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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2581/2023

ATA/489/2024 du 16.04.2024 ( FORMA ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DÉNONCIATION(EN GÉNÉRAL)
Normes : LOJ.132.al1; Cst.29.al2; CEDH.6.al1; LPA.44; LPA.45; LIPAD.3; LPD.1; LPD.2; LPD.25; LPD.32
Résumé : Irrecevabilité d’un acte adressé à la chambre administrative par une étudiante contre le refus d’accès à des documents en lien avec une procédure interne faisant suite à des dénonciations croisées déposées par des étudiants. En l’absence de recours déposé contre la décision de classement de la plainte qu’elle avait déposé, son acte n’est pas recevable dans le cadre de son droit d’être entendu. La LIPAD n’étant pas applicable à l’IHEID, sa demande ne peut pas être examinée sur cette base et elle ne l’est pas non plus au titre de la loi sur les archives. La chambre administrative n’est pas compétente pour examiner la demande selon la LPD. L’acte ne peut pas non plus être considéré comme un recours contre le classement de la plainte, étant tardif et les certificats médicaux produits ne permettant pas d’arriver à une autre conclusion, ne s’agissant pas d’un cas de force majeur au sens de la jurisprudence.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2581/2023-FORMA ATA/489/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 avril 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

INSTITUT DE HAUTES ÉTUDES INTERNATIONALES ET DU DÉVELOPPEMENT intimé



EN FAIT

A. a. A______ a commencé un programme de master à l’Institut de hautes études internationales et du développement (ci-après : IHEID ou l’institut) en 2020.

b. L’IHEID est un institut universitaire reconnu par la Confédération au sens de la loi fédérale sur l’encouragement des hautes écoles et la coordination dans le domaine suisse des hautes écoles du 30 septembre 2011 (LEHE - RS 414.20). Il est géré par la Fondation pour l’IHEID, fondation de droit privé suisse. Il s’agit d’un établissement postgrade bilingue d’enseignement et de recherche accrédité par le Conseil suisse d’accréditation. L’institut est inscrit depuis 2012 dans la législation cantonale comme l’une des trois hautes écoles du canton aux côtés de l’Université de Genève et de la haute école spécialisée de Suisse occidentale - Genève. En matière d’enseignement, l’IHEID délivre des masters et des doctorats (préambule de la convention d’objectifs entre l’État de Genève et la Fondation pour l’IHEID pour les années 2021 à 2024 du 7 mai 2019 ; Loi 12829 du 21 mai 2021 accordant une indemnité à la Fondation pour l’IHEID pour les années 2021-2024).

L’Institut est subventionné par la Confédération et par le canton de Genève, entre 2021 et 2024, à hauteur de CHF 15'000'000.- à 16'000'000.- par année en indemnité monétaire et à hauteur de CHF 285'516.-, par année, par la mise à disposition, sans contrepartie financière, sous la forme de droits de superficie de terrains, par le canton. La Confédération verse une indemnité d’un montant similaire sur la base d’une reconnaissance du droit aux contributions accordée par le Conseil fédéral le 10 décembre 2021. En 2022, le chiffre d’affaires réalisé par la fondation était de CHF 109'000'000.- et les subventions de CHF 34'000'000.-.

B. a. Entre le 25 octobre 2021 et fin décembre 2021, la direction de l’IHEID a reçu trois plaintes d’étudiants déposées à l’encontre d’A______, pour harcèlement, discrimination et diffamation.

b. Par courrier recommandé du 5 novembre 2021, faisant suite à un entretien du 2 novembre 2021, la directrice de l’IHEID a sommé A______ de cesser des formes d’interactions remettant en cause la dignité et le bien-être de ses interlocuteurs. Un nombre important de situations dans lesquelles des professeurs, des membres de l’équipe du service des étudiants, des membres du personnel administratif de la résidence universitaire, des étudiants et des membres de l’association des étudiants (Graduate Institute Student Association – GISA) s’étaient sentis, selon leurs propres termes, agressés, intimidés, mis en situation d’insécurité voire harcelés, lui avaient été dénoncées depuis avril 2021.

c. Le 19 novembre 2021, A______ a contesté avoir eu les comportements évoqués dans l’avertissement, en particulier en tant qu’ils concernaient les professeurs. Elle avait eu un différend avec un des membres de l’association GISA qui avait nécessité une réaction légitime de sa part. Elle reconnaissait également une autre réaction légitime envers l’un des responsables de la résidence qui avait fait intrusion dans son logement.

d. Dans sa réponse du 2 décembre 2021, la directrice de l’IHEID a exposé qu’elle avait été régulièrement saisie par des collaborateurs et des étudiants qui dénonçaient que le comportement d’A______ à leur égard n’était pas conforme au Code de conduite des étudiants de l’institut du 5 novembre 2020 (ci-après : code de conduite) qui imposait le respect mutuel de la dignité, des droits et du bien-être de tous.

e. A______ a été hospitalisée du 5 au 9 février 2022.

f. Le 16 mars 2022, A______ a porté plainte auprès de la direction de l’IHEID contre deux étudiants qui avaient déposé une plainte contre elle pour diffamation, mobbing et menace, ainsi que contre la directrice et un chercheur de l’institut pour harcèlement psychologique.

g. Le 21 mars 2022, l’IHEID a informé A______ de l’ouverture d’une procédure d’enquête externe, confiée à Me B______, en vue de déterminer les faits en lien avec sa plainte.

Si d’autres éléments, pouvant être constitutifs d’une violation du code de conduite, devaient apparaître au cours de l’enquête, l’enquêteur aurait alors toute latitude d’étendre ses investigations. La direction de l’institut statuerait sur d’éventuelles sanctions disciplinaires sur la base du rapport de l’enquêteur. Les dispositions procédurales de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA‑GE - E 5 10) s’appliquaient à l’enquête.

En revanche, il ne serait pas entré en matière sur les plaintes qu’elle avait déposées contre la directrice et le chercheur de l’institut, celles-ci étant infondées.

h. Le 30 juin 2022, Me B______ a rendu son rapport d’enquête à la suite de plusieurs auditions de témoins. Lors de cinq d’entre elles, A______ a été représentée par son mandataire.

i. Dans sa décision du 2 septembre 2022, l’IHEID a renoncé à toute nouvelle sanction à l’encontre d’A______, compte tenu de la fin prochaine de ses études et du fait qu’un avertissement formel avait déjà été prononcé le 5 novembre 2021 en lien avec les mêmes faits. Certains de ses comportements étaient problématiques, dans la mesure où ils nuisaient à la sérénité académique et contrevenaient aux règles de bon fonctionnement de l’institut.

En outre, la procédure d’enquête avait établi qu’aucun des griefs qu’elle avait soulevés à l’encontre des deux étudiants ne trouvait d’assise dans la réalité. En conséquence, aucune suite ne serait donnée à la plainte qu’elle avait déposée.

j. Le 3 octobre 2022, A______ s’est opposée, par acte de son mandataire, à cette décision auprès de la commission des oppositions de l’IHEID (ci-après : commission des oppositions), réclamant une copie du rapport de Me B______ et une indemnité de CHF 5’000.- pour le travail de son mandataire qui avait assisté à sa place aux audiences d’enquête.

k. A______ a été hospitalisée du 12 novembre au 3 décembre 2022.

l. Le 2 janvier 2023, A______ a demandé à l’IHEID la mise à disposition du rapport d’enquête compte tenu des accusations contenues dans la décision du 2 septembre 2022.

m. Par courriel du 9 janvier 2023, l’IHEID a répondu que compte tenu de la procédure d’opposition en cours portant sur les mêmes questions, la demande supplémentaire était jointe au dossier.

n. Le 23 janvier 2023, la commission des oppositions a recommandé dans son préavis de donner partiellement accès au dossier d’opposition, à savoir au rapport de la commission des oppositions, au procès-verbal de son audition et au résumé du contenu essentiel du rapport d’enquête et des procès-verbaux concernés eu égard à la protection de la personnalité des différentes personnes impliquées. Elle recommandait de juger recevable l’opposition quant à la forme et de la rejeter sur le fond.

o. Le 7 février 2023, la directrice de l’institut a fixé un délai au 10 mars 2023 à A______ pour consulter le dossier d’opposition, ensuite de quoi une décision sur opposition serait rendue.

Des échanges entre la directrice de l’Institut et l’étudiante ont eu lieu au sujet de la consultation du dossier. Le 14 février 2023, il a été proposé à l’étudiante de se faire accompagner par une personne de l’Advice & Support Team de l’Institut ou par une personne proche. Une salle pouvait être réservée pour la consultation et le dossier comprendrait le rapport d’instruction de la commission des oppositions, qui récapitulait les faits et émettait une recommandation, la lettre envoyée par la directrice et le directeur adjoint en date du 2 septembre 2022, la lettre de son mandataire du 3 octobre 2022 et un résumé du contenu essentiel du rapport de l’enquêteur.

p. Par courriel du 15 février 2023, A______ a informé la directrice de l’IHEID qu’elle renonçait à venir consulter le dossier et à fournir des observations supplémentaires.

q. Le 14 mars 2023, la directrice de l’institut a rejeté l’opposition, reprenant intégralement les recommandations de la commission des oppositions.

Cette décision, notifiée le 15 mars 2023, n’a pas donné lieu à recours.

r. A______ a été hospitalisée du 27 mars au 11 mai 2023.

C. a. Le 14 août 2023, par pli recommandé, A______, en personne, a demandé à l’IHEID qu’une copie du rapport de Me B______ lui soit transmise.

b. Le 1er septembre 2023, A______ a mis en demeure l’institut de lui délivrer la copie demandée en vertu de son droit à l’information tiré de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD ‑ A 2 08).

D. a. Le 6 septembre 2023, A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de Justice (ci-après : chambre administrative) d’une demande de copie du rapport d’enquête de Me B______. L’absence de réponse de l’IHEID à ses demandes constituait un déni de justice.

b. Par acte complémentaire du 8 septembre 2023, A______ a fait parvenir à la chambre administrative copie de la réponse reçue le même jour de l’IHEID, exposant que la proposition de consulter le dossier lui avait déjà été faite et qu’elle l’avait déclinée.

Elle a joint également un courrier daté du 8 septembre 2023, réitérant sa demande de transmission d’une copie du rapport d’enquête auprès de l’IHEID.

c. Dans des écritures complémentaires datées du 18 septembre 2023, reçues le 19 octobre 2023 par la chambre administrative, A______ a fait part de considérations en lien avec le refus d’octroi de l’assistance juridique.

En outre, les propositions de l’IHEID avaient été faites alors qu’elle était en congé maladie, ce qui était connu de l’institut. Son état psychologique rendait impensable toute visite à l’IHEID. Peu de temps après ces événements, elle avait été contrainte à une hospitalisation. La décision avait été prise avant toute amélioration de son état de santé et avant qu’elle n’ait eu la possibilité de formuler ses observations. Pour ce motif, elle avait déposé une plainte pénale contre la directrice de l’institut en novembre 2022. Lors de la consultation du dossier au Ministère public le 13 octobre 2023, il était apparu que la directrice avait utilisé les conclusions de l’enquête, alors que ces résultats lui avaient systématiquement été occultés.

Elle joignait une attestation d’hospitalisation du 5 au 9 février 2022, une attestation médicale du 7 novembre 2022 du Dr C______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie FMH, indiquant que sa situation avait contraint sa patiente à arrêter ses études et qu’une hospitalisation était nécessaire, laquelle était attestée du 12 novembre au 3 décembre 2022, une attestation d’hospitalisation du 27 mars au 11 mai 2023 était également jointe.

d. Le 30 octobre 2023, l’IHEID a conclu à l’irrecevabilité du recours.

L’institut étant géré par une fondation de droit privé suisse, la chambre administrative n’était pas compétente pour examiner la requête qui concernait les données personnelles détenues par des personnes privées.

Sur le fond, le rapport d’enquête ne portait pas uniquement sur une procédure disciplinaire menée à l’encontre de l’intéressée mais concernait plusieurs plaintes dont l’une visait également une autre personne. Aucun accès à l’ensemble du rapport ne pouvait donc être donné sans commettre une violation des devoirs à l’égard des autres personnes mentionnées.

e. Le 13 novembre 2023, l’IHEID a transmis les statuts actuels de la Fondation pour l’IHEID, précisant les montants de son chiffre d’affaires 2022 et des subventions reçues de la Confédération et du canton de Genève.

f. Le 28 novembre 2023, A______ a répliqué.

Même si aucune sanction disciplinaire ne lui avait été infligée, les répercussions sur sa santé de l’enquête qui avait duré sept mois et de l’absence de sanctions disciplinaires prononcées à l’égard des étudiants contre lesquels elle avait déposé plainte devaient être prises en compte.

Si elle avait su qu’elle n’aurait pas accès au rapport d’enquête, elle aurait contesté la procédure d’enquête dès le départ. Elle pensait que les conclusions du rapport étaient en sa faveur puisqu’elle avait en sa possession tous les procès-verbaux de l’enquête.

Il semblait équitable de solliciter la totalité du rapport dans le but de prévenir toute altération malencontreuse de la part d’une tierce personne. Elle souhaitait aussi recevoir tout autre document en rapport avec l’enquête, tel que le rapport de la commission des oppositions de l’IHEID.

g. L’IHEID a renoncé à dupliquer et la cause a ensuite été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             La chambre administrative examine d’office sa compétence (art. 11 al. 2 cum art. 1 al. 2 et art. 6 al. 1 let. c LPA).

Celle-ci est réglée par l’art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) selon lequel la chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative, sous réserve des compétences de la chambre constitutionnelle et de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice.

2.             La recourante a saisi la chambre de céans pour contester le refus de l’intimé de lui donner accès à un rapport d’enquête rendu dans le cadre de plaintes croisées déposées entre étudiants auprès de la direction de l’institut.

Il convient donc d’examiner si la demande est recevable devant la chambre administrative en tant qu’elle est fondée sur le droit d’être entendu de l’intéressée dans le cadre de cette procédure.

2.1 Le droit d’être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n’a pas de portée différente dans ce contexte, est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond. Ce moyen doit dès lors être examiné en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2).

Le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves pertinentes quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 et les arrêts cités).

2.2 Le droit de consulter le dossier, déduit de l'art. 29 al. 2 Cst., s'étend à toutes les pièces décisives figurant au dossier et garantit que les parties puissent prendre connaissance des éléments fondant la décision et s'exprimer à leur sujet (ATF 142 I 86 consid. 2.2 ss ; 132 II 485 consid. 3.2). L'accès au dossier peut être supprimé ou limité dans la mesure où l'intérêt public ou l'intérêt prépondérant de tiers, voire du requérant lui-même, exigent que tout ou partie des documents soient tenus secrets (ATF 126 I 7 consid. 2b ; 122 I 153 consid. 6a). Dans cette hypothèse, conformément au principe de la proportionnalité, l'autorité doit autoriser l'accès aux pièces dont la consultation ne compromet pas les intérêts en cause (ATF 126 I 7 consid. 2b ; 122 I 153 consid. 6a).

2.3 La LPA prévoit que les parties et leurs mandataires sont admis à consulter au siège de l’autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision (art. 44 al. 1 LPA). Dès le dépôt d’un recours, les parties sont admises en tout temps à consulter le dossier soumis à la juridiction saisie (art. 44 al. 2 LPA).

L’autorité peut interdire la consultation du dossier si l’intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l’exigent (art. 45 al. 1 LPA). Le refus d’autoriser la consultation des pièces ne peut s’étendre qu’à celles qu’il y a lieu de garder secrètes et ne peut concerner les propres mémoires des parties, les documents qu’elles ont produits comme moyens de preuves, les décisions qui leur ont été notifiées et les procès-verbaux relatifs aux déclarations qu’elles ont faites (art. 45 al. 2 LPA). La décision par laquelle la consultation d’une pièce est refusée peut faire l’objet d’un recours immédiat (art. 45 al. 4 LPA)

Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l’autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l’affaire et lui a donné en outre l’occasion de s’exprimer et de proposer les contre-preuves (art. 45 al. 3 LPA). Cette règle, également prévue en procédure fédérale à l'art. 28 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021), a valeur constitutionnelle (ATF 115 Ia 293 cons. 5c = JdT 1991 IV 108, 116).

2.4 La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; ATA/1194/2019 du 30 juillet 2019 consid. 3c). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA151/2023 du 14 février 2023 consid. 3b).

2.5 La procédure de plainte initiée par les étudiants et par l’intéressée est fondée sur le code de conduite de l’IHEID.

2.5.1 Ce code de conduite prévoit une procédure de plainte formelle, lors de laquelle les violations alléguées sont examinées par une commission qui, après enquête, devra déterminer si les allégations sont fondées. La direction de l’institut est chargée de prononcer les éventuelles sanctions, lesquelles vont de l’avertissement écrit à l’expulsion de l’étudiant en application de l’art. 13.1 lettre f du règlement d’étude du programme de master du 1er juin 2017 (règlement master IHEID) prévu en cas de violation grave du code de conduite de l’institut.

2.5.2 Concernant le recours contre la décision de la direction, le code de conduite prévoit une voie de recours auprès de la commission des oppositions instaurée par le règlement interne relatif à la procédure d’opposition au sein de l’institut du 27 mai 2016 (ci-après RIO-IHEID). Le recours peut être interjeté par les étudiants contre lesquels une sanction a été prononcée ainsi que par les étudiants qui ont déposé plainte.

2.5.3 Le RIO-IHEID prévoit, s’agissant de la consultation du dossier, que les parties sont admises à consulter celles sur lesquelles l’autorité a fondé sa décision (art. 11 al. 1 RIO-IHEID). Si la consultation d’une pièce a été refusée à une partie, cette pièce ne peut être utilisée contre elle (art. 11 al. 2 RIO-IHEID). Pour le surplus et en tant que besoin, la LPA est applicable à la procédure de recours (art. 23 RIO‑IHEID).

2.5.4 Le RIO-IHEID prévoit un recours devant la chambre administrative contre les décisions sur opposition (art. 22 RIO-IHEID).

2.6 En l’espèce toutefois, la recourante n’a pas déposé de recours contre la décision sur opposition rendue à l’issue de la procédure de plaintes croisées le 14 mars 2023, ni contre une décision qui lui aurait refusé l’accès au dossier dans le cadre de cette procédure au sens de l’art. 45 LPA.

Il n’est donc pas possible d’examiner plus avant le refus d’accès aux pièces demandées dans le cadre de la procédure initiée par l’intéressée par le dépôt de sa plainte.

3.             L’intéressée fait valoir que la compétence de la chambre de céans pour examiner le refus de l’intimé de donner accès au rapport d’enquête découle d’un déni de justice. À cet égard, l’intéressée mentionne un droit de consultation tiré de la LIPAD.

3.1 La LIPAD s’applique notamment aux institutions, établissements et corporations de droit public cantonaux et communaux, ainsi que leurs administrations et les commissions qui en dépendent (art. 3 al. 1 et 2 LIPAD).

Elle s’applique également aux personnes morales et autres organismes de droit privé sur lesquels une ou plusieurs des institutions visées à l’art. 3 al. 1 LIPAD exercent une maîtrise effective par le biais, alternativement d’une participation majoritaire à leur capital social (art. 3 al. 2 let. a ch. 1 LIPAD), d’un subventionnement à hauteur d’un montant égal ou supérieur à 50% de leur budget de fonctionnement, mais au minimum de CHF 50'000.- (ch. 2) ou de la délégation en leur sein de représentants en position d’exercer un rôle décisif sur la formation de leur volonté ou la marche de leurs affaires (ch. 3).

3.2 En l’espèce, selon la LEHE, l’IHEID est une « institution du domaine des hautes écoles » et elle est subventionnée à la fois par la Confédération et par le canton de Genève. S’agissant du montant de ces subventions, il n’atteint pas la limite de 50% fixée dans la LIPAD pour que l’institut soit soumis à celle-ci et le conseil de Fondation est constitué de personnes indépendantes.

En conséquence, la LIPAD ne saurait fonder le droit d’accès de l’intéressée au rapport d’enquête.

3.3 Au demeurant, la demande n’est pas recevable non plus au regard de la loi sur les archives publiques du 1er décembre 2000 (LArch - B 2 15), appliquée de façon coordonnée avec la LIPAD (ATA/481/2023 du 9 mai 2023 consid. 4.1 ).

4.             La question peut se poser de savoir si la demande d’accès pourrait être examinée au regard de la loi fédérale sur la protection des données du 25 septembre 2020 (LPD - RS 235.1) qui régit le traitement de données personnelles concernant des personnes physiques par des personnes privées (art. 1 et 2 al. 1 let. a LPD).

Cette loi pourrait, en principe, s’appliquer à la demande d’accès au rapport d’enquête faite par l’intéressée, notamment selon l’art. 25 LPD qui prévoit que toute personne peut demander au responsable du traitement si des données personnelles la concernant sont traitées. Toutefois, les prétentions tirées de la LPD n’entrent pas dans le champ de compétence de la chambre administrative, mais sont du ressort, dans le canton de Genève, du Tribunal civil de première instance (art. 15 aLPD en vigueur jusqu’au 1er septembre 2023, correspondant à l’actuel art. 32 LPD et art. 86 al. 3 let. b LOJ ; ATA/1040/2017 du 30 juin 2017 consid. 3).

En conséquence, la chambre administrative n’est pas compétente pour connaître de la demande, si elle devait être fondée sur cette loi.

5.             L’intéressée invoque un déni de justice commis par l’institut en ne lui donnant pas l’accès demandé au rapport.

5.1 Une autorité qui n’applique pas ou applique d’une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu’elle ferme l’accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 Cst. ; ATF 135 I 6 consid. 2.1).

En cas de recours contre la seule absence de décision, les conclusions ne peuvent tendre qu’à contraindre l’autorité à statuer (ATA/595/2017 du 23 mai 2017 consid. 6c). En effet, conformément à l’art. 69 al. 4 LPA, si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (ATA/373/2020 du 16 avril 2020 consid. 6a).

5.2 La reconnaissance d’un refus de statuer ne peut être admise que si l’autorité mise en demeure avait le devoir de rendre une décision ou, vu sous un autre angle, si le recourant avait un droit à en obtenir une de sa part (ATF 135 II 60 consid. 3.1.2 ; ATA/7/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3b).

5.3 En l’espèce, comme vu ci-dessus, l’intimé a déjà rendu une décision dans la procédure visant l’intéressée. Dans le cadre de la procédure d’adoption de cette décision, la question de l’accès au dossier a également été tranchée puisqu’un accès à certaines pièces, dont notamment à un résumé du résultat de l’enquête, a été aménagé à l’intéressée qui n'a pas donné suite à l'invitation à les consulter. Dite décision, rendue sur opposition le 14 mars 2023, est devenue définitive, faute de recours.

En conséquence, force est de constater que l’acte déposé le 6 septembre 2023, soit largement après le délai prévu à l’art. 62 al. 1 let. a LPA par l’intéressée ne saurait constituer un recours contre la décision du 14 mars 2023. À cet égard, les certificats médicaux produits ne permettent pas d’arriver à une autre conclusion, les délais de recours ne pouvant notamment pas être prolongés pour ce motif, ne s’agissant pas d’un cas de force majeure au sens de la jurisprudence rendue en la matière (art. 16 al. 1 LPA ; ATA/1374/2019 du 10 septembre 2019 consid. 4), l’hospitalisation telle qu’attestée ayant débuté le 27 mars 2023, alors que la décision sur opposition a été notifiée le 15 mars 2023.

N’étant pas recevable à un autre titre par la chambre de céans, comme vu ci-dessus, l’acte déposée par l’intéressée doit être déclaré irrecevable.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de l’intéressée qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable l’acte adressé le 14 août 2023 par A______ ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge d’A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s’il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Institut de hautes études internationales et du développement.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :