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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2827/2024

ATA/1259/2024 du 29.10.2024 ( PROF ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2827/2024-PROF ATA/1259/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 octobre 2024

 

dans la cause

 

D______ recourant
représenté par Me Jean-Marc CARNICÉ, avocat

contre

COMMISSION DU BARREAU intimée


EN FAIT

A. a. D______ exerce la profession d’avocat en qualité d’indépendant au sein de son étude à Genève depuis 2006. Il a d’abord été inscrit au registre des avocats membres de l’UE/AELE et est, depuis juin 2013, inscrit au registre cantonal des avocats.

b. Il a été nommé d’office, le 28 mars 2022, pour la défense de A. dans la procédure pénale P/1______/2021. Il s’agissait d’un cas de défense obligatoire au sens de l'art. 130 let. b du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0)

c. Son client a été acquitté par le Tribunal de police des chefs d’accusation de tentative de viol et de contrainte sexuelle sur la personne de B., mais reconnu coupable de lésions corporelles simples, de lésions corporelles simples de peu d’importance, de voies de fait et d’injures. B. et C. ont été condamnées pour infraction à la loi sur les armes et voies de faits.

d. A., B. et C. ont formé appel, B. contestant notamment l’acquittement de A. du chef de tentative de viol et réclamant à celui-ci la somme de CHF 10'000.- à titre de tort moral.

e. Lors de l’audience qui s’est tenue le 21 septembre 2023 devant la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de Justice (ci‑après : CPAR), B. ne s’est pas présentée. Invités à se déterminer sur l’absence de B., le Ministère public a conclu au retrait de l’appel de B., faisant valoir que l’avocat de B., présent, ne pouvait représenter sa cliente. D______ s’en est rapporté à justice. L’avocat de B. a conclu à pouvoir représenter sa cliente.

Après délibération, la CPAR a, par arrêt préparatoire du 25 septembre 2023, pris acte du retrait de l’appel de B. et révoqué avec effet immédiat la nomination d’office de D______, faute de défense obligatoire. Elle a retenu que la comparution personnelle de B. avait été exigée, dès lors que l’appel formé par celle‑ci visait en majeure partie une situation de « parole contre parole », qui s’opposait à ce qu’elle se fasse représenter par son avocat. La CPAR a, en outre, considéré qu’en raison de l’absence d’intervention adéquate de D______ lors de l’audience d’appel, la défense de A. n’était en tout état plus assurée. En application de l’art. 15 de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61), elle réservait une copie de son arrêt préparatoire à la commission du barreau (ci‑après : commission).

B.            Par décision du 17 juin 2024, notifiée le 3 juillet 2024, la commission a prononcé à l’encontre de D______ un avertissement, dit que le délai de radiation était de cinq ans et mis à sa charge un émolument de CHF 600.-.

L’avocat avait manqué de diligence en s’en rapportant à justice lors de l’audience qui s’était tenue le 21 septembre 2023 devant la CPAR. Le fait de s’en rapporter à justice ne constituait pas, « dans l’absolu », une erreur procédurale. Toutefois, compte tenu des charges qui pesaient sur son client et des conclusions civiles prises à l’encontre de celui-ci, l’avocat devait se voir reprocher un manque de diligence en ne soulevant pas le moyen tiré de l’art. 407 CPP. Le défaut de B. et le fait de ne pas admettre sa représentation par son conseil étaient, en effet, susceptibles de conduire à la confirmation de l’acquittement de son client. L’attitude passive adoptée par D______ constituait ainsi une violation de son devoir de diligence.

Cette passivité constituait une violation particulièrement négligente dudit devoir dans une situation où la liberté de son mandant était en jeu. Rien ne permettait de retenir que cette attitude ait été le fruit d’une quelconque stratégie, contrairement à ce que soutenait l’avocat.

C.           a. Par acte expédié le 2 septembre 2024 à la chambre administrative de la Cour de justice, D______ a recouru contre cette décision, dont il a demandé l’annulation.

La dénonciation le concernant ne visait qu’un comportement ou une omission unique. En s’en rapportant à justice, il n’avait commis aucune erreur de procédure. Le manquement qui lui était reproché n’avait eu aucune conséquence, la CPAR ayant pris acte du retrait de l’appel de B. Son comportement ne constituait pas non plus une erreur grossière ou un mauvais conseil, encore moins une interprétation insoutenable d’une disposition légale.

Si la chambre administrative devait néanmoins retenir la violation du devoir de diligence, seul un manquement significatif justifierait une sanction disciplinaire. Les arrêts du Tribunal fédéral cités à l’appui de la sanction se rapportaient tous à des violations graves dudit devoir, qui avaient eu des conséquences et qui, pour partie, se rapportaient à des situations de professionnels ayant déjà fait l’objet de sanctions disciplinaires.

b. La commission s’est référée à sa décision et n’a pas formulé d’observations. Elle a produit son dossier.

c. Le recourant a été informé qu’il pouvait venir consulter le dossier et déposer une éventuelle réplique.

d. Il ne s’est pas manifesté dans le délai imparti à cet effet, de sorte que les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conteste la sanction, soutenant n’avoir commis aucune faute.

2.1 L’avocat autorisé à pratiquer doit respecter les règles professionnelles énoncées à l’art. 12 LLCA. Ce dernier définit exhaustivement les règles professionnelles applicables aux avocats (ATF 136 III 296 consid. 2.1 ; 131 I 223 consid. 3.4 ; 130 II 270 consid. 3.1). Ces règles professionnelles sont des normes destinées à réglementer, dans l’intérêt public, la profession d’avocat, afin d’assurer son exercice correct et de préserver la confiance du public à l’égard des avocats (ATF 135 III 145 consid. 6.1).

2.2 Selon l’art. 12 let. a LLCA, l’avocat exerce sa profession avec soin et diligence. Cette disposition constitue une clause générale, visant le soin et la diligence de l’avocat dans l’exercice de son activité professionnelle. Ceci l’astreint à se comporter de façon correcte envers ses clients, les autorités judiciaires ou administratives, ses confrères et le public (ATF 130 II 270 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_555/2014 du 9 janvier 2015 publié in SJ 2015 I 229).

La formulation très large de l’art. 12 let. a LLCA demande à être interprétée, permettant de la sorte aux tribunaux de dessiner les devoirs professionnels de l’avocat d’une façon assez libre et étendue, l’énumération exhaustive des devoirs professionnels dans la loi étant impossible. De fait, la jurisprudence donne à cette clause générale un sens qui va bien au-delà de la lettre du texte légal. En effet, le soin et la diligence visés par l’art. 12 let. a LLCA constituent des devoirs qui n’ont pas les clients pour seuls bénéficiaires. Ces devoirs s’étendent à tous les actes professionnels de l’avocat qui, en tant qu’auxiliaire de la justice, doit assurer la dignité de la profession, qui est une condition nécessaire au bon fonctionnement de la justice (arrêt du Tribunal fédéral 2C_167/2020 du 13 mai 2020 consid. 3.4 et les références citées ; Benoît CHAPPUIS/Jérôme GURTNER, La profession d’avocat, 2021, p. 48).

2.3 L’autorité de surveillance doit faire preuve d’une certaine réserve dans son appréciation du comportement de l’avocat (arrêt du Tribunal fédéral 2C_103/2016 du 30 août 2016 consid. 3.2.3). L’art. 12 let. a LLCA est une disposition subsidiaire. Pour que le comportement d’un avocat justifie une sanction au sens de cette disposition, la violation du devoir de prudence doit atteindre une certaine gravité qui, au-delà des sanctions relevant du droit des mandats, nécessite, dans l’intérêt public, l’intervention proportionnée de l’État (arrêt du Tribunal fédéral 2C_933/2018 du 25 mars 2019 consid. 5.1). Toute violation du devoir de diligence contractuel n’implique donc pas l’existence d’un manquement de nature disciplinaire au sens de l’art. 12 let. a LLCA. Cette disposition suppose l’existence d’un manquement significatif aux devoirs de la profession. L’avocat ne risque une sanction disciplinaire que lorsqu’il viole de manière intentionnelle ou gravement négligente son devoir de diligence (ATF 144 II 473 consid. 4).

Des conseils erronés, un comportement procédural faux ou inadéquat d’un point de vue stratégique ou psychologique ne suffisent pas en soi à constituer une faute punissable disciplinairement, à l’inverse de la situation où l’avocat conseille délibérément son client d’une façon contraire à ses intérêts à la suite d’une négligence grave ou erreur grossière ou omet de le consulter avant de procéder au retrait d’un recours (Michel VALTICOS, in Commentaire romand, Loi sur les avocats, 2e éd. 2022, n. 24 ad art. 12 LLCA).

2.4 Aux termes de l’art. 407 al.1 let. a CPP, l’appel ou l’appel joint est réputé retiré si la partie qui l’a déclaré fait défaut aux débats d’appel sans excuse valable et ne se fait pas représenter.

2.5 L'art. 407 al. 1 let. a CPP autorise l'appelant à se faire représenter. Lorsque l'appelant est le prévenu, sa représentation n'est toutefois possible que si la direction de la procédure n'a pas exigé sa présence. Tel n’est pas le cas quand, comme en l’espèce, le mandat de comparution mentionne les conséquences de l’art. 407 al. 1 let. a CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_289/2013 du 6 mai 2014 consid. 12.2 et les références citées). En procédure d'appel , il ne suffit pas que le prévenu fasse savoir qu'il n'est pas d'accord avec le jugement de première instance, il doit montrer vouloir un examen de l'instance d'appel pendant toute la procédure (ATF 149 IV 259 consid. 2.4.2 ; 148 IV 362 consid. 1.9.2). Il doit ainsi faire valoir ses griefs et se laisser interroger par l'instance d'appel.

La fiction du retrait de l'appel en raison de l'absence de participation personnelle du prévenu à la procédure suppose que la participation du prévenu soit indispensable. Lorsqu'il serait possible de le dispenser à comparaître (art. 405 al. 2 2e phr. CPP), voire que la juridiction d'appel pourrait en soi ordonner la procédure écrite (art. 406 al. 1 et 2 CPP), on ne voit pas pour quelle raison le défenseur ne serait pas admis à plaider au motif que le prévenu appelant n'est pas là pour l'écouter (ou ne peut pas être cité à cette fin), respectivement ne l'a pas instruit au-delà de la consigne générale de faire appel (Daniel KINZER/Alexandre GUISAN, Disparition du prévenu et retrait implicite de l'appel, in : https://www.crimen.ch/204/du 3 août 2023).

La fiction du retrait de l'appel n'est pas contraire au droit à un procès équitable lorsqu'il résulte manifestement du comportement du prévenu durant la procédure qu'il a implicitement renoncé à des débats contradictoires, en particulier à un procès en seconde instance, et que, représenté par un avocat, il a dûment pu faire valoir ses droits en première instance et était conscient des conséquences d'une renonciation à la procédure d'appel (ATF 149 IV 259 consid. 2.4.3 ; 148 IV 362 consid. 1.12).

2.6 Selon l'art. 130 CPP, le prévenu doit avoir un défenseur notamment lorsqu'il encourt une peine privative de liberté de plus d'un an, une mesure entraînant une privation de liberté ou une expulsion (let. b). Aux termes de l'art. 131 CPP, en cas de défense obligatoire, la direction de la procédure pourvoit à ce que le prévenu soit assisté aussitôt d'un défenseur (al. 1).

Selon la pratique du Tribunal fédéral relative aux art. 29 al. 3 et 32 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le prévenu défendu d'office a un droit fondamental à une défense compétente, engagée et efficace de ses intérêts (ATF 138 IV 161 consid. 2.4; 126 I 194 consid. 3d).

3.             Est litigieuse la question de savoir si le fait de s’en être rapporté à justice sur les conséquences de l’absence de l’appelante B. lors de l’audience d’appel devant la CPAR constitue un manquement au devoir de diligence de l’avocat.

Il peut être retenu, avec les parties, que le fait de s’en rapporter à justice sur une question d’ordre procédural ne constitue, en tant que tel, pas un comportement constitutif d’un manque de diligence. II convient bien plutôt d’examiner si cette attitude représente, dans le contexte procédural dans lequel elle survient, un manque de la diligence à laquelle un client, dans la même situation, peut et doit s’attendre.

Le client du recourant avait été acquitté, en première instance, des chefs d’accusation de tentative de viol et de contrainte sexuelle sur la personne de B. L’appel formé par cette dernière portait notamment sur ce point. Or, il est indéniable que la tentative de viol et de contrainte sexuelle constitue une infraction grave et que la peine à laquelle s’expose une personne reconnue coupable de cette infraction est importante. B. réclamait, par ailleurs, dans son appel la condamnation de A. à lui verser la somme de CHF 10'000.- pour tort moral. Ainsi, les enjeux liés à la procédure pénale, singulièrement à l’appel formé par B., étaient pour A. très importants. Dès lors que l’absence de B. aux débats d’appel pouvait entraîner, en vertu de l’art. 407 al. 1 let. a CPP, le retrait de l’appel et, par voie de conséquence, son acquittement définitif des infractions les plus graves qui lui étaient reprochées, il est manifeste qu’il appartenait à l’avocat, nommé d’office pour sa défense, de soulever ce moyen lors de la procédure d’appel.

Si, certes, la CPAR a d’office invité les parties à se déterminer à ce propos et finalement considéré que B. ne pouvait être représentée par son conseil à l’audience d’appel, il n’en demeure pas moins que, contrairement à ce que fait valoir le recourant, son inaction n’aurait pas de toute manière été sans conséquence. En effet, la CPAR – qui disposait à cet égard d’une certaine latitude, comme cela ressort du consid. 2.5 – aurait pu porter un regard différent sur la représentation de B. par son avocat à l’audience d’appel et autoriser celle-ci, de sorte que les débats auraient porté sur les accusations graves dont A. avait été acquitté en première instance et, le cas échéant, pu conduire à sa condamnation pour celles-ci. La situation de A. se serait trouvée péjorée, sans qu’il soit certain que celui-ci aurait pu efficacement contester devant le Tribunal fédéral l’admission de la représentation de B. par son avocat à l’audience d’appel, dès lors qu’il ne s’y était pas opposé.

L’attitude passive du recourant n’est pas non plus compatible avec son obligation, en sa qualité d’avocat nommé d’office, de faire bénéficier son client d’une défense compétente, engagée et efficace de ses intérêts. Au contraire, il lui appartenait de s’opposer à la représentation de B. par son avocat.

Il convient ainsi de retenir, avec la commission, que le recourant, en s’en rapportant à justice sur un point procédural revêtant une grande importance pour la défense des intérêts de son client, a manqué de la diligence, dont un avocat défenseur d’office doit faire preuve.

4.             Le recourant conteste que le seuil de gravité de la faute justifiant le prononcé d’une sanction soit atteint.

4.1 Selon l’art. 17 al. 1 LLCA, en cas de violation de la LLCA, l’autorité de surveillance peut prononcer des mesures disciplinaires, soit l’avertissement (let. a), le blâme (let. b), une amende de CHF 20'000.- au plus (let. c), l’interdiction temporaire de pratiquer pour une durée maximale de deux ans (let. d) ou l’interdiction définitive de pratiquer (let. e). L’amende peut être cumulée avec une interdiction de pratiquer (art. 17 al. 2 LLCA). Si nécessaire, l’autorité de surveillance peut retirer provisoirement l’autorisation de pratiquer (art. 17 al. 3 LLCA). L’avertissement, le blâme et l’amende sont radiés du registre cinq ans après leur prononcé (art. 20 al. 1 LLCA). L’avertissement est la sanction prévue la moins grave et est réservée aux cas bénins. Le blâme est destiné à sanctionner des manquements professionnels plus graves et doit apparaître comme suffisant pour ramener l’avocat à ses devoirs et l’inciter à se comporter de manière irréprochable, conformément aux exigences de la profession (ATA/213/2022 du 1er mars 2022 consid. 6a et les références citées).

4.2 Des sanctions disciplinaires contre un avocat présupposent, du point de vue subjectif, une faute, dont le fardeau de la preuve incombe à l'autorité disciplinaire. La faute peut consister en une négligence (ATA/831/2022 du 23 août 2022 consid. 7b et la référence citée). Le Tribunal fédéral a retenu qu’en cas de négligence, seules des négligences graves, telles que la conduite d'une poursuite téméraire, abusive ou autrement infructueuse, peuvent justifier une sanction disciplinaire (arrêt 2C_150/2008 du 10 juillet 2008 consid. 7.1.3). Un mauvais conseil ou une erreur de procédure, s’ils peuvent entraîner la responsabilité civile de l’avocat, ne sont susceptibles d’être sanctionnés que si l’avocat a agi de manière extrêmement négligente, par exemple en ne prenant pas les mesures qui s’imposent pour la défense des intérêts de son client (François BOHNET/Vincent MARTENET, Droit de la profession d’avocat, 2009, p. 514, n. 1203).

4.3 La loi reconnaît à l’autorité compétente en matière disciplinaire une marge d’appréciation dans la détermination de la sanction prononcée, que la chambre administrative ne censure qu’en cas d’excès ou d’abus (ATA/479/2023 du 9 mai 2023 consid. 4.1.2). L’autorité doit néanmoins toujours respecter les principes de l’égalité de traitement, de la proportionnalité et de l’interdiction de l’arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_137/2023 précité consid. 9.1).

L’autorité tiendra notamment compte de la gravité de la faute commise, des mobiles et des antécédents de son auteur ou encore de la durée de l’activité répréhensible. Elle pourra également prendre en considération, suivant les cas, des éléments plus objectifs extérieurs à la cause, comme l’importance du principe de la règle violée ou l’atteinte portée à la dignité de la profession. Elle devra enfin tenir compte des conséquences que la mesure disciplinaire sera de nature à entraîner pour l’avocat, en particulier sur le plan économique, ainsi que des sanctions ou mesures civiles, pénales ou administratives auxquelles elle peut s’ajouter (ATA/479/2023 précité consid. 4.1.2).

4.4 La chambre administrative a confirmé l’avertissement infligé à un avocat ayant transgressé l’art. 12 let. a LLCA en refusant de retirer la poursuite qu’il avait introduite contre son ancien client alors que ce dernier avait renoncé à la prescription (ATA/820/2016 du 4 octobre 2016 consid. 10, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_1060/2016 du 13 juin 2017 consid. 4.3) ou encore en produisant en justice un moyen de preuve qu’il savait illégal (ATA/1405/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4, confirmé par l’ATF 144 II 473). Elle a également confirmé l’avertissement prononcé à l’encontre d’un avocat qui avait manqué à ses obligations professionnelles en produisant en justice des pièces émanant d’un confrère, qui étaient protégées par une obligation de confidentialité (ATA/213/2022 du 1er mars 2022 consid. 7, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_209/2022 du 22 novembre 2022 consid. 4.3).

4.5 En l’espèce, la qualification de la gravité de la faute commise est délicate.

La commission a retenu « une violation particulièrement négligente » du devoir de diligence. La liberté du client du recourant était en jeu et l’absence de conséquences concrètes n’avait pas d’incidence sur l’examen de la gravité du manquement. Dès lors que celui-ci n’atteignait pas « un haut seuil de gravité », seul un avertissement était prononcé.

Il est manifeste que le recourant a manqué au soin qu’on pouvait et devait attendre de lui dans une situation où l’intérêt de son client était majeur à ce qu’il s’oppose à la représentation de la partie plaignante par son avocat. Le fait de ne pas s’y être opposé relève d’une négligence importante. Comme déjà indiqué, la CPAR disposait d’un certain pouvoir d’appréciation pour admettre cette représentation. Le fait qu’elle ne l’ait pas acceptée, malgré l’absence de réaction du recourant lorsqu’il a été invité à s’exprimer sur ce point, n’est pas déterminant. En effet, l’avocat a une obligation de moyens et non de résultat (ATF 101 II 109 consid. 3b ; 93 I 116 consid. 5a), obligation qu’il a enfreinte en l’espèce.

Au titre des circonstances dont il convient également de tenir compte, il faut relever qu’il n’apparaît pas que le recourant aurait été mu par des intentions malveillantes ou un mobile particulier. Par ailleurs, à teneur du dossier, il n’a pas d’antécédents disciplinaires, alors qu’il est admis à pratiquer comme avocat inscrit au registre cantonal des avocats depuis 2013. Le comportement reproché est isolé, n’ayant trait à sa passivité que concernant un seul point procédural. Celle-ci n’était pas de nature à porter atteinte au bon fonctionnement de la justice ni à la dignité de la profession. Sa négligence était en revanche susceptible de porter préjudice à son client et d’ébranler la confiance que l’on peut et doit pouvoir placer dans les avocats nommés d’office en matière pénale, notamment en cas de défense obligatoire au sens de l’art. 130 let. b CPP.

Au vu de l’ensemble de ces circonstances, bien que l’appréciation de la faute puisse paraître sévère, la sanction infligée demeure compatible avec le large pouvoir d’appréciation qu’il faut reconnaître en la matière à l’autorité disciplinaire. Elle constitue, au demeurant, la sanction la plus légère et est de nature à inciter le recourant à exercer sa profession conformément à la diligence qu’elle requiert.

La durée du délai de radiation de la sanction est en outre conforme à l’art. 20 al. 1 LLCA.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir alloué une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 septembre 2024 par D______ contre la décision de la commission du barreau du 17 juin 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de D______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jean-Marc CARNICÉ, avocat du recourant, ainsi qu'à la commission du barreau.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :