Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1375/2024 du 26.11.2024 ( FPUBL ) , REFUSE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/3636/2024-FPUBL ATA/1375/2024 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Décision du 26 novembre 2024 sur effet suspensif
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dans la cause
A______ recourant
représenté par Me Duy-Lam NGUYEN, avocat
contre
B______ intimée
représentée par Me Christian BRUCHEZ, avocat
_________
Attendu, en fait, que :
1. A______ a été engagé par la B______ (ci-après : la commune) en tant qu’agent de police municipale le 1er mars 2008.
2. Il a été transféré au service C______en qualité d’employé D______dès le 1er novembre 2014, puis en qualité de chef d’équipe dans le secteur technique au service C______, à partir du 1er novembre 2021.
3. Plusieurs entretiens et rappels à l’ordre lui ont été adressés depuis 2016 en lien avec des conflits et des problèmes d’attitude à l’égard d’autres collaborateurs et de stagiaires.
4. Le 10 juin 2024, le Groupe de confiance a informé le service des ressources humaines (ci-après : RH) de la commune que huit collaborateurs du service C______l’avaient saisi en raison de difficultés relationnelles avec A______.
5. Le 24 juin 2024, des représentants du secrétariat général, du service des RH et de la direction du service C______ont entendu les collaborateurs concernés, qui ont fait état de remarques désobligeantes, de propos dégradants, de dénigrement, de manque d’exemplarité de la part de A______ et d’un climat professionnel délétère.
6. Le 22 juillet 2024, le conseil administratif de la commune (ci-après : le CA) a ouvert une procédure de licenciement pour motifs fondés et a suspendu A______.
7. Par décision du 30 septembre 2024 déclarée exécutoire nonobstant recours, après avoir donné au précité la possibilité de se déterminer, le CA a décidé de le réaffecter, dès le 7 octobre 2024, à la fonction E______ au service F______. L’intéressé ne contestait pas que cette fonction fût en adéquation avec ses compétences et le CA considérait qu’il était objectivement impossible, dans l’intérêt du bon fonctionnement de l’administration, de le maintenir à la fonction de chef d’équipe dans le secteur technique au service C______. Seule une réaffectation dans un autre service et sans fonction d’encadrement pouvait être envisagée pour éviter un licenciement.
8. Par acte posté le 31 octobre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours ainsi qu'à ce que soient entrepris divers actes d'instruction, et principalement à l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi d'une indemnité de procédure.
Les incidents anciens cités par le CA devaient être écartés de son dossier administratif ou, pour certains d’entre eux, relativisés. Un compte rendu des déclarations des collaborateurs à son encontre avait certes été dressé le 24 juin 2024, mais il ne résultait pas du dossier que ces personnes se fussent plaintes auparavant ; ledit compte rendu relayait des déclarations orales sans date, sans témoin et sans preuves objectives. Aucune enquête administrative n’avait été ordonnée. Les collaborateurs en cause étaient loin d’être eux-mêmes sans reproches, et il avait dû remettre à l’ordre plusieurs d’entre eux dans différents contextes. Il était victime de mobbing de la part des personnes qui l’accusaient sans fondement.
S'agissant de sa demande de restitution de l'effet suspensif, il était sérieusement affecté physiquement et psychiquement à la suite des reproches dont il faisait l’objet et qui portaient atteinte à sa personnalité et à son honneur. Si la situation devait perdurer, cela lui causerait un préjudice irréparable et le plongerait dans une profonde dépression. Si la commune devait engager une autre personne à son poste de chef d’équipe au service C______, un tel préjudice serait également très difficile à réparer. Enfin, le salaire correspondant au poste réaffecté était inférieur à celui qu’il percevait précédemment, de telle sorte à lui porter un préjudice irréparable et à le mettre dans une situation financière difficile.
9. Le 19 novembre 2024, la commune a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif au recours.
L’admission de la demande de restitution de l’effet suspensif reviendrait à octroyer provisoirement au recourant ce qu’il demandait au fond, ce qui était en principe prohibé, et entraînerait une atteinte grave aux intérêts organisationnels et financiers de la commune. Il n’existait aucun droit à rester dans un poste déterminé et la mesure prise était prévue par le statut du personnel de la commune.
Le CA avait pris préalablement une mesure de suspension, que le recourant n’avait du reste pas contestée, et il serait contraint de reprendre une telle décision si le recourant était réaffecté à son ancien poste. Une telle réaffectation serait donc également préjudiciable à ses intérêts financiers, alors que la jurisprudence faisait primer la préservation des finances de la collectivité publique.
10. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur la question de l'effet suspensif.
Considérant, en droit, que :
1. Le recours apparaît prima facie recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
2. Les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles sont prises par le président, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d’empêchement de celles‑ci, par un ou une juge (art. 21 al. 2 LPA ; 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).
3. Aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3).
4. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/885/2024 du 25 juillet 2024 ; ATA/25/2024 du 9 janvier 2024 consid. 4).
Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II
253-420, p. 265).
L’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018).
5. Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).
6. Selon l’art. 13 du règlement de la Ville de Vernier relatif au statut du personnel, du 4 avril 2023 (ci-après : le règlement – LC 43 151), lorsque les besoins de l’administration l’exigent, tout fonctionnaire, après avoir été entendu, peut être affecté à une autre fonction ou peut être chargé, dans le cadre de son horaire, de travaux n’entrant pas dans sa fonction, dans la mesure où l’activité exigée de lui est en rapport avec ses aptitudes, ses connaissances professionnelles et sa situation (al. 1). Un changement d’affectation nécessité par les besoins de l’administration ne peut pas entraîner de modification des conditions salariales (al. 2). Lorsqu’il apparaît qu’un fonctionnaire ne parvient pas à fournir des prestations suffisantes dans sa fonction, il peut, après avoir été entendu, être affecté à une autre fonction correspondant mieux à ses aptitudes. Dans ce cas, les conditions salariales sont fixées en fonction du nouvel emploi conformément à l’art. 36 du règlement (al. 3).
7. En l'espèce, aucune des deux parties n’a indiqué à la chambre de céans si l’intéressé a pris ou non ses nouvelles fonctions le 7 octobre 2024. Il apparaît toutefois que la restitution de l’effet suspensif équivaudrait à accorder au recourant, à titre provisoire, ce qu’il demande sur le fond, ce qui n’entre en principe pas en ligne de compte.
De plus, de jurisprudence constante en matière de résiliation des rapports de service, l'intérêt public à la préservation des finances de l’État est important et prime l’intérêt financier du recourant à percevoir son salaire durant la procédure (ATA/939/2024 du 14 août 2024 consid. 8 ; ATA/1377/2023 du 21 décembre 2023 ; ATA/227/2023 du 7 mars 2023). Ce qui précède vaut d'autant plus en l'espèce que le recourant ne démontre pas que son nouveau traitement le mettrait véritablement dans une situation financière très difficile.
Enfin, et sans préjudice de l’examen au fond, les chances de succès du recours ne paraissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif.
Au vu de ce qui précède, la requête de restitution dudit effet sera rejetée.
8. Il sera statué sur les frais de la présente décision avec la décision sur le fond.
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;
réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;
- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;
communique la présente décision à Me Duy-Lam NGUYEN, avocat du recourant ainsi qu'à Me Christian BRUCHEZ, avocat de la B______.
| Le président :
C. MASCOTTO |
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Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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