Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1452/2024 du 10.12.2024 ( FORMA ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3353/2024-FORMA ATA/1452/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 10 décembre 2024 1ère section |
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dans la cause
A______ recourante
représentée par Me Michel CELI VEGAS, avocat
contre
DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé
A. a. A______ (ci-après également : l'élève), née le ______2005, a commencé en août 2021 une formation de culture générale au sein de l'ECG B______ (ci-après : l'ECG).
b. Au terme de sa première année, elle présentait une moyenne générale de 3.3, six disciplines insuffisantes (français, allemand, anglais, sciences expérimentales, sciences humaines et sport) et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 7 : elle ne remplissait donc pas les conditions pour être promue en deuxième année.
Elle a été autorisée par la direction de l'ECG à redoubler sa première année.
c. Au terme de sa seconde première année, en juin 2023, A______ présentait une moyenne générale de 4.4, une discipline insuffisante (anglais) et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 0.8 : elle remplissait donc les conditions de promotion par tolérance en deuxième année.
d. En juin 2024, au terme de sa deuxième année, elle présentait une moyenne générale de 4.2, cinq disciplines insuffisantes (allemand : 3.6 ; anglais : 3.4 ; informatique : 3.6 ; sciences humaines : 3.7 ; physique I : 3.9) et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 1.
Elle cumulait par ailleurs, sur l'année scolaire, 61 heures d'absences non motivées, onze arrivées tardives, seize devoirs non faits et deux renvois.
Sa demande de promotion par dérogation en troisième année a été rejetée par la direction de l'ECG, qui lui a par ailleurs signifié son échec définitif dans la filière.
e. Par courrier adressé le 3 juillet 2024 à la direction générale de l'enseignement secondaire II (ci-après : la DGES II), A______ s'est opposée à ce refus de promotion par dérogation, invoquant pour l'essentiel une violation du principe de l'égalité de traitement dès lors qu'une promotion par dérogation en troisième année avait été accordée à l' « une de [s]es connaissances » présentant cinq notes en dessous de la moyenne et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 1.7.
Était annexé à ce courrier un certificat médical établi le 26 juin 2024 par le docteur C______, médecin chef de clinique à la consultation pour le développement de l'enfant et de l'adolescent (CDEA), dont il ressortait qu'A______ était suivie depuis 2019 pour un trouble anxieux et dépressif. Présentant une certaine difficulté à gérer son autonomie, elle était sensible aux problèmes autour d'elle et pouvait se désorganiser sur le plan scolaire, ce qui l'avait pénalisée dans l'accomplissement de ses objectifs 2023/2024. Elle avait récemment vécu des changements importants dans son environnement familial, conduisant à une récidive de ses symptômes anxieux et dépressifs. Elle présentait des troubles du sommeil avec d'importantes difficultés d'endormissement, des réveils nocturnes et une durée de sommeil continu inférieure à ce qui était nécessaire à son âge, avec pour conséquence qu'elle se sentait fatiguée le matin et avait des difficultés à rester concentrée à l'école.
f. Par décision du 13 août 2024, la DGES II a confirmé la décision de la direction de l'ECG de ne pas accorder à l'élève la possibilité de redoubler sa deuxième année. Ayant déjà redoublé sa première année, celle-ci ne pouvait prétendre à un redoublement de sa deuxième année. À la fin de sa deuxième année, elle cumulait deux causes d'échec et son comportement pendant l'année scolaire n'était pas acceptable. Les problèmes de santé qu'elle évoquait pouvaient certes expliquer en partie son échec mais ne pouvaient, à eux seuls, justifier la faiblesse des résultats obtenus. Il n'était donc pas possible de poser un pronostic de réussite de la filière de culture générale ; une réorientation, par exemple vers une formation professionnelle en voie duale, paraissait plus raisonnable.
g. Le 20 août 2024, l'élève a indiqué à la DGES II que sa demande initiale ne portait pas sur le redoublement de la deuxième année mais sur une promotion par dérogation en troisième année. La DGES II a alors rendu, le 9 septembre 2024, une nouvelle décision, annulant et remplaçant celle du 13 août 2024, par laquelle, reprenant pour l'essentiel la motivation de la décision annulée, elle a confirmé la décision de la direction de l'ECG de ne pas accorder une promotion par dérogation en troisième année.
B. a. Par acte adressé le 11 octobre 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), A______ a formé un recours contre la décision du 9 septembre 2024, concluant, à titre préalable et sur mesures provisionnelles, à ce qu'elle soit autorisée à redoubler la deuxième année et, au fond, à l'annulation de la décision contestée puis, principalement, à ce qu'une promotion par dérogation en troisième année lui soit accordée ou, subsidiairement, à ce qu'elle soit autorisée à redoubler la deuxième année.
Son droit d'être entendu avait été violé du fait que l'autorité n'avait pas pris en considération sa situation médicale, dont elle avait pourtant été dûment avertie.
Les principes de la légalité, de la proportionnalité, de la bonne foi et de l'égalité de traitement avaient été violés. Au vu des problèmes de santé dont elle avait souffert au cours de l'année scolaire 2023/2024 à la suite de changements importants survenus dans son environnement familial, lesquels étaient la cause de ses difficultés scolaires, elle remplissait les conditions pour bénéficier d'une promotion par dérogation ou à tout le moins d'un redoublement supplémentaire. Son élimination de la filière de culture générale n'était ni apte à atteindre le résultat souhaité, ni nécessaire ni proportionnée compte tenu de son état de santé. C'était en violation du principe de la bonne foi que l'autorité avait tenu compte en sa défaveur de ses absences et retards, dans la mesure où ceux-ci étaient dus à son état de santé. Le refus d'une promotion par dérogation ou d'un redoublement supplémentaire était enfin constitutif d'une inégalité de traitement par rapport aux élèves non confrontés à des problèmes de santé comparables aux siens.
b. La DGES II a conclu au rejet des mesures provisionnelles sollicitées et à celui du recours.
Les problèmes de santé de la recourante étaient connus de la direction de l'ECG lorsqu'elle avait rendu sa décision et celle-là avait pu s'exprimer sur ce point avant qu'une décision ne soit rendue, de telle sorte que son droit d'être entendue avait été respecté. En tout état, une violation de ce droit pouvait être réparée dans la procédure de recours.
L'octroi d'une promotion par dérogation ou d'un redoublement n'était pas un droit. Les conditions d'une promotion par dérogation n'étaient en l'occurrence pas réalisées, au vu d'une part de l'écart entre les normes de promotion et les résultats obtenus par l'élève et d'autre part de l'absence de pronostic favorable sur les aptitudes de l'élève pour suivre l'enseignement au degré suivant. Celles d'un redoublement ne l'étaient pas non plus, étant relevé que l'élève avait déjà bénéficié de cette possibilité pour la première année. Les problèmes de santé de l'élève, qui avaient commencé en avril 2019 et pouvaient certainement contribuer à expliquer ses difficultés scolaires, avaient été dûment pris en compte, notamment lorsqu'il avait été décidé, en juin 2022, de l'autoriser à redoubler sa première année. Il devait toutefois être constaté que, depuis son entrée à l'ECG, l'élève rencontrait des difficultés persistantes dans plusieurs branches. Les principes de la proportionnalité et de l'égalité de traitement avaient été respectés.
c. Dans sa réplique sur effet suspensif et sur le fond, la recourante a persisté dans ses argumentation et conclusions.
d. La cause a été gardée à juger sur effet suspensif et sur le fond le 12 novembre 2024.
1. Interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 40 règlement de l’enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 - REST - C 1 10.31), le recours est recevable.
2. La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue.
2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2022 du 28 novembre 2022 consid. 3 et les références ; ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5a et les références).
La jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de droits constitutionnels a également déduit du droit d’être entendu le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; 142 II 154 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2022 du 25 novembre 2022 consid. 6.5). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives, mais doit se prononcer sur celles-ci (ATF 143 III 65 consid. 5.2 ; 142 II 154 consid. 4.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_934/2022 du 22 mars 2023 consid. 4.1 ; 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 4.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 531 n. 1573). Il suffit, du point de vue de la motivation de la décision, que les parties puissent se rendre compte de sa portée à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_548/2021 du 24 février 2023 consid. 5.2 ; 2C_458/2020 du 6 octobre 2020 consid. 4.1 ; ATA/936/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références).
2.2 La recourante fait en l'espèce grief à la DGES II d'avoir statué sans prendre en compte sa situation médicale particulière, singulièrement la réapparition de ses symptômes anxieux et dépressifs à la suite de changements récents et importants dans sa situation familiale, telle qu'elle ressort de l'attestation du Dr C______.
Il résulte toutefois du dossier que ladite attestation a été remise à la DGES II par la recourante en annexe à sa lettre du 3 juillet 2024, de telle sorte qu'elle a eu la possibilité de s'exprimer à son sujet et que l'autorité en avait connaissance au moment de statuer. La situation médicale de la recourante et les conséquences devant en être tirées ont du reste fait l'objet d'une motivation spécifique dans ladite décision, l'autorité intimée expliquant notamment que, si les problèmes de santé évoqués – dont il avait déjà été tenu compte par le passé – pouvaient en partie expliquer son échec, ils ne pouvaient à eux seuls justifier la faiblesse des résultats obtenus. Le droit d'être entendue de la recourante a donc été respecté aussi bien sous l'angle de la possibilité pour elle de faire valoir ses moyens et de s'exprimer avant qu'une décision ne soit rendue que sous l'angle du droit à une décision motivée.
La question de savoir si l'intimée a correctement tenu compte de l'état de santé de la recourante ne concerne pour sa part pas son droit d'être entendue mais la conformité au droit de la décision contestée.
3. La recourante demande à être promue par dérogation en troisième année de l'ECG. À titre subsidiaire, elle sollicite l’autorisation de redoubler sa deuxième année.
3.1 L’école publique a pour buts, dans le respect de la personnalité de chacun : a) de donner à chaque élève le moyen d’acquérir les meilleures connaissances et compétences dans la perspective de ses activités futures et de chercher à susciter chez lui le désir permanent d’apprendre et de se former ; b) d’aider chaque élève à développer de manière équilibrée sa personnalité, sa créativité ainsi que ses aptitudes intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques ; c) de veiller à respecter, dans la mesure des conditions requises, les choix de formation des élèves ; d) de préparer chacun à participer à la vie sociale, culturelle, civique, politique et économique du pays, en affermissant le sens des responsabilités, la faculté de discernement et l’indépendance de jugement ; e) de rendre chaque élève progressivement conscient de son appartenance au monde qui l’entoure, en éveillant en lui le respect d’autrui, la tolérance à la différence, l’esprit de solidarité et de coopération et l’attachement aux objectifs du développement durable ; f) de tendre à corriger les inégalités de chance de réussite scolaire des élèves dès les premières années de l’école (art. 10 al. 1 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 [LIP - C 1 10]).
3.2 Selon l’art. 29 REST, les conditions de promotion sont déterminées par les règlements de chaque filière (al. 1). L’orientation des élèves constitue une part importante de la mission de l’école et, dans cette optique, lors de l’analyse de l’octroi d’une promotion par dérogation ou d’un redoublement ou lors d’une réorientation, il doit être tenu compte des aptitudes de l’élève à mener à bien son projet de formation (al. 2). Sont également prises en considération les circonstances ayant entraîné l’échec, les progrès accomplis, la fréquentation régulière des cours et le comportement de l’élève (al. 3).
3.2.1 Est promu au terme de la deuxième année de l'ECG l’élève qui obtient la note annuelle de 4.0 au moins pour chacune des disciplines (art. 21 al. 1 du règlement relatif à l’école de culture générale du 1er février 2023 [RECG - C 1 10.70]). Est promu par tolérance l'élève dont la moyenne générale est égale ou supérieure à 4, ayant au maximum trois notes inférieures à 4 et dont la somme des écarts à 4 des notes insuffisantes n'excède pas 1.5 (art. 21 al. 2 RECG). L'art. 30 REST, relatif aux conditions de promotion par dérogation, restent réservées (art. 21 al. 3 RECG).
3.2.2 En l'espèce, la recourante a terminé sa deuxième année avec une moyenne générale de 4.2 mais cinq notes insuffisantes et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 1.8. Elle ne remplissait donc pas les conditions d'une promotion en troisième année, même par tolérance, ce qu'elle ne conteste pas.
3.3 La direction d’un établissement, sur proposition de la conférence des maîtres de la classe ou du groupe ou, dans des cas exceptionnels, de sa propre initiative, peut accorder la promotion à des élèves qui ne remplissent pas complètement les conditions de promotion et qui semblent présenter les aptitudes nécessaires pour suivre l’enseignement de l’année suivante avec succès (art. 30 al. 1 REST). Un élève ne peut pas bénéficier de cette mesure plus d’une fois par filière (art. 30 al. 2 REST). Un élève ne peut bénéficier d’une dérogation à l’issue d’une année répétée (art. 30 al. 3 REST).
3.3.1 Une promotion par dérogation suppose ainsi la réalisation de deux conditions.
La première est que l’élève ne remplisse pas « complètement » les conditions de promotion, ce qui signifie que ses résultats ne doivent pas être par trop éloignés des normes de promotion par tolérance. Selon la jurisprudence de la chambre de céans, une somme des écarts à la moyenne des notes inférieures à 4 excédant de 20% le maximum autorisant d’entrer en matière sur une promotion par tolérance ne saurait à cet égard être considérée comme de peu d'importance (ATA/776/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4).
La deuxième condition prévue pour l’octroi d’une promotion par dérogation a trait aux aptitudes que semble avoir l’élève et qui sont nécessaires pour suivre l’enseignement de l’année suivante avec succès en dépit de son échec.
3.3.2 Lorsqu'elle statue sur l'octroi d'une promotion par dérogation, l’autorité scolaire bénéficie d’un très large pouvoir d’appréciation, dont la chambre de céans ne censure que l'abus ou l'excès. Ainsi, alors même que l’autorité resterait dans le cadre de ses pouvoirs, quelques principes juridiques les restreignent, dont la violation constitue un abus de ce pouvoir : elle doit exercer sa liberté conformément au droit. Elle doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de la proportionnalité (ATA/1697/2019 du 19 novembre 2019 consid. 4d et les références citées).
3.3.3 Dans l’exercice de ses compétences, toute autorité administrative est tenue de respecter le principe de la proportionnalité découlant des art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., qui commande que la mesure étatique en cause soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu’elle soit dans un rapport raisonnable avec l’atteinte aux droits des particuliers qu’elle entraîne (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2).
3.3.4 Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 148 I 73 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_87/2024 du 3 septembre 2024 consid. 6.1). Pour qu'il y ait inégalité de traitement, les décisions contradictoires doivent émaner de la même autorité : l'autorité doit se contredire elle-même (arrêt du Tribunal fédéral 5A_328/2020 du 9 juin 2022 consid. 3.2).
3.3.5 L'autorité intimée a en l'espèce retenu que la première condition pour une promotion par dérogation n'était pas remplie dès lors que l'élève cumulait deux causes d'échec (nombre de notes inférieures à la moyenne et somme des écarts négatifs), qu'elle avait cinq notes inférieures à la moyenne contre un maximum admis de trois et que la somme des écarts négatifs était de 1.8 contre un maximum admis de 1.5. Pour la recourante au contraire, cette condition serait remplie compte tenu de ses problèmes médicaux, dont elle avait informé la direction de l'ECG et qui l'avaient empêchée de suivre les cours de manière adéquate, et du caractère « dérisoire » de la différence entre l'écart négatif toléré de 1.5 et le sien.
Elle ne saurait être suivie sur ce point. Comme l'a relevé l'intimée, l'écart séparant les résultats qu'elle a obtenus des normes de promotion par tolérance doit en effet être qualifié d'important, et ce au regard tant du cumul des causes d'échec que du dépassement des tolérances. L'argument de la recourante selon laquelle une différence de 0.3 entre la somme des écarts négatifs admissible et la sienne serait « dérisoire » se heurte à la jurisprudence susmentionnée de la chambre administrative, une telle différence correspondant à 20% de la somme des écarts négatifs tolérée. En invoquant ses problèmes médicaux pour expliquer ses mauvais résultats, la recourante oublie par ailleurs que l'exigence que les résultats effectifs de l'élève ne soient pas par trop éloignés des normes de promotion par tolérance vise à s'assurer qu'une partie au moins des apprentissages dispensés au cours de l'année scolaire a été acquise, faute de quoi une promotion par dérogation ne devrait pas entrer en considération. Les raisons d'une insuffisance de résultats ne sont donc, en elles-mêmes, pas pertinentes pour l'examen de cette condition.
L'autorité intimée a également considéré que la seconde condition posée à une promotion par dérogation, soit la possibilité d'émettre un pronostic favorable sur les aptitudes de l'élève à suivre avec succès l'enseignement de l'année suivante, n'était pas non plus réalisée. La recourante le conteste, faisant valoir là encore que ses problèmes de santé, qui s'étaient aggravés en raison des changements intervenus dans son environnement familial, étaient à l'origine de ses difficultés et qu'elle avait progressé entre les premier et second semestres de l'année scolaire.
Après avoir été autorisée à redoubler sa première année, qu'elle avait très largement échouée, la recourante a été promue par tolérance en deuxième année. Au terme du premier semestre de cette deuxième année, elle présentait quatre disciplines insuffisantes (anglais, informatique-culture numérique, sciences humaines et santé publique) pour une somme d'écarts négatifs à la moyenne de 1.9. S'il est vrai, comme elle le relève, qu'elle s'est améliorée au cours du second semestre dans quatre disciplines (français : de 4.3 à 4.5 ; informatique-culture numérique : de 3.5 à 3.7 ; dessin-arts plastiques : de 5.1 à 5.3 ; santé publique : de 3.8 à 4.3), ses notes se sont péjorées dans six autres (mathématiques : de 5.2 à 4.5 ; allemand : de 4.3 à 4 ; anglais : de 3.4 à 3.3 ; biologie I : de 5.0 à 4.4 ; chimie I : de 4.6 à 4.1 ; physique I : de 4.0 à 3.8). Au terme de ce second semestre, elle présentait cinq disciplines insuffisantes et une somme des écarts négatifs à la moyenne de 1.8. Il ne peut donc être considéré qu'elle se serait trouvée dans une dynamique positive.
À cela s'ajoute que, lors du second comme lors du premier semestre, le comportement de la recourante n'a pas démontré un grand investissement de sa part dans son parcours scolaire, avec notamment de nombreuses absences non motivées et un renvoi par semestre.
Il faut certes admettre que le trouble anxieux et dépressif mixte dont souffre la recourante depuis 2019 au moins lui a certainement rendu, et lui rend encore, plus difficile la poursuite de son parcours scolaire. Elle n'allègue cela étant pas que des mesures spécifiques de soutien en milieu scolaire – qu'elle n'a au demeurant pas requises – auraient été nécessaires ou même utiles, ni qu'elle aurait dû bénéficier d'aménagements lors des épreuves. Au vu de leur nature comme de leur caractère pérenne, les problèmes de santé de la recourante étaient sans doute de nature à justifier une attention particulière de la part de la direction de l'ECG lors de l'examen des conditions de promotion et de redoublement – comme cela a du reste été le cas, comme en témoigne le fait que l'élève a été autorisée à redoubler sa première année malgré des résultats très insuffisants – mais ne sauraient lui permettre de s'affranchir des exigences légales et réglementaires en la matière. Si elle paraît invoquer, en relation avec l'année scolaire 2023/2024, une aggravation ou une récidive des symptômes les plus incapacitants liés à son trouble en raison de changements dans son environnement familial, elle ne donne aucune précision sur ce point, notamment quant à la nature de ces changements et à leur date ; on ne discerne surtout aucune évolution notable de ses notes ou de son comportement au cours de l'année scolaire pouvant être mise en relation avec un événement extérieur. Contrairement à ce qu'elle soutient, l'intimée n'a par ailleurs pas violé le principe de la bonne foi en tenant compte, dans son appréciation, du nombre élevé d'absences non motivées : si en effet ces absences avaient été dues, comme l'allègue la recourante, à ses problèmes de santé, elles auraient pu être motivées, au besoin par la production d'un certificat médical.
La décision refusant une promotion par dérogation ne consacre enfin aucune violation des principes de la proportionnalité ou de l'égalité de traitement. Elle est en effet justifiée par l'intérêt public à une bonne orientation des élèves compte tenu notamment de leurs aptitudes (art. 10 al. 1 LIP et 29 al. 2 et 3 REST), lequel doit prévaloir sur l'intérêt privé de la recourante à poursuivre la formation de son choix. Sa situation de santé a été dûment prise en considération dans l'examen de sa demande et elle n'établit pas qu'un autre élève se trouvant dans une situation comparable à la sienne aurait bénéficié d'une dérogation par promotion ; c'est bien plutôt l'octroi d'une telle dérogation alors que les conditions n'en sont pas réalisées qui aurait créé une inégalité avec d'autres élèves eux aussi confrontés à des difficultés de santé et familiales mais n'ayant pas bénéficié d'une telle faveur.
C'est donc sans abus de son – large – pouvoir d'appréciation que la DGES II a refusé d'accorder à la recourante une promotion par dérogation en troisième année.
3.4 À titre subsidiaire, la recourante demande à pouvoir redoubler sa deuxième année.
3.4.1 À teneur de l’art. 31 REST, l’octroi d’un redoublement n’est pas un droit (al. 1). La direction d’un établissement, sur proposition de la conférence des maîtres de la classe ou du groupe ou, dans des cas exceptionnels, de sa propre initiative, peut autoriser un élève non promu à redoubler l’année (al. 2). Dans les voies de formation générale, cette mesure ne peut être accordée qu’une seule fois par filière (al. 3). Un élève ayant bénéficié d’un redoublement ne peut prétendre ni à un triplement de l’année ni à un redoublement de l’année immédiatement supérieure (al. 4). La DGES II peut accorder un redoublement supplémentaire pour de justes motifs, tels que des problèmes de santé ou un accident (al. 7).
3.4.2 À l'instar de ce qui est le cas en matière de promotion par dérogation, l'autorité scolaire qui statue sur une demande de redoublement bénéficie d’un très large pouvoir d’appréciation, dont la chambre de céans ne censure que l'abus ou l'excès. Sa décision doit tenir compte des circonstances pertinentes et ne pas être arbitraire (ATF 129 III 400 consid. 3.1).
3.4.3 Dans le cas d'espèce, et dans la mesure où la recourante a déjà été autorisée à redoubler sa première année, elle ne peut en principe prétendre à un nouveau redoublement en application des al. 3 et 4 de l'art. 31 REST. Seul entre donc en considération un redoublement supplémentaire au sens de l'art. 31 al. 7 REST, ce qui suppose l'existence de justes motifs.
Pour la recourante, la résurgence au cours de l'année scolaire 2023/2024 des problèmes de santé dont elle souffre depuis 2019, qui l'aurait empêchée de suivre sa scolarité dans de bonnes conditions, serait constitutive d'un tel juste motif.
Il résulte à cet égard de l'attestation du Dr C______, établie le 26 juin 2024, que l'élève avait vécu « ce dernier temps » des changements importants dans son environnement familial, ce qui avait provoqué une récidive de ses symptômes anxieux et dépressifs, parmi lesquels des troubles du sommeil pour lesquels elle suivait un traitement médicamenteux. Au-delà de ces troubles du sommeil, qui entraînaient pour la recourante une difficulté à rester concentrée à l'école, l'attestation du Dr C______ ne permet cependant pas d'établir une relation de causalité entre la réapparition de ses symptômes et son échec scolaire. Le Dr C______ mentionne certes, dans son attestation, une certaine difficulté de la part de la recourante à gérer son autonomie, ainsi qu'une sensibilité aux problèmes autour d'elle pouvant déboucher sur une désorganisation au niveau scolaire, mais sans mettre ces particularités en relation avec le trouble dont elle souffre. Dans la mesure par ailleurs où la recourante n'a donné aucune précision sur les changements importants ayant selon elle entraîné la réapparition de ses symptômes, en particulier sur le moment de leur survenance, leur éventuel effet sur ses résultats scolaires ne peut être constaté. L'examen des notes obtenues par la recourante au cours des trois dernières années met au contraire en évidence des faiblesses persistantes dans certaines disciplines (allemand, anglais, physique), expliquant en grande partie son échec.
Il ne peut donc être retenu que la réapparition, à une date indéterminée mais peu éloignée de la fin de l'année scolaire selon l'attestation du Dr C______, de symptômes liés au trouble anxieux et dépressif dont souffre la recourante depuis 2019 aurait joué un rôle important, et moins encore déterminant, dans son échec au terme de l'année scolaire 2023/2024. C'est donc sans abuser de son pouvoir d'appréciation que l'autorité intimée a nié l'existence d'un juste motif au sens de l'art. 31 al. 7 REST et refusé d'accorder à la recourante un redoublement supplémentaire.
Pour les motifs développés ci-dessus en relation avec le refus de promotion par dérogation, cette décision ne viole ni le principe de la proportionnalité ni celui de l'égalité de traitement.
Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté. Ce rejet rend sans objet la requête de mesures provisionnelles formée dans le cadre du recours.
4. Il ne sera pas perçu d’émolument, la recourante plaidant au bénéfice de l’assistance juridique (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 11 octobre 2024 par A______contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 9 septembre 2024 ;
au fond :
le rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;
dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à Me Michel CELI VEGAS, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.
Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
E. McGREGOR |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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