des dispositions de l’ordonnance Covid-19 (art. 3 al. 1 LAFE-2021).

Peuvent comme précédemment prétendre à une aide les entreprises qui doivent cesser totalement ou partiellement leur activité en raison des mesures prises par les autorités, l’aide n’étant octroyée que pour la période durant laquelle l’activité a été totalement ou partiellement interdire (art. 4 al. 1 let. a et 7 al. 1 LAFE-2021), ainsi que celles dont la baisse du CA enregistrée se situe entre 25% et 40% et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (art. 4 al. 1 let. c et 9 al. 1 let. a LAFE-2021).

Les dispositions relatives aux modalités du dépôt des demandes, à l’obligation générale de renseigner et à la participation financière indûment perçue sont reprises aux art. 15, 16 et 17 LAFE-2021.

3.9 Le 5 mai 2021, le Conseil d’État a adopté le RAFE-2021, qui a abrogé l’aRAFE‑2021 (art. 31), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel.

3.10 La LAFE-2021 a ensuite été modifiée le 2 juillet (ROLG 2021, p. 454) puis le 7 octobre 2021 (ROLG 2021, p. 536). Le RAFE-2021 a en conséquence été modifié le 7 juillet 2021 (ROLG 2021, p. 466). Ces modifications sont toutefois sans effet sur la résolution du présent litige.

3.11 La chambre de céans a déjà jugé à plusieurs reprises (ATA/84/2024 du 22 janvier 2024 consid. 4.12 ; ATA/1388/2024 du 19 décembre 2023 consid. 5.1 ; ATA/711/2023 du 29 juin 2023 consid. 3.9 ; ATA/146/2022 du 8 février 2022) que dans le cadre de l’application de l’aLAFE-2021 et de la LAFE-2021, les APG s’additionnaient au CA.

3.12 Selon un principe général de droit intertemporel, rappelé dans l’arrêt 2C_339/2021 du Tribunal fédéral du 4 mai 2022 (consid. 4.1), les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci (ATF 146 V 364 consid. 7.1 ; 140 V 41 consid. 6.3.1). L'interdiction de la rétroactivité (proprement dite) des lois fait obstacle à l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 147 V 156 consid. 7.2.1).

3.13 De manière générale, une révocation est possible aux conditions prévues dans la loi (ATF 134 II 1 consid. 4.1) ou, en l’absence de base légale, également lorsqu'un intérêt public particulièrement important l'impose (ATF 139 II 185 consid. 10.2.3 ; 137 I 69 consid. 2.3 ; 135 V 215 consid. 5.2 ; 127 II 306 consid. 7a). La révocation d’une décision pour inexécution d’une obligation ne requiert pas de base légale, si cette obligation est l’une des conditions objectives que la loi pose à l’octroi d’une prestation : il s’agit là de « rétablir » l’ordre légal (ATA/1042/2022 du 17 octobre 2022 consid. 2f).

3.14 Un canton est tenu, lorsqu'il octroie des subventions, de se conformer aux principes généraux régissant toute activité administrative, soit notamment le respect de la légalité, de l'égalité de traitement, de la proportionnalité et de la bonne foi ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 138 II 91 consid. 4.2.5 ; 136 II 43 consid. 3.2 ; 131 II 306 consid. 3.1.2).

3.15 Le principe fondamental qui gouverne les rapports entre les administrés et l'administration est celui selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi ». Le citoyen devant avoir la possibilité de connaître le droit pour s'y soumettre, la publication des lois, règlements et arrêtés est en principe une condition nécessaire pour qu'ils soient applicables et juridiquement contraignants. La forme de la publication qui est exigée dépend de la législation de l'entité publique concernée. Lorsqu'aucun mode de publication officielle n'est prévu, il faut tout de même, pour que les obligations figurant dans un texte ayant force obligatoire puissent être opposables aux intéressés, que ceux-ci aient pu en avoir connaissance (arrêt du Tribunal fédéral 2C_951/2014 du 16 avril 2015 consid. 3.1.1 et les arrêts cités).

3.16 Découlant directement de l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101). et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 137 II 182 consid. 3.6.2). En outre, le principe de la bonne foi commande aux autorités comme aux particuliers de s’abstenir, dans les relations de droit public, de tout comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_934/2022 du 22 mars 2023 consid. 6.3.1).

Il découle de ce principe que l’administration et les administrés doivent se comporter réciproquement de manière loyale (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; 129 I 161 consid. 4). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré. Elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161  consid. 4 ; 129 II 361 consid. 7.1).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l’administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et que l’administré n’ait pas pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu’il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et que la réglementation n’ait pas changé depuis le moment où l’assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; 131 II 627 consid. 6.1). Une violation du principe de la bonne foi n’est réalisée que lorsque la modification du droit porte atteinte aux droits acquis en contredisant, sans raisons valables, des assurances précédemment données par le législateur, ou lorsqu’une modification est décidée de façon imprévisible dans le dessein d’empêcher l’exécution d’un projet qui serait réalisable (ATF 108 Ib 352 consid. 4b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_956/2016 du 7 avril 2017 consid. 5.1).

4.             En l’espèce, il ressort de la procédure, que l’intimée a obtenu la taxation 2020 définitive du recourant le 30 août 2022.

Le recourant ne conteste plus le fait que les APG « Covid-19 » aient été ajoutées à ses produits d’exploitation pour obtenir son CA 2020, ceci à raison au vu de la jurisprudence constante de la chambre de céans telle que rappelée au considérant précédent.

Le recourant propose en revanche que son droit aux aides soit recalculé en fonction non plus de son CA 2020 mais de son CA pour la période de douze mois précédant sa demande initiale, soit de mars 2020 à février 2021. À ce propos, la chambre de céans a cependant déjà jugé que le fait que l’administré doive choisir les douze mois pour l’indemnisation résulte de l’art. 5 ordonnance Covid-19 et est confirmé par le commentaire de l’ordonnance Covid-19 du 31 mars 2021 (https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/65927.pdf ; pp. 7-8), et que ce choix détermine également le calcul des plafonds, si bien que l’administré est lié par ses choix des périodes d’indemnisation (ATA/1039/2023 du 20 septembre 2023 consid. 2.9.1).

Il n’est dès lors pas possible de revenir sur ce choix au stade du recours et il s’ensuit que l’entreprise du recourant ne présente pas un recul du CA d’au moins 25% entre l’année 2020 et la moyenne pluriannuelle 2018-2019. Elle ne remplissait donc pas la condition fixée à l’art. 12 aLAFE 2021 pour obtenir une aide. C’est partant à juste titre que l’intimée a considéré que le montant de CHF 16'642.80 était indûment perçu et devait être remboursé.

Pour le reste, il n’apparaît pas que le recourant aurait d’une quelconque manière reçu l’engagement des autorités qu’il pouvait recevoir ou conserver les aides financières sans devoir, d’une part, intégrer les APG dans son CA et, d’autre part, restituer les montants reçus indûment. Comme rappelé tant par l’intimé que par le recourant lui-même, le document du Centre patronal vaudois auquel il s’est fié n’émane pas d’une autorité. Le délai entre la remise de sa taxation et la décision de révocation litigieuse ne saurait par ailleurs remettre en cause cette dernière.

Il découle de ce qui précède que la décision litigieuse est conforme au droit. Le recours sera en conséquence rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 mai 2024 par A______ contre la décision sur réclamation de l’office cantonal de l’économie et de l’innovation du 3 avril 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à Me Émilie CONTI MOREL, avocate de l'office cantonal de l'économie et de l'innovation.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

S. CROCI TORTI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :