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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2094/2024

ATA/843/2024 du 11.07.2024 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2094/2024-EXPLOI ATA/843/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 11 juillet 2024

sur mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______ SA recourante

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé

_________



Attendu, en fait, que :

1. Par décision du 10 juin 2024 déclarée exécutoire nonobstant recours, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN), a constaté la caducité de l'autorisation d'exploiter l'établissement à l’enseigne « B______ » (ci-après : l'établissement) et a intimé à l'ancien exploitant de cesser immédiatement l’exploitation dudit établissement.

2. L'établissement a été fermé dès le 13 juin 2024.

3. Par acte du 21 juin 2024, A______ SA (ci-après : A______), société anonyme propriétaire de l'établissement, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, dont elle a demandé l’annulation, concluant à la levée immédiate de l'ordre de cessation d'exploiter l’établissement. Elle a conclu, à titre préalable, à la restitution de l’effet suspensif.

Le PCTN avait été informé dès le 5 janvier 2024 du départ de l'ancien exploitant pour le 29 février 2024. Deux requêtes avaient été soumises au PCTN afin de se mettre en conformité, mais à chaque fois le PCTN les avait déclarées incomplètes et avait refusé d'entrer en matière, avant de prononcer la décision attaquée.

La demande de restitution de l'effet suspensif ne portait que sur l'ordre de cessation immédiate d'exploiter, et non sur le constat de caducité. Les conditions de la délivrance d'une autorisation d'exploiter étaient toujours remplies. Si la cessation d'exploitation devait perdurer pendant la procédure, A______ perdrait des revenus considérables et verrait ses chances de poursuivre son activité sur le long terme compromises. Une mesure moins incisive devait se voir ordonnée.

4. Le 27 juin 2024, le PCTN a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

Selon l'art. 13 al. 1 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22), l'autorisation d'exploiter était caduque lorsque son titulaire y renonçait par écrit. L'art. 19 al. 3 du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 (RRDBHD - I 2 22.01) prévoyait expressément que le service n'instruisait que des requêtes complètes. Enfin, selon l'art. 61 al. 1 LRDBHD, le département intimait l'ordre de cesser immédiatement l'exploitation de toute entreprise exploitée sans autorisation en vigueur.

Le maintien de l'ordre de cesser d'exploiter répondait à un important intérêt public, le but de la législation en la matière étant précisément que les établissements disposent d'une autorisation.

La recourante mentionnait que les conditions d'exploitation étaient toujours remplies, alors qu'aucune requête complète en autorisation d'exploiter n'avait été déposée, si bien qu'il n'était pas possible d'examiner si les conditions d'octroi étaient a priori réalisées.

5. Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif.

 

Considérant, en droit, que :

1. Selon l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative de la Cour de justice du 26 mai 2020, les décisions sur effet suspensif sont prises par le président de ladite chambre ou par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par une juge.

2. Aux termes de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3).

3. L’autorité peut, d’office ou sur requête, ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

Selon la jurisprudence constante, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/844/2023 du 10 août 2023 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018). Elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265). Par ailleurs, l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_377/2023 du 7 décembre 2023 consid. 4.1).

4. L’effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision à contenu négatif ; la fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344).

En particulier, l’exploitant d’un établissement public ne peut se voir accorder par le biais de mesures provisionnelles un régime juridique dont il n’a pas bénéficié auparavant, le maintien d'une situation antérieure illégale n'apparaissant pas comme un intérêt digne d'être protégé et donc prépondérant. Accorder une telle autorisation reviendrait à admettre à titre préjudiciel que les conditions de l'autorisation sont satisfaites, ce qui n'est possible qu'à l'issue du litige, un éventuel préjudice financier ne pouvant du reste faire échec à ce constat (ATA/844/2023 précité ; ATA/418/2018 du 3 mai 2018 consid. 9). Ont ainsi été rejetées les requêtes de mesures provisionnelles de restaurants fermés par ordre du PCTN dans des cas où ce dernier avait révoqué l'autorisation d'exploiter du précédent exploitant – décision non contestée –, où l’établissement avait continué à être exploité et où les requêtes d'autorisation déposées par le nouvel exploitant étaient incomplètes (ATA/844/2023 précité ; ATA/1313/2017 du 21 septembre 2017).

5. L’art. 8 LRDBHD soumet l'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration et au débit de boissons, à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département (al. 1). Dans des cas exceptionnels et sur demande dûment motivée, le PCTN peut rendre une décision à caractère provisoire ; l’autorisation provisoire cesse de déployer ses effets à l’échéance du délai fixé par le PCTN, si elle n’est pas confirmée avant son échéance (art. 31 al. 16 RRDHBD).

6. En l’espèce, la décision intimant l'ordre de fermer l’établissement public n'a pas en soi un contenu négatif mais plutôt un contenu positif défavorable à l'administrée. Elle découle d'un constat d'absence d'autorisation, si bien qu'un effet suspensif demeurerait sans portée. En effet, le maintien du statu quo, à savoir l'absence d'autorisation d'exploiter, ne permettrait pas à la recourante d'obtenir ce qu'elle souhaite, soit d'exploiter son établissement. Ainsi, la requête de restitution de l'effet suspensif doit s'examiner comme une demande de mesures provisionnelles visant l’autorisation d’exploiter le café-restaurant durant la procédure de recours.

À cet égard, il apparaît certes que la fermeture de l'établissement est susceptible d’emporter pour la recourante un préjudice financier non négligeable. Toutefois, à la suite de la caducité de l’autorisation d’exploiter accordée au précédent exploitant, la recourante ne dispose depuis le 10 juin 2024 plus de cette autorisation, de sorte que la chambre de céans ne saurait, par voie de mesures provisionnelles, accorder une telle autorisation. En effet, cela reviendrait à admettre à titre préjudiciel que les conditions de celle-ci sont satisfaites, point qui ne fait cependant pas l’objet du litige, étant de surcroît relevé que les pièces produites ne permettent pas de tenir pour vraisemblable que les demandes d’autorisation d’exploiter formées par la recourante seraient complètes ni que la requérante remplirait toutes les conditions permettant d’obtenir ladite autorisation. Il y a lieu en outre de constater que depuis le dépôt du recours, la recourante n'a pas informé la chambre de céans du dépôt d'une nouvelle requête qui serait, cette fois, complète.

Par ailleurs, l’admission de la requête reviendrait à maintenir une situation illégale, ce qui ne saurait constituer un intérêt digne d'être protégé.

Au vu de ce qui précède, la requête de mesures provisionnelles sera rejetée.

7. Il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse d'octroyer les mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à A______ SA ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

 

 

La vice-présidente :

 

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :