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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2315/2024

ATA/910/2024 du 06.08.2024 ( PROC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2315/2024-PROC ATA/910/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 août 2024

 

dans la cause

A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, R______, S______, T______, U______, V______, W______, X______

représentés par Me Christian VAN GESSEL, avocat réclamants

contre

DÉPARTEMENT DES INSTITUTIONS ET DU NUMÉRIQUE intimé



EN FAIT

A. Par arrêt ATA/639/2024 du 28 mai 2024, la chambre administrative de la Cour de justice a déclaré irrecevable le recours formé par A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, R______, S______, T______, U______, V______, W______, X______ (ci‑après : A______ et consorts) contre la décision ressortant du communiqué de presse du 12 décembre 2023 du département des institutions et du numérique (ci‑après : DIN), mis un émolument de CHF 1'500.- à leur charge solidaire et dit qu’aucune indemnité de procédure n’était allouée.

Selon ledit communiqué de presse, des nouveaux débordements violents avaient eu lieu le week-end des 9 et 10 décembre 2023 dans le cadre d’un match opposant le Y______ au Z______. Dans le souci de sanctionner rapidement ces comportements jugés inacceptables, les cantons de Vaud et Genève ainsi que la Municipalité de Lausanne avaient saisi en urgence la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (ci-après : CCDJP). Réunies dans un groupe de travail au sein de la CCDJP, les autorités chargées de délivrer les autorisations dans le cadre des manifestations sportives avaient décidé de fermer les secteurs réservés aux supporters ultra des deux équipes lors de leurs prochains matchs à domicile.

En cas de nouvelle rencontre entre le Y______ et le Z______ cette saison, celle-ci se déroulerait à huis clos.

B. a. Par acte du 8 juillet 2024, A______ et consorts ont formé réclamation, concluant à ce que l’émolument mis à leur charge soit ramené à CHF 800.-, dont CHF 500.- soient mis à leur charge et CHF 300.- à celle du DIN.

Leur conseil venait de découvrir dans le commentaire de la LPA que l’avance de frais devait couvrir les frais de la procédure. Il avait rédigé le recours gratuitement et indiqué à ses clients, qui avaient peu de moyens, qu’en fonction du montant de l’avance de frais, ils pourraient, si elle leur paraissait trop élevée, renoncer au recours. Le courrier invitant à s’acquitter de l’avance de frais de CHF 800.- précisait qu’une partie de ce montant, à savoir CHF 300.-, servirait à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables relatifs aux conclusions préalables portant sur la restitution de l’effet suspensif. La requête de restitution d’effet suspensif était devenue sans objet du fait que le DIN avait renoncé au huis-clos du match du 10 mars 2024. L’arrêt ne contenait aucune motivation relative au montant de l’émolument, ce qui constituait une violation de leur droit d’être entendus. Ces éléments justifiaient la réclamation.

b. Parallèlement, A______ et consorts ont saisi le Tribunal fédéral d’un recours contre l’arrêt précité, enregistré sous 1______.

Celui-ci a suspendu la procédure fédérale dans l’attente de l’arrêt sur réclamation.

c. Le DIN n’a pas été invité à répondre.

d. Par pli du 9 juillet 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Formée en temps utile devant la juridiction compétente, la réclamation est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 87 al. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Les réclamants se plaignent de la quotité et de la répartition de l’émolument.

2.1 La chambre de céans statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/94/2024 du 25 janvier 2024 consid. 2.1 ; ATA/1272/2022 du 19 décembre 2022 consid. 2a).

Selon l’art. 87 al. 1 2e phrase LPA, en règle générale, l’État, les communes et les institutions de droit public ne peuvent se voir imposer de frais de procédure si leurs décisions font l’objet d’un recours.

2.2 Selon l’art. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les frais de procédure qui peuvent être mis à la charge de la partie comprennent l’émolument d’arrêté au sens de l’art. 2 et les débours au sens de l’art. 3. En règle générale, l’émolument d’arrêté n’excède pas CHF 10'000.- (art. 2 al. 1 RFPA) ; toutefois, dans les contestations de nature pécuniaire, l’émolument peut dépasser cette somme, sans excéder CHF 15'000.- (art. 2 al. 1 RFPA).

2.3 Un principe général de procédure administrative veut que les frais soient supportés par la partie qui succombe et dans la mesure où elle succombe (René RHINOW et al., Öffentliches Prozessrecht, 3e éd., 2021, n. 971 ; Regina KIENER/ Bernhard RÜTSCHE/Mathias KUHN, Öffentliches Prozessrecht, 3e éd., 2021, n. 1673 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2e éd., 2015, p. 642).

Il est de jurisprudence constante que la partie qui succombe doit supporter une partie des frais découlant du travail qu’elle a généré par sa saisine (ATA/182/2018 du 27 février 2018 consid. 2). Les frais de justice sont des contributions causales qui trouvent leur fondement dans la sollicitation d'une prestation étatique et, partant, dépendent des coûts occasionnés par le service rendu. Il est cependant notoire que, en matière judiciaire, les émoluments encaissés par les tribunaux n'arrivent pas, et de loin, à couvrir leurs dépenses effectives (ATF 143 I 227 consid. 4.3.1 ; 141 I 105 consid. 3.3.2 ; 133 V 402 consid. 3.1).

2.4 Selon la jurisprudence, les décisions des tribunaux en matière de frais et dépens n'ont pas à être motivées, l'autorité restant néanmoins liée par le principe général de l'interdiction de l'arbitraire (ATF 114 Ia 332 consid. 2b ; 111 Ia 1).

2.5 La chambre administrative dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant à la quotité de l'émolument qu’elle met à charge de la partie qui succombe. Cela résulte notamment de l'art. 2 al. 1 RFPA dès lors que ce dernier se contente de plafonner – en principe – l'émolument d'arrêté à CHF 10'000.- (ATA/230/2022 du 1er mars 2022 consid. 2b ; ATA/1185/2018 du 6 novembre 2018 consid. 2b).

2.6 En l'espèce, l’arrêt contre lequel est dirigée la réclamation expose de manière circonstanciée les motifs pour lesquels les réclamants, qui n’étaient pas destinataires de la décision du DIN, ne disposaient pas d’un intérêt pour agir, ce qui rendait leur recours irrecevable. Leurs conclusions, tant principales que sur effet suspensif, étaient ainsi irrecevables. Contrairement à ce que semblent soutenir les réclamants, le fait que le DIN a renoncé au huis clos pour le match du 10 mars 2024 ne modifie pas l’irrecevabilité de leur recours. Il ressort, au demeurant, de l’arrêt du 28 mai 2024 que le DIN avait renoncé au huis-clos au vu de l’engagement pris par le Z______ SA, organisateur de la manifestation sportive, de prendre des mesures de sécurité. Le recours des réclamants, irrecevable, n’est donc nullement à l’origine de la levée du huis clos qui était envisagé.

Les recourants ayant entièrement succombé, il n’y avait pas lieu de mettre une partie de l’émolument à la charge de l’intimé. Par ailleurs, aucune autre circonstance ne justifiait de s’écarter du principe prévu à l’art. 87 al. 1 2e phrase LPA, selon lequel en principe l’État ne peut se voir imposer des frais de procédure.

L’avance de frais s’est limitée à CHF 800.-, montant qui, au moment du dépôt du recours, paraissait suffisant pour couvrir les frais prévisibles de la procédure. Il s’est cependant par la suite avéré que la procédure a connu des développements particuliers, les réclamants maintenant leur recours même après avoir reçu confirmation que le huis clos envisagé du match du 10 mars 2024 était levé, d’une part, et sollicitant, d’autre part, qu’un arrêt de principe soit rendu quant au bienfondé de leurs conclusions en constatation de la nullité de la décision entreprise, respectivement de l’annulation de celle-ci.

Le recours a comporté plusieurs échanges d’écritures, à savoir deux échanges d’écritures sur effet suspensif et un échange d’écritures avec réplique sur le fond. La question à trancher, à savoir si les recourants disposaient de la qualité pour recourir, a nécessité un examen approfondi de cette notion appliquée au cas d’espèce, comme cela ressort de la partie « En droit » de l’arrêt dont est réclamation. Par ailleurs, l’arrêt a été délibéré dans une composition comportant cinq juges.

Au vu de ces éléments, le montant de CHF 1'500.- perçu au titre de l’émolument tient dûment compte de l’ampleur du travail nécessité par le recours, étant rappelé que l’émolument ne couvre qu’une petite partie des dépenses effectives.

La réclamation, mal fondée, sera ainsi rejetée.

3.             Conformément à la pratique courante de la chambre de céans, aucun émolument ne sera prélevé dans le cadre de la présente procédure de réclamation (art. 87 al. 1 LPA). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable la réclamation interjetée le 8 juillet 2024 par A______, B______, C______, D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, R______, S______, T______, U______, V______, W______, X______ contre l’arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 28 mai 2024 ;

au fond :

la rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian VAN GESSEL, avocat des réclamants, au département des institutions et du numérique ainsi qu’au Tribunal fédéral pour information.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :