Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2820/2024

ATA/1447/2024 du 10.12.2024 ( PROF ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2820/2024-PROF ATA/1447/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 décembre 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Nicolas Gagnebin, avocat

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE
LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS
intimée



EN FAIT

A. a. Le 23 janvier 2018, B______ a consulté pour la première fois le docteur A______, médecin praticien FMH à Genève. La prise de sang prescrite par celui-ci en vue d’un bilan sanguin a été effectuée le 25 janvier 2018.

b. Le 29 janvier 2018, B______ s’est rendu à une seconde consultation chez le Dr A______. Selon ses résultats sanguins, son taux de cholestérol était élevé et il présentait une carence en vitamine D.

c. Le même jour, le Dr A______ lui a remis une ordonnance pour un emballage de 30 comprimés de Crestor 5 mg, à raison d’un comprimé par jour, et pour une boîte d’aspirines 500 mg à prendre en cas de douleurs.

d. Le 5 février 2018, B______ s’est à nouveau rendu chez le Dr A______ pour y subir un électrocardiogramme.

e. À cette occasion et à sa demande, le Dr A______ lui a remis une « attestation médicale » selon laquelle il certifiait, sur la base du dossier médical du docteur C______, ancien médecin traitant de B______, et de l’examen effectué à son cabinet, que l’intéressé était inapte au travail sur le chantier et au travail de nuit. Il priait le patient de prendre toutes les mesures pour une reconversion professionnelle.

f. Le 9 février 2018, le Dr A______ a établi un nouveau certificat médical attestant d’une incapacité totale de travail de B______ en février 2018 « dans son métier d’indépendant ». Il était précisé qu’il avait été rappelé au patient qu’il devait cesser « son activité professionnelle indépendante actuelle » et penser à une reconversion professionnelle et que le « certificat ne [serait] pas reconduit au-delà du mois de février ».

g. Le 1er mars 2018, B______ a contacté le secrétariat du Dr A______ pour fixer une consultation suite à des douleurs intercostales qu’il avait ressenties en nettoyant sa voiture.

Il a alors été invité à prendre directement contact avec les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) pour y réaliser des radiographies.

h. Le 24 avril 2018, B______ a adressé un courrier au Dr A______ pour lui faire part de plusieurs griefs.

i. Par courrier du 2 mai 2018, le Dr A______ a informé B______ qu’à la lecture de sa lettre du 24 avril 2018, la relation de confiance était rompue. Il ne pouvait accepter de continuer à le suivre, et sa décision était irrévocable. Le dossier médical électronique succinct en sa possession serait transmis à son successeur, à réception de son identité.

B. a. Le 30 juillet 2018, B______ a saisi la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission) d’une plainte à l’encontre du Dr A______.

Le médecin ne lui avait ni administré ni prescrit la vitamine D pour laquelle il avait pourtant une carence grave. Il ne lui avait pas remis de certificat médical mais une simple attestation. Il n’avait pas ordonné la prise de sang de contrôle du cholestérol après un délai de 30 jours. Le médecin n’avait pas non plus renouvelé son ordonnance de Crestor, de sorte qu’il s’était retrouvé sans traitement pendant trois mois. Il avait également refusé de le prendre en charge après son accident du 1er mars 2018. Il avait en outre produit un certificat médical mensonger, sans l’en informer auparavant et l’avait envoyé directement à la direction générale des véhicules (ci-après : DGV). Cela avait abouti à une interdiction de conduire.

Cette succession d’événements l’avait placé dans une situation physique et psychologique extrêmement dégradée. Il était dans l’incapacité de travailler, sans que le Dr A______ le certifie officiellement. Il était resté sans traitement, ce qui avait péjoré son taux de cholestérol. Il s’était retrouvé abusivement privé de son permis de conduire. Il se trouvait dans un état de stress permanent, accompagné d’insomnies, d’importants problèmes gastriques, de palpitations et dans un « inconfort de vie à la limite du supportable ». Il avait été pris en charge, à sa demande, psychologiquement dès le début de la réadaptation cardiovasculaire. Il avait par ailleurs été adressé à un proctologue afin de régler le problème de la prise de l’aspirine cardio.

b. Par décision du 7 décembre 2020, la commission a classé la plainte de B______.

Le médecin avait adressé le patient, conformément à la bonne pratique médicale, à une cardiologue pour suivre sa pathologie cardio-vasculaire. Une carence en vitamine D était usuelle en période hivernale et l’absence de complément durant une certaine période n’avait pas d’impact important sur la santé. Ainsi, l’absence de prescription ou d’administration de ladite vitamine ne pouvait être considérée comme un manquement professionnel.

La dénomination d’« attestation » plutôt que de certificat médical n’avait aucune influence sur sa force probante. Un tel document ne pouvait avoir une durée indéterminée, était en principe établi pour quatre semaines et impliquait de revoir le patient au moins une fois par mois. Le document établi par le praticien était donc parfaitement conforme à la bonne pratique.

Aucun manquement ne pouvait être retenu dans le suivi du cholestérol du patient et dans le traitement du problème d’hémorroïdes du patient. Son attitude à la suite des douleurs survenues le 1er mars 2018 ne pouvait par ailleurs être qualifiée d’inadéquate. Il avait adressé son patient aux HUG, n’ayant pas le matériel nécessaire pour des radiographies, et une consultation subséquente ne se justifiait pas, dès lors qu’il avait reçu un arrêt de travail et une prescription pour des antalgiques.

Enfin, la commission pouvait comprendre les craintes du médecin lors de son signalement à la DGV le 9 mai 2018, soit quelques jours seulement après que la docteure D______ l’avait informé du fait que le suivi cardiologique du patient était insatisfaisant et qu’elle avait mis fin à son mandat en raison de l’attitude inappropriée de celui-ci. S’il était regrettable qu’il n’ait pas informé directement son patient de sa démarche, il était toutefois en droit de procéder à ce signalement, qui plus est sans devoir être délié de son secret professionnel.

c. Le recours interjeté par B______ contre cette décision a été partiellement admis par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par arrêt du 14 septembre 2021.

Il ne pouvait être reproché aucune violation du secret professionnel au Dr A______, dès lors que la réglementation applicable prévoyait que le médecin en était délié lorsqu’il faisait part de ses doutes relatifs à l’aptitude à la conduite d’un patient. Le fait qu’il ait résilié le mandat le liant à son patient quelques jours à peine avant le signalement ne permettait par ailleurs pas de considérer qu’il n’aurait plus bénéficié de la possibilité donnée par l’art. 15d de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01) de procéder à un tel signalement.

S’agissant du certificat médical du 9 février 2018, la mention selon laquelle le « certificat ne [serait] pas reconduit au-delà du mois de février » n’était pas admissible. Soit le médecin estimait que l’incapacité n’était pas réelle et il ne devait pas lui fournir un certificat, soit l’inaptitude était présente et il ne pouvait, par avance et sans revoir le patient, indiquer qu’aucune prolongation dudit certificat ne serait justifiée. Cette affirmation de non renouvellement était d'autant moins admissible que le médecin connaissait l'état de santé défaillant de son patient. Au demeurant, le praticien n’avait pas avancé de justification médicale soutenant son refus anticipé d'attester de toute éventuelle poursuite de l'incapacité de travail. Cette mention était en outre de nature à jeter le doute sur l’existence de l'incapacité de travail du patient à l’égard de tiers, à qui le document était destiné. Contrairement à ce qu’avait retenu la commission, le contenu du document établi par le Dr A______ le 9 février 2018 n’était pas conforme à la bonne pratique.

S’ajoutait à cela que le Dr A______ avait procédé au signalement au service cantonal des véhicules (ci-après : SCV) sans en discuter préalablement avec son patient. Il n’apparaissait en particulier pas qu'il lui aurait fait part de ses préoccupations relatives à ses capacités et aptitude à la conduite. Le médecin n'avait donc pas agi de manière diligente en procédant au signalement de son patient à la DGV, sans informer celui-ci au préalable, et en s'exprimant ensuite, en qualité de médecin-conseil de la DGV, sur sa propre appréciation.

Enfin, si le médecin était habilité, en sa qualité de médecin traitant du recourant, à faire part au SCV de ses doutes quant à l’inaptitude à la conduite de son patient, il ne pouvait également intervenir en sa qualité de médecin-conseil de la DGV, comme cela ressortait de la décision de la DGV. Pour des raisons évidentes de partialité, il ne pouvait être à la fois dénonciateur et expert. Par ailleurs, si certes, comme le relevait la commission, le retrait du permis de conduire du patient n’était pas le fait de son médecin, il avait indéniablement joué un rôle dans le prononcé de cette mesure.

La décision de classement a été annulée et le dossier lui a été retourné afin qu’elle prononce la sanction adéquate à l’encontre du Dr A______ pour les manquements constatés.

d. Le recours contre cet arrêt a été jugé irrecevable par le Tribunal fédéral par arrêt du 28 avril 2022 (2C_814/2021). Ce dernier a notamment relevé que la commission n’aurait aucune marge de manœuvre quant aux faits qui devaient faire l’objet de la mesure disciplinaire, à savoir le contenu du certificat médical du 9 février 2018, le signalement du patient par le médecin au SCV pour défaut d’aptitude à la conduite, sans en discuter avec celui-là au préalable, ainsi que des contacts avec l’office en tant que médecin-conseil, alors qu’il avait été son médecin traitant. La commission aurait l’obligation de prononcer une sanction. En revanche, elle disposerait d’une pleine latitude de jugement quant à la sanction à infliger au médecin (consid. 1.1.3).

C. a. Le 12 mai 2022, la commission a informé les parties que l’affaire serait prochainement resoumise à la sous-commission 2.

b. Le 26 janvier 2023, les parties ont été informées que la sous-commission 2 avait clos l’instruction de la cause.

c. Par décision du 2 juillet 2024, faisant suite à l’arrêt de renvoi de la chambre administrative, la commission a infligé un avertissement au Dr A______, au motif qu’il n’avait pas établi le certificat médical du 9 février 2018 avec toute la diligence requise.

Si ledit certificat était établi de manière correcte s’agissant du constat d’incapacité de travail totale pour le mois de février 2018 dans le métier d’indépendant de son patient, rien ne justifiait que le Dr A______ refuse de manière anticipée de le renouveler au terme de la première période d’incapacité. Ce n’était qu’après un nouvel examen de la situation et en cas d’amélioration de l’état de santé du patient que le médecin aurait pu refuser de reconduire la période d’incapacité de travail. Il n’avait dès lors pas établi le certificat médical du 9 février 2018 avec toute la diligence requise, le document n’étant pas conforme à la bonne pratique.

Aucun manquement professionnel n’a toutefois été retenu contre le médecin en lien avec sa prise en charge du patient – soit le suivi du cholestérol de son patient, le traitement du problème d’hémorroïdes, la prise en charge à la suite de l’incident du 1er mars 2018 et la double facturation de l’électrocardiogramme – et sa dénonciation au SCV.

S’agissant de sa démarche auprès du SCV, il était certes regrettable que le Dr A______ n’en avait pas informé son patient au préalable. Il était toutefois en droit de le signaler à l’autorité compétente, qui plus est sans devoir être délié de son secret professionnel. Contrairement à ce que retenait la chambre administrative, le médecin était de jure libéré de son secret professionnel à l’égard du SCV et, excepté pour des motifs de courtoisie, il n’était pas contraint d’informer le patient de sa démarche. Partant, l’absence d’information préalable ne constituait pas un manquement à son devoir de diligence. Au demeurant, contrairement à ce qu’avait retenu la chambre administrative, rien dans le dossier ne laissait présupposer que le Dr A______ avait agi en qualité de médecin-conseil de la direction générale des véhicules dans la procédure administrative relative à son retrait du permis de conduire. La mention de son titre dans la décision de retrait était faite à titre purement informatif.

D. a. Par acte du 3 septembre 2024, le Dr A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant à l’annulation de la sanction et au classement de la procédure.

Il s’était spécialisé dans le conseil de plusieurs entités officielles et était candidat au titre de médecin-conseil de E______ et auprès du médecin-chef de F______ en qualité d’assesseur médical. Son professionnalisme et ses connaissances étaient « hautement appréciées » dans ces activités. La « fâcheuse rédaction du certificat » aurait une conséquence dramatique sur son avenir professionnel. L’erreur était « mineure » dans un parcours professionnel « impeccable », si bien que la commission avait abusé de son pouvoir d’examen en prononçant un avertissement. Son patient avait menti, l’avait provoqué, n’avait pas suivi ses instructions et l’avait finalement attaqué sur le plan judiciaire, alors qu’il avait été pris en charge dès la première consultation avec urgence et sérieux.

b. La commission a conclu au rejet du recours.

c. Par réplique du 6 novembre 2024, le recourant a signalé la lenteur de « l’interminable procédure » dont il faisait l’objet depuis 2018. La commission avait pris plus de deux ans pour statuer suite à l’arrêt du Tribunal fédéral. Il était victime d’un « véritable acharnement procédurier de la part d’un mauvais patient qui avait tenu à faire un mauvais procès à son médecin ».

Le premier certificat médical qu’il avait établi déployait toujours ses effets jusqu’à la rédaction du second. S’il avait tenu à limiter le certificat médical du 9 février 2018, c’était en réalité une mesure de précaution inutile, puisque, d’une part, un certificat était toujours limité par lui-même et, d’autre part, le premier certificat était toujours valide au-delà du second.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision par laquelle l’intimée a infligé un avertissement au recourant pour violation de ses obligations professionnelles.

2.1 Se pose en premier lieu la question du droit applicable.

2.1.1 La loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (loi sur les professions médicales, LPMéd - RS 811.11) a notamment pour but d’établir les règles régissant l’exercice de la profession de médecin à titre d’activité économique privée sous propre responsabilité professionnelle (art. 1 al. 3 let. e et art. 2 al. 1 let. d LPMéd).

Lorsqu’un médecin agit comme indépendant et que son activité répond à la notion qui en est donnée à l’art. 1 al. 3 let. e LPMéd, la loi sur les professions médicales lui est applicable et, au regard de la primauté du droit fédéral, il ne peut être soumis qu’aux mesures disciplinaires prévues par cette loi, à l’exclusion d’éventuelles sanctions prévues par le droit cantonal (ATF 143 I 352 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_747/2022 du 14 février 2023 consid. 6.2).

A contrario, les personnes exerçant une activité qui ne relève pas de l’art. 1 al. 3 let. e LPMéd sont soumises au droit cantonal et pas au droit fédéral disciplinaire (ATF 148 I 1 consid. 5.2).

2.1.2 En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant pratique en tant qu'indépendant, sous sa propre responsabilité professionnelle, si bien que la présente cause sera examinée uniquement au regard de la LPMéd.

2.2 La LPMéd, dans le but de promouvoir la santé publique, encourage notamment la qualité de l’exercice des professions dans les domaines de la médecine humaine (art. 1 al. 1 LPMéd). Elle établit les règles régissant l’exercice des professions médicales universitaires sous propre responsabilité professionnelle (al. 3 let. e), à l’instar des médecins (art. 2 al. 1 let. a LPMéd).

Les devoirs ou obligations professionnels sont des normes de comportement devant être suivies par toutes les personnes exerçant une même profession. En précisant les devoirs professionnels dans la LPMéd, le législateur poursuit un but d’intérêt public. Il ne s’agit pas seulement de fixer les règles régissant la relation individuelle entre patients et soignants, mais aussi les règles de comportement que le professionnel doit respecter en relation avec la communauté. Suivant cette conception d’intérêt public, le respect des devoirs professionnels fait l’objet d’une surveillance de la part des autorités cantonales compétentes et une violation des devoirs professionnels peut entraîner des mesures disciplinaires (ATA/987/2022 du 4 octobre 2022 consid. 5b ; ATA/941/2021 du 14 septembre 2021 consid. 7d et les références citées).

L'art. 40 LPMéd prévoit que les personnes exerçant une profession médicale universitaire à titre d'activité économique privée sous leur propre responsabilité professionnelle doivent notamment observer les devoirs professionnels suivants : exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et respecter les limites des compétences qu'elles ont acquises dans le cadre de leur formation universitaire, de leur formation postgrade et de leur formation continue (let. a) ; garantir les droits du patient (let. c) ; observer le secret professionnel conformément aux dispositions applicables (let. f). L’art. 40 let. a LPMéd constitue une clause générale (FF 2005 p. 211).

2.3 Lorsqu'une autorité motive le renvoi d'une affaire, ses considérants de droit lient l'autorité inférieure ainsi que les parties, en ce sens que ces dernières ne peuvent plus faire valoir dans un recours contre la nouvelle décision de première instance des moyens qui ont été rejetés dans l'arrêt de renvoi. En raison de l'autorité de la chose jugée, de tels moyens sont irrecevables (ATF 133 III 201 consid. 4 ; 120 V 233 consid. 1a). En revanche, la nouvelle décision de l'autorité inférieure peut faire l'objet d'un recours au motif qu'elle n'est pas conforme aux considérants de l'arrêt de renvoi (arrêts du Tribunal fédéral 2C_422/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1 ; 2C_381/2012 du 6 mai 2012).

L'autorité de la chose jugée (ou force de chose jugée au sens matériel) interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure, entre les mêmes parties, une prétention identique qui a été définitivement jugée (ATF 144 I 208 consid. 3.1 ; 142 III 210 consid. 2.1). Il y a identité de l'objet du litige quand, dans l'un et l'autre procès, les parties soumettent au juge la même prétention, en reprenant les mêmes conclusions et en se basant sur le même complexe de faits. L'identité de l'objet du litige s'entend au sens matériel ; il n'est pas nécessaire, ni même déterminant que les conclusions soient formulées de manière identique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2015 du 12 septembre 2016 consid. 3.1 et les références citées).

2.4 À titre liminaire, il sied de relever que, dans la décision entreprise, la commission n’a pas respecté l’arrêt de renvoi de la chambre administrative du 14 septembre 2021. Pour rappel, la chambre de céans avait retenu trois manquements professionnels à l’égard du recourant, à savoir le contenu du certificat médical du 9 février 2018, le signalement du patient par le recourant au service des véhicules pour défaut d'aptitude à la conduite, sans en discuter avec celui-là au préalable, ainsi que des contacts avec ledit office en tant que médecin-conseil, alors qu'il avait été le médecin traitant de l’intéressé.

Or, quand bien même la commission n’avait aucune marge de manœuvre quant aux faits qui devaient faire l’objet de la mesure disciplinaire, comme l’a d’ailleurs relevé le Tribunal fédéral (arrêt 2C_814/2021 consid. 1.1.3), l’autorité intimée a considéré que le signalement du patient par le recourant au service des véhicules et les contacts avec ledit office en tant que médecin-conseil ne constituaient pas des manquements professionnels. Une telle décision apparaît ainsi contraire au principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi. La chambre de céans est toutefois liée par l’interdiction de la reformatio in peius (art. 69 al. 1 LPA ; ATA/567/2015 du 2 juin 2015 et les références mentionnées), si bien qu’il ne sera pas revenu sur ces deux manquements disciplinaires.

2.5 Le recourant reproche à l’autorité intimée d’avoir considéré que le contenu du certificat médical du 9 février 2018 devait faire l’objet d’une mesure disciplinaire. Or, comme indiqué, cet élément a déjà été examiné par la chambre administrative dans son arrêt du 14 septembre 2021. L’arrêt retenait en particulier que la mention du certificat médical du 9 février 2018, selon laquelle le « certificat ne serait pas reconduit au-delà du mois de février » n’était pas admissible. Soit le médecin estimait que l’incapacité n’était pas réelle – hypothèse pouvant être clairement écartée – et il ne devait pas fournir de certificat, soit l’inaptitude était présente et il ne pouvait, par avance et sans revoir le patient, indiquer qu’aucune prolongation dudit certificat ne serait justifiée. Cette affirmation était d’autant moins admissible que le médecin connaissait l’état de santé défaillant de son patient. Il n’avait du reste pas avancé de justification médicale soutenant son refus anticipé d’attester de toute éventuelle poursuite de l’incapacité de travail. Cette mention était en outre de nature à jeter le doute sur l’existence de l’incapacité de travail du patient à l’égard de tiers, à qui le document était destiné.

Ainsi, en retenant que le recourant n’avait pas établi le certificat médical du 9 février 2018 avec toute la diligence requise et que celui-ci n’était pas conforme à la bonne pratique, l’autorité intimée s’est conformé à l’arrêt de renvoi. C’est le lieu de rappeler, comme l’a fait le Tribunal fédéral dans son arrêt du 28 avril 2022 (2C_814/2021), que la commission n’avait aucune marge de manœuvre quant aux faits qui devaient faire l’objet de la mesure disciplinaire, à savoir notamment le contenu du certificat médical du 9 février 2018. Elle devait en effet prononcer une sanction.

Dans cette mesure, et conformément à la jurisprudence précitée, le recourant peut uniquement se plaindre de la sanction infligée. Il est ainsi forclos en tant qu’il revient sur les faits ayant fait l’objet de la mesure disciplinaire.

Enfin, et en tant que le recourant se plaint de la « lenteur » de « l’interminable procédure », il ne formule aucun grief précis à cet égard. Or, même si la durée de la procédure apparaît longue, le recourant ne prétend pas s’être plaint de la durée de l’instruction, ni avoir mis l’autorité intimée en demeure de rendre une décision. Il n’est, pour le reste, pas contesté que la prescription de la poursuite disciplinaire n’est pas atteinte.

3.             Seule se pose donc la question de la quotité de la sanction.

3.1 Au titre des mesures disciplinaires, l’art. 43 al. 1 LPMéd dispose qu’en cas de violation des devoirs professionnels, des dispositions de la loi ou de ses dispositions d’exécution, l’autorité de surveillance peut prononcer un avertissement (let. a) ; un blâme (let. b) ; une amende de CHF 20'000.- au plus (let. c) ; une interdiction de pratiquer sous propre responsabilité professionnelle pendant six ans au plus (interdiction temporaire ; let. d) ; une interdiction définitive de pratiquer sous propre responsabilité professionnelle pour tout ou partie du champ d’activité (let. e).

Les mesures disciplinaires infligées à un membre d’une profession libérale soumise à la surveillance de l’État ont principalement pour but de maintenir l’ordre dans la profession, d’en assurer le fonctionnement correct, d’en sauvegarder le bon renom et la confiance que leur témoignent les citoyens, ainsi que de protéger le public contre ceux de ses représentants qui pourraient manquer des qualités nécessaires. Les mesures disciplinaires ne visent pas, au premier plan, à punir le destinataire, mais à l’amener à adopter un comportement conforme aux exigences de la profession et à rétablir le fonctionnement correct de celle-ci (ATF 143 I 352 consid. 3.3). Le prononcé d’une sanction disciplinaire tend uniquement à la sauvegarde de l’intérêt public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 du 9 juin 2021 consid. 12.1).

La responsabilité disciplinaire est une responsabilité fondée sur la faute (ATF 148 I 1 consid. 12.2 et l’arrêt cité). Celle-ci joue un rôle décisif pour la fixation de la peine et donc dans l’analyse de la proportionnalité de la mesure. Il ne suffit donc pas qu’un comportement soit objectivement fautif (illicéité), c’est-à-dire contraire à une injonction, il faut aussi que l’auteur de l’acte puisse subjectivement se voir imputer un manquement fautif. Cette faute peut être commise sans intention, par négligence, par inconscience et donc également par simple méconnaissance d’une règle. S’agissant de son intensité minimale, la jurisprudence énonce de manière constante que seuls des manquements significatifs aux devoirs de la profession justifient la mise en œuvre du droit disciplinaire (ATF 144 II 473 consid. 4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_832/2017 du 17 septembre 2018 consid. 2.2 ; 2C_280/2017 du 4 décembre 2017 consid. 4.1.1). Cette règle ne saurait toutefois être comprise en ce sens que l’acte concerné doit revêtir une gravité qualifiée pour relever du droit disciplinaire. Certes, la mise en œuvre de ce droit ne saurait se justifier pour des manquements très légers et non réitérés aux obligations professionnelles. Cependant, le fait que la grille des sanctions possibles débute par un simple avertissement autorise déjà l’autorité de surveillance à y recourir pour des manquements de moindre importance, puisqu’il s’agit de rendre le professionnel attentif aux conséquences potentielles d’un comportement. Le droit disciplinaire vise ainsi à éviter la réalisation future de tels actes, avec les conséquences que ceux‑ci peuvent entraîner (ATF 148 I 1 consid. 12.2).

3.2 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d’aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés, et de proportionnalité au sens étroit, qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

Conformément au principe de proportionnalité applicable en matière de sanction disciplinaire, le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées sur le bon fonctionnement de la profession en cause, et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_922/2018 précité consid. 6.2.2 et les références citées).

Les autorités compétentes disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans la fixation d’une sanction disciplinaire prévue par la LPMéd (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 précité consid. 12.2 ; ATA/388/2022 précité consid. 7a).

3.3 L’établissement d’un certificat médical par un médecin constitue une activité médicale qu’il doit exercer conformément à ses devoirs professionnels découlant de l’art. 40 LPMéd. Selon l’art. 34 du code de déontologie de la FMH, adopté par la chambre médicale suisse le 12 décembre 1996 (ci-après : le code de déontologie de la FMH), les certificats médicaux, rapports et expertises sont des documents officiels. Le médecin les établit au plus près de sa conscience professionnelle et avec toute la diligence requise. Le but visé, la date et le nom du destinataire doivent figurer sur le document. Les certificats de complaisance sont interdits.

Un tel document, qui atteste de l’état de santé d’un patient, est par définition un document rédigé par un médecin traitant afin d’être remis par celui-là à une tierce personne. Il doit être établi à la demande du patient ou, pour un mineur ou une personne incapable de discernement, de son représentant légal. Ledit certificat doit être fidèle, complet et le médecin doit le rédiger en toute liberté, sans subir de pression de son patient ni d’une autre source concernant son contenu complet (ATA/172/2013 du 19 mars 2013 ; Dominique BERTRAND/Beat HORISBERGER/Timothy HARDING/Marinette UMMEL/Romano LA HARPE, Acte médical requis par une autorité, constat médical et certificat médical, in Dominique BERTRAND/Jean-François DUMOULIN/Romano LA HARPE/Marinette UMMEL, Médecin et droit médical, présentation et résolution de situations médicales légales, 3e éd., Médecine et Hygiène 2009, p. 207). Le certificat doit au demeurant correspondre à la situation thérapeutique du patient. Un certificat médical est contraire à la vérité lorsqu’il dresse un tableau inexact de l’état de santé de la personne. Le médecin ne doit pas affirmer ce qui n’est que probable (Yves DONZALLAZ, Traité de droit médical, Vol. II : Le médecin et les soignants, 2021, p. 2487s.).

3.4 En l’occurrence, la décision retient, pour seul manquement disciplinaire, le défaut de diligence dans l’établissement du certificat médical du 9 février 2018.

Le recourant soutient qu’il s’agit d’une erreur « mineure » dans un dossier « lourd », qui n’avait pas porté préjudice à son patient. Il perd toutefois de vue que, selon la jurisprudence précitée, le fait que la grille des sanctions possibles débute par un simple avertissement autorise déjà l’autorité de surveillance à y recourir pour des manquements de moindre importance, puisqu’il s’agit de rendre le professionnel attentif aux conséquences potentielles d’un comportement. Par ailleurs, et quoi qu’en dise le recourant, le fait de refuser de manière anticipée d'attester de toute éventuelle poursuite de l'incapacité de travail ne constitue pas un manquement très léger. C’est le lieu de rappeler que les certificats médicaux doivent correspondre à la situation thérapeutique du patient et être établis sur la base d’un examen soigneux et attentif ; les médecins ne doivent pas affirmer ce qui n’est que probable. Or, ainsi formulé, le document litigieux était de nature à jeter le doute sur l’existence d’une incapacité de travail (ATA/941/2021 du 14 septembre 2021 consid. 9b). Ce manquement, qui ne saurait être qualifié de « formalité administrative », comme le fait le recourant, justifiait ainsi le prononcé d’une sanction disciplinaire, étant rappelé que la commission avait l'obligation d’en prononcer une (arrêt du Tribunal fédéral 2C_814/2021 du 28 avril 2022 consid. 1.1.3). Le fait que la sanction est susceptible de porter atteinte à sa réputation ne saurait primer sur l’intérêt à rendre le médecin attentif aux conséquences potentielles de son comportement. L’autorité intimée a ainsi dûment tenu compte des éléments en faveur du recourant en prononçant la sanction la plus légère du catalogue de l’art. 43 al. 1 LPMéd. La sanction apparaît même plutôt clémente, puisqu’elle ne tient pas compte des autres manquements retenus par la chambre de céans, lesquels devaient aussi faire l’objet d’une mesure disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_814/2021 du 28 avril 2022 consid. 1.1.3).

Il découle de ce qui précède que le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 septembre 2024 par A______ contre la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 2 juillet 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas Gagnebin, avocat du recourant, à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients, ainsi qu’au Département fédéral de l’intérieur.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :