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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3854/2023

ATA/953/2024 du 20.08.2024 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : PROTECTION DE LA PERSONNALITÉ;PROTECTION DES DONNÉES;DONNÉES SENSIBLES;CONSERVATION(EN GÉNÉRAL);PRÉPOSÉ À LA PROTECTION DES DONNÉES;POUVOIR D'APPRÉCIATION;PROPORTIONNALITÉ;EXACTITUDE
Normes : LIPAD.1; LIPAD.3.al1.letc; LIPAD.4.letb; LIPAD.4.lete; LIPAD.5; LIPAD.35; LIPAD.36.al1; LIPAD.40.al1; LIPAD.47.al1; LIPAD.47.al2.leta; LIPAD.47.al2.letb; LIPAD.49; CO.328.letb
Résumé : Afin d'éviter tout formalisme excessif, un courrier dans lequel le préposé à la protection des données se prononce sur la conformité au droit du traitement des données équivaut à une recommandation, même s'il n'est pas intitulé comme tel et que cet organisme ne lui reconnaît pas cette qualité. De la même manière, l'envoi d'une copie de la décision de l'autorité prise à la suite dudit courrier correspond à une notification au préposé à la protection des données. L'intégration d'un rappel à l'ordre dans le dossier personnel du recourant par l'institution employeuse ne constitue pas un cas de traitement illicite des données, de sorte que cette mesure peut être conservée dans ledit dossier. En revanche, y joindre un volumineux rapport de l'Inspection générale des services et ses annexes alors qu'aucun acte pénalement répréhensible n'a été reproché au recourant n'est absolument pas nécessaire pour appréhender l'incident à l'origine du rappel à l'ordre. Ces documents doivent, par conséquent, être retirés de son dossier personnel. La référence à une ordonnance de non-entrée en matière par fichier dans le rappel à l'ordre n'est pas pertinente dans la mesure où le recourant n'a pas été lui-même visé par les poursuites pénales. Ce rappel à l'ordre doit être rectifié en ce sens. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3854/2023-FPUBL ATA/953/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 août 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Yann LAM, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA DÉTENTION intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ a été engagé en qualité de gardien de prison le 1er mars 2013 et confirmé dans cette fonction dès le 1er janvier 2016.

b. Depuis le 1er septembre 2019, il est affecté au centre éducatif de détention et d'observation de B______ (ci-après : B______).

c. Le 1er janvier 2020, il a été promu appointé.

d. Dans la nuit du 11 au 12 mars 2022, alertés par les éducateurs de B______, l'intéressé et ses deux collègues, C______ et D______, ont mené une intervention dans les cellules des mineurs E______ et F______, au cours de laquelle les deux collègues précités avaient fait recours à la force à l'égard de ces derniers.

e. Les deux mineurs ont rapporté cet incident à un éducateur de B______ qui a rédigé les 15 et 16 mars 2022 deux notes internes à l'attention de la direction de l'établissement.

f. Le 15 mars 2022, C______ a rédigé un rapport d'incident.

g. Le 21 mars 2022, G______, directeur de B______, a dénoncé les faits rapportés au Ministère public qui a ouvert une procédure pour abus d'autorité et confié les investigations à l'Inspection générale des services (ci-après : IGS).

h. Le 14 juillet, à l'instar de ses collègues, A______ a été auditionné dans le cadre de cette procédure en qualité de personne appelée à donner des renseignements.

i. Le 5 septembre 2022, l'IGS a rendu son rapport à l'intention du Ministère public.

A______ avait indiqué qu'il était resté sur le pas de la porte de la cellule de E______ laissant ses deux collègues y entrer. Ce dernier était agité et criait. En réaction, F______ qui occupait la cellule voisine avait commencé à donner des coups de pied contre sa porte. Il s'était alors rendu derrière cette porte pour demander à ce dernier de se calmer. Revenant dans la cellule de E______, il avait vu son collègue D______ lui demander de se calmer. Ce mineur ne pleurait pas, ne semblait pas blessé, mais était encore sous le coup de l'énervement. Après qu'il se soit calmé, les gardiens de prison s'étaient rendus dans la cellule de F______.

Portant des structures métalliques dans ses mains, il n'avait pas pu ouvrir la porte de la cellule de ce mineur. Une fois la porte ouverte, celui-ci apparaissait agité et s'était dirigé vers l'un de ses collègues, lesquels avaient fait usage de la contrainte pour l'amener au sol. C______ avait fait une clé sur son bras droit. D______ n'avait pas tapé la tête de F______ sur un mur et sur le sol, ni effectué un balayage pour le faire chuter. Il n'avait fait aucun usage de la contrainte.

j. Le 27 avril 2023, un rappel des devoirs de service daté du 20 mars 2023 et signé par le directeur de B______ a été remis à A______.

Il était fait référence à l'ordonnance de non-entrée en matière (ci-après : ONEM) rendue à la suite d'une dénonciation du directeur de B______ de l'usage de la force disproportionné par ses deux collègues gardiens de prison lors de l'intervention du 11 mars 2022, alors que pour partie il était présent. Il y était rappelé que C______ avait établi un rapport sur l'intervention des gardiens de prison, mais que celui-ci était tardif conformément à la directive n° 39 sur l'activité des agents de détention, laquelle prévoyait que les événements particuliers devaient être rapportés à la direction pour une bonne compréhension des situations. A______ n'avait pas rédigé de rapport à ce sujet, ce qui avait justifié un rappel des devoirs de service de toujours transmettre sans délai des rapports écrits à l'attention de la direction de l'établissement.

Ce manquement ne reflétait pas précisément son engagement ni le sérieux de la posture à laquelle il avait habitué sa hiérarchie. Le directeur de B______ espérait que cet épisode resterait anecdotique, le sachant ordinairement préoccupé par la qualité des rapports qu'il entretenait avec les mineurs.

Le rappel était versé à son dossier personnel.

k. Le 8 août 2023, l'intéressé a contesté avoir violé la directive précitée, au motif qu'elle ne prévoyait aucun délai pour rendre un rapport. Il n'avait été rendu que quatre jours plus tard par son collègue compte tenu du fait qu'il était lui-même en congé. Il avait été remis le jour ouvrable suivant l'incident. Il sollicitait le retrait du rappel des devoirs de service de son dossier personnel. Son droit d'être entendu avait été violé. Ledit rappel constituait en outre un moyen détourné visant à lui infliger une forme de sanction disciplinaire, dans la mesure où il constatait un manquement de ses devoirs de service. Sa responsabilité disciplinaire était prescrite à la date dudit rappel. Il sollicitait des informations sur la manière dont les éléments de la procédure pénale avaient été intégrés à son dossier personnel. Ces éléments n'avaient pas à y figurer puisqu'il n'avait jamais eu l'occasion de s'exprimer sur eux.

 

 

 

Procédure A/3854/2023

B. a. Par décision du 17 octobre 2023, l'office cantonal de détention (ci-après : OCD) a maintenu le rappel des devoirs de service et le rapport de l'IGS dans le dossier personnel de A______.

La question de l'absence de délai de reddition du rapport était sans objet, dès lors que les agents de détention s'étaient mis d'accord avec les mineurs pour ne pas rédiger de rapport d'incident. Un rappel des devoirs était un acte interne de management et n'était en aucun cas constitutif d'une sanction disciplinaire, ni même une manière détournée d'appliquer une démarche qui pourrait s'y apparenter. Le rappel des devoirs de service n'étant pas une décision, il n'y avait pas de violation du droit d'être entendu. Pour le surplus, l'intéressé avait pu s'exprimer sur les faits en cause auprès de l'IGS. La transmission des rapports établis par l'IGS était fondée sur les dispositions légales. Le rappel étant basé sur les éléments contenus dans le rapport de l'IGS et en l'absence d'une ordonnance rendue par le Ministère public, il était nécessaire de joindre ce dernier à son dossier administratif.

b. Le 7 novembre 2023, A______ a écrit à l'OCD. Dans la mesure où sa requête visait le retrait d'un élément de son dossier personnel et contrairement à ce qu'il avait indiqué auparavant, cette décision était en réalité prématurée. S'agissant d'une demande de retrait d'un document de son dossier personnel, la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08) trouvait application. La procédure aménagée à l'art. 49 LIPAD devait être suivie et son courrier du 8 août 2023 transmis au préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci‑après : le préposé) au titre de requête au sens de l'art. 47 al. 2 let. a LIPAD. Il demandait de l'informer si sa décision était retirée.

c. Le 13 novembre 2023, l'OCD a informé A______ qu'il maintenait sa décision tout en transférant sa requête à la responsable LIPAD du département des institutions et du numérique (ci-après : DIN).

C. a. Par acte du 20 novembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administration de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 17 octobre 2023. Il a conclu préalablement à ce qu'il soit ordonné à l'OCD d'indiquer la source du rapport de l'IGS du 5 septembre 2022, puis principalement à l'annulation de cette décision, suivie du retrait du rapport de l'IGS et du rappel des devoirs de service de son dossier personnel.

L'absence de recommandation du préposé ne saurait conduire à l'irrecevabilité du recours dans la mesure où l'OCD avait rendu une décision définitive – et non une simple détermination – comme le confirmait l'indication des voies de recours. Il disposait en outre d'un intérêt digne de protection, soit le droit de disposer d'un dossier personnel ne contenant que des informations nécessaires le concernant, dossier pouvant être utilisé en sa faveur ou défaveur, en particulier s'il était amené à changer de poste au sein de l'administration.

L'OCD n'avait pas transmis sa requête au préposé en vue d'une recommandation, privant celui-ci de la possibilité de participer à la procédure comme le prévoyait l'art. 62 LIPAD. Il en résultait une violation d'une règle essentielle de procédure devant, pour ce seul motif, conduire à l'annulation de la décision entreprise. En l'absence d'indication de la source du rapport de l'IGS et ses annexes, leur intégration à son dossier était illicite de sorte que la décision entreprise devait être annulée et leur retrait ordonné. Le fait de n'avoir pas été informé de leur intégration à son dossier et de ne pas avoir été invité à se déterminer était contraire au principe de la bonne foi.

Le principe de la proportionnalité n'avait pas non plus été respecté. En effet, il ne voyait pas en quoi le rapport de l'IGS de treize pages avec une annexe de 42 pages était nécessaire pour justifier un simple rappel que l'OCD considérait comme un acte interne de management. Ce rapport aurait dû être retiré de son dossier personnel, une fois l'acte de management accompli. La présence d'une partie d'un dossier pénal d'un total de 55 pages lui était clairement préjudiciable, même si son contenu n'était pas accablant. Il fallait prendre connaissance de l'intégralité du dossier pour arriver à la conclusion qu'il n'était aucunement impliqué dans la procédure pénale. Les éléments de la procédure pénale constituant des données sensibles, leur traitement, par définition, restreint, ne pouvait être autorisé que si cela était indispensable à l'accomplissement d'une tâche. Le refus de retirer le rapport de l'IGS et ses annexes de son dossier était contraire au droit.

Le rappel des devoirs de service devait être retiré ou, à tout le moins, reformulé en raison de la violation du principe de l'exactitude. La formulation du rappel du premier paragraphe était « quelque peu » équivoque. Elle laissait penser qu'il avait été le destinataire d'une ONEM à la suite d'une plainte (rec. dénonciation) pour usage de la force alors qu'il était présent, ce qui n'était pas le cas. Il ne s'opposait pas à se voir reprocher le fait de ne pas avoir rédigé de rapport. Il aurait suffi que la lettre de rappel mentionnât qu'à la suite d'un incident ayant nécessité l'usage de la force par deux de ses collègues et auquel il avait assisté, il n'avait pas rédigé le rapport comme requis.

b. L'OCD a conclu au rejet du recours.

La demande initiale de A______ visait le retrait du rappel des devoirs de service. Il invoquait notamment la violation de son droit d'être entendu et remettait en cause la légalité de la transmission du rapport de l'IGS à cette autorité. Ce n'était qu'à la suite de la décision entreprise qu'il avait demandé son annulation et l'engagement d'une nouvelle procédure fondée sur la LIPAD. Estimant qu'il se justifiait de traiter les deux problématiques séparément, l'OCD avait rendu une décision distincte le 13 décembre 2023. Selon cette décision, rendue dans le cadre de la procédure prévue à l'art. 49 LIPAD, A______ n'avait été privé d'aucun moyen de droit, si bien que le grief de violation de cette disposition n'était pas fondé. La conformité à la LIPAD du maintien des documents litigieux au dossier personnel devait être examinée dans le cadre d'un recours contre la décision du 13 décembre 2023 (cf. Dc ci-après) et non dans la présente procédure.

En cas de manquement aux devoirs par un collaborateur, il était primordial pour tout employeur, y compris l'État de Genève, de le lui rappeler, de lui indiquer des points de vigilance et de l'inviter à suivre les procédures en vigueur. Cela s'inscrivait dans le cadre de l'exercice des missions de l'OCD visant à assurer la sécurité et le suivi de mineurs en situation de vulnérabilité. Il n'était pas question d'une sanction administrative, mais d'un acte managérial courant et indispensable à la bonne marche des services et établissements.

La conservation des documents litigieux dans le dossier personnel du collaborateur répondait au devoir d'exactitude imposé par la LIPAD. Le rappel des devoirs de service spécifiait bien dès le premier paragraphe que l'intéressé s'était cantonné à un rôle d'observateur le jour de l'incident. Il n'existait aucun doute à la lecture dudit rappel quant à ce qui lui était reproché. Aucun terme employé ne prêtait à confusion et pouvait laisser entendre qu'il était lui-même visé directement par l'enquête pénale. Les responsables des ressources humaines (ci-après : RH) de l'OCD étaient les seuls à utiliser les éléments concernés dans le cadre du suivi du collaborateur. Si celui-ci venait à quitter cet office, ces éléments ne le suivraient pas, car ils ne seraient pas probants dans le cadre de sa nouvelle activité. Les responsables RH savaient parfaitement que la présence du nom d'une personne dans un rapport de l'IGS ne signifiait pas qu'elle avait quelque chose à se reprocher au niveau pénal.

Vu le « n'empêche » délivré par le Procureur général autorisant l'IGS à transmettre son rapport à l'OCD, la transmission du rapport en cause était, tout comme son traitement et son maintien au dossier personnel, légitime. Ce rapport ne constituait pas une décision, ni un acte tendant vers la prise d'une décision, mais un acte managérial interne qui ne touchait pas la situation juridique de A______. Aucune violation du droit d'être entendu ne pouvait être retenue. Au surplus, celui-ci avait eu l'occasion de s'exprimer sur les éléments ressortant du rapport lors de son audition par l'IGS.

Le statut de personne appelée à donner des renseignements (ci-après : PADR) n'était pas contesté. Aucune règle n'indiquait que la qualité de prévenu était indispensable pour que le rapport de l'IGS soit transmis à l'autorité employeuse. Le courrier adressé à A______ concernait uniquement l'absence de rédaction d'un rapport d'incident. L'ensemble des éléments contenus dans le rapport de l'IGS était nécessaire à la bonne compréhension des faits à l'origine du rappel des devoirs de service et de son rôle d'observateur au moment de leur survenance. Les procès‑verbaux des auditions des différents protagonistes permettaient par ailleurs de mettre en lumière l'existence d'un accord entre les membres du personnel et les mineurs de ne pas rédiger de rapport d'incident, ce qui était contraire aux processus internes. Le rapport de l'IGS indiquait enfin que le rapport d'incident n'avait été établi qu'après que les mineurs s'étaient plaints à un éducateur social. L'OCD n'avait pas versé au dossier l'ONEM en raison du fait que le renseignement y relatif lui avait été donné oralement, ce qui était habituel s'agissant d'une ONEM par fichet. Le rapport de l'IGS était par conséquent l'unique document physique sur lequel reposait le rappel des devoirs de service.

c. A______ a répliqué, sollicitant, au préalable, la jonction de la cause avec la procédure A/289/2024. Son objet étant consacré au traitement de son dossier personnel, la procédure ne soulevait pas de questions autres que celles intimement liées à la LIPAD. Cette loi était invoquée par l'OCD lui-même pour justifier le maintien des documents litigieux dans son dossier personnel.

Il persistait dans les précédentes explications. L'allégation selon laquelle les éléments du dossier personnel ne le suivraient pas lors d'un transfert à une nouvelle fonction était contraire à la pratique. La fiche MIOPE 01.07.10 prévoyait en effet que lors du transfert d'un département à un autre, le dossier original et complet – y compris la lettre de transfert – suivait le collaborateur.

Bien qu'à l'instar de ses deux collègues, il avait été entendu sous le statut de PADR, seule une lecture attentive du dossier permettait de comprendre que contrairement à ces derniers qui avaient été auditionnés comme PADR au sens de l'art. 178 let. d du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), soit une personne qui, sans être prévenue, pourrait s'avérer être soit l'auteur des faits à élucider ou d'une infraction connexe, soit un participant à ces actes, il l'avait été au sens de l'art. 179 CPP, soit une personne qui ne pouvait être considérée comme prévenue. À défaut, il pouvait être considéré comme ayant été impliqué dans les faits au même titre que ses collègues, alors que tel n'était pas le cas.

d. L'OCD a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

Seule la question du maintien du document au dossier administratif du collaborateur relevait de la LIPAD. La demande de A______ du 8 août 2023 tendait à remettre en cause le rappel des devoirs de service et la licéité du rapport de l'IGS et ses annexes sans que ladite loi eût été évoquée. Le présent recours avait été principalement axé sur la LIPAD, les autres points relevés dans la demande précitée étant subsidiaires, voire inexistants. Il n'avait fait que répondre aux points évoqués dans le recours. Cet état de fait ne remettait nullement en cause l'opportunité de rendre une décision sur le bien-fondé du rappel des devoirs de service.

S'il ressortait bel et bien de la fiche MIOPE 01.07.10 que le dossier original et complet suivait le collaborateur lors du transfert d'un département à un autre, le document complémentaire élaboré par le préposé cité au bas de page de cette fiche prévoyait que le dossier soit réactualisé et les pièces triées. Ses observations contenues dans sa réponse au recours étaient confirmées.

Il était déjà spécifié sur la première page du rapport de l'IGS que contrairement à ses deux collègues, il avait été entendu comme « PADR 179 », soit une personne qui ne pouvait être considérée comme prévenue. La lecture du contenu du rapport lui-même permettait, au surplus, de comprendre aisément qu'il n'avait pas été mis en cause par les mineurs, comme l'avaient été ses deux collègues. La lettre de rappel permettait, en tant que telle, de déterminer ces différences.

e. A______ a répliqué, une nouvelle fois, persistant dans ses conclusions. L'OCD avait sous-entendu que s'il devait quitter le service, son dossier personnel serait trié et actualisé. L'on pouvait constater que l'importance des documents figurant dans son dossier était relative dans la mesure où ils n'intéresseraient pas un autre département. Ce n'était pas tant le transfert qui devait conditionner une mise à jour du dossier personnel, mais le critère de pertinence d'y garder un élément qui devait être considéré. La directive du préposé prévoyait d'ailleurs un critère temporel, soit par exemple une réactualisation tous les deux ans. En admettant à demi-mot l'importance relative de la présence des documents litigieux dans son dossier personnel, le maintien de ceux-ci était, sous l'angle du principe de finalité, contraire à la LIPAD.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

Procédure A/289/2024

D. a. Le 23 novembre 2023, la responsable LIPAD du DIN a transmis le courrier du 8 août 2023 de A______ au préposé tout en suggérant de ne pas y faire droit. Le « rappel à ordre », équivalant du rappel des devoirs de service était cité dans la directive départementale sur le dossier du collaborateur comme faisant partie intégrante du dossier. Ce document était de pratique établie systématiquement joint au dossier de tout collaborateur. Il était à considérer qu'il s'agissait, à tout le moins, d'une correspondance entre l'employeur et le collaborateur, élément censé figurer au dossier administratif afin d'assurer le suivi de la correspondance, alimentant la section « Correspondances diverses ».

b. Le 4 décembre 2023, le préposé a répondu à la responsable LIPAD du DIN qu'il était peu pertinent de rendre une recommandation dans le cas d'espèce, dans la mesure où une décision sujette à recours avait d'ores et déjà été rendue par l'OCD. Il voyait mal quelle portée pourrait, en l'occurrence, avoir une recommandation émise par ses soins.

Sans se prononcer sur le bien-fondé du rappel des devoirs de service, il relevait que celui-ci datait d'avril 2023, soit de moins d'un an, de sorte que sa conservation dans le dossier administratif de l'intéressé apparaissait conforme au principe de la proportionnalité et aux exigences de l'art. 40 LIPAD. Au surplus, cette conservation était conforme aux directives de l'État de Genève relatives au dossier personnel.

c. Par décision du 13 décembre 2023, faisant suite au courrier du préposé, l'OCD s'est prononcé sur la requête de A______. Après avoir repris in extenso l'avis de la responsable LIPAD suivi de celui du préposé, il concluait que le rappel des devoirs de service et le rapport de l'IGS étaient maintenus dans son dossier.

Y était annexée une autorisation de transmission du rapport de l'IGS à l'OCD avalisée en date du 17 octobre 2022 par un « n'empêche » délivré par le Procureur général.

E. a. Le 26 janvier 2024, A______ a interjeté un recours auprès de la chambre administrative contre cette décision, concluant préalablement à la jonction de cause avec la procédure A/3854/2023, puis à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'OCD de retirer le rappel des devoirs de service et le rapport de l'IGS de son dossier personnel.

Il reprenait les griefs accompagnés des motivations déjà exposés à l'appui de son recours du 20 novembre 2023.

b. L'OCD a conclu au rejet du recours, reprenant les arguments développés dans sa réponse au recours du 20 novembre 2023. De plus, le fait que le préposé avait indiqué qu'il lui semblait peu pertinent de rendre une recommandation – puisqu'une décision sujette à recours ayant déjà été rendue par l'OCD –, ne signifiait pas que le courrier du 4 décembre 2023 n'en constituait pas une. En effet, il s'était prononcé dans ce courrier sur la destruction de données personnelles et plus particulièrement sur le temps de conservation des documents en cause et examiné la conformité du traitement de ceux-ci à la LIPAD et aux directives de l'État. La décision entreprise avait été rendue dans le cadre de la procédure prévue à l'art. 49 LIPAD. L'OCD avait respecté l'ensemble des étapes y relatives, de sorte que A______ n'avait été privé d'aucun moyen de droit. Le grief de violation de cette disposition n'était pas fondé.

c. A______ a répliqué, persistant dans ses conclusions. Le préposé ne s'était pas prononcé sur la question de la conformité à la LIPAD du rapport de l'IGS et son analyse sur le rappel des devoirs de service ne constituait nullement une recommandation. L'OCD était conscient qu'il ne s'agissait pas d'une recommandation puisqu'il n'avait pas jugé utile de notifier sa décision du 13 décembre 2023 au préposé, ne lui adressant qu'une copie pour information, alors qu'il aurait été tenu de le faire conformément à l'art. 49 al. 6 LIPAD. Le préposé disposait d'un droit de recours dont il avait été privé, faute de notification.

Il n'en ressortait nullement du libellé du premier paragraphe de la lettre de rappel des devoirs de service qu'il se serait cantonné à un rôle d'observateur. Il était prêt à retirer les deux recours (sous réserve de la question des frais et des dépens) si l'OCD acceptait de retirer sa décision et de reformuler ledit paragraphe. Il n'était pas opposé à une tentative de conciliation avec l'OCD.

La différence entre PADR au sens des art. 178 let. d et 179 CPP avait été relevée dans la réplique de la procédure parallèle dans laquelle il expliquait que seule une lecture approfondie permettait de l'identifier, ce qui avait échappé à l'OCD. L'argument de cette autorité expliquant sa compréhension aisée alors qu'elle n'avait pas identifié ce détail frisait la témérité. L'on ne pouvait exiger des responsables RH de l'État une connaissance fine des subtilités de la procédure pénale. En soutenant que la lettre de rappel des devoirs de service permettait à elle seule de déterminer cette différence de statut de PADR, l'OCD avançait un argument plaidant pour la violation du principe de finalité s'agissant du rapport de l'IGS. Rien ne justifiait dans cette hypothèse que ce rapport soit conservé dans son dossier.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Les deux recours ont été interjetés en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant conclut à la jonction des procédures A/3854/2023 et A/289/2024.

2.1 Selon l'art. 70 al. 1 LPA, l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

2.2 En l'occurrence, les procédures A/3854/2023 et A/289/2024 concernent les mêmes parties et le même complexe de faits, les questions juridiques posées par les deux recours étant en outre fortement imbriquées. Il se justifie ainsi de joindre ces deux causes sous le numéro A/3854/2023.

3.             Il y a lieu de préciser préalablement l'objet du litige.

3.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a).

3.2 La particularité du cas d'espèce réside dans le fait que le recourant a remis en cause, dans un premier temps, le bien-fondé du rappel des devoirs de service. Suite à la décision faisant l'objet de la procédure de recours A/3854/2023, il est revenu sur cette position en indiquant, dans un second temps, exiger le retrait de ce rappel et du rapport de l'IGS sur la seule base de la LIPAD, étant relevé qu'il a sollicité le retrait de ladite décision et la mise en œuvre de la procédure non contentieuse prévue à l'art. 49 LIPAD. Ce n'est que face au maintien de cette décision qu'il a formé le recours A/3854/2023, dont elle est l'objet.

Quoi qu'il en soit, la question du bien-fondé du rappel des devoirs de service pourra toutefois souffrir de demeurer indécise. Il ressort de l'ensemble des conclusions et déterminations du recourant que les recours visent le retrait du rappel des devoirs de service et du rapport de l'IGS et ses annexes de son dossier personnel sur la base des seules dispositions de la LIPAD.

Partant, la chambre de céans se bornera à examiner la conformité des décisions attaquées à l'aune de la LIPAD.

4.             Le recourant demande le retrait du rappel des devoirs de service et le rapport de l'IGS et ses annexes de son dossier personnel.

4.1 La loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire du 3 novembre 2016 (LOPP - F 1 50) règle l’organisation des établissements pénitentiaires ainsi que le statut du personnel pénitentiaire qui y est affecté.

4.2 La LIPAD régit l’information relative aux activités des institutions et la protection des données personnelles (art. 1 al. 1 LIPAD). Elle poursuit deux objectifs, à savoir, d’une part, favoriser la libre formation de l’opinion et la participation à la vie publique et, d’autre part, protéger les droits fondamentaux des personnes physiques ou morales de droit privé quant aux données personnelles les concernant (art. 1 al. 2 let. a et b LIPAD). Elle comporte ainsi deux volets, l’un concernant l’information du public et l’accès aux documents réglé dans le titre II (art. 5 ss LIPAD), qui n’est pas en cause dans le cadre du présent recours, et l’autre portant sur la protection des données personnelles, dont la réglementation est prévue au titre III (art. 35 ss LIPAD).

Elle s'applique notamment aux institutions, établissements et corporations de droit public cantonaux et communaux, ainsi que leurs administrations et les commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 let. c LIPAD).

4.3 Selon l'art. 35 LIPAD, les institutions publiques ne peuvent traiter des données personnelles que si, et dans la mesure où, l'accomplissement de leurs tâches légales le rend nécessaire (al. 1). Des données personnelles sensibles ou des profils de la personnalité ne peuvent être traités que si une loi définit clairement la tâche considérée et si le traitement en question est absolument indispensable à l'accomplissement de cette tâche ou s’il est nécessaire et intervient avec le consentement explicite, libre et éclairé de la personne concernée (al. 2).

Par données personnelles ou données, la LIPAD vise toutes les informations se rapportant à une personne physique ou morale de droit privé, identifiée ou identifiable (art. 4 let. a LIPAD). Selon l’art. 4 let. b LIPAD, par données personnelles sensibles, on entend les données personnelles sur la sphère intime (ch. 2) et des poursuites ou sanctions pénales ou administratives (ch. 4).

Par ailleurs, constitue un traitement de ces données toute opération relative à celles‑ci - quels que soient les moyens et procédés utilisés - notamment leur collecte, conservation, exploitation, modification, communication, archivage ou destruction (art. 4 let. e LIPAD)

4.4 L'art. 36 al. 1 LIPAD dispose que les institutions publiques veillent, lors de tout traitement de données personnelles, à ce que ces dernières soient pertinentes et nécessaires à l'accomplissement de leurs tâches légales (let. a) ainsi qu'exactes et si nécessaire mises à jour et complétées, autant que les circonstances permettent de l’exiger (let. b). Lorsqu’une institution publique constate que des données personnelles qu’une autre institution lui a communiquées en vertu de l’art. 39 al. 1 LIPAD, sont inexactes, incomplètes ou obsolètes, elle en informe cette dernière, à moins que cette information ne soit contraire à une loi ou à un règlement (al. 2).

4.5 Les institutions publiques détruisent ou rendent anonymes les données personnelles dont elles n'ont plus besoin pour accomplir leurs tâches légales, dans la mesure où ces données ne doivent pas être conservées en vertu d’une autre loi (art. 40 al. 1 LIPAD). Sur décision de l'instance dirigeante de l'institution publique concernée, la destruction de données personnelles peut être différée durant deux ans au maximum à des fins d'évaluation de politiques publiques. Ces données sont dès lors soustraites à communication, sauf si elles sont accessibles au regard de la loi sur les archives publiques, du 1er décembre 2000, ou du titre II de la LIPAD (art. 40 al. 2 LIPAD).

4.6 L'art. 47 al. 1 LIPAD prévoit que toute personne physique ou morale de droit privé peut notamment, à propos des données la concernant, exiger des institutions publiques qu’elles s’abstiennent de procéder à un traitement illicite (let. a), mettent fin à un traitement illicite et en suppriment les effets (let. b) ou constatent le caractère illicite du traitement (al. 3).

Sauf disposition légale contraire, elle est en particulier en droit d’obtenir des institutions publiques, à propos des données la concernant, qu’elles détruisent celles qui ne sont pas pertinentes ou nécessaires (al. 2 let. a), qu'elles rectifient, complètent ou mettent à jour celles qui sont respectivement inexactes, incomplètes ou dépassées (al. 2 let. b).

4.7 Selon l'art. 49 LIPAD, toute requête fondée sur l'art. 47 LIPAD notamment doit être adressée par écrit au responsable chargé de la surveillance de l’organe dont relève le traitement considéré (al. 1). Si le responsable n’entend pas faire droit intégralement aux prétentions du requérant ou en cas de doute sur le bien-fondé de celles-ci, il transmet la requête au préposé avec ses observations et les pièces utiles (al. 2). Le préposé cantonal instruit la requête de manière informelle, puis il formule, à l’adresse de l’institution concernée et du requérant, une recommandation écrite sur la suite à donner à la requête (al. 3). L’institution concernée statue alors par voie de décision dans les dix jours sur les prétentions du requérant (al. 4).

À cet égard, la chambre de céans a d'ores et déjà jugé que l'absence d'une recommandation préalable du préposé ne pouvait conduire à une irrecevabilité du recours contre la décision querellée mais plutôt à son annulation pour violation d'une règle essentielle de procédure (ATA/229/2018 du 13 mars 2018 consid. 6 d).

4.8 En droit privé, l'art. 328b de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), prévoit que l’employeur ne peut traiter des données concernant le travailleur que dans la mesure où ces données portent sur les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou sont nécessaires à l’exécution du contrat de travail. En outre, les dispositions de la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (LPD - RS 235.1) sont applicables. Cet article règlemente les questions liées à la protection des données dans le contrat de travail (Marie MAJOR, Questions spécifiques / Le droit d’accès de l’employé à son dossier personnel ; in Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], La protection des données dans les relations de travail, 2017, p. 289).

À l'instar de ce qui prévaut pour l'art. 328 CO, l'art. 328b CO doit également s'appliquer par analogie en droit public, en l’absence de dispositions expresses prévues par le droit de la fonction publique (ATA/649/2023 du 20 juin 2023 consid. 2.3.2.3 et les références citées).

4.9 En vertu du principe d’exactitude prévu à l’art. 5 al. 1 LPD, ces données peuvent être objectives (p. ex. une expérience professionnelle) ou subjectives (soit un jugement de valeur, p. ex. l’appréciation portée sur le travail d’un employé). Les données figurant au dossier personnel doivent être correctes, soit refléter de manière correcte, actuelle et objective les faits ou autres circonstances se rapportant à la personne concernée (Marie MAJOR, op. cit., p. 292). Lorsqu'une personne demande la rectification d'une donnée personnelle inscrite, il lui incombe, d'une part, de prouver l'exactitude de la modification demandée et, d'autre part, de fournir une explication suffisante pour écarter d'éventuelles objections pertinentes quant à l'authenticité des documents produits (Arrêt du Tribunal administratif fédéral A‑6504/2 du 31 juillet 2018 consid. 3.3.2). Le point de savoir si une donnée est exacte ou non ne peut pas être tranché de façon abstraite, mais doit l'être en fonction des circonstances concrètes du cas d'espèce (Philippe MEIER, Protection des données, 2011, n° 745 p. 289 et référence citée).

4.10 La jurisprudence ne définit pas la notion de dossier personnel. La doctrine s'accorde à dire qu'il comporte les données concernant le travailleur dans ses rapports de travail avec l'employeur, de la naissance au déroulement et à la fin des rapports de travail (Marie MAJOR, op. cit., p. 291 et les références citées). Selon le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (ci-après : le PFPDT), les principaux documents et données contenus dans les dossiers du personnel comprennent notamment les mesures disciplinaires (avertissement, blâme, amende) ou les notes rédigées à la suite d’événements particuliers (Guide pour le traitement des données personnelles dans le secteur du travail, état d'octobre 2014).

4.11 En l'espèce, l'autorité intimée a refusé de retirer du dossier personnel du recourant des données qu'il estime avoir été traitées de manière illicite. Il s'agit, d'une part, du rapport de l'IGS et ses annexes dont leur maintien au dossier est contesté et, d'autre part, du rappel des devoirs de service dont l'exactitude des données y figurant est, à tout le moins, remise en question. Avant d'examiner plus avant ces problématiques, il importe d'aborder la question du respect de la procédure non contentieuse prévue par la LIPAD.

4.11.1 Le recourant se prévaut de l'absence de recommandation du préposé pour réclamer l'annulation de la décision entreprise.

Après avoir estimé peu pertinent de rendre une recommandation dans la mesure où la décision du 27 octobre 2023 avait d'ores et déjà été prononcée par l'autorité intimée, le préposé a indiqué expressément dans son courrier du 4 décembre 2023 que la conservation du rappel des devoirs de service ou rappel à l'ordre dans le dossier RH du recourant apparaissait conforme au principe de la proportionnalité et aux exigences de l'art. 40 LIPAD, ainsi qu'aux directives de l'État de Genève relatives au dossier personnel. Compte tenu des indications, se pose la question de la qualification de son courrier.

En effet, le préposé semble prima facie ne pas considérer son courrier comme une recommandation. Il ressort du texte du courrier lui-même que cette conclusion s'explique essentiellement par le fait que l'autorité intimée avait déjà rendu une décision sur le maintien du rappel des devoirs de service au dossier du recourant. Tout porte à croire que le préposé avait ainsi exclu la possibilité que l'autorité intimée prenne, sur la base de son courrier, une nouvelle décision. Nonobstant ces réserves, il s'est tout de même prononcé sur la conformité du maintien au dossier du rappel à l'ordre à la LIPAD en rappelant, tout d'abord, la disposition topique pertinente, soit plus précisément l'art. 40 LIPAD, avant de formuler de manière claire et sans équivoque sa position sur la conformité de la conservation des documents concernés avec cette disposition légale et directives de service.

Dans ces conditions et quoi qu'en pense le recourant, indépendamment de la question du libellé ou de la dénomination de cet acte, il y a lieu de considérer que son contenu correspond en tous points à un avis juridique. Dit autrement, il sera retenu, afin d'éviter tout formalisme excessif, que le courrier du 4 décembre 2023 équivalait à une recommandation au sens de l'art. 49 al. 4 LIPAD, peu importe les cautèles prises par le préposé dans sa rédaction. Toute autre solution aboutirait à l'annulation de la décision du 13 décembre 2023 et au renvoi à l'autorité intimée pour nouvelle décision après avoir préalablement requis une nouvelle fois une recommandation du préposé qui s'est d'ores et déjà exprimé sur la question.

En outre et contrairement aux allégations du recourant, dès lors que l'autorité intimée a fait parvenir au préposé une copie de la décision précitée, l'on ne peut raisonnablement admettre, sauf à faire preuve de formalisme excessif, qu'il a été privé de son droit de recours, faute de notification (art. 49 al. 6 et 62 LIPAD). Dès la réception de la copie de la décision, il lui appartenait, le cas échéant, d'interpeller cette autorité pour qu'elle procède formellement à la notification de sa décision.

Partant, mal fondé, le grief soulevé sera écarté.

4.11.2 Le recourant se plaint de l'illicéité du traitement du rappel des devoirs de service et du rapport de l'IGS, ce dernier document et ses annexes ne devant pas figurer dans son dossier pour les motifs que leur conservation est notamment contraire aux principes de finalité et de proportionnalité. En particulier, il estime qu'ils ne sont pas nécessaires pour justifier un simple rappel des devoirs de service, d'autant plus que l'autorité intimée a renoncé à toute procédure disciplinaire à son égard.

Selon cette dernière, l'ensemble des éléments contenus dans les documents incriminés étaient nécessaires à la bonne compréhension de l'incident à l'origine du rappel des devoirs de service et du rôle d'observateur qu'avait tenu le recourant au moment des faits. Les procès-verbaux des auditions des différents protagonistes annexés au rapport de l'IGS permettaient de mettre en lumière l'existence d'un accord entre les membres du personnel et les mineurs pour ne pas rédiger de rapport d'incident, contrairement aux processus internes. Les pièces concernées pourraient non seulement s'avérer utiles dans le cadre d'une éventuelle procédure disciplinaire ultérieure, mais aussi dans le cadre de la gestion RH usuelle.

En tant qu'il constitue une constatation d'un manquement aux devoirs de fonction, le rappel des devoirs de service trouve sa place dans le dossier administratif du recourant, hormis les réserves soulevées par le recourant0 qui seront examinées plus loin. Contrairement à ce qu'il soutient, bien que ce rappel à l'ordre n'a pas été assorti d'une sanction disciplinaire, il n'en demeure pas moins que son adoption ne signifie nullement que l'autorité intimée a renoncé à des sanctions disciplinaires à son encontre. Réservée au cas de très peu de gravité ou bénins et moins incisive que les sanctions disciplinaires, la mesure n'est, à l'instar de l'énoncé des points d'amélioration ou de vigilance, en règle générale qu'une étape préalable pouvant éventuellement conduire à la prise de sanctions disciplinaires, notamment en cas de récidive, eu égard au principe de proportionnalité. Aussi, il ne peut être totalement exclu que le rappel à l'ordre se révèle, le cas échéant, utile dans une éventuelle procédure disciplinaire. Au-delà de cette éventualité, le rappel à l'ordre est nécessaire à la bonne exécution des tâches confiées au recourant et à l'accomplissement par B______ de ses missions légales, à savoir la sécurité et le suivi de mineurs en situation de vulnérabilité, lesquels rendent nécessaires le suivi des gardiens de prison dans l'exercice de leurs fonctions.

Partant, l'intégration du rappel des devoirs de service au dossier personnel du recourant est licite, de sorte que le grief soulevé sera rejeté.

En outre, il est incontesté que les événements survenus du 11 au 12 mars 2022 se sont produits dans le cadre de l'exécution du travail du recourant et que le rapport de l'IGS et ses annexes exposent de manière circonstanciée leur déroulement, soit plus précisément les différentes interventions des gardiens de prison impliqués, y compris le rôle d'observateur reconnu au recourant. Cela étant et dans la mesure où il est uniquement reproché à celui-ci d'avoir omis d'établir à l'attention de sa hiérarchie un rapport d'incident, il est douteux que le rapport de l'IGS et ses annexes soient absolument utiles pour appréhender les circonstances à l'origine du manquement de devoir. Il faut relever que, non seulement, il n'était pas directement visé par la dénonciation du directeur de B______, mais aussi que ledit rapport n'a retenu aucun acte pénalement répréhensible à son encontre. Même l'ONEM dont l'autorité intimée invoque l'absence pour justifier l'intégration desdits documents dans le dossier personnel du recourant ne lui était pas destinée, eu égard à son statut de PADR au sens de l'art. 179 CPP. Compte tenu du volume de ces documents, il n'est pas certain que les responsables RH prendraient le temps de les parcourir à la recherche des parties concernant sa situation personnelle. Si tel était le cas, rien ne permet de présumer que certaines notions juridiques et dispositions légales dont ils regorgent, à l'instar de la notion de PADR au sens de l'art. 178 let. d ou de l'art. 179 CPP, seraient aisées à comprendre pour des personnes pas forcément rompues à la procédure pénale. Dans ces conditions, on peut considérer que la présence des documents litigieux au dossier personnel du recourant est susceptible de lui être préjudiciable, ce d'autant plus que, selon la fiche MIOPE 01.07.10, le dossier personnel suit le collaborateur lors du transfert d'un département à un autre. En tant qu'éléments de procédure pénale, le rapport de l'IGS et ses annexes constituent enfin des données sensibles dont l'intégration au dossier personnel du recourant doit répondre entre autres à une nécessité impérieuse, exigence qui ne paraît pas remplie en l'espèce.

Il n'apparaît par ailleurs pas – et l'autorité intimé ne le soutient pas – que la finalité du traitement des données contenues dans les documents visés ne pouvait être atteinte sans que ceux-ci soient intégrés au dossier personnel du recourant. Face au risque élevé pour la personnalité du recourant reconnu précédemment, le choix d'une option de traitement moins incisif aurait dû être privilégié. Il aurait suffi, par exemple, de rédiger une note de service reprenant les remarques conclusives du rapport de l'IGS, lesquels contiennent déjà un résumé des faits – y compris le rôle d'observateur reconnu au recourant –, un rappel de la directive dont le non-respect est invoqué dans le rappel à l'ordre, ainsi que l'existence d'un accord entre les gardiens de prison et les mineurs pour ne pas établir de rapport d'incident.

Au vu de ce qui précède, la chambre de céans retiendra que l'accomplissement des tâches légales de l'autorité intimée ne rend pas absolument nécessaire l'intégration du rapport de l'IGS et de ses annexes dans le dossier personnel du recourant. Dite présence n'est par conséquent pas conforme au principe de la proportionnalité.

La décision attaquée sera annulée sur ce point et renvoyée à l'autorité intimée afin qu'elle procède au retrait ou à la destruction du rapport de l'IGS et de ses annexes figurant dans le dossier du recourant.

4.11.3 Le recourant demande le retrait du rappel des devoirs de service ou, à tout le moins, sa reformulation au motif que son premier paragraphe serait « quelque peu » équivoque. Il s’agit principalement de l’exercice de son droit à la rectification de données qu’il prétend non conformes au principe d'exactitude. Ayant déjà retenu que le traitement de ce document était licite et son retrait non justifié, seule reste à examiner la demande de rectification.

Selon le recourant, le libellé du premier paragraphe dudit document laisse penser que le recourant est le destinataire d'une ONEM rendue à la suite de la dénonciation du directeur de B______ de l'usage de la force disproportionné, alors que tel n'a jamais été le cas. La teneur du paragraphe contesté se présente comme suit : « je me réfère à la décision de non-entrée en matière établie par le Procureur général, en lien avec la dénonciation du directeur de B______ de l'usage de la force disproportionné lors de l'intervention de vos deux collègues en date du 11 mars 2022, alors que pour partie, vous étiez présent ».

Utilisée à titre exceptionnel et pour autant qu'il s'agisse d'une non-entrée en matière totale, l'ONEM « par fichet » n'est rendue qu'en l'absence de partie à la procédure ou lorsqu'il se justifie de refuser de procéder immédiatement sans en informer les parties (directive du procureur général du canton de Genève du 1er novembre 2013 accessible par le lien suivant : https://justice.ge.ch/media/2021-02/directive-c.9-ordonnance-non-entree-matiere-fichet.pdf). En tant qu'elle relève de la poursuite pénale, rien ne permet de présumer qu'une référence à elle ne peut pas affecter directement ou indirectement l'appréciation subjective pouvant en être faite. En effet, la formulation de l'autorité intimée mentionnant l'ONEM alors que celle-ci ne figure pas au dossier personnel et n'est pas destinée au recourant est de nature à entretenir le soupçon ou, à tout le moins, l'impression que le recourant aurait pu être lui-même visé par les poursuites pénales. Il n'est donc pas adéquat pour situer le contexte sous-tendant la mesure de rappel à l'ordre. En revanche, le fait d'en faire état, par exemple, dans la note de service invoquée plus haut (voir supra : consid. 4.11.2) tout en prenant soin d'indiquer que les poursuites pénales ne visaient que les deux collègues ayant fait l'objet d'une dénonciation du directeur de B______, ne paraîtrait pas excessif.

En conséquence, la demande de rectification sera admise et le dossier renvoyé à l'autorité intimée afin qu'elle établisse une nouvelle lettre de rappel des devoirs de service prenant en compte ces conclusions.

Partiellement fondé, le recours sera ainsi admis.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument réduit de CHF 300.- sera mis à la charge du recourant qui n'obtient que partiellement gain de cause (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Le litige s'inscrit dans le contexte des rapports de service du recourant. Il concerne toutefois une contestation non pécuniaire (art. 83 let. a de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

Préalablement

ordonne la jonction des causes A/3854/2023 et A/289/2024 sous le numéro A/3854/2023 ;

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 20 novembre 2023 et le 26 janvier 2024 par A______ contre les décisions de l'office cantonal de la détention du 17 octobre 2023 et du 13 décembre 2023 ;

au fond :

les admet partiellement  ;

ordonne le retrait du rapport de l'Inspection générale des services du 5 septembre 2022 et ses annexes du dossier personnel de A______ ;

ordonne le retrait de la lettre de rappel des devoirs de service datée du 20 mars 2023 du dossier personnel de A______ et l'établissement d'une nouvelle lettre de rappel des devoirs de service au sens des considérants ;

met à la charge de A______ un émolument réduit de CHF 300.- ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'office cantonal de la détention ;

dit que, conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi;

communique le présent arrêt à Me Yann LAM, avocat du recourant, à l'office cantonal de la détention ainsi qu'au bureau du préposé cantonal à la protection des données et à la transparence.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Philippe KNUPFER, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :