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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1886/2023

ATA/466/2024 du 16.04.2024 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1886/2023-FPUBL ATA/466/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 avril 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Céline de LORIOL, avocate

contre

VILLE DE GENÈVE intimée



EN FAIT

A. a. A______, originaire de Vernier, né le ______1975, est marié, en instance de séparation et père de deux préadolescents. Il vit en France, après avoir obtenu une dérogation de son employeur. Titulaire d’un certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) d’horticulteur de plantes en pots et de fleurs coupées obtenu en 1995, après un apprentissage au Jardin botanique, il a été engagé par la Ville de Genève (ci‑après : la ville) en qualité d’horticulteur au service B______(ci-après : le B______), dès le 1er mars 2004, pour un traitement annuel de CHF 60'362.55.

b. Le cahier des charges qu’il a signé en janvier 2014 mentionnait notamment la participation ponctuelle à la transmission du savoir et à l’encadrement des apprentis, des stagiaires et des collaborateurs non qualifiés.

c. A______ était membre de l’équipe « travaux » du B______ constituée, de l’été 2022 au printemps 2023, d’un contremaître principal, C______, d’un contremaître, D______, d’un maçon, E______, et de lui‑même. Il y avait trois apprentis, F______, en troisième année, G______, en deuxième année, et H______, en première année.

d. Les cinq comptes rendus d’entretien sur le comportement et le travail du collaborateur de A______, signés entre 2004 et 2010, étaient positifs. Son comportement répondait aux attentes. Les mêmes constats figurent dans les entretiens périodiques des 21 octobre 2015 et 7 novembre 2017, mais il lui était demandé d’améliorer sa communication, le partage d’informations et son aptitude à lier les faits entre eux, et de structurer ses idées. En décembre 2018, le B______ lui a rappelé qu’il n’avait pas le droit de stationner son véhicule privé dans les parcs de la ville et qu’une récidive lui vaudrait un avertissement. Il n’y a pas d’autre mention négative dans son dossier administratif.

e. A______ a totalisé 82 jours d’absence en 2021 et 75.5 jours d’absence en 2022. Il présentait, en novembre 2022, un état anxio-dépressif, selon certificat médical du 28 juin 2023, et s’est trouvé en incapacité de travail à 50% du 16 au 29 janvier 2023, seules absences documentées pour cette année-là.

B. a. Le 22 août 2022, la ville a engagé sa première apprentie horticultrice-paysagiste, H______, née le ______ 2005, et l’a immédiatement affectée à l’équipe « travaux », avec laquelle elle n’a d’abord collaboré que quinze jours avant de la rejoindre le 11 janvier 2023.

b. Les apprentis consacrent un jour par semaine à leurs cours et peuvent intégrer d’autres équipes, sur des chantiers nécessaires à leur formation. En 2023, H______ suivait des cours les mardis et bénéficiait des vacances scolaires. Elle a suivi un stage de trois jours au parc La Grange et un autre d’une semaine au parc de la Paix, sans les membres de l’équipe « travaux ».

c. Le 21 avril 2023, elle a sollicité un rendez-vous auprès de I______, chargée de formation apprentissage à la direction des ressources humaines (ci‑après : la DRH), qui a été fixé au 12 mai 2023 en raison d’un accident extraprofessionnel de l’apprentie. Elle a alors dénoncé le comportement inapproprié de A______, ce qui a aussitôt été rapporté à la hiérarchie.

d. Trois jours plus tard, H______ a été entendue par J______, adjointe de direction, et K______, responsable RH au B______, sans prise de procès-verbal, réitérant sa dénonciation.

e. Elle a été réentendue le 19 mai 2023 par L______, responsable RH et de la prévention des risques psycho-sociaux, et K______. Le compte rendu de cette séance a été signé par les personnes présentes. Il en ressort qu’H______ avait trouvé, à son arrivée en août 2022, que A______ tenait des propos bizarres, parlant de « mâle » et de « femme tenue en laisse ». Lorsqu’elle avait rejoint son équipe en janvier 2023, A______ la chatouillait et procédait à des attouchements, y compris devant leurs collègues F______, D______, E______ et G______, chaque jour de présence et durant toute la journée. Il lui disait aussi « est-ce que tu prends la pilule » ou « tu as pris des fesses ». À mi-mars, il était entré sans frapper dans son vestiaire, pendant sa pause repas, alors qu’elle était assise sur un canapé, s’était couché sur elle et lui avait fait des chatouilles et des attouchements sur la poitrine et les hanches, sans s’arrêter malgré ses protestations. Elle avait essayé d’éviter son visage et de le repousser, mais il était trop lourd, criant pour que quelqu’un l’entende. D______ était passé devant le vestiaire et avait dit sans conviction « on ne viole pas les apprenties », sans que A______ réagisse. Il avait quitté la pièce au bout d’un moment. Il ne l’avait pas embrassée. Elle n’arrivait pas à déterminer la durée de ces faits mais cela lui avait semblé long, de l’ordre de cinq minutes. A______ s’était une fois caché dans son vestiaire pour lui faire peur. G______ lui avait dit l’avoir vu entrer dans son vestiaire lorsqu’elle n’y était pas et y être resté dix minutes. Elle craignait qu’il y ait caché une caméra. Avec G______, elle avait imaginé des stratégies d’évitement. Il devait l’appeler dès que A______ adoptait un comportement inadéquat afin qu’elle puisse lui échapper. A______ l’attendait toujours à la pointeuse, à midi, et l’attrapait au niveau des hanches, la pinçait et la tripotait. Dans le fourgon de service, lorsqu’il était assis à côté d’elle, il lui arrivait de frotter son coude contre sa poitrine ou de passer sa main sous ses fesses lorsqu’elle se décalait pour accrocher sa ceinture de sécurité. Pour se protéger, elle gardait tout le temps sa grosse veste de pluie bien que A______ lui demandât de l’enlever. Elle ne se changeait plus dans les vestiaires, par crainte, et les fermait à clé, par sécurité. Il lui avait aussi pris les cheveux en queue de cheval, lui tirant la tête, ou prise dans ses bras pour sentir son odeur, lui demandant quel adoucissant elle utilisait. Il s’était moqué d’elle lorsqu’elle s’opposait à ses attouchements, l’imitant en disant « j’ai un copain et je ne veux pas qu'on me touche ». Il faisait aussi des remarques déplacées concernant l’habillement des femmes dans la rue. Enfin, il avait pris une photo d’elle assise à côté d’un apprenti et avait refusé de l’effacer. Elle n’avait pas son numéro de téléphone ni lui le sien. Il lui avait proposé une fois de la ramener et une autre fois d’aller chez lui mais elle avait refusé. Ses seuls moments de répit avaient lieu lors de la venue d’une autre stagiaire pendant deux jours ou lorsque C______ se trouvait sur leur lieu de travail. Le comportement de A______ la mettait mal à l’aise ; elle avait modifié le sien, adopté des stratégies d’évitement et se rendait au travail avec la boule au ventre. Elle avait mis son énergie à se protéger, craignait que cela nuise à sa formation et souhaitait être protégée afin que de tels faits ne se reproduisent plus, ni pour elle ni pour quiconque.

f. Le conseil administratif de la ville (ci-après : CA), informé de ces faits lors de sa séance du 24 mai 2023, a aussitôt convoqué A______, par courrier remis en main propre, pour le lendemain à 8 heures, afin de l’entendre sur les agissements dénoncés par H______, dûment mentionnés dans ledit courrier, lequel précisait qu’il avait la possibilité d’être assisté.

g. Également le 24 mai 2023, le CA a suspendu A______ et l’a informé de son intention de résilier son engagement avec effet immédiat pour justes motifs, en application de l’art. 30 du Statut du personnel de la Ville de Genève du 31 décembre 2010 (SPVG - LC 21 151).

h. Toujours le 24 mai 2023, la ville a convoqué pour le 30 mai 2023 G______, à 8 heures, et H______, à 8 heures 30, pour les entendre au sujet du comportement de A______.

i. A______ s’est présenté le 25 mai 2023, accompagné de son épouse, et a été entendu sans prise de procès-verbal par la Maire et le Secrétaire général adjoint de la ville, pendant au moins une heure selon ces derniers. Il aurait selon eux admis avoir pu tenir à quelques reprises des propos lestes à l’égard d’H______ et lui avoir dit une fois qu’elle sentait bon, après avoir senti sa veste. Il a contesté tout autre comportement inadéquat envers cette apprentie.

j. Selon la ville, le 30 mai 2023, G______ a confirmé « certaines des déclarations » d’H______ et celle-ci a maintenu ses plaintes. Leurs auditions n’ont pas été retranscrites et la ville n’a pas entendu d’autres témoins.

k. Par décision du 31 mai 2023, notifiée le 2 juin 2023, le CA a prononcé la résiliation immédiate du contrat de A______, en application des art. 82 ss SPVG, en particulier les art. 82 et 83 let. a et c et 4 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes, en reprenant à quelques détails de formulation près les reproches ressortant du procès-verbal d’audition d’H______ du 19 mai précédent. Il considérait que le comportement de A______ était inacceptable, grave, et que le lien de confiance était irrémédiablement rompu, les règles de la bonne foi ne permettant pas la poursuite des rapports de service et le comportement incriminé ayant terni l’image de la ville.

l. La ville a indiqué que D______ faisait l’objet d’une procédure en vue d’une sanction disciplinaire pour sa passivité lorsque A______ se trouvait dans le vestiaire des femmes avec H______.

C. a. A______ a recouru par actes séparés des 5 juin et 3 juillet 2023 contre sa suspension (A/1886/2023) puis contre son licenciement (A/2197/2023).

Il a conclu préalablement à la restitution de l’effet suspensif et à la jonction des deux procédures et, au fond, à l’annulation de la décision entreprise et à sa réintégration immédiate à son poste auprès du B______, frais et indemnités de procédure à la charge de la ville.

Formellement, il y avait eu plusieurs violations de son droit d’être entendu et des violations de la procédure en cas de licenciement. Il n'avait pas eu un accès correct au dossier administratif avant son audition par les représentants du CA, ni aux documents permettant de démontrer les difficultés d’apprentissage que rencontrait H______, lesquelles avaient pu la motiver à porter des accusations contre lui. Il n’y avait pas eu de procédure non contentieuse avant la prise de décision et il relevait une inégalité de traitement dans la manière dont le CA l’avait entendu par rapport à celle appliquée à H______ et à G______, ceux-ci ayant disposé de cinq jours pour s’accorder et lui d’un seul.

Il y avait aussi une discrimination à raison du sexe, H______ ayant bénéficié d’un meilleur traitement que lui, ses propos étant pris d’emblée au sérieux, contrairement aux siens. Enfin, le dossier marquait une constatation inexacte et incomplète des faits pertinents et la décision entreprise ignorait ses excellents états de service et ne respectait pas le principe de proportionnalité.

L’intégralité des charges était contestée et il se demandait si les accusations d’H______ ne résultaient pas de son manque de motivation au travail et de sa volonté de ne pas poursuivre son apprentissage. Il s’était toujours montré irréprochable tant dans l’accomplissement de ses tâches que par ses attitudes envers ses collègues ou des tiers et avait à cœur d’entretenir une bonne ambiance. Il coachait avec plaisir les apprentis. Ses contacts avec H______ étaient limités à la sphère professionnelle. Ils avaient pu bavarder et plaisanter comme le font classiquement des collègues de travail, sans jamais aller dans son vestiaire ni avoir quelque contact physique que ce soit avec elle. Aussi avait-il été choqué lorsqu’il avait reçu la décision de suspension le 24 mai 2023.

Lors de l’entretien du lendemain, il avait contesté les accusations et n’avait pas reconnu avoir tenu des propos lestes à l’encontre d’H______, pour la simple raison qu’il n’avait jamais tenu de propos déplacés ou à connotation sexuelle vis-à-vis d’elle. Certes, il avait dit à voix haute, en entrant dans une pièce où se trouvait H______, que ça sentait bon, et celle-ci avait répondu que c’était l’odeur de la lessive qu’utilisait sa mère pour sa veste, lui montrant le lendemain une photo de l’adoucissant utilisé. Par ailleurs, il avait été en incapacité de travail du 2 novembre 2022 au 29 janvier 2023 puis en vacances du 27 février au 3 mars 2023 et du 14 au 21 avril 2023 alors qu’H______ était elle-même absente en raison d’un accident de circulation dès le 21 avril 2023, de sorte que l’accusation de comportements inadéquats quotidiens était impossible et invraisemblable car, au vu de la fréquence alléguée, des membres de leur équipe ou d’autres équipes auraient dû les remarquer et en informer la hiérarchie.

b. Dans ses prises de position des 27 juin (A/1886/2023) et 17 juillet 2023 (A/2197/2023), la ville s’est opposée à la restitution de l’effet suspensif et a conclu au déboutement de toutes les conclusions de A______. Elle avait dûment pesé les intérêts en présence et estimé qu’un intérêt public prépondérant justifiait la résiliation de l’engagement du recourant, sans effet suspensif possible. Ses agissements étaient corroborés par les propos d’H______ et de G______ et ses explications n’étaient pas plausibles. Son comportement était contraire aux valeurs prônées par la ville et avait conduit à une rupture irrémédiable des rapports de confiance. Il ne pouvait dès lors être réintégré. Par ailleurs, les intérêts du recourant étaient suffisamment préservés et son intérêt à percevoir son salaire durant la procédure ne l’emportait pas sur l’intérêt public de l’administration cantonale.

c. A______ a répliqué les 30 juillet (A/1886/2023) et 4 août 2023 (A/2197/2023) persistant dans ses critiques et conclusions. Tout ne reposait que sur les dires d’H______, qui n’était pourtant pas crédible, et d’autres solutions qu’un licenciement auraient dû être envisagées.

d. Le 14 août 2023 (A/2197/2023), la ville a conclu au rejet de la demande de jonction des procédures et à l’ouverture d’enquêtes et, au fond, au rejet du recours. Elle a d’abord souligné l’importance qu’elle attachait aux valeurs d’égalité au sein de son administration avec en particulier l’objectif « zéro sexisme », l’interdiction de tout harcèlement et la représentation des femmes dans tous les domaines d’activité. Dans ce cadre, A______ avait suivi une formation en ligne intitulée « Prévention du harcèlement sexuel et des discriminations de genre ». Par ailleurs, H______ était la première apprentie horticultrice-paysagiste de la ville et avait été affectée à la seule équipe qui disposait des connaissances à même de la former dans ce domaine. Les faits retenus résultaient des plaintes d’H______, confirmées par écrit, et de l’audition de G______. En procédant par appréciation anticipée des preuves, la ville avait considéré que les dénégations du recourant ne se recoupaient pas avec les déclarations claires recueillies et que l’accumulation de comportements inappropriés sur une longue période de la part d’une personne chargée de la formation d’une jeune apprentie étaient contraires à ses obligations professionnelles et avaient porté atteinte à son image, de sorte que les règles de la bonne foi ne permettaient plus la continuation des rapports de service et que le lien de confiance était irrémédiablement rompu.

La décision avait été prise dans le respect de la procédure avec la célérité voulue dans ce genre de situation et l’audition du recourant avait eu lieu conformément aux dispositions des 96 al. 2 et 99 SPVG. Il n’y avait en outre pas eu de discrimination à raison du sexe, ni de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ni de possibilité de réintégration dans une équipe chargée d’encadrement.

e. Les deux recours ont été joints et la requête de restitution de l’effet suspensif rejetée par décision du 14 août 2023 (ATA/854/2023), contre laquelle A______ n’a pas recouru.

f. Le 6 octobre 2023, le recourant a produit une nouvelle réplique, persistant à solliciter l’audition de témoins et concluant, cela fait, à l’annulation de son licenciement et à sa réintégration. Le dossier était incomplet et il fallait en savoir plus sur les difficultés rencontrées par H______ dans son apprentissage, ce qui avait pu la motiver à porter des accusations contre lui et justifier son manque d’engouement. La décision ayant été rendue alors qu’il n’avait pas eu accès à son dossier, en violation de l’art. 75 al. 3 SPVG, elle devait être annulée (ATA/216/2016 du 8 mars 2016 consid. 8). Elle devait l’être également en raison de violations de la procédure applicable, le recourant n’ayant pas eu connaissance des déclarations prises, ni la possibilité de faire entendre des témoins ou de s’exprimer par écrit. Il y avait aussi une violation du principe de l’égalité de traitement, H______ ayant été entendue quatre fois et lui-même une seule fois, le lendemain de la découverte des accusations portée à son encontre et de sa suspension. Il y avait également une discrimination à raison du sexe, une constatation inexacte et incomplète des faits pertinents et une violation de la maxime inquisitoire. Pour cela, son licenciement devait être annulé et il devait être réintégré, subsidiairement indemnisé, selon de nouvelles conclusions chiffrées.

g. La ville a conclu à l’irrecevabilité de ces nouvelles conclusions et persisté dans ses écritures du 14 août 2023 et dans sa demande d’ouverture d’enquêtes.

h. Le 12 février 2024, le juge délégué a tenu une audience d'enquêtes et a entendu trois témoins.

h.a. H______, entendue hors la présence des parties et de leurs représentants, mais assistée de son avocate (art. 28A et 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), a déposé un certificat médical de sa psychiatre, indiquant que toute confrontation avec A______ était contre-indiquée d’un point de vue psychiatrique « étant donné les graves conséquences que les faits dénoncés ont eu et ont encore à ce jour sur son état de santé ».

Elle travaillait toujours au B______ mais avait demandé à changer d’équipe, ne voulant pas poursuivre son apprentissage avec les mêmes personnes, avec cette conséquence qu’elle ne pouvait plus obtenir de CFC et se trouvait en formation permettant d’obtenir une attestation fédérale de formation professionnelle (AFP), le prérequis obligatoire de maçonnerie n’étant possible que dans l’équipe « travaux ». Elle avait donc dû renoncer au CFC de paysagiste. Elle était motivée pour finir son année. Elle était toujours en contact avec G______, par les réseaux sociaux, une à deux fois par mois, et ne l’avait plus vu depuis environ trois mois. Elle n’avait pas revu D______ depuis avril 2023.

De janvier à mai 2023, elle ne voyait jamais A______ les jours de cours ni lors de ses stages ou pendant leurs vacances respectives, ni à l’occasion de ses absences pour cause de maladie, équivalant selon elle à une semaine d’activité. Elle avait également été absente après un accident de voiture avec son père, le week-end suivant sa dénonciation, entraînant un arrêt à 100% pendant une semaine au moins et à 50% pendant deux à trois semaines. Elle ne se souvenait pas que A______ lui aurait dit, après son retour d'accident, qu’elle était moins impliquée dans son travail.

Le 21 avril 2023, elle avait demandé à être entendue en raison de l'accumulation « des choses » qu’elle subissait. Chaque jour, elle se demandait de quoi elle allait devoir se protéger et avait « la boule au ventre ».

Les comportements bizarres de A______ avaient commencé dès la reprise du travail aux O______, en janvier 2023. C’était des gestes et des paroles qui s'adressaient souvent à toute l'équipe et consistaient en de mauvaises blagues, certaines à caractère sexuel. Dans l'équipe où « ça parlait beaucoup », il était le seul à s'exprimer ainsi. Il la chatouillait ou la pinçait pratiquement tous les jours, principalement au niveau des hanches et des côtes, le plus souvent vers la pointeuse. Il pinçait aussi les hommes, mais plus rarement. Au début, elle s’était débattue, uniquement physiquement, puis lui avait dit qu’elle n'aimait pas qu'on la touche et qu’elle avait un fiancé. Il en avait profité pour se moquer d’elle, en répétant ce propos sur un ton moqueur à E______. Il avait continué à la toucher malgré ses remarques.

Selon ses souvenirs, A______ n'était entré dans son vestiaire que la fois où elle avait dénoncé son attitude mais G______ lui avait dit qu'il l’avait fait au moins une fois en son absence. L’incident dont elle se souvenait s’était déroulé à mi-mars 2023. Elle était montée seule manger dans son vestiaire et avait fermé la porte, mais pas à clé. Elle s'était assise sur un sofa et avait mis une chaise en face d’elle pour suivre une vidéo sur son portable. Alors qu’elle avait fini de manger, la porte s'était ouverte et A______ avait foncé et s'était jeté sur elle, l’allongeant et baladant ses mains sur son corps. Elle avait essayé de se débattre mais il était trop lourd. Elle lui avait dit d'arrêter mais il continuait. À un moment, D______ était passé dans le couloir et, ayant vu la situation, avait dit « on ne viole pas les apprenties », sur un ton qu’elle avait jugé un peu moqueur ou indifférent, avant de poursuivre son chemin, sans provoquer de réaction chez A______. Elle avait trouvé que cela avait duré longtemps « mais c'était peut‑être deux minutes ». Après, A______ s'était comporté comme auparavant, s'agissant des chatouilles et des pincements.

Une fois, dans un camion du service ayant trois places à l'avant, elle s’était assise au milieu et A______ était venu sur sa droite. Comme il n'arrivait pas à accrocher sa ceinture de sécurité, elle s’était soulevée et il en avait profité pour passer son avant-bras sous ses fesses, sa main la frottant. En d’autres circonstances, il s'était mis en face d’elle, lui avait passé les mains le long du visage et mis les cheveux en queue de cheval en lui secouant la tête. Il la regardait bizarrement, sans rien lui dire. Il lui avait aussi proposé une fois de la raccompagner chez elle, ce qu’elle avait refusé, et il n'avait pas insisté. Elle ne se souvenait pas s'il lui avait demandé de venir chez lui.

Quand elle arrivait au travail avec une veste que sa mère lui avait lavée, A______ la prenait dans ses bras et la « sniffait ». Il la serrait fort. Il lui avait demandé une fois quel était l'adoucissant utilisé. Elle en avait pris une photo et la lui avait ensuite montrée. L’attitude de A______ était dérangeante. Il disait à D______ qu’elle sentait bon. Ce dernier acquiesçait, sans la toucher et avait une attitude normale. Une autre fois, alors qu’elle réchauffait ses aliments au micro-ondes, il était passé entre ses jambes pour jeter quelque chose dans la poubelle et elle lui avait qu’il pouvait simplement lui demander de se pousser, sans se rappeler si cela l’avait fait réagir. Il lui avait également dit « est-ce que tu prends la pilule » et « tu as pris des fesses ». Elle lui avait fait comprendre pour la première phrase que cela ne le regardait pas et ne se souvenait si elle avait réagi à la seconde.

Il y avait aussi eu deux épisodes dans la salle de révision où elle se trouvait avec G______. A______ les avait pris en photo alors qu’ils étaient assis l'un à côté de l'autre. Elle lui avait dit qu'il n'avait pas le droit de le faire, lui demandant de supprimer la photo mais il était parti sans l'écouter. Une autre fois, il avait voulu s'asseoir ou se coucher sur eux et G______ avait mis sa jambe par-dessus elle pour la protéger et s'était fait mal.

Lors de sa première audition, sans procès-verbal, elle avait expliqué les mêmes faits que la semaine suivante, quand quelqu'un dactylographiait ses propos au fur et à mesure. Elle avait pu relire ce qu’elle avait signé.

Le 30 mai 2023, devant la représentante du CA, on lui avait simplement demandé si elle confirmait les faits, notamment les plus graves. Elle n’avait pas souhaité être assistée d’un avocat, malgré le fait que la proposition lui en eût été faite, ni déposer une plainte ou que la ville le fasse ; elle n’était pas très à l'aise à l'idée de le faire.

Après cela, elle n'était vraiment pas bien et en avait parlé à son responsable d'apprentissage qui l’avait dirigée vers un psychologue puis un psychiatre et elle suivait encore un traitement hebdomadaire. Elle s’était trouvée dans un état dépressif sévère.

Elle ne s’était pas prononcée sur les qualités de coach de A______, car c'était surtout D______ qui formait les apprentis, mais elle avait le sentiment qu’il la traitait vraiment différemment des deux autres apprentis.

Elle a finalement confirmé qu’elle mangeait dans son vestiaire pour rester seule et éviter A______ et que, dehors comme dedans, elle gardait sa grande veste de pluie pour se protéger de lui.

h.b. Après cette audition mais avant celle des deux témoins suivants, le procès‑verbal de l’audition d’H______ a été remis aux parties et le temps nécessaire à sa lecture leur a été accordé.

h.c. G______, né en 2004, poursuivait son apprentissage au B______, en troisième année, dans l’équipe de E______ et de D______. Durant le premier trimestre de 2023, ses cours étaient donnés le jeudi. M______ venait régulièrement les saluer le matin et passait environ trois fois par semaine pour voir le travail.

Il avait remarqué que A______ avait adopté envers H______ un comportement qui pouvait s'apparenter de l'extérieur à un jeu, comme des chatouilles. Cela arrivait quotidiennement. Elle lui disait clairement d'arrêter, sans succès. Il en avait parlé avec elle et avait compris qu'elle ne le ressentait pas comme un jeu ; elle en était affectée, n'osait plus enlever sa veste et se sentait mal à l'aise. A______ l’avait peut-être pincé une fois, mais cela ne l’avait pas dérangé. H______ voulait se plaindre mais ne savait pas comment faire et il lui avait donné un numéro à appeler, d’une certaine I. C’était quand elle lui avait dit que A______ était entré sans autorisation dans son vestiaire, s'était couché sur elle et l’avait chatouillée. Elle avait précisé que D______ était passé. Lui-même n’avait rien vu. Il avait vu une fois A______ courir sur un balcon et coincer H______ pour lui faire des chatouilles.

Une autre fois, alors qu'avec elle ils révisaient les plantes assis sur un canapé ou des chaises, A______ les avait pris en photo. Il ne lui avait pas demandé de l'effacer mais il lui semblait qu'H______ l'avait fait. Lors d’une autre occasion, pendant la pause de midi ou lors d’une révision et alors qu’ils étaient assis sur le canapé, A______ était venu s'asseoir alors qu'il n'y avait pas de place. Il avait mis sa jambe pour l'en empêcher [note de la chambre : G______ s’est souvenu de cela après que cet événement lui avait été rappelé avec précision]. Il s’était aussi souvenu d'une fois au moins où A______ était entré dans le vestiaire d'H______ en son absence. Il le lui avait dit et elle avait eu peur qu'il y eût caché quelque chose comme une caméra. Ils parlaient de A______ environ tous les deux jours.

Il savait qu’elle avait obtenu un rendez-vous après qu’il lui avait donné le numéro pour se plaindre mais elle ne lui en avait pas parlé.

Lorsque la maire et une autre personne l’avait entendu pendant une vingtaine de minutes, on lui avait demandé quelle était l’ambiance dans l'équipe travaux et il en avait déduit que c'était en relation avec H______ et A______. Il avait parlé des chatouilles et de l'épisode du balcon mais ne se souvenait plus s’il avait mentionné qu'elle gardait sa veste pour cacher son corps. Il n’avait pas parlé de l'épisode du vestiaire puisqu’il ne l'avait pas vu mais avait évoqué le balcon quand on lui avait parlé de l'histoire du vestiaire.

Selon lui, A______ chatouillait H______ au niveau du ventre et des hanches, aussi bien à l'intérieur du bâtiment des O______ qu'à l'extérieur. Il n’avait pas vu d'agissements vers la pointeuse autre que celui de pointer. Il avait vu A______ toucher les cheveux d'H______ et pensait que c’était pour les sentir. Il l’avait vu une fois la prendre dans ses bras, apparemment pour voir s'il arrivait à la soulever. Il la pinçait aussi au niveau des hanches. Il n’était jamais monté dans un véhicule avec eux. Il avait entendu H______ dire qu'elle ne voulait pas qu'on la touche et qu'elle avait un copain, sans savoir si c'était en présence de A______. Il arrivait que ce dernier fasse des remarques sur des femmes qui passaient, de manière admirative, disant des choses du genre « elle a des belles formes ».

Toute l'équipe faisait des blagues, mais pas fréquemment. Seul A______ en faisait à caractère sexuel mais ils en parlaient après pour ne pas lui mettre un « vent ».

Il n’avait pas entendu D______ reprocher à A______ son comportement envers H______ ni personne dire qu'il ne fallait pas violer l'apprentie.

H______ lui avait dit avoir de la peine à suivre les cours à cause de ce qui se passait. Tout le monde donnait des conseils aux apprentis, principalement D______. Il avait des relations d'apprenti à apprentie avec H______ et ils s'étaient vus une fois en dehors du travail. Ils n’étaient jamais sortis ensemble. Il leur arrivait encore de communiquer par messagerie, à peu près une fois tous les deux mois.

G______ savait que la dénommée Sabine gérait les apprentis et avait été une fois en contact avec elle, ignorant son nom. N______, employée de la ville, était sa mère.

h.d. D______ travaillait toujours dans l'équipe du B______ avec G______, apprenti. Il n’avait pas reparlé avec lui des faits de la présente cause. Il ne se souvenait pas d’absences de A______ entre janvier et avril 2023 mais savait qu'il avait des soucis d'ordre privé, qui n'affectaient pas son attitude au travail. A______ apportait beaucoup à l'équipe, notamment aux jeunes. Il créait une bonne ambiance. Il était plus blagueur que la moyenne, mais sans excès. Ses blagues n'abordaient pas de sujets particuliers et il n’avait pas constaté dans son équipe de blagues à connotation sexuelle. Il était question de pluie et de beau temps.

Il n’avait pas remarqué de comportements déplacés de A______ envers H______ entre janvier et avril 2023 ni aucune attitude particulière de sa part devant la pointeuse, où il ne faisait que pointer. Il ne l’avait jamais chatouillée ou pincée ni ne l’avait fait à quiconque.

Dans les deux véhicules du service, il y a trois places à l'avant ; l’un a aussi des places à l'arrière. Il conduisait et A______ et H______ se plaçaient de façon aléatoire. En leur présence, il n’avait jamais entendu H______ se plaindre du comportement de A______.

G______ ne lui avait jamais parlé de quelque plainte que ce soit d'H______, ni n’en avait entendu de cette dernière.

De manière générale, ils enlevaient leurs gants de travail à l'intérieur du bâtiment des O______. Il n’avait jamais vu A______ aller dans le vestiaire des femmes à l'étage, ni ne l’avait vu allongé sur H______. Il n’avait pas dit « on ne viole pas les apprenties ».

La procédure ouverte contre lui s’était terminée par un avertissement pour des discussions au contenu familier, soit des grossièretés qui n'avaient rien à voir avec le monde du travail, mais pas pour avoir prononcé la phrase ci-dessus. Il n’avait pas contesté cette sanction, dont il a versé copie à la présente procédure, parce qu'on le lui avait déconseillé, mais il n’en admettait pas les termes. Il avait accepté de se remettre en question s’agissant de l’utilisation de mots grossiers et de blagues, mais pas au-delà.

Il n’allait pas dans le vestiaire d'H______, réservé aux femmes, et il n’avait pas à s'y trouver. Il n’avait jamais entendu A______ parler des femmes qui passaient dans la rue ni dire qu'H______ sentait bon.

Après les faits, il avait échangé plusieurs SMS avec A______. C'était des messages de bienveillance. Il était « impacté » par ce qui s'était passé et avait eu peur pour son collègue. Il l’avait revu deux fois, pour reprendre les clés de son casier et, avant Noël, pour lui remettre les affaires qui s'y trouvaient. Ils n’avaient pas parlé de l'affaire.

Il lui semblait qu’H______ était une personne heureuse, contente de venir au travail, ni nerveuse ou inquiète. Quand son portable diffusait de la musique, elle chantait avec.

G______ et H______ étaient en permanence ensemble, un peu « cul et chemise » et il pensait qu'il y avait une relation affective entre eux. Elle était régulièrement assise à côté de lui dans le vestiaire des apprentis pendant les pauses et ils étaient parfois assis à la table de révision située dans ce vestiaire. Lui‑même n'y allait pas, sauf si un apprenti le lui demandait dans le cadre d'une révision. Ces deux apprentis se déplaçaient tout le temps ensemble et se trouvaient aussi bien dans le vestiaire des hommes que celui des femmes.

À aucun moment, il n’avait eu l'impression que A______ était attiré par H______, sans quoi il serait intervenu.

Il n’avait pas le souvenir d’absences régulières d'H______, hormis les cours et les stages. Elle était régulièrement malade mais il ne gérait pas le relevé des absences. Elle s'intéressait à son métier mais ne lui paraissait pas très assidue.

Il y avait toujours deux voire trois apprentis dans leur équipe. C______, le maître d'apprentissage, n’était pas sur le terrain et tout le monde formait les apprentis.

Il a finalement décrit comme exemplaire le comportement de A______.

La décision d’avertissement prononcée par le B______ à l’encontre de D______ le 21 août 2023 retient que, lors d’un entretien du 11 juillet 2023, il n’avait aucun souvenir d’avoir prononcé la phrase « on ne viole pas les apprenties » mais confirmé que cela n’était pas totalement improbable, car l’équipe pouvait parfois tenir un langage « gras ». À l’occasion d’un second entretien, le 21 août 2023, D______ avait parlé « du comportement parfois familier et du langage parfois inapproprié qui pouvait être tenu par les collaborateurs » de son équipe mais, après réflexion, il ne se souvenait pas avoir tenu les propos dénoncés par H______. Il avait fait une importante remise en question personnelle à la suite de cette affaire et souhaitait travailler au développement de ses compétences en gestion des apprentis et de l’équipe. Le B______ avait retenu qu’il n'avait pas su identifier les comportements et les propos tenus par l’équipe comme du harcèlement, considérant que sa responsabilité était malgré tout engagée, conformément à l’art. 77 al. 2 SPVG.

 

i. À l’issue de cette audience, un délai au 11 mars 2024 a été octroyé aux parties pour transmettre leurs observations.

j. Le recourant a stigmatisé les circonstances dans lesquelles H______ avait été entendue, en concluant que sa déclaration ne revêtait aucune force probante et ne pouvait être retenue contre lui. Elle n’était quoi qu’il en soit pas crédible au regard de la diversité de ses confirmations, rétractations ou contradictions. La relation de plusieurs épisodes avait fluctué entre mai 2023 et février 2024, notamment ceux de l’odeur de sa veste et de l’agression dans le vestiaire des femmes. Ce manque de crédibilité ressortait aussi des propos de D______, qui n’avait rien vu qui puisse être retenu contre son collègue, par ailleurs irréprochable.

Il était également surprenant qu’H______ ait évoqué pour la première fois un épisode sur un canapé dont G______ ne s’était souvenu qu’après que les faits lui avaient été décrits avec précision lors de son audition et en déduisait qu’elle les avait inventés et avait oublié d’en parler à G______, qui n’avait pu se rattraper qu’après en avoir reçu la description lors de son audition. L’absence de crédibilité d’H______ était aussi patente car elle avait initialement dénoncé son mal-être sans donner de précision. A______ lui ayant fait remarquer sa désinvolture après son retour d’accident, tout laissait à penser que l’idée de lui faire porter la responsabilité de son échec avait germé chez elle.

G______ n’avait rien vu et ce qu’il rapportait résultait de sa promiscuité avec H______, dont il croyait les propos. Puisqu’il l’avait amenée à dénoncer les faits au département dans lequel sa mère travaillait, il était dans une position délicate et ses déclarations, sur lesquelles la ville s’était fondée pour rendre sa décision, n’étaient pas crédibles. Tel n’était pas le cas de celles de D______, injustement sanctionné, qui confirmaient son point de vue. En le sanctionnant, la ville avait cherché à remplir un dossier désespérément vide. D’un autre point de vue, le recourant et H______ avaient relativement peu travaillé ensemble au vu de leurs horaires, absences ou vacances respectives et la fréquence des faits dénoncés était impossible. Il avait ainsi l’impression que la ville avait saisi le motif qui se présentait pour se départir d’un employé coûteux, qui avait rencontré des soucis de santé les deux années précédentes. Il persistait finalement à solliciter l’audition des autres membres de l’équipe « travaux » ainsi que les contremaîtres des parcs dans lesquels H______ avait travaillé, et se référait pour le surplus à ses précédentes écritures.

k. Dans ses dernières écritures, la ville a contesté la crédibilité des allégués du recourant, qui ne se recoupaient pas avec les déclarations concordantes d’H______ et de G______. Sa position comprenait de nombreuses inexactitudes et n’était souvent pas plausible. Les déclarations initiales d’H______ et les enquêtes avaient établi que le recourant adoptait quotidiennement des gestes que l’apprentie lui avait demandé, en vain, de cesser. G______ avait confirmé ces comportements déplacés et le recourant n’était pas crédible lorsqu’il invoquait, pour essayer de se justifier, son état anxio‑dépressif, état qu’aucun des trois témoins entendus n’avait remarqué. Les faits en cause avaient eu un impact très important sur H______, qui avait dû modifier sa formation et consulter un psychiatre qui avait certifié qu’elle n’était pas en état d’être confrontée au recourant en raison des graves conséquences que les faits avaient eu, et avaient encore, sur son état de santé. Les déclarations de D______, dont la sanction était définitive, émanaient d’une personne ayant conservé des liens avec le recourant et un intérêt patent à contester les allégués d’H______, et devaient être appréciées avec circonspection. Les témoins principaux ayant été entendus, une suite d’enquêtes n’était pas nécessaire.

l. Le 12 mars 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

m. Le 25 mars 2024, le recourant a produit une réplique spontanée. Il s’opposait à l’audition des témoins proposés par la ville et persistait dans ses conclusions. Il ne pouvait avoir justifié ou minimisé des actes qu’il n’avait pas commis par son état anxio-dépressif, ce d’autant qu’il n’en avait pas parlé au travail, ce qui devait être retenu à son crédit. Quant aux conséquences dites extrêmement importantes pour H______, il n’avait pu l’interroger ni lui demander des précisions, de sorte qu’il n’était pas possible d’apprécier sa crédibilité et, par conséquent, de prendre en compte ses déclarations, a fortiori à son détriment. Il persistait à prétendre qu’elle avait cherché, par ses dénonciations, à cacher ses difficultés scolaires. Par ailleurs, elle aurait pu poursuivre son CFC dans l’équipe « travaux » puisqu’il aurait été à l’origine de son mal être et qu’il en avait été exclu. L’abandon de son CFC laissait perplexe.

EN DROIT

1.             La recevabilité des recours a déjà été admise, de même que leur jonction, et il n’y a pas lieu d’y revenir (ATA/854/2023 du 14 août 2023 ; art. 104 SPVG ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. b LPA).

2.             Le recourant sollicite la production de pièces du dossier administratif qu’il n’aurait pas reçues et d’autres provenant du dossier de la personne l’ayant mis en cause, ainsi qu’une audience de suite d’enquêtes, souhaitant l’audition des autres membres de l’équipe « travaux » et des contremaîtres avec lesquels ladite personne avait travaillé. Il se plaint également de n’avoir pu participer à l’audition de cette dernière, sans en tirer d’autre conclusion que l’absence de crédibilité de ses propos.

2.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend, notamment, le droit pour l'intéressé de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat (ATF 143 III 65 consid. 3.2 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 137 IV 33 consid. 9.2). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement ni celui d’entendre des témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3). L’art. 6 CEDH, pour autant qu’il trouve application dans la présente cause, ne confère pas une protection plus étendue que celle qui découle de l’art. 29 al. 2 Cst. (ATF 121 I 306 consid. 1b).

2.2 Les personnes alléguant avoir été atteintes dans leur intégrité physique, psychique ou sexuelle et appelées à être entendues à titre de témoin ou à titre de renseignement peuvent être accompagnées d’une personne de confiance et être assistées d’un conseil de leur choix (art. 28A al. 1 LPA). Les personnes au sens de l’al. 1 ont en outre le droit d’être entendues en l’absence des parties aux conditions fixées par l’art. 42 LPA (art. 28A al. 3 let. b LPA).

Lorsque la nature de l’affaire l’exige, la comparution des personnes et l’examen auquel procède l’autorité ainsi que l’expertise peuvent être conduits en l’absence des parties (art. 42 al. 5 LPA). Toutefois, dans les circonstances évoquées à l’al. 5, le contenu essentiel de l’administration des preuves doit être porté à la connaissance des parties pour qu’elles puissent s’exprimer et proposer les contre-preuves avant que la décision ne soit prise. Dans le cas contraire, l’art. 45 al. 3 et 4 s’applique (art. 42 al. 6 LPA).

2.3 En l’espèce, l’autorité intimée a remis au recourant l’intégralité de son dossier dès le début de la procédure et avant même le dépôt des recours. Elle n’avait pas à le faire auparavant. Il n’y a donc pas de violation des droits du recourant à ce stade. Par ailleurs, rien ne permet de supposer que des pièces seraient manquantes et le recourant ne décrit pas celles qui lui feraient défaut. S’agissant des résultats d’apprentissage de la dénonciatrice, le recourant ne précise pas leur nature, voire leur existence même, étant observé qu’il est question d’une apprentie de première année et que les faits se seraient déroulés dès le cinquième mois de son engagement. Il est dès lors peu probable que de telles pièces existent et encore moins qu’elles puissent déjà attester de l’engouement de l’apprentie pour sa formation. Elles seraient au surplus sans pertinence eu égard à sa crédibilité, outre qu’elles relèveraient de sa sphère personnelle. Il n’y a donc pas lieu de faire droit à cette requête. S’agissant d’autres témoins à entendre, le recourant n’expose pas sur quoi pourrait porter leur audition, aucun d’eux n’étant supposés avoir vu quoi que ce soit.

Il appert ainsi que les mesures sollicitées ne sont ni utiles, ni nécessaires à la solution du litige, comme cela ressort également des considérants qui suivent. Le dossier contenant tous les éléments permettant de trancher le litige, la chambre de céans ne donnera pas suite aux actes d’instruction sollicités. S’agissant des conditions d’audition de la dénonciatrice, les dispositions de procédure rappelées ci-avant ont été respectées.

Au vu de ce qui précède, les griefs tirés de la violation du droit d'être entendu seront écartés.

3.             Le recourant conteste tout comportement déplacé envers l’apprentie dont les accusations ont conduit à son licenciement.

3.1 En tant qu'employé, le recourant est soumis au SPVG. En vertu de l’art. 82 SPVG, les membres du personnel sont tenus au respect des intérêts de la ville et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice. L’art. 83 SPVG prévoit qu’ils doivent notamment, par leur attitude, entretenir des relations dignes et respectueuses avec leurs collègues, leurs supérieurs et leurs subordonnés et faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a), justifier et renforcer la considération et la confiance dont le personnel de la ville doit être l’objet (let. c).

Selon l’art. 84 SPVG, ils doivent notamment remplir leurs devoirs de fonction consciencieusement et avec diligence (let. a), assumer personnellement leur travail et s’abstenir de toute occupation étrangère au service pendant les heures de travail (let. c), s’entraider et se suppléer, notamment en cas de maladie ou de congés
(let. d), se conformer aux règlements et directives les concernant (let. f), se conformer aux instructions de leurs supérieures et supérieurs et en exécuter les ordres avec conscience et discernement (let. g).

3.2 Selon l’art. 30 SPVG, quelle que soit la nature et la durée de l’engagement, l’employeur et les membres du personnel peuvent en tout temps mettre fin immédiatement aux rapports de service pour justes motifs lorsque les règles de la bonne foi ne permettent plus d’exiger de la partie qui donne le congé leur continuation (al. 1). La résiliation par l’employeur (licenciement) fait l’objet d’une décision motivée du CA (al. 2).

La procédure de licenciement est régie par les art. 96 ss SPVG ainsi que par la LPA (art. 37 SPVG). L'art. 99 al. 3 SPVG stipule que, dans les cas de licenciements fondés sur les art. 30, 32 et 34, la personne intéressée peut demander à être entendue oralement par une délégation du CA et a le droit de se faire assister.

3.3 Le licenciement immédiat est justifié lorsque l'employeur résilie le contrat sur la base de soupçons et parvient ensuite à établir les circonstances à raison desquelles le rapport de confiance entre les parties doit être considéré comme irrémédiablement rompu (arrêts du Tribunal fédéral 4A_251/2015, 4A_253/2015 du 6 janvier 2016 consid. 3.2.3).

3.4 Le Tribunal fédéral n'exclut pas que le soupçon d'infraction grave ou manquement grave puisse justifier un licenciement immédiat, quand bien même l'accusation portée contre l'employé se révèle ensuite infondée ou ne peut pas être prouvée. En effet, selon les circonstances, de tels soupçons peuvent rendre impossible la continuation des rapports de travail (arrêts du Tribunal fédéral 4C.103/1999 du 9 août 1999 consid. 3, in Praxis 2000 n° 11 p. 56 et JAR 2001 p. 304 ; 4C.317/2005 du 3 juin 2006 consid. 5.3).

3.5.1 L'art. 3 al. 1 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (loi sur l’égalité, LEg - RS 151.1) interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe. L'art. 4 LEg définit le harcèlement sexuel comme un comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l'appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d'imposer des contraintes ou d'exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d'obtenir d'elle des faveurs de nature sexuelle.

3.5.2 Le harcèlement sexuel peut prendre différentes formes : remarques sexistes, commentaires grossiers ou embarrassants, usage de matériel pornographique, attouchements, invitations gênantes, avances accompagnées de promesses de récompense ou de menaces de représailles (Message du Conseil fédéral du 24 février 1993 concernant la LEg, FF 1993 I 1219 ch. 31 ad art. 7). Bien que l'art. 4 LEg ne se réfère qu'à des cas d'abus d'autorité, la définition englobe tous les comportements importuns de caractère sexuel, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, par exemple des plaisanteries déplacées (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_544/2018 du 29 août 2019 consid. 3.1 et les arrêts cités ; 4A_18/2018 du 21 novembre 2018 consid. 3.1).

3.5.3 En matière de harcèlement au travail, le rapport de confiance est en principe considéré comme détruit (ou atteint profondément) lorsque le harceleur est un cadre avec une position dominante ou avec une certaine influence dans l'entreprise (Rémy WYLER/William HEINZER, Droit du travail, 3e éd. 2014, p. 577; arrêt du Tribunal fédéral 4A_480/2009 du 11 décembre 2009 consid. 6.2). 

Lorsqu'il est moins grave, le manquement ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 142 III 579 consid. 4.2; 130 III 213 consid. 3.1). L'employeur peut toutefois s'en abstenir lorsqu'il ressort de l'attitude de l'employé qu'une telle démarche serait inutile (ATF 127 III 153 consid. 1b), ce qui est le cas lorsque le travailleur persiste dans son attitude hostile et que celle-ci ne permet pas d'envisager un quelconque amendement ou une prise de conscience de sa part, l'employé continuant en particulier à minimiser les faits en dénigrant sa victime (arrêt du Tribunal fédéral 8C_422/2013 du 9 avril 2014 consid. 8.2). 

3.5.4 En raison de la difficulté de prouver ce type d'atteinte à la personnalité, il est possible d'admettre un cas de harcèlement sexuel en se basant sur un faisceau d'indices convergents. En effet, comme le relève le Tribunal fédéral, les témoins directs font souvent défaut, de sorte qu'il n'est nullement insoutenable de tenir compte d'autres indices et notamment des déclarations de témoins indirects tels qu'un médecin de famille ou d'autres personnes auxquelles la victime s'est confiée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_544/2018 du 29 août 2019 consid. 7.2 ; 8C_422/2013 du 9 avril 2014 consid. 7.5).

3.6 La résiliation immédiate pour justes motifs est une mesure exceptionnelle. Conformément aux principes dégagés par la jurisprudence en droit privé, mais qui peuvent être appliqués par analogie au droit de la fonction publique (ATF 143 II 443 consid. 7.3), elle doit être admise de manière restrictive. Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat (ATF 142 III 579 consid. 4.2 et les arrêts cités). Par manquement du travailleur, on entend en règle générale la violation d'une obligation découlant du contrat de travail, mais d'autres incidents peuvent également justifier une résiliation immédiate (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1 ; 130 III 28 consid. 4.1). Ce qui est déterminant, c'est que les faits invoqués à l'appui du congé immédiat aient entraîné la perte du rapport de confiance, qui constitue le fondement du contrat de travail (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1). Les justes motifs de renvoi avec effet immédiat d'un titulaire de fonction publique peuvent procéder de toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service ; de toute nature, ils peuvent relever d'évènements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait pas éviter ou, au contraire, d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables. Les conditions justifiant une résiliation ne se déterminent pas de façon abstraite ou générale, mais dépendent concrètement de la position et des responsabilités de l'intéressé, de la nature et de la durée des rapports de travail ainsi que du genre et de l'importance du manquement (ATF 142 III 579 consid. 4.2 ; 137 III 303 consid. 2.1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_800/2016 du 12 décembre 2017 consid. 3.4 ; 4A_112/2017 du 30 août 2017 consid. 3.2 et les références citées).

3.7 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un fonctionnaire a l'obligation d'adopter un comportement qui inspire le respect et qui soit digne de confiance. Sa position exige qu'il s'abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l'État. Il doit en particulier s'abstenir de tout comportement de nature à entamer la confiance du public dans l'intégrité de l'administration et de ses employés ou à le rendre moins digne de confiance aux yeux de son employeur. Il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l'attention (arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 du 9 juillet 2020 consid. 3.3.2 et les arrêts cités).

3.8 L'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un travailleur sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration. En tant que les rapports de service relèvent du droit public, il doit néanmoins respecter le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.). Celui-ci exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités).

4.             En l’espèce, le recourant estime que les faits ne sont pas établis, de sorte que son licenciement immédiat n’était pas justifié. Ses déclarations concordaient avec celles de son collègue D______, étaient crédibles et le disculpaient, contrairement à celles des deux apprentis, affectivement liés, auxquelles on ne pouvait prêter foi. Il y avait en plus une forme de collusion entre les intérêts de la dénonciatrice, qui s’en prendrait à lui pour masquer ses insuffisances professionnelles, et ceux de l’autorité intimée, soucieuse de se séparer d’un employé coûteux et fréquemment malade récemment.

Ces considérations doivent être écartées pour plusieurs motifs. Premièrement, les déclarations du recourant et de D______ poursuivent un intérêt commun, à savoir se disculper de toute faute, le premier afin de ne pas être licencié et le second pour ne pas être pris en défaut par son employeur. Il est par ailleurs difficile de retenir les dépositions de ce dernier. En effet, il prétend qu’il n’y avait pas dans son équipe de blagues à connotation sexuelle et qu’il n’était question que de pluie et de beau temps, mais ne conteste pas un avertissement pour usage de propos « gras » et « du comportement parfois familier et du langage parfois inapproprié qui pouvait être tenu par les collaborateurs » de son équipe, ajoutant qu’il avait accepté de faire une importante remise en question personnelle à la suite de cette affaire, souhaitant travailler au développement de ses compétences en gestion des apprentis et de l’équipe. Il y a ainsi incohérence à prétendre que tout se déroule correctement et à admettre simultanément une sanction disciplinaire et la nécessité d’une remise en question, ce qui affecte indiscutablement la crédibilité de ses propos.

Deuxièmement, l’intimité prêtée aux deux apprentis ne dépasse pas la relation que peuvent partager deux jeunes adultes en formation confrontés au monde professionnel et le dossier ne permet de retenir ni une connivence particulière entre eux ni une volonté de nuire à des professionnels aguerris ou de coordonner des dépositions mensongères. Un intérêt de cette nature n’est pas établi, bien au contraire s’agissant de G______. Cet apprenti avait avantage à garder les meilleurs contacts possibles avec ses supérieurs et formateurs, qui devaient encore l’assister pendant pratiquement deux ans plutôt que de se les mettre à dos, ce à quoi il s’exposait en soutenant la dénonciatrice.

Troisièmement, celle-ci, qui se trouvait en première moitié de sa première année d’apprentissage, n’avait pas non plus intérêt à indisposer les adultes censés lui apprendre le métier et rien, sinon les appréciations du recourant, ne permet de retenir qu’elle se serait trouvée professionnellement en difficulté dès son arrivée au sein de l’équipe « travaux ». Plus encore, on discerne mal les raisons pour lesquelles elle s’en serait prise au recourant plutôt qu’à l’un ou l’autre des employés de l’équipe, le recourant n’expliquant pas le choix qu’il dénonce et celui-ci ne pouvant se justifier que par un comportement inadéquat de sa part.

Quatrièmement, l’hypothèse selon laquelle l’autorité intimée aurait trouvé prétexte dans les faits dénoncés pour se séparer de lui ne trouve aucune assise dans le dossier et prête à l’administration des intentions non avérées.

Cinquièmement, le recourant avance que la crédibilité de la dénonciatrice serait entachée par les remarques qu’il lui aurait faites sur son manque d’engouement après l’accident dont elle avait été victime avec son père. Cet argument souffre d’une incohérence temporelle évidente puisque les plaintes de la dénonciatrice ont été émises à mi-mars 2023, avant ledit accident, et qu’elle n’a repris le travail qu’à mi-avril 2023. Enfin, le recourant insinue que l’apprenti de deuxième année se serait senti obligé de soutenir sa collègue au motif qu’il lui avait fourni les références nécessaires au dépôt de ses récriminations et que sa mère était également employée de la ville. Cet argument est difficile à comprendre dans le sens d’un manque de crédibilité de ce témoin. Au contraire, le fait d’avoir donné à sa jeune collègue la possibilité de porter ses griefs devant sa hiérarchie permet d’en déduire qu’il accordait du crédit à ses plaintes.

L’ensemble de ces considérations permet de ne pas retenir les arguments du recourant et de soutenir le raisonnement de l’autorité intimée ayant conduit à son licenciement. Il ressort des déclarations de la dénonciatrice qu’il avait adopté à son égard un comportement différent de celui qu’il réservait aux autres membres de leur équipe, tous masculins. Elle le dit avec constance et l’apprenti de deuxième année le confirme. Elle affirme également avoir subi régulièrement des contacts physiques qu’elle ne souhaitait pas. Là également, ses propos sont soutenus par le même témoin. Elle déclare encore que le recourant les aurait importunés, elle et G______, dans le vestiaire dans lequel les apprentis procédaient à des révisions, ce que G______ confirme. Certes, elle a pu varier dans la description de certains faits et procéder par amalgame, utilisant un vocabulaire incertain, par exemple en parlant de faits quotidiens alors que cela est objectivement impossible, mais il s’agit d’une expression d’une personne désemparée visant à marquer la répétitivité des actes dénoncés et rien d’autre ne peut en être déduit.

Cela étant, le recourant a reconnu certains faits décrits par elle, tel l’épisode de la veste lavée par la mère de la jeune apprentie, qui sentait bon, épisode au cours duquel il s’est cru autorisé à prendre cette apprentie fermement dans ses bras, comportement que personne d’autre ne s’est permis. Qu’il l’ait reconnu n’en enlève pas le côté inapproprié et démontre le peu de distance qu’il avait avec cette apprentie. Cela révèle aussi une considération insuffisante d’un homme d’un certain âge envers une jeune femme, de surcroît apprentie, et donc dans un rapport de subordination. Il ne saurait être reproché à celle-ci d’avoir attendu pour se plaindre des comportements problématiques du recourant car, en sa qualité d’apprentie de première année, âgée d’à peine 18 ans et confrontée à un milieu exclusivement masculin, elle devait réfléchir à deux fois avant de se plaindre de l’attitude d’un homme proche de la cinquantaine, à l'égard duquel elle se trouvait dans un rapport de subordination, et évoluant dans une petite équipe au langage parfois « gras » qui pouvait la prendre en grippe.

Que certains faits dénoncés n’aient pas été formellement démontrés n’est pas incohérent dans une procédure de ce genre ; il n’en va jamais autrement dans la plupart des situations qui se déroulent souvent à l’abri des témoins, où l'accusation repose essentiellement sur les déclarations de la victime auxquelles s'opposent celles de l’auteur, comme c'est partiellement le cas ici. Dès lors, à défaut de preuve objective, il n’y a lieu de s’écarter des propos de la dénonciatrice que s’ils sont contradictoires au point d’en perdre toute crédibilité, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Au contraire, on ne voit aucun machiavélisme dans les propos de l’apprentie, qui se présente seule devant ses interlocuteurs et ne veut ni déposer plainte ni que la ville le fasse pour elle, démontrant ainsi que son principal souci était de partager son mal-être. Par ailleurs, s’il s’agissait de couvrir un apprentissage mal vécu, le recourant n’explique pas pourquoi elle l’aurait visé lui plutôt que n’importe quel autre membre de leur équipe. Enfin, la modification du chemin d’apprentissage de la dénonciatrice après le licenciement du recourant ne démontre pas qu’elle peinait à suivre sa formation alors qu’elle aurait pu le poursuivre puisqu’il n’était plus là, mais qu’elle avait souhaité changer d’environnement professionnel au vu de ce qui s’était passé, ce qui serait plutôt, à l’inverse de ce que pense le recourant, de nature à donner crédit à ses dénonciations. Ceci ressort enfin du certificat médical produit par l’apprentie, qui atteste d’un profond malaise, circonstance suffisante pour qu’une personne en formation souhaite modifier son environnement, fût-ce au détriment de la qualité de sa formation.

Au vu de ce qui précède, la ville a considéré à juste titre que les éléments en sa possession justifiaient une sanction immédiate et a fait preuve d’une réactivité justifiée par la situation. La convocation du recourant précisait les motifs de l’entretien et la possibilité d’être accompagné, respectant ainsi ses droits. Les délais d’espèce sont compatibles avec les contingences liées aux procédures internes de l’administration en pareille circonstance.

En définitive, il y a lieu de retenir que le recourant a adopté des comportements déplacés envers une apprentie de première année, dont il devait, selon son cahier des charges, assurer l’encadrement. En décidant d’une tolérance zéro pour des attitudes de ce genre, ce dont le personnel de la ville est informé et pour le respect des principes desquels il est formé, la ville s’est montrée sévère mais cohérente en prononçant un licenciement immédiat, étant en droit de considérer qu’un employé confirmé ne pouvait s’autoriser aucun comportement inapproprié envers une jeune apprentie, que l’image de l’employeur était ternie et que le lien de confiance avec l’employé rompu, sans violer le principe de proportionnalité.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

La valeur litigieuse au sens des art. 82 ss LTF est supérieure à CHF 15'000.-.

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 5 juin et 3 juillet 2023 par A______ contre les décisions des 24 et 31 mai 2023 de la Ville de Genève ;

au fond :

les rejette ;

met à la charge de A______un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal-fédéral 29, 1005 Lausanne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi;

communique le présent arrêt à Me Céline de LORIOL, avocate du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, juges, Louis PEILA, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :