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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1513/2023

ATA/1485/2024 du 17.12.2024 sur JTAPI/500/2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;SOUSTRACTION D'IMPÔT;AMENDE;MAXIME INQUISITOIRE;PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ;ATTÉNUATION DE LA PEINE
Normes : LIFD.175; LHID.56; LPFisc.69; LHID.56; LPA.19; CEDH.6; CP.48.lete
Résumé : Recours de contribuables, dont les impôts avaient fait l’objet de rappels sur une période de cinq ans, contre les amendes y afférentes pour soustraction fiscale. Eu égard à l’importance et à la nature des revenus en cause, leur absence dans les déclarations fiscales n’avait pas pu échapper au contribuable, qui les avait signées. Un éventuel mandat d’une fiduciaire était sans influence, n’étant pas démontré que cette dernière aurait agi contrairement aux instructions reçues. Une erreur de sa part, facilement reconnaissable, aurait de toute manière été imputable au contribuable. Pour les années durant lesquelles les contribuables n’avaient déclaré aucun revenu, leur faute était encore plus évidente. La contribuable, eût-elle délégué la déclaration de ses revenus à son époux ou leur fiduciaire, répondait de son contenu, les revenus non déclarés consistant en salaires, que tout administré était réputé savoir devoir déclarer. La faute des contribuables n’était pas légère au vu des montants non déclarés, de la durée de leurs agissements, du but poursuivi et de leur manière d’agir. Ils ne pouvaient se prévaloir ni d’une bonne collaboration, ni d’impécuniosité, ni d’une violation du principe de célérité ou de la bonne foi, en particulier au motif que des éléments dissimulés du revenu du contribuable avaient déjà été décelés en 2014 à travers l’examen de la situation fiscale de l’une de ses sociétés. Ils pouvaient par contre être mis au bénéfice de la circonstance atténuante résultant du temps écoulé. Ce nonobstant, vu l’ensemble des éléments à charge, l’autorité n’avait pas abusé de son large pouvoir d’appréciation en fixant les amendes au montant de l’impôt soustrait. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1513/2023-ICCIFD ATA/1485/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 décembre 2024

4ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me François MEMBREZ, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 mai 2024 (JTAPI/500/2024)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le contribuable) et B______ (ci-après : la contribuable) sont mariés depuis 2010.

Ils ont été domiciliés à Genève à tout le moins jusqu’en 2022, avant de d’emménager à C______, dans le canton du Valais.

b. Le contribuable se présente comme un spécialiste de la lutte contre les organisations criminelles, la corruption, la fraude et les trafics en tout genre internationalement reconnu. Il a collaboré à ce titre avec de nombreux organes politiques et judiciaires dans plusieurs pays, ainsi que des institutions onusiennes.

c. Entre 2011 et 2016, le contribuable était associé gérant ou administrateur de plusieurs sociétés à Genève.

Il était en particulier l’unique administrateur et actionnaire de la société D______ SA (ci-après : D______), active dans les « analyses économiques et de risques, audits et certifications ».

Le contribuable était également titulaire de l’entreprise individuelle E______, sise d’abord à Genève puis transférée en Valais en 2018 (ci-après : l’entreprise).

Il a enfin été président de l’association F______ (ci-après : F______), dont le but est notamment de diffuser des informations _______________________ ___________________________________.

d. Les contribuables ont été imposés pour les années 2011 à 2016 par bordereaux datés des 1er juillet 2013, 3 juin 2014, 12 novembre 2014, 22 février 2017 et 25 octobre 2017.

Ils ont été taxés d’office en 2013 et 2016 et leurs déclarations fiscales 2011, 2012 et 2015 figurant au dossier sont signées par le contribuable.

B. a. Le 4 juin 2021, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a ouvert à l’encontre des contribuables, pour les années 2011 à 2016, des procédures en rappel d’impôt et pour soustraction d’impôt. Eu égard au rôle joué par le contribuable dans ses sociétés, ainsi que dans l’F______, ils avaient été taxés de manière trop basse ou incomplète. L’AFC-GE avait été parallèlement informée de prestations appréciables en argent de la société D______, sous forme de frais privés de CHF 41'419.- en 2011 et de CHF 26'013.- en 2012, ainsi que d’un prêt simulé de CHF 119'700.- en 2012. Elle avait en outre appris des autorités valaisannes que le contribuable détenait un bien immobilier à C______.

Les contribuables étaient en conséquence requis de produire un certain nombre d’explications et de documents concernant ces éléments, dont leurs relevés bancaires pour toute la période couverte par la procédure.

b. Par courriel du 10 août 2021, l’AFC-GE a précisé aux contribuables, en ce qui concernait les frais privés, qu’à défaut de réponse à la demande de renseignements du 17 juin 2013 du service de la taxation des personnes morales, les montants suivants avaient été repris : CHF 23'556.- de téléphone, CHF 4'259.- de frais d’administration, CHF 4'865.- de frais de déplacement du personnel et CHF 8'379.- de frais de représentation.

Pour l’année 2012, à défaut de réponse à la demande de renseignements du 6 janvier 2014 du service précité, le montant du prêt de CHF 119'700.- consenti par la société à son actionnaire avait été repris. Il devait être considéré comme un prêt simulé, constituant une prestation appréciable en argent, dans la mesure où il n’aurait pas été octroyé à des tiers dans des circonstances identiques. Les critères utilisés pour arriver à cette conclusion étaient l’absence de garantie suffisante, de plan de remboursement et de démonstration de la solvabilité de l’emprunteur.

c. Jusqu’à fin juillet 2022, l’AFC-GE a régulièrement réitéré et complété ses demandes de renseignements, en mettant à jour d’autres éléments de revenu à reprendre.

Parmi les documents bancaires requis, les contribuables n’ont en définitive pas fourni les relevés du compte postal de la contribuable pour les années 2011 à 2013, malgré de nombreuses relances de l’autorité. Ils n’ont pour le surplus pas donné de renseignements suffisants pour justifier les montants reçus à titre de remboursement de frais privés ou de prêt.

d. Le 16 novembre 2022, l’AFC-GE a notifié aux contribuables des bordereaux de rappel d’impôt pour les années 2011 à 2013, 2015 et 2016, en reprenant les éléments de revenus exposés ci-après. La période 2014 n’a fait l’objet d’aucun supplément d’impôt.

En 2011, le contribuable avait perçu d’D______ un salaire de CHF 56'301.- et des prestations appréciables en argent de CHF 41'435.-. La contribuable avait perçu de la société un salaire de CHF 57'444.-.

En 2012, le contribuable avait perçu d’D______ un salaire de CHF 108’261.-, des prestations appréciables en argent de CHF 145'722.- (frais et prêt simulé), ainsi qu’un bénéfice net supplémentaire de son entreprise de CHF 18'087.-. La contribuable avait perçu de la société un salaire de CHF 22'000.-.

En 2013, le contribuable avait perçu d’D______ un salaire de CHF 75’800.- et de son entreprise un bénéfice net de CHF 2'130.-. La contribuable avait perçu de la société un salaire de CHF 57'444.-.

En 2015, le contribuable avait perçu de son entreprise un bénéfice net supplémentaire de CHF 8’050.-, et la contribuable un salaire d’D______ de CHF 54’100.-.

En 2016, les contribuables avaient perçu d’D______ des salaires respectifs de CHF 58'500.- et de CHF 54’000.-.

e. L’AFC-GE a également notifié aux contribuables des bordereaux d’amende pour les périodes fiscales 2012, 2013, 2015 et 2016. La poursuite pénale était prescrite pour 2011 et il n’y avait pas eu de soustraction fiscale pour 2014.

Retenant que les soustractions d’impôt avaient été commises intentionnellement, l’AFC-GE a fixé la quotité de la peine à une fois les montants soustraits, soit, pour les impôts cantonaux et communaux (ICC) et l’impôt fédéral direct (IFD), à : CHF 54'345.75 et CHF 18'066.- en 2012 ; CHF 14'406.70 et CHF 996.- en 2013 ; CHF 4'286.35 et CHF 183.- en 2015 ; CHF 13'516.55 et CHF 1'247.- en 2016.

Pour chaque période fiscale, l’AFC-GE a réparti la responsabilité pénale entre le contribuable et son épouse selon les pourcentages suivants : 91 % et 9 % en 2012 ; 51 % et 49 % en 2013 ; 13 % et 87 % en 2015 ; 38 % et 62% en 2016.

f. Le 19 décembre 2022, les contribuables ont formé des réclamations contre les bordereaux de rappel d’impôt et d’amende du 16 novembre 2022.

g. Par décision du 23 mars 2023, l’AFC-GE a rejeté les réclamations.

Les reprises étaient justifiées par les pièces au dossier et l’absence de documents produits par les contribuables à l’appui de leur contestation, malgré les requêtes de l’AFC-GE. En particulier, pour arrêter le salaire de la contribuable de 2011 à 2013, l’autorité avait dû réaliser une estimation fondée sur le salaire perçu en 2014, la précitée n’ayant pas produit les documents bancaires pertinents nonobstant les très nombreuses demandes de l’autorité en ce sens.

Ils s’étaient rendus coupables de soustraction d’impôt intentionnelle, tant en se laissant taxer d’office qu’en déposant des déclarations fiscales incomplètes. Il existait des différences flagrantes entre les montants imposés et ceux réellement perçus. Leur bonne collaboration n’avait pas été retenue à décharge au regard de la qualité de leurs réponses.

C. a. Par acte du 1er mai 2023, les contribuables ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation et à celle des bordereaux de rappel d’impôt et d’amende du 16 novembre 2022.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

c. Le 7 décembre 2023, les contribuables ont excipé de la prescription fiscale pour la période antérieure à 2018, et de la prescription pénale pour les infractions commises avant 2017.

d. Lors de l’audience de comparution des parties, le contribuable a déclaré que les époux avaient toujours répondu à l'AFC-GE et n’avaient jamais eu la volonté de dissimuler quoi que ce soit. Ils avaient communiqué tous les documents pour les années 2010, 2011 et 2012 à leur fiduciaire, chargée de l'établissement de leurs déclarations fiscales personnelles ainsi que de celles des sociétés de A______. Ils n’avaient pas eu l’impression que les revenus retenus par l’AFC-GE, alignés à ce qu’ils « payaient » avant, étaient trop bas.

Ils n’avaient pas rempli leur déclaration certaines années car il leur avait été très difficile de trouver une fiduciaire. Il s’agissait également d’une manière de se protéger. À cause de ses positions en matière de corruption et de blanchiment, le contribuable et sa famille avaient en effet été la cible de menaces. Son « pedigree judiciaire » et ses relevé fiscaux avaient été exposés publiquement.

Sa rémunération n’était pas fixe mais dépendait des mandats confiés à D______. L’AFC-GE lui avait demandé plusieurs fois des fiches de salaire dont il ne disposait pas.

Son épouse ne s’était jamais occupée de la situation fiscale du couple.

La contribuable a confirmé qu’elle ne s’était jamais chargée des affaires financières du couple et qu’elle n’avait pas eu de contact avec la fiduciaire.

e. Par jugement du 24 mai 2024, le TAPI a rejeté le recours.

L’exception tirée de la prescription ainsi que les différents moyens dirigés contre les rappels d’impôt étaient entièrement infondés.

Sur le plan pénal, les contribuables ne pouvaient pas rejeter leur faute sur leur fiduciaire, dont ils répondaient des éventuels manquements. Le contribuable avait par ailleurs lui-même rempli les déclarations fiscales 2011, 2012 et 2015.

Pour les années 2013 et 2016, les contribuables n’avaient rempli aucune déclaration. Ils invoquaient vainement la crainte de la divulgation de leurs données, dès lors que celles-ci étaient soumises au secret fiscal. Le contribuable n’avait pour le surplus pas transmis à l’AFC-GE toutes les informations permettant de le taxer. Il avait manqué d’expliquer de manière crédible pourquoi il n’avait pas déclaré les revenus versés par D______ de 2011 à 2013, ainsi que l’intégralité du bénéfice de son activité indépendante en 2012. Même sans connaissance fiscale, tout contribuable ne pouvait ignorer devoir déclarer ses revenus.

La recourante n’avait pas expliqué pourquoi elle n’avait pas déclaré le salaire versé par D______ de 2011 à 2013. Le fait que les déclarations fiscales du couple aient été remplies par son époux ne la disculpait pas.

Les contribuables ne pouvaient pas se prévaloir d’une bonne collaboration. Ils n’avaient jamais transmis à l’AFC-GE de relevés relatifs à l’année 2014, ni de pièces indiquant le montant des rémunérations perçues par la contribuable de 2011 à 2013. L’AFC-GE avait par conséquent été contrainte de fixer par appréciation le salaire perçu par cette dernière.

Le contribuable, même s’il gérait seul les finances du couple, ne répondait que de la soustraction de ses propres éléments imposables, à l’exclusion de ceux de son épouse. Les contribuables n’avaient pas démontré en quoi la répartition du montant des amendes entre eux était inexacte. Ils s’étaient rendus coupables de soustraction d’impôt durant quatre années fiscales, ce qui constituait une circonstance aggravante. Les connaissances, l’activité professionnelle et le réseau mis en avant par le contribuable n’avaient pas pour effet de réduire sa faute, au contraire.

Les contribuables n’avaient pas démontré leur incapacité à régler le montant des amendes.

D. a. Par acte déposé le 26 juin 2024, les recourants ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité. Ils ont conclu à son annulation en tant qu’il confirmait le prononcé des amendes et au constat qu’elles n’avaient pas lieu d’être, subsidiairement à la réduction de leurs montants.

Ils acceptaient les reprises sur leurs revenus mais contestaient avoir eu l’intention de se soustraire à l’impôt.

La répartition des amendes ne tenait pas compte de ce que le contribuable gérait seul les finances du ménage. La contribuable, salariée de la société de son époux, ne s’était pas occupée de la situation fiscale du couple ni n’avait eu de contact avec la fiduciaire. Elle ne pouvait dès lors pas savoir que les déclarations de ses revenus étaient incorrectes.

Le contribuable avait eu recours, pour les déclarations 2011 et 2012, à une fiduciaire au bénéfice d’un titre comptable et s’occupant également de la taxation de ses sociétés. Il lui avait transmis tous les éléments utiles et rien n’attestait qu’il l’aurait mal instruite. Il ne s’était pas aperçu que le prêt de CHF 119'700.- n’avait pas été reporté dans la déclaration.

En 2013, le couple avait été taxé d’office. L’AFC-GE n’avait cependant demandé au contribuable des clarifications concernant ses frais professionnels et le prêt simulé qu’en 2014. Or, durant cette année-ci, il avait rempli la déclaration d’impôt de manière complète. L’AFC-GE était alors déjà au courant de sa situation financière et n’avait procédé au rappel d’impôt que sept ans plus tard.

Ils avaient collaboré avec l’autorité, lui faisant parvenir des justificatifs et un tableau concernant les versements d’D______, quoique ces documents fussent incomplets et pussent paraître décousus. G______ avait toutefois mis plus de huit mois pour transmettre les relevés de compte du contribuable pour les années 2011 à 2013.

Lorsqu’ils avaient été taxés d’office, ils n’avaient pas respecté leur obligation de remplir leur déclaration, mais n’avaient pas menti. En 2013, le contribuable avait fait l’objet d’une intense campagne de dénigrement, l’ayant amené à renoncer à former réclamation.

Le montant des amendes devait en tous les cas être drastiquement réduit. Il ne tenait pas compte du fait que les déclarations d’impôt 2011 et 2012, préparées par leur fiduciaire, avaient été signées en 2012 et 2013, et que l’AFC-GE avait requis des clarifications seulement en 2014. Le contribuable y avait répondu et dans l’intervalle reçu la taxation d’office pour l’année 2013. En 2015, il avait rempli la déclaration pour l’année 2014, exempte de lacunes, puis la déclaration pour l’année 2015, ayant fait l’objet d’une reprise minime, entièrement payée. Il ressort de cette chronologie que les contribuables n’avaient pas eu l’intention de dissimuler quoi que ce soit. À suivre le raisonnement de l’instance précédente et de l’intimée, ils auraient dû verser des impôts sans justificatif, ni bordereau de paiement, ni notification de l’autorité fiscale.

Ils n’auraient pas pu constater une taxation trop basse, puisque les montants déclarés étaient restés stables en 2011 et 2012 et qu’ils ne disposaient pas d’éléments de comparaison pour mettre en évidence un impôt insuffisant. Une conclusion contraire supposait qu’ils connussent l’avenir.

Le refus du TAPI de tenir compte de leurs difficultés financières était contraire aux dispositions topiques du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), imposant la prise en considération de la situation économique de l’auteur.

Les recourants ont produit un courrier de G______ du 7 mai 2024, faisant suite à un envoi de la recourante du 26 avril précédent. L’établissement regrettait que ses relances soient restées sans suite. Conservant les extraits de comptes durant dix ans, elle n’était pas en mesure de lui transmettre ceux concernant la période 2011 à 2013.

b. Dans sa réponse du 30 août 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours, renvoyant pour l’essentiel à ses écritures de premières instance et au jugement querellé.

La contribuable n’avait produit aucun relevé de son compte postal pour les années 2011 à 2013 et seulement un certificat de salaire pour l’année 2011, établi par l’entreprise de son époux. L’autorité avait pu établir qu’elle avait perçu un salaire d’D______ grâce aux extraits de compte postal des années suivantes, et dû arrêter son montant en procédant par estimation.

Les recourants étaient responsables des actes de leur mandataire. Le contribuable n’avait en outre pas démontré avoir correctement instruit la fiduciaire, ni que celle‑ci avait rempli les déclarations au dossier, signées par le recourant lui-même.

Dès lors qu’il incombait à chacun de remplir sa déclaration, la gestion par le contribuable des affaires du couple ne déchargeait pas l’épouse de ses obligations fiscales.

c. Le juge délégué a fixé aux parties un délai au 4 octobre 2024, prolongé au 1er novembre suivant, pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger

d. Dans leur réplique du 1er novembre 2024, les contribuables ont persisté dans leurs conclusions.

Ils n’avaient pas eu conscience du caractère incomplet des indications fournies par la fiduciaire à l’AFC-GE. On ne pouvait pas, faute de preuve du contraire et compte tenu de la maxime inquisitoire, leur reprocher d’avoir mal instruit cette dernière ou insuffisamment contrôlé leurs déclarations. Il n’avait donc pas agi intentionnellement et, si la négligence était retenue, elle devait conduire à une réduction du montant des amendes.

L’AFC-GE était au courant déjà depuis 2014 des faits reprochés au contribuable, à savoir du prêt simulé et des frais de téléphone injustifiés. Elle n’avait pourtant établi les bordereaux d’amende que sept ans plus tard, ce qui était contraire aux principes de célérité et de bonne foi.

Ils avaient soumis à l’intimée les certificats de salaire 2011 à 2013 de la contribuable. Ces revenus n’avaient pas pu être vérifiés car, malgré de nombreuses relances, G______ n’avait pas fourni les relevés de compte de la précitée. Ils avaient pour le surplus transmis tous les documents demandés par l’autorité dans la mesure de leurs moyens et dans les délais fixés.

Leur situation financière ne leur permettait pas de payer les amendes.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 – LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             La présente cause a pour objet la culpabilité des recourants pour soustraction fiscale relativement aux périodes 2012, 2013, 2015 et 2016 ainsi que, subsidiairement, la quotité des amendes. À ce sujet, les recourants font valoir, outre l’absence d’intention, leur bonne collaboration et leur impécuniosité, une violation des principes de célérité et de la bonne foi.

Ils ne contestent en revanche plus les bordereaux de rappel d’impôt pour les années précitées, ainsi que pour la période 2011.

2.1 Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu'une taxation ne soit pas effectuée alors qu'elle devrait l'être, ou qu'une taxation entrée en force soit incomplète, est puni d'une amende (art. 175 al. 1 LIFD ; art. 56 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14 ; art. 69 al. 1 LPFisc).

Pour qu'une soustraction fiscale soit réalisée, trois éléments doivent être réunis : la soustraction d'un montant d'impôt, la violation d'une obligation légale incombant au contribuable et la faute de ce dernier. Les deux premières conditions sont des éléments constitutifs objectifs de la soustraction fiscale, tandis que la faute en est un élément constitutif subjectif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 et 11 ; 2C_874/2018 du 17 avril 2019 consid. 10.1).

La preuve d'un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a voulu tromper les autorités fiscales afin d'obtenir une taxation plus favorable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1 ; 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_129/2018 du 24 septembre 2018 consid. 9.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l'intention (arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2 ; 2C_444/2018 du 31 mai 2019 consid. 9.2) : il suppose que l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins intentionnellement, parce qu'il s'en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 17.3.1).

La notion de négligence des art. 175 LIFD et 56 LHID est identique à celle de l'art. 12 CP : commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle, par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3).

2.2 Lorsqu'il mandate une fiduciaire pour remplir sa déclaration d'impôt, le contribuable n'est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d'une telle intervention ; il répond en particulier des erreurs de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité, du moins s'il était en mesure de reconnaître ces erreurs. Lorsqu'un contribuable signe sa déclaration fiscale, il endosse la responsabilité de la véracité des indications qui s'y trouvent ; il répond ainsi lui‑même des infractions fiscales commises si une faute lui est imputable. Il ne faut pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport à celui qui remplit sa déclaration fiscale lui‑même, par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables. Pour retenir l'intention, à tout le moins par dol éventuel, il faut toutefois que le contribuable ait pu reconnaître le caractère erroné de la déclaration fiscale s'il avait agi avec la diligence requise et qu'il ait ainsi été en mesure de la faire corriger (arrêt du Tribunal fédéral 9C_583/2023 du 12 août 2024 consid. 4.2 et les références citées).

2.3 Celui qui, intentionnellement, incite à une soustraction d’impôt, y prête son assistance, la commet en qualité de représentant du contribuable ou y participe, sera puni d’une amende fixée indépendamment de la peine encourue par le contribuable ; en outre, il répond solidairement de l’impôt soustrait (art. 177 al. 1 LIFD et 71 al. 1 LPFisc).

Le contribuable marié qui vit en ménage commun avec son conjoint ne répond cependant que de la soustraction des éléments imposables qui lui sont propres, sous réserve de la commission de l’infraction susmentionnée. Le seul fait de contresigner la déclaration d’impôt commune n’est pas constitutif d’une telle infraction (art. 180 LIFD ; art. 73 LPFisc). Il n'y a par conséquent, hormis les cas prévus par l'art. 177 LIFD, pas de solidarité entre les époux en matière de soustraction fiscale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.1.2).

2.4 En cas de soustraction consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art. 56 al. 1 LHID ; art. 69 al. 2 LPFisc). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité. En présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en principe au montant de l'impôt soustrait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1).

La quotité précise de l’amende doit par ailleurs être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du CP, les principes de l’art. 47 CP régissant la fixation de la peine s’appliquant. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont applicables par analogie (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 s.). La bonne collaboration du contribuable constitue en principe un élément permettant de réduire la peine (arrêts du Tribunal fédéral 9C_763/2023 du 25 juillet 2024 consid. 10.3 ; 2C_875/2018 du 17 avril 2019 consid. 8.2.2). Il en va de même du temps écoulé depuis l’infraction (art. 48 let. e CP ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_78/2019 précité consid. 9.4 ; 2C_14/2021 du 27 mai 2021 consid. 7).

Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_12/2017 du 23 mars 2018 consid. 7.2.1).

2.5 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Le principe d’instruction d’office est toutefois contrebalancé par le devoir des parties de collaborer à leur établissement dans les procédures qu’elles introduisent elles‑mêmes (art. 22 LPA), en particulier d’étayer leurs propres thèses et d’indiquer à l’autorité les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATA/641/2024 du 28 mai 2024 consid. 3.7 ; ATA/111/2024 du 30 janvier 2024 consid. 3.1).

Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille, pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit. Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/643/2024 précité consid. 4 et les références citées).

2.6 Les art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), applicable dans la présente cause qui relève du droit pénal fiscal, 5 CPP et 29 al. 1 Cst. garantissent notamment à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Ces dispositions consacrent le principe de la célérité et prohibent le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie lorsqu'elle ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 143 IV 373 consid. 1.3.1; 130 I 312 consid. 5.1). Comme on ne peut pas exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constamment d'une seule et unique affaire, il est inévitable qu'une procédure comporte quelques temps morts. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3). La violation du principe de la célérité peut avoir pour conséquence la diminution de la peine, parfois l'exemption de toute peine ou encore une ordonnance de classement en tant qu'ultima ratio dans les cas les plus extrêmes (ATF 143 IV 373 consid. 1.4.1; 135 IV 12 consid 3.6).

En matière pénale, le délai raisonnable visé à l’article 6 § 1 CEDH commence à courir dès que la personne est « accusée ». Il y a « accusation en matière pénale » dès lors qu’une personne est officiellement inculpée par les autorités compétentes ou que les actes effectués par celles-ci en raison des soupçons qui pèsent sur elle ont des répercussions importantes sur sa situation (ACEDH Vegotex International S.A. c. Belgique du 3 novembre 2022, req. n° 49812/09, § 150).

2.7  À teneur de l'art. 5 al. 3 Cst., les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu'ils s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2). De ce principe général découle le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l'État, consacré à l'art. 9 in fine Cst., dont le Tribunal fédéral contrôle librement le respect (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1; 136 I 254 consid. 5.2). En vertu de cette garantie, un particulier a le droit d'exiger, à certaines conditions, que les autorités se conforment aux promesses ou assurances précises qu'elles lui ont faites et ne trompent pas la confiance qu'il a légitimement placée dans ces dernières (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; 141 V 530 consid. 6.2).

2.8 Aux termes de l'art. 48 let. e CP, le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle. Cette disposition ne fixe pas de délai. Selon la jurisprudence, l'atténuation de la peine en raison du temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription. L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit écoulé depuis l'infraction. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés (ATF 140 IV 145 consid. 3.1; 132 IV 1 consid. 6.1 et 6.2).

2.9 En l’espèce, le recourant et la recourante n’ont pas déclaré leurs revenus respectivement à hauteur de CHF 272’070.- et CHF 22'000.- en 2012, CHF 77'930.- et CHF 57'444.- en 2013, CHF 8’050.- et CHF 54'100.- en 2015, et CHF 58’500.- et CHF 54'000.- en 2016. Ils se sont en conséquence soustraits à l’ICC et l’IFD dans une mesure équivalant aux montants des amendes durant les quatre années précitées.

Eu égard à l’importance et à la nature des revenus en cause, consistant en salaires, bénéfices, prétendu prêt et remboursement de frais, leur absence dans les déclarations fiscales 2012 et 2015 n’a pas pu échapper au recourant lorsqu’il les a signées. En qualité d’administrateur ou de gérant de plusieurs sociétés à Genève notamment active dans le domaine économique, de titulaire d’une entreprise individuelle, de président d’une importante association œuvrant dans le domaine de la criminalité internationale, et de spécialiste de la fraude internationalement reconnu, il n’a en effet pu ignorer, ce qu’il n’allègue pas, devoir déclarer l’intégralité de ses revenus, ni ne pas réaliser que les montants en cause ne figuraient pas dans ses déclarations. Il est ainsi établi avec une sécurité suffisante qu’il était conscient de leur caractère incomplet et qu’il a agi en se rendant compte des conséquences de son acte. Aucun élément à la procédure ne permet de renverser la présomption jurisprudentielle selon laquelle il a ainsi voulu tromper les autorités pour obtenir une taxation plus favorable.

Le dossier ne comporte pas la preuve qu’il aurait délégué sa déclaration à une fiduciaire en 2012, mais un tel mandat serait sans influence sur sa faute. Il n’est pas démontré que la fiduciaire, nantie de tous les éléments utiles, aurait agi contrairement aux instructions reçues. Les recourants se trompent à cet égard sur la portée de la maxime inquisitoire. Dès lors que la soustraction fiscale est établie, il leur appartenait d’apporter la preuve, de nature à réduire ou exclure leur faute, d’un manquement de la fiduciaire nonobstant des instructions précises et une documentation complète. En tout état de cause, une erreur de cette dernière, peu probable à l’échelle des revenus en cause, dût-elle être admise, elle aurait été identifiable sans difficulté par le contribuable, compte tenu des montants non déclarés et de leur nature ainsi que des qualités du précité. Ayant signé la déclaration, il doit donc en endosser la responsabilité, sans pouvoir s’y soustraire derrière son représentant.

Pour les années 2013 et 2016, sa faute est encore plus incontestable, dès lors qu’il n’a déclaré aucun de ses revenus et qu’il n’a ainsi en aucun cas pu ignorer les soustraire à l’impôt.

La signature de la contribuable ne figure pas sur les déclarations 2012 et 2015 au dossier. Quand bien même elle n’aurait jamais signé ces documents et aurait entièrement délégué à son mari ou à la fiduciaire lesdites déclarations sans avoir de contact avec cette dernière, comme allégué par les recourants, elle répond entièrement des manquements de ses représentants, dans la mesure où elle-même aurait été en mesure de facilement les identifier. Or, les revenus non déclarés concernaient les postes de salaire d’D______, de CHF 22'000.- en 2012 et de CHF 54'100.- en 2015, dont l’absence n’aurait pas pu lui échapper, quelles que soient ses compétences fiscales. Il est en effet attendu de tout administré qu’il sache devoir faire figurer son salaire dans sa déclaration fiscale et d’y identifier une telle lacune. Les montants en cause n’étaient de surcroît pas anodins. La contribuable endosse dès lors la responsabilité de l’absence de déclaration complète de ses revenus, par son époux ou par la fiduciaire, quand bien même ceux-ci auraient agi seuls.

Pour les années 2013 et 2016, la contribuable ne pouvait pas ignorer que ses revenus, de plus de CHF 100'000.- au total, n’avaient fait l’objet d’aucune déclaration. Elle n’allègue notamment pas que cela lui aurait été caché par son époux, lequel a expliqué n’avoir déclaré aucun revenu à l’autorité pour protéger sa famille. Le manquement de ce dernier, très aisément identifiable par n’importe quel contribuable, lui est de toute manière imputable pour les mêmes motifs que ceux développés ci-avant.

Les recourants arguent vainement n’avoir reçu des demandes de clarification qu’au plus tôt l’année suivant leur déclaration, ou pu constater une insuffisance de l’impôt par comparaison aux années précédentes, et dès lors commis aucune faute avant toute notification de l’intimée. Il leur est précisément reproché de ne pas avoir déclaré spontanément l’ensemble de leurs revenus, conformément à leurs obligations fiscales, et non de n’avoir pas donné suite aux demandes de renseignements de l’intimée ni tiré les conséquences de celles-ci pour les exercices suivants.

Les contribuables se sont ainsi tous deux rendus coupables de soustraction fiscale intentionnelle en lien avec les exercices 2012, 2013, 2015 et 2016.

2.10 L’intimée a fixé les amendes au montant de l’impôt soustrait, conformément à la quotité de base prévue par la loi.

La faute des recourants ne peut pas être qualifiée de légère et apparaît même significative, dès lors qu’ils ont agi sur une période de quatre années, interrompue seulement en 2014. Ils ont dissimulé à l’intimée une grande partie des revenus perçus en 2012 et 2015 et n’ont rien déclaré du tout pour les années 2013 et 2016. Il ne ressort pas du dossier qu’ils auraient été mus par d’autres motifs que celui de se soustraire à l’impôt. Leurs allégations selon lesquelles, en 2013 et 2016, ils n’auraient pas trouvé de fiduciaire ou qu’ils souhaitaient se protéger contre des attaques de tiers, qui auraient notamment cherché à exposer leur situation fiscale, ne convainquent pas. Le recourant était tout d’abord à même de remplir seul leur déclaration eu égard à ses qualifications, ainsi qu’il l’a fait en 2014 et 2015. Compte tenu du secret fiscal, ses revenus n’auraient ensuite pas pu être exposés au public dans le but de lui porter préjudice dans le cadre d’une cabale, dont il n’est ni allégué ni démontré qu’elle aurait été orchestrée par des membres du personnel de l’administration intimée.

Quoi qu’ils en disent, les recourants ne peuvent pas se prévaloir d’une bonne collaboration. Ils se sont en effet contentés de répondre aux demandes réitérées de documents et de renseignements de l’intimée après l’ouverture de la procédure en rappel d’impôt, de manière partielle et dans un intervalle de plus d’une année. Ils admettent par ailleurs que les documents transmis étaient incomplets et décousus. L’intimée a en conséquence dû établir les montants des éléments de revenu à reprendre sur la base de son propre examen, sans leur aide. Les recourants n’ont en particulier jamais produit les relevés du compte postal de la recourante pour les années 2012 et 2013, de sorte que l’intimée a été contrainte de fixer le montant de son salaire en procédant par estimation. Les recourants allèguent, sans le démontrer alors qu’il s’agit d’éléments en leur faveur dont ils auraient pu apporter la preuve, avoir vainement requis G______ de leur fournir les relevés en cause. Le courrier du 7 mai 2024 produit devant la chambre de céans, par lequel G______ a donné suite à un envoi de la recourante du 26 avril précédent, n’est pas propre à démontrer que la contribuable aurait dûment sollicité les relevés de son compte antérieurement à l’échéance du délai décennal de conservation des pièces comptables à fin 2021, ou même à fin 2022 ou 2023, et que l’établissement postal se serait refusé de les lui transmettre. Ce alors que G______ a remis au recourant, certes seulement après huit mois selon les allégués de ce dernier, les extraits de compte postal 2011 à 2013 le concernant.

Les recourants objectent péremptoirement ne pas disposer des moyens de s’acquitter des amendes. Ils n’allèguent toutefois pas précisément ni ne démontrent, ce qui leur incombe au vu des principes de collaboration des parties à l’établissement des faits et du fardeau de la preuve susrappelés, en quoi leur situation économique et personnelle se serait à tel point dégradée qu’elle commanderait une baisse du montant des amendes.

2.11 L’autorité n’a pas violé le principe de célérité en ouvrant le 4 juin 2021 la procédure de rappel d’impôt et de soustraction fiscale et en notifiant les bordereaux d’amende le 16 novembre 2022. Compte tenu de la durée de cinq ans de la période couverte, du nombre d’éléments de revenus à clarifier et du délai ainsi que de la qualité des réponses des recourants, une durée de 17 mois pour instruire la procédure et rendre une décision n’est pas choquante en tant que telle. L’instruction de la cause n’a pas non plus connu d’interruption particulièrement longue. Il n’y a pour le surplus pas lieu de tenir compte de la période antérieure à la notification aux recourants de l’ouverture de la procédure pour soustraction fiscale. Avant celle-ci, l’autorité n’a en effet pas communiqué aux recourants les infractions qui leur étaient individuellement reprochées, ni réalisé un autre acte ayant eu des répercussions sur leur situation personnelle.

L’intimée a eu certes connaissance en 2014, à travers l’examen de la situation fiscale d’D______, de l’existence potentielle d’un prêt simulé et du remboursement injustifié de frais en faveur du contribuable relativement à la période fiscale 2012. Ce dernier n’a pas donné suite aux demandes de renseignements de l’autorité à ce sujet. L’intimée a dès lors utilisé ces éléments, parmi d’autres, pour justifier l’ouverture d’une procédure en rappel d’impôt et pour soustraction fiscale en 2021 concernant les contribuables individuellement. Cela ne contrevient pas au principe de la bonne foi. Elle ne leur a en effet offert aucune garantie que ces éléments ne feraient jamais l’objet d’une reprise, laquelle n’est du reste plus litigieuse, ni que la soustraction fiscale en découlant ne serait pas poursuivie. En refusant de s’exprimer sur ces deux éléments de revenu au titre d’administrateur de la société, le recourant a au contraire consciemment pris le risque que l’autorité en tire les conséquences sur sa situation fiscale propre à un moment ou l’autre, dans le cadre des procédures prévues par la loi.

Les recourants peuvent en revanche se prévaloir du temps écoulé depuis l’année 2016, afférente à la dernière soustraction fiscale commise. Aucune autre infraction ne leur est en effet reprochée postérieurement à teneur du dossier. En lien avec la période fiscale précitée, les deux tiers du délai de prescription de dix ans, certes en vigueur depuis le 1er janvier 2017, mais applicable dans la mesure où il est plus favorable que le délai interruptible et prolongeable jusqu’à 15 ans prévu par les normes précédentes, sont en outre désormais atteints (art. 77 al. 1 let. b et 84 LPFisc ; art. 58 al. 2 et 78f LHID  ; art. 184 al. 1 let. b et 205f LIFD ; art. 77 aLPFsic ; art. 58 aLHID ; art. 184 aLIFD).

2.12 En définitive, la faute des recourants est assez importante compte tenu des montants non déclarés, de la durée de leurs agissements, du but poursuivi et de leur manière d’agir. Leur collaboration est médiocre et la prise de conscience de leur faute quasi inexistante. Au vu de l’ensemble de ces éléments à charge, l’intimée, légitimée à faire preuve de sévérité pour assurer le respect de la loi, n’a pas abusé de son large pouvoir d’appréciation en fixant les amendes au montant de l’impôt soustrait, nonobstant la réalisation de la circonstance atténuante résultant du temps écoulé. Ce d’autant moins que la prescription ne sera atteinte que dans deux ans et que le critère principal de fixation de la peine demeure le montant précité.

En l’absence de solidarité entre époux contribuables en matière pénale, l’intimée était au surplus fondée à répartir le montant de l’amende entre eux. La prise en considération pour ce faire de la quotité des éléments de revenus non déclarés leur étant imputables n’est pas critiquable, contrairement au point de vue des recourants. Ils assument en effet pleinement la responsabilité des soustractions commises dans la mesure où elles ont trait à leurs revenus propres. Le contribuable ne s’est en particulier pas rendu coupable de soustraction fiscale des revenus de la recourante en signant les déclarations.

Mal fondé, le recours sera rejeté

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris solidairement (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 juin 2024 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 mai 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge solidaire de A______ et B______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me François MEMBREZ, avocat des recourants, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :