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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3287/2022

ATA/592/2024 du 14.05.2024 sur JTAPI/472/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3287/2022-PE ATA/592/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mai 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Steve ALDER, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 avril 2023 (JTAPI/472/2023)


EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1978, est ressortissante de Côte d'Ivoire.

b. Elle est arrivée en Suisse en décembre 2013 pour travailler comme gouvernante auprès de la famille d'un diplomate de la Mission permanente de la Côte d'Ivoire auprès de l'Organisation des Nations Unies (ci-après : ONU) à Genève.

B. a. Le 24 janvier 2022, A______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.

Arrivée en Suisse en décembre 2013, elle avait travaillé en tant que gouvernante auprès d'un couple de diplomates, lesquels étaient décédés respectivement en décembre 2015 et janvier 2016. Elle avait bénéficié d'une carte de légitimation du département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE) jusqu'en juillet 2016. Elle était ensuite restée en Suisse sans discontinuer et avait travaillé dans l'économie domestique ; elle était indépendante financièrement et était de langue maternelle française. Elle avait travaillé pour gagner sa vie dès son arrivée à Genève et avait régulièrement envoyé de l'argent à sa famille restée au pays.

Elle avait noué des liens à Genève et n'avait jamais été condamnée. Elle n'avait aucune dette ni poursuite et n'avait jamais sollicité de l'aide financière de la part des pouvoirs publics. Elle était par ailleurs membre du syndicat B______ (ci-après : B______) depuis le 15 mai 2017. Enfin, elle avait suivi deux formations, l'une relative à la garde d'enfants à domicile et l'autre en tant qu'auxiliaire de soins.

b. Le 22 mai 2022, l'OCPM l'a informée de son intention de refuser sa demande et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai lui était accordé pour se déterminer.

c. Par courrier du 14 juillet 2022, A______ a exposé avoir démontré un très long séjour en Suisse, soit huit ans. Son intégration devait être qualifiée de remarquable. En effet, elle était membre active du B______, avait récemment été engagée dans une activité de bénévolat auprès de l'antenne sociale de proximité du secteur de la D______, consistant à accompagner des personnes âgées, était au bénéfice d'un diplôme suisse d'auxiliaire de soins et souhaitait exercer dans le domaine de la santé auprès de personnes âgées. Elle ne pourrait à l'inverse pas mettre à profit son savoir-faire en Côte d'Ivoire, pays dans lequel elle n'était du reste pas retournée depuis son arrivée en Suisse.

d. Par décision du 2 septembre 2022, l'OCPM a refusé de soumettre le dossier de A______ avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) et a prononcé son renvoi de Suisse avec obligation de quitter le territoire des États membres de l'Union Européenne et des États associés à Schengen.

Elle avait prouvé la continué de son séjour en Suisse et son indépendance financière. Elle n'avait par ailleurs jamais demandé l'aide financière de l'Hospice général et n'était pas connue de l'office des poursuites. Elle ne remplissait toutefois pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Elle n'avait en effet pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence.

Il était rappelé que les titulaires d'une carte de légitimation, titre de séjour de nature temporaire, ne pouvaient en principe pas obtenir un titre de séjour fondé sur un cas de rigueur lorsque la mission pour laquelle leur carte de légitimation – d'emblée limitée à ce but précis – leur avait été délivré prenait fin.

De plus, l'intégration socioculturelle de A______ ne pouvait être qualifiée de particulièrement remarquable. Le fait d'être membre d'un syndicat ne démontrait pas une intégration particulière, et son activité de bénévolat, pour laquelle elle n'était inscrite qu'en date du 27 juin 2022, n'avait pas encore commencé. Enfin, une réintégration dans son pays d'origine ne devrait pas avoir de graves conséquences sur sa situation professionnelle indépendamment des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, d'autant que sa famille y résidait. Elle ne possédait pas des connaissance professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait pas les utiliser dans son pays d'origine, dans la mesure où elle avait travaillé de nombreuses années dans le domaine de l'économie domestique et qu'elle avait suivi deux formations relatives respectivement à la garde d'enfants à domicile et à la fonction d'auxiliaire de soins.

C. a. Par acte du 6 octobre 2022, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant principalement à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas d'extrême gravité.

Dès son arrivée en Suisse, elle avait travaillé pour gagner sa vie. Elle avait cumulé divers emplois, en particulier dans le domaine de l'économie domestique, qui lui permettaient de subvenir à ses besoins. Elle était intégrée à la société suisse et genevoise.

Elle séjournait sans discontinuer depuis 2013 en Suisse, la durée de son séjour pouvant ainsi être qualifiée d'assez longue. Il fallait par ailleurs prendre également en considération son intégration socioculturelle et professionnelle. Elle s'était créé à Genève un tissu de relations étendu, notamment par ses nombreuses activités déployées en sus de son activité professionnelle. Elle n'avait jamais commis d'infraction pénale et n'avait aucune dette ni acte de défaut de biens. Elle s'investissait de manière volontaire dans de nombreuses communautés, de sorte qu'il fallait admettre que, par son comportement, elle présentait une intégration remarquable guidée par le respect des valeurs constitutionnelles suisses.

Elle n'était jamais retournée dans son pays d'origine depuis son arrivée en Suisse. Plusieurs membres de sa famille vivaient au sein de l'Union européenne, à proximité de Genève. Elle avait passé la majorité de sa vie d'adulte et un quart de sa vie entière en Suisse. Une réintégration en Côte d'Ivoire, pays marqué par des tensions sociales et politiques et où le risque d'attentats existait à tout moment dans l'ensemble du pays, en tant que femme célibataire de 44 ans, semblait compromise. Toutes ses attaches étaient maintenant en Suisse, comme ses perspectives professionnelles. Avec son diplôme d'auxiliaire de soins, il était assuré qu'elle trouvât un travail très aisément en Suisse, pays qui connaissait actuellement une pénurie de main d'œuvre dans le domaine de la santé, alors qu'en Côte d'Ivoire, selon les chiffres publiés en 2021, seules 2'000 personnes âgées avaient reçu une prise en charge médicale et 1'500 autres avaient reçu des visites à domicile pour un suivi, une assistance et une prise en charge, de sorte que le métier d'auxiliaire de soins était pour ainsi dire inexistant. Concrètement, en cas de retour dans son pays d'origine, elle ne pourrait guère utiliser ses diplômes qui ne lui serviraient strictement à rien, de sorte qu'un retour en Côte d'Ivoire ne pouvait être exigé d'elle.

b. Le 5 décembre 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Indépendamment des efforts d'intégration déployés par A______ depuis son arrivée en Suisse, il n'avait pas été démontré qu'un retour en Côte d'Ivoire, où elle avait vécu jusqu'à l'âge de 35 ans, soit la majeure partie de sa vie, la placerait dans une situation personnelle d'extrême gravité au sens de la loi. Il paraissait par ailleurs peu crédible que l'expérience et les compétences professionnelles qu'elle avait acquises en Suisse ne lui soient d'aucune utilité en Côte d'Ivoire, où le gouvernement entendait justement accroître les programmes visant à améliorer les conditions de vie des personnes âgées, notamment leur prise en charge sanitaire et sociale. Enfin, la recourante n'avait pas allégué avoir des liens particulièrement intenses en Suisse.

c. Le 12 janvier 2023, A______ a persisté dans ses conclusions. En cas de retour en Côte d'Ivoire, elle se retrouverait dans de grandes difficultés, tant professionnelles que personnelles. Si elle était mise au bénéfice d'une autorisation de séjour en Suisse, elle pourrait continuer à mettre à profit ses compétences et sa formation dans le domaine de l'accompagnement des personnes âgées ou nécessitant un soutien quotidien, domaine dans lequel elle œuvrait déjà de manière bénévole et volontaire et qui, au surplus, connaissait une forte pénurie de personnel. Elle serait ainsi en mesure de vivre comme tout citoyen en payant ses impôts et de s'épanouir dans la société genevoise pour laquelle elle œuvrait tant.

d. Le 3 janvier 2023, A______ a été mise au bénéfice d'une autorisation de travail provisoire en qualité de nourrice jusqu'à droit connu sur sa demande d'autorisation de séjour, pour un salaire brut de CHF 2'500.- par mois.

e. Par jugement du 28 avril 2023, le TAPI a rejeté le recours.

A______ était en Suisse depuis près de dix ans, durée qui devait toutefois être fortement relativisée dès lors qu’elle avait été effectuée de manière illégale de 2016 au dépôt de la demande, puis à la faveur d’une simple tolérance. Venue en Suisse alors qu’elle était âgée de 35 ans, elle avait passé toute son enfance et son adolescence, mais aussi une bonne partie de sa vie d’adulte dans son pays d'origine.

Certes, elle avait toujours travaillé et ses différents postes lui avaient toujours garanti son indépendance financière, mais son intégration professionnelle dans sa globalité ne pouvait être qualifiée d’exceptionnelle. Seule une intégration professionnelle et/ou socioculturelle exceptionnelle permettait de retenir, dans de rares cas, que la personne concernée s’était créée une situation professionnelle si extraordinaire ou un enracinement socioculturel si profond que le fait de prononcer son renvoi de Suisse constituerait une mesure disproportionnée. De même, son intégration sociale était bonne mais ne revêtait pas non plus le caractère exceptionnel défini par la jurisprudence. S'il n'était pas contesté que A______ avait tissé des amitiés depuis son arrivée en Suisse, cela ne suffisait pas à retenir une intégration particulière, tout comme le fait d'être membre d'un syndicat ainsi que son activité de bénévolat, qui n'avait au demeurant débuté que récemment, vraisemblablement pour les besoins de la cause.

Il paraissait peu crédible que l'expérience, les diplômes et les compétences professionnelles acquises en Suisse ne lui soient d'aucune utilité en Côte d'Ivoire. Sa réintégration dans son pays d'origine ne paraissait pas fortement compromise. Aucun élément du dossier ne laissait supposer que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée.

D. a. Par acte posté le 2 juin 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant principalement à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas d'extrême gravité et d'une indemnité de procédure.

Le jugement attaqué violait les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA, dès lors qu'il retenait que son intégration professionnelle n'était pas exceptionnelle, et que le retour dans son pays d'origine n'entraînerait pas de conséquences particulièrement rigoureuses, sans aucunement étayer cette affirmation. Il fallait prendre en compte qu'elle avait suivi deux formations qu'elle avait elle-même financées, à savoir garde d'enfants à domicile et auxiliaire de soins. Ses recherches d'emploi étaient infructueuses en raison de son statut de droit des étrangers. Elle avait démontré, chiffres à l'appui, que les postes d'auxiliaires de soins étaient quasiment inexistants en Côte d'Ivoire. Elle ne pourrait ainsi pas trouver un travail correspondant à ses qualifications professionnelles, si bien qu'un retour dans son pays la placerait dans une situation extrêmement difficile.

Son intégration sociale était en outre exemplaire. Elle s'était engagée un an auparavant pour l'antenne sociale de proximité, engagement qui n'était pas pour les besoins de sa cause, était une membre active de la paroisse protestante de C______ et accompagnait chaque semaine une personne handicapée pour faire ses courses et se promener avec elle. Elle avait également apporté son aide lors du réveillon de solidarité 2022 de la Ville de Genève et était membre du B______ depuis 2017.

b. Le 5 juillet 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours. Les arguments soulevés dans celui-ci, semblables à ceux présentés devant le TAPI, n'étaient pas de nature à modifier sa position.

c. Le 30 août 2023, l'OCPM a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à formuler.

d. Le 2 octobre 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle avait trouvé un emploi supplémentaire de babysitting à raison de deux heures par jour, qui lui rapportait CHF 1'000.- en sus des CHF 2'500.- qu'elle gagnait dans son autre poste. Elle allait prochainement effectuer un stage pratique d'auxiliaire de soins et poursuivait ses recherches d'emploi dans ce domaine. Elle joignait deux attestations concernant ses activités bénévoles, l'une de la paroisse protestante de C______ et l'autre de l'antenne sociale de proximité D______/E______.

e. Les 16 novembre 2023 et 1er février 2024, la recourante a communiqué de nouvelles attestations des entités précitées concernant ses activités de bénévolat.

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’OCPM refusant à la recourante de soumettre son dossier au SEM avec un prévis positif en vue de l’obtention d’un permis de séjour pour cas d’extrême gravité.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

2.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er avril 2024, ch. 5.6.10).

L'intégration professionnelle doit être exceptionnelle : le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/981/2019 précité consid. 6c et l'arrêt cité).

S'agissant de la réintégration sociale dans le pays d'origine, l'art. 50 al. 2 LEI exige qu'elle soit fortement compromise. La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1). Le simple fait que l'étranger doive retrouver des conditions de vie qui sont usuelles dans son pays de provenance ne constitue pas une raison personnelle majeure au sens de
l'art. 50 LEI, même si ces conditions de vie sont moins avantageuses que celles dont cette personne bénéficie en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1188/2012 du
17 avril 2013 consid. 4.1).

2.3 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

2.4 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral
[ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2), sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

2.5 De jurisprudence constante, l'absence d'infractions pénales, tout comme l'indépendance économique, sont des aspects qui sont en principe attendus de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constituent donc pas un élément extraordinaire en sa faveur (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2). De même, les relations de travail, d'amitié, de voisinage que l'étranger noue durant son séjour en Suisse ne constituent pas, à elles seules, des circonstances de nature à justifier un cas de rigueur (arrêts du TAF F-3168/2015 du 6 août 2018 consid. 8.5.2 ; F-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.2.3).

2.6 Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

2.7 En l’espèce, la recourante vit en Suisse depuis 2013, au bénéfice d'une carte de légitimation de 2013 à 2016 puis de manière illicite ou au bénéfice d'une tolérance. Elle totalise donc onze ans de séjour, durée qui doit toutefois être relativisée dès lors qu'une partie importante de ces onze ans de séjour a été effectuée dans l'illégalité.

Sous réserve de la poursuite de son séjour en Suisse à partir de 2016, la recourante respecte l’ordre juridique suisse. Elle parle couramment français. Elle a, par ailleurs, fait montre d’une volonté certaine de participer à la vie économique et acquérir une formation, entreprenant deux formations, quand bien même celles-ci ne sont pas d'un très haut niveau. Elle est indépendante financièrement, quand bien même ses deux salaires cumulés ne lui permettent pas de gagner plus que CHF 3'500.- par mois, ce qui reste inférieur au salaire minimum genevois à temps plein.

Comme retenu par le TAPI, l'intégration sociale de la recourante apparaît également bonne, sans toutefois être exceptionnelle. Elle mène en effet diverses activités associatives, étant précisé qu'il n'y a pas lieu de penser que celles‑ci auraient été entreprise uniquement pour les besoins de la cause. Pour le surplus, il n'apparaît pas que la recourante ait développé des relations amicales ou affectives particulièrement développées en Suisse, qui ne pourraient être poursuivies depuis son pays d'origine.

S’agissant des possibilités de réintégration dans son pays d’origine, la recourante est aujourd’hui âgée de 45 ans. Elle est née en Côte d'Ivoire, pays où elle a vécu jusqu’à ses 35 ans, soit toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte. Elle a donc passé dans ce pays les années déterminantes pour le développement de sa personnalité. Elle est par ailleurs célibataire et en bonne santé, paramètres favorables à sa réintégration. Sur le plan professionnel, elle prétend avoir prouvé, chiffres à l'appui, qu'elle ne pourrait pas trouver d'emploi dans son pays en tant qu'auxiliaire de soins, mais il n'apparaît pas possible de retenir qu'une telle formation serait si spécifique à la Suisse qu'elle ne serait pas utilisable à l'étranger.

Au vu de ce qui précède, la recourante ne se trouve pas dans une situation de détresse personnelle. S'il est vrai qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour elle certaines difficultés, sa situation n'est pas remise en cause de manière accrue et elle ne se trouve pas dans une situation si rigoureuse que l'on ne saurait exiger son retour en Côte d'Ivoire. Il ne se justifie dès lors pas de déroger aux conditions d'admission, strictes, en Suisse en sa faveur, de sorte que l'autorité intimée était fondée à refuser de donner une suite positive à sa demande d'autorisation de séjour et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

3.             Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée
(art. 83 al. 1 LEI).

En l'espèce, il n'existe pas, hormis les difficultés inhérentes à tout retour dans le pays d'origine après quelques années d'absence, de circonstances empêchant l'exécution du renvoi de la recourante en Côte d'Ivoire.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 juin 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 400.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Steve ALDER, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D.WERFFELI BASTIANELLI

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.