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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3455/2023

ATA/496/2024 du 16.04.2024 ( MARPU )

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS;APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS);PROCÉDURE D'ADJUDICATION;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT ACTUEL;CONCLUSION DU CONTRAT;SOUMISSIONNAIRE;PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(EN GÉNÉRAL);POUVOIR D'APPRÉCIATION;ILLICÉITÉ;DOMMAGES-INTÉRÊTS
Normes : LPA.60; AIMP.1; RMP.1; RMP.24; RMP.40; AIMP.11.letc
Résumé : Qualité pour recourir reconnue même si le contrat avec l'adjudicataire a été conclu. Abus de pouvoir d'appréciation de l'autorité dans la notation des références et dans la notation du troisième critère (qualité technique de l'offre). Le résultat de l'évaluation, considéré dans son ensemble, constitue également un usage excessif du pouvoir d'appréciation, vu le peu d'écart avec l'adjudicataire et la multiplication par 20 de toute différence de notation des références et par 15 de la qualité technique de l'offre. Recours partiellement admis et illicéité de l'adjudication constatée. La recourante ne s'étant pas prononcée sur la question du dommage, instruction ouverte sur ce point.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3455/2023-MARPU ATA/496/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 avril 2024

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

VILLE DE GENÈVE intimée


EN FAIT

A. A______ (ci-après : A______) est une société dont le siège se trouve dans le canton de Vaud et qui a pour buts le concept et la réalisation de systèmes sanitaires, la fabrication, l'entretien et le commerce d'appareils automatiques, notamment dans les domaines du sanitaire, de la télécommunication et industriels ainsi que l'exploitation d'une entreprise générale dans le domaine de la construction.

B. a. Le 7 avril 2023, la Ville de Genève (ci-après : la ville) a publié sur la plateforme Simap l'appel d'offres en procédure ouverte no M295 TI portant sur la fourniture de douze toilettes publiques autonettoyantes comprenant le transport, l'installation, le raccordement et l'entretien.

Le marché était divisé en deux lots, soit le lot no 1 spécifique à l'acquisition des WC autonettoyants (y compris le transport, la livraison, le raccordement, etc.) et le lot no 2 spécifique à l'entretien des WC autonettoyants (point II.5 des conditions générales de l'offre, p. 5 du dossier d'appel d'offres). Les critères d'adjudication étaient le prix du lot no 1 (fourniture, transport, levage, mise en place et raccordement des WC autonettoyants ; 20%), le prix et données diverses du lot n2 (entretien, maintenance, exploitation ; 25%), la qualité technique de l'offre (20%), l'organisation pour l'exécution du marché (20%) et la qualité des références du candidat (15% ; p. 9 du dossier d'appel d'offres).

Ces dernières étaient vérifiées par téléphone. La note était donnée à la fois sur la base des documents fournis et des informations reçues par téléphone. Le candidat devait remettre, avec son offre, entre trois et cinq références de fourniture, transport, levage, mise en place et raccordement de WC automatiques, sur la base de l'« annexe Q8 : référence de fournitures » et d'une fiche de références. Chaque référence devait obligatoirement comporter les références en lien avec le marché de fourniture de l'appel d'offres, la quantité posée en lien avec le marché, la compatibilité des WC autonettoyants avec l'utilisation par des personnes à mobilité réduite selon les normes applicables, l'organisation générale de l'entreprise pour le marché (fournir l'organigramme interne de l'entreprise précisant entre autres les personnes responsables, les personnes pouvant engager la société par leur signature), le poste/la personne clef pour l'objet du marché, les moyens consacrés pour exécuter le marché, le délai nécessaire entre l'émission du bon de commande et la livraison sur site. Le critère serait noté selon l'annexe Q8 du guide romand des marchés publics (p. 11 du dossier d'appel d'offres).

La fiche de références demandait, pour chaque référence, le nom du maître de l'ouvrage, son numéro de téléphone, le nom du contact de référence, l'année, le lieu l'importance et le coût total du marché de fournitures, ainsi qu'une brève description de la fourniture livrée ainsi que son entretien courant (p. 13 du dossier d'appel d'offres).

L'annexe Q8 adaptée requérait notamment des précisions sur le marché exécuté, soit la nature(s) de la fourniture, le type(s) de prestations exécutées (la seule case figurant à cocher étant la fourniture, la pose et l'installation) et la description des prestations exécutées.

Le cahier des charges et les conditions particulières d'appel d'offres prévoyaient le cahier des charges pour les fournitures (partie C) et pour la maintenance, le nettoyage et l'entretien (partie D).

b. Dans le délai de soumission, trois entreprises ont remis des offres à la ville, dont A______ et B______ (ci-après : B______).

c. Le 21 septembre 2023, A______ a répondu à des questions écrites que la ville lui avait posées par courriel du 6 septembre 2023.

d. Le 25 septembre 2023, les soumissionnaires ont chacune fait l'objet de séances de clarification.

Selon le procès-verbal d'audition, A______ n’avait pas encore fourni de toilettes autonettoyantes pour lesquelles elle avait un contrat complet de nettoyage, entretien et maintenance. Les maîtres de l'ouvrage avaient conservé cette prestation et la faisaient en général réaliser par le biais d'emplois sociaux ou de réinsertion. En cas d'adjudication, la ville serait le premier client pour ces prestations.

e. Par décision du 16 octobre 2023, la ville a adjugé le marché à B______, dont l'offre remplissait pleinement les conditions lui permettant d'être adjudicataire.

f. Le même jour, la ville a informé A______ que son offre n'avait pas été retenue et que le marché avait été adjugé à B______, dont l'offre remplissait pleinement les conditions et avait été jugée économiquement la plus avantageuse.

Selon le tableau comparatif des notes annexé, l'adjudicataire arrivait en tête du classement, avec un total de 313.06 points, dont 68.65 points pour le critère no 3 (soit 3.43 points pondérés à 20) et 63.90 points pour le critère no 5 (soit 4.26 points pondérés à 15), tandis que A______ arrivait en deuxième place, avec 308.13 points, dont 58.27 points pour le critère no 3 (soit 2.91 points pondérés à 20) et 21.90 points pour le critère no 5 (soit 1.46 points pondérés à 15).

C.           a. Par acte du 23 octobre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision d'adjudication. Elle souhaitait une réévaluation et une expertise du critère no 5 relatif à la qualité des références du candidat.

L'offre de l'adjudicataire avait été jugée économiquement la plus avantageuse malgré un prix supérieur à son offre de 26.12%, soit CHF 1'251'786.33. Elle avait obtenu 4.93 points de moins que l'adjudicataire en raison d'une « dévalue stupéfiante » dans l'attribution des points sur le critère no 5, à savoir la qualité des références. L'évaluation de ce critère ne s'accordait pas à la valeur de ses références dans cinq projets similaires, avec la même complexité technique. Elle avait démontré ses compétences dans la fourniture, le transport, le levage et la pose de modules de WC complexes. Elle était dévaluée par la note attribuée de 1.46 en comparaison avec l'adjudicataire, qui avait obtenu la note de 4.26. Elle répondait à l'ensemble des critères liés au cahier des charges du critère no 5. Lors de la séance de clarification du 25 septembre 2023, elle avait apporté des compléments de réponses, notamment sur les contrats de maintenance, qu'elle avait indiqué avoir avec Châtel‑Saint‑Denis, Versoix et Lausanne. Sa référence pour Lausanne présentait un projet similaire avec la pose de WC autonettoyants sur sept sites pour 27 unités de WC d'un montant de CHF 1'397'918.-.

b.   La ville a conclu au rejet du recours.

Les documents de l'appel d'offres étaient clairs et précis sur l'objet du marché. Ils attestaient de l'importance de la prestation d'entretien dans l'ensemble du marché. Les références avaient été évaluées tant s'agissant du volet fourniture que de celui de l’entretien et de la maintenance, en respectant le principe de transparence. Une méthode de notation avait été élaborée pour tous les critères et notamment celui des références, assurant ainsi le respect du principe de l'égalité de traitement. A______ avait fourni des références en lien avec la prestation de fourniture des WC autonettoyants, qui avaient obtenu de bonnes notes, soit 3.5. La fourniture proposée répondait aux attentes. Elle n'avait toutefois pas été en mesure de fournir des références en lien avec l'entretien, le nettoyage et la maintenance. Lors de la séance de clarification, A______ avait confirmé n'avoir jamais conclu de contrat de nettoyage pour les WC qu'elle avait fournis. Les notes basses attribuées à A______ pour le critère des références étaient justifiées. L'absence d'expérience posait la question de son aptitude à exécuter le marché. Elle ne disposait pas non plus de l'infrastructure pour exécuter le second volet du marché public. B______ avait démontré être en mesure d'exécuter l'intégralité du marché, contrairement à A______.

La ville a notamment produit un document expliquant la méthode de notation des offres des candidats, deux tableaux de notation du critère no 2 (« prix » et « autres données relatives à l'entretien et la maintenance »), deux tableaux de notation du critère no 3 (« notation du critère R14 – degré de compréhension du cahier des charges » et « notation du critère R18 – propriété des produits proposés »), deux tableaux de notation du critère no 5 (1/2 et 2/2) ainsi qu'un résumé des échanges relatifs à la satisfaction des acquéreurs de toilettes autonettoyantes selon les références fournies par les candidats.

c.    Dans sa réplique, A______ a conclu à ce que l'évaluation des critères soit revue de manière juste et loyale.

Elle avait inclus une référence en lien avec le marché de fournitures et portant sur une quantité en lien avec le marché, soit le mandat pour Lausanne. La référence de Châtel-Saint-Denis démontrait son ancienneté, celle de Bâle le délai de réalisation pour un WC et celles de Versoix et Chavornay sa maîtrise du grutage complexe. Ses plans démontraient la compatibilité des WC autonettoyants pour l'utilisation par des personnes à mobilité réduite. L'organigramme de l'entreprise pour l'exécution du marché avait été remis avec l'offre, tout comme le curriculum vitae de la personne-clef pour l'objet du marché, les moyens consacrés pour exécuter le marché et le délai nécessaire entre l'émission du bon de commande et la livraison sur site. Elle avait cité cinq références conformes à la demande de la soumission.

Dans le dossier d'appel d'offres, il n'était à aucun moment mentionné qu'il fallait remettre des références de travaux d'entretien ou de nettoyage du WC, soit des références pour le lot no 2. Elle avait un contrat d'entretien avec Châtel-Saint-Denis et l'évaluation à 0 n'était pas cohérente. La personne de référence mentionnée pour Lausanne était le chef de projet de la construction des WC. Pour l’évaluation portant sur la technique de l'entretien, elle avait transmis le nom de la personne référente avec qui elle avait des contacts pour l'entretien des WC. L'unique élément qu'elle n'avait pas pu démontrer par des références était le service de nettoyage. Elle avait élaboré une structure pour la création d'une équipe de nettoyage et possédait les moyens matériels. B______ prévoyait deux interventions par semaine, ce qui n'était pas suffisant. Elle-même avait une équipe de trois personnes pour assurer des interventions 7 jours/7, 365 jours/an, même en cas d'absence. Les cinq références d'B______ portaient sur une unité de WC par projet, de sorte que la quantité de ses références n'était pas en lien avec le marché. Ses cinq résumés pour la satisfaction des acquéreurs étaient identiques, alors que les siens comportaient cinq textes différents avec cinq points de vue différents.

Des informations fournies n'avaient pas été prises en compte pour l'évaluation. Elle avait indiqué les coûts de dépannage hors taxes, le délai d'intervention de l'entreprise, la domiciliation des techniciens, le délai pour les pièces de rechange, les coûts des pièces de rechange, la liste des pièces et leur prix, les coûts administratifs et le coût du service à la clientèle.

Dans le tableau de notation du critère R18, elle n'avait obtenu aucun point pour la maintenance et l'entretien alors que sa cadence de nettoyage était bien plus importante que celle d'B______. Elle avait remis avec sa soumission le détail de son concept d'entretien et de maintenance. Son délai d'intervention de maintenance allait au-delà des exigences du cahier des charges, et elle avait établi le domicile de ses techniciens, qui pouvaient être au centre de Genève en deux heures. Elle avait les pièces de rechange en stock. Quant au rythme de maintenance et nettoyage, elle avait prévu une intervention quotidienne vu la demande de service « premium ».

d.   Dans sa duplique, la ville a relevé que le dossier d'appel d'offres requérait, pour chaque référence, une brève description de la fourniture livrée ainsi que son entretien courant, de sorte que les références devaient également porter sur l'entretien, ce que A______ avait compris puisqu'elle avait donné des informations sur les prestations d'entretien à réaliser.

Toutes les informations remises avec le dossier d'appel d'offres avaient été prises en compte. Par contre, les éléments supplémentaires apportés lors de la séance de clarification ne l'avaient pas été, comme pour les autres candidats. L'offre ne pouvait pas être complétée après le délai de soumission. La séance de clarification avait établi que A______ n'avait aucun contrat portant sur la maintenance préventive, l'entretien et le nettoyage et qu'elle comptait mettre en place une équipe en cas d'adjudication du marché, ainsi que des éléments concernant les frais de fonctionnement (coût des pièces de rechange, liste et prix des pièces), qui avaient été pris en compte dans l'évaluation, ce qui lui avait permis de se démarquer sur le sous-critère des informations relatives aux frais de fonctionnement du critère no 2 et l'avait conduite à obtenir la meilleure note sur cette partie, de 3.33 contre 2.5 pour l'adjudicataire.

Le contrat de maintenance avec Châtel-Saint-Denis avait été porté à sa connaissance bien après le dépôt de l'offre, de sorte qu'il ne pouvait en être tenu compte. Il allait à l'encontre des déclarations de A______ faites lors de la séance de clarification, cette commune ayant en outre indiqué par téléphone ne pas être pleinement satisfaite des WC et que l'entretien était effectué par les techniciens communaux. La personne de référence indiquée par A______ et contactée par téléphone avait indiqué que seules les maintenances importantes étaient réalisées par cette dernière, sur demande de la commune. Ni l'entretien, ni le nettoyage, ni la maintenance préventive n'étaient effectués par A______ dans les références qu'elle avait produites.

Le fait que la quantité de WC objet des références de l'adjudicataire n'était pas en lien avec le marché avait bien été pris en compte, puisque celle-ci n'avait obtenu aucun point pour cet aspect. Les références de l'adjudicataire étaient beaucoup plus en adéquation avec les attentes de la ville s'agissant des prestations d'entretien, de maintenance et de nettoyage et le degré de satisfaction des communes clientes était beaucoup plus important et uniforme.

Avec son offre, A______ n'avait fourni qu'un organigramme pour le lot no 1, très succinct, sans organigramme pour le lot no 2, fourni uniquement lors de la séance de clarification et donc non pris en compte.

e.    Le 22 janvier 2024, la ville a informé la chambre administrative que les deux contrats avec l'adjudicataire avaient été conclus le 19 janvier 2024.

f.     Le 6 février 2024, A______ a persisté dans ses conclusions, soulignant que l'évaluation des critères avait été réalisée dans le but de favoriser l'adjudicataire.

g.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 15 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. e et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).

2.             Se pose la question de la qualité pour recourir de la recourante.

2.1 À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir. Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/599/2021 du 8 juin 2021 consid. 8a).

2.2 La qualité pour recourir dans le domaine des marchés publics, qui ne contient pas de règles spécifiques en la matière (ATF 141 II 14 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2021 du 29 novembre 2022 consid. 1.3.2), se définit en fonction des critères de l'art. 60 al. 1 let. a et b LPA, applicable par renvoi de l'art. 3 al. 4 L‑AIMP (ATA/761/2020 du 18 août 2020 consid. 2).

Dans le cadre d'un recours contre une décision d'adjudication, le soumissionnaire évincé dispose d'un intérêt juridique lorsqu'il avait, avant la conclusion du contrat, des chances réelles de se voir attribuer le marché en cas d'admission de son recours. Tel est notamment le cas pour le soumissionnaire qui, classé en deuxième position, aurait eu des chances sérieuses de se voir attribuer le marché, ainsi que pour le soumissionnaire, devancé de peu par le deuxième, quand il n'apparaît pas clairement qu'en cas d'admission du recours, le classement serait resté le même. Le candidat classé quatrième qui conclut à l'annulation de la procédure ou à l'adjudication en sa faveur, mais qui critique uniquement l'aptitude ou le classement du premier candidat n'a pas la qualité pour recourir, sauf dans le cas où la différence entre la première et la quatrième place est en termes absolus et relatifs minime (ATF 141 II 14 consid. 4.1 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2021 du 29 novembre 2022 consid. 1.3.2).

L'intérêt actuel du soumissionnaire évincé est évident tant que le contrat n'est pas encore conclu entre le pouvoir adjudicateur et l'adjudicataire, car le recours lui permet d'obtenir la correction de la violation commise et la reprise du processus de passation. Il y a lieu d'admettre qu'un soumissionnaire évincé a aussi un intérêt actuel au recours lorsque le contrat est déjà conclu avec l'adjudicataire, voire exécuté, car il doit pouvoir obtenir une constatation d'illicéité de la décision pour pouvoir agir en dommages-intérêts (ATF 137 II 313 consid. 1.2.2). Le recourant qui conteste une décision d'adjudication et déclare vouloir maintenir son recours après la conclusion du contrat conclut, au moins implicitement, à la constatation de l'illicéité de l'adjudication, que des dommages-intérêts soient réclamés ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2P.307/2005 du 24 mai 2006 consid. 2 ; ATA/871/2023 du 22 août 2023 consid. 1.3 ; ATA/622/2021 du 15 juin 2021 consid. 2b).

2.3 En l'espèce, l’autorité adjudicatrice a indiqué à la chambre de céans avoir conclu les contrats objets du marché public. La recourante conserve néanmoins, en tant que soumissionnaire évincée arrivée au deuxième rang, un intérêt actuel à recourir contre la décision d’adjudication, son recours étant à même d’ouvrir son droit à une éventuelle indemnisation, étant donné qu'elle a maintenu son recours même après avoir eu connaissance de la conclusion des contrats et ceci même si elle n'a pas formellement pris de conclusions en dommages-intérêts.

La recourante a donc la qualité pour recourir et son recours est recevable.

3.             La recourante critique premièrement l'évaluation du cinquième critère.

3.1 L'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b).

3.2 Le droit des marchés publics est formaliste. L'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l'art. 16 al. 2 RMP. Le respect de ce formalisme est nécessaire pour concrétiser l'obligation d'assurer l'égalité de traitement entre soumissionnaires dans la phase d'examen de la recevabilité des offres et de leur évaluation (ATA/871/2023 du 22 août 2023 consid. 3.2).

3.3 Les offres sont évaluées en fonction des critères d’aptitude et des critères d’adjudication (art. 12 RMP). L'autorité adjudicatrice choisit des critères objectifs, vérifiables et pertinents par rapport au marché. Elle doit les énoncer clairement et par ordre d'importance au moment de l'appel d'offres (art. 24 RMP).

Selon l’art. 43 RMP, l'évaluation des offres est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d’offres et/ou les documents d'appel d’offres (al. 1). Le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2). Le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix. Outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3).

3.4 Le pouvoir adjudicateur dispose d'une grande liberté d'appréciation dans le choix et l'évaluation des critères d'aptitude et d'adjudication, celui-là étant libre de spécifier ses besoins en tenant compte de la solution qu'il désire (ATF 137 II 313 consid. 3.4 in JdT 2012 I p. 28 ss). Une fois les critères d'aptitude et d'adjudication arrêtés dans l'appel d'offres ou les documents d'appel d'offres, le pouvoir adjudicateur doit en règle générale s'y tenir. En vertu des principes de la transparence et de l'égalité de traitement, il ne saurait les modifier ultérieurement. S'il ignore des critères dûment fixés, en modifie la portée ou la pondération ou encore s'il en ajoute de nouveaux, le pouvoir adjudicateur agit de manière contraire au droit des marchés publics (ATAF 2019 IV/1 consid. 3.3 ; décision incidente du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] B-4637/2016 du 19 octobre 2016 consid. 6.4; arrêts du TAF B-4958/2013 du 30 avril 2014 consid. 2.5.2 ; B-891/2009 du 5 novembre 2009 consid. 3.4).

3.5 En matière d'évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 du 5 avril 2018 consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées), y compris s'agissant de la méthode de notation (ATA/676/2020 du 21 juillet 2020 consid. 4b et les références citées). La juge doit veiller à ne pas s'immiscer de façon indue dans la liberté de décision de l'autorité chargée de l'adjudication (arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1). L'appréciation de la chambre administrative ne saurait donc se substituer à celle de ladite autorité. Seul l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation doit être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 précité consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées). En outre, pour que le recours soit fondé, il faut encore que le résultat, considéré dans son ensemble, constitue un usage abusif ou excessif du pouvoir d'appréciation (décision de la Commission fédérale de recours en matière de marchés publics du 29 juin 1998, publiée in JAAC 1999, p. 136, consid. 3a ; ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 5).

3.6 Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites de son pouvoir d'appréciation, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et qui sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 et les références citées ; ATA/148/2021 du 9 février 2021 consid. 7 et l'arrêt cité).

3.7 Selon la jurisprudence, le principe de la transparence est le principe cardinal et incontournable des marchés publics. Il limite le large pouvoir d'appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur (RDAF 2001 I 403). Il permet d'assurer la mise en œuvre du principe de concurrence, lequel permet la comparaison des prestations et de choisir ainsi l'offre garantissant un rapport optimal entre le prix et la prestation ainsi que le contrôle de l'impartialité de la procédure d'adjudication, autre principe qui doit être respecté. Le principe de transparence exige que le pouvoir adjudicateur se conforme aux conditions qu'il a préalablement annoncées. Ce principe se rapproche dans cet aspect du principe de la bonne foi, qui prohibe les comportements contradictoires de l'autorité (art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), et du principe de la non‑discrimination. En effet, si le pouvoir adjudicateur s'écarte des « règles du jeu » qu'il a fixées, il adopte un comportement qui se rapproche d'une manipulation, typiquement discriminatoire, du résultat du marché (ATF 141 II 353 consid. 8.2.3 et la référence citée ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 4c et les références citées).

Une violation du principe de transparence n’entraîne l’annulation de l’adjudication que pour autant que les vices constatés aient effectivement influé sur le résultat (ATA/1089/2018 du 16 octobre 2018 consid. 6c).

4.             En l'espèce, la recourante critique l'évaluation des références. D'une part, le dossier d'appel d'offres ne mentionnait pas la nécessité de remettre des références pour des travaux d'entretien ou de nettoyage. D'autre part, elle avait répondu à la lettre à la demande du dossier d'appel d'offres quant aux références.

4.1 Il ressort du dossier d'appel d'offres que les critères d'évaluation comprennent notamment celui de la qualité des références du candidat, pondérée à 15% (p. 5). Les informations relatives à ce critère dans le dossier d'appel d'offres se réfèrent aux « références de fourniture », aux « références de fourniture, transport, levage, mise en place et raccordement de WC automatiques », à des « références en lien avec le marché de fourniture du présent appel d'offres », à une « quantité posée en lien avec le marché » (p. 11). La fiche prévue pour les références (p. 13) comporte une rubrique sur l'année, le lieu, l'importance et le coût total du « marché de fourniture » et demande une brève description de « la fourniture livrée ainsi que son entretien courant ». L'annexe Q8 adaptée est intitulée « références de fourniture » et mentionne dans la rubrique sur le marché exécuté la « fourniture, pose et installation ».

Ces éléments pouvaient effectivement donner à penser que des références étaient uniquement demandées pour la fourniture des WC autonettoyants, soit le lot no 1, et une partie du lot no 2, puisque l'entretien y est également mentionné. Ils ne mentionnent cependant pas le reste du lot no 2, à savoir l'aspect nettoyage et maintenance.

Toutefois, la fiche pour les références demandait de « donner entre 3 et 5 références dans le domaine de l'objet à réaliser, selon l'annexe Q8 » et cette dernière requérait la fourniture d'au minimum trois et au maximum cinq références répondant aux exigences notamment de « concerner des marchés comparables au marché à exécuter, en termes de complexité et d'importance ; démontrer la capacité, les compétences et l'expérience nécessaires pour le marché à exécuter, correspondre aux prestations telles que demandées dans cet appel d'offres ».

Or, le dossier d'appel d'offres indique expressément que le marché était divisé en deux lots, soit le lot no 1 portant sur l'acquisition des WC autonettoyants et le lot n2 relatif à l'entretien des WC autonettoyants. Par ailleurs, le cahier des charges et conditions particulières d'appel d'offres, intitulés comme portant sur la « fourniture de 12 WC autonettoyants selon les préconisations du LOM – marché de fournitures – WC autonettoyants », comporte un cahier des charges pour les fournitures (partie C) et un cahier des charges pour la maintenance, le nettoyage et l'entretien (partie D). Il est ainsi clair que le marché, bien que dénommé marché de fourniture, portait à la fois sur la fourniture, d'une part, et sur la maintenance, le nettoyage et l'entretien, d'autre part.

Il en découle que pour démontrer l'expérience nécessaire à l’exécution du marché litigieux et pour correspondre aux prestations demandées dans l'appel d'offres en cause, les références devaient nécessairement inclure également les aspects englobés dans le second lot, soit la maintenance, le nettoyage et l'entretien, ce que la recourante ne pouvait ignorer au regard du contenu du dossier d'appel d'offres. Il paraîtrait, au demeurant, surprenant de requérir dans l’appel d'offres des références uniquement pour une partie des compétences requises.

Par conséquent, contrairement à ce qu'affirme la recourante, les références devaient porter tant sur le premier que sur le second lot. La ville était ainsi fondée à tenir compte du fait que les références fournies par la recourante ne portaient pas sur l'aspect de maintenance, de nettoyage et d'entretien.

4.2 Il convient encore d’examiner si l'autorité intimée a abusé de son pouvoir d'appréciation dans l'évaluation des références de la recourante.

4.2.1 Selon la fiche décrivant la méthode de notation des offres des candidats, pour le tableau de notation de la satisfaction des utilisateurs selon les références remises, les références étaient évaluées de la manière suivante : si le fournisseur de la référence n'avait pas de contrat de nettoyage, entretien et maintenance des toilettes fournies, la référence ne correspondait pas à la demande et le soumissionnaire n'obtenait aucun point. Si le fournisseur avait un contrat de nettoyage, entretien et maintenance des toilettes fournies, la note était donnée en fonction de la satisfaction de l'utilisateur et de la rapidité d'intervention.

La recourante a reconnu n'avoir jamais eu de contrat incluant le nettoyage, raison pour laquelle elle a indiqué avoir mis sur pied une équipe pour le marché litigieux. L'autorité intimée était ainsi fondée à retenir qu'aucune de ses références ne portait sur le nettoyage, ce qui figure dans le deuxième tableau d'évaluation des références, selon la compréhension de la chambre de céans, sous « fréquence de l'entretien » et « qualité de l'entretien ».

La recourante reproche à l'autorité intimée de ne pas avoir pris en considération son contrat d'entretien avec Châtel-Saint-Denis, qu'elle a produit dans la procédure devant la chambre de céans. La commune reconnaît que ce contrat n'a pas été pris en considération, affirme que la recourante avait indiqué n'avoir aucun contrat d'entretien/maintenance lors de la séance de clarification et lui reproche d'avoir invoqué tardivement ce contrat. Toutefois, il ressort du dossier que la recourante avait expressément mentionné dans la fiche concernant cette référence avoir un contrat prévoyant un entretien complet par année. Il ressort par ailleurs du procès‑verbal de la séance de clarification qu'elle a uniquement indiqué ne pas avoir de contrat complet de nettoyage, entretien et maintenance, ce qui ne signifiait pas qu'elle n'avait aucun contrat d'entretien. Par conséquent et même si la commune n'a pas mentionné l'existence de ce contrat lorsque l'autorité intimée l'a jointe par téléphone, cette dernière aurait dû en tenir compte pour la notation du sous-critère de la satisfaction de la référence, au besoin en posant des questions plus précises lors de la séance de clarification. La ville ne pouvait donc pas attribuer une note de 0 à la recourante pour la satisfaction de la référence de Châtel‑Saint‑Denis comme elle l'a fait.

4.2.2 Par ailleurs, la recourante fait grief à l'autorité intimée de ne pas avoir pris en compte ses prestations de maintenance pour Lausanne, la personne de référence pour ces prestations étant distincte de celle indiquée sur la fiche de référence.

S'il ne peut être reproché à la ville de n’avoir appelé que la personne de contact indiquée sur la fiche de référence, il ressort du résumé des échanges relatifs à la satisfaction des acquéreurs de toilettes autonettoyantes selon les références fournies par les candidats que le nettoyage et l'entretien régulier ainsi que la petite maintenance étaient réalisés par Lausanne tandis que la grosse maintenance était faite par la recourante. Cela rejoint la situation qui ressort du résumé concernant Chavornay, selon lequel le nettoyage, l'entretien et la maintenance hebdomadaire étaient réalisés par la commune et l'entretien et la maintenance était pour le reste réalisé par la recourante, sur appel. En outre, pour les deux références figure sur le tableau le fait que le maître de l'ouvrage était satisfait malgré quelques défauts au début de l'utilisation. Ainsi, malgré la situation très similaire pour les deux références, l'autorité intimée a attribué des notes différentes pour la satisfaction de ces deux références, soit 1 pour Chavornay et 0 pour Lausanne, ce qui dénote une évaluation incohérente et, partant, un abus du pouvoir d'appréciation.

4.2.3 Finalement, alors que selon la fiche décrivant la méthode de notation des offres des candidats, la fonctionnalité de l'équipement ne constituait pas un élément à prendre en compte dans l'évaluation, il figure pourtant dans le tableau du sous‑critère de la satisfaction de la référence comme élément pris en compte (totalement fonctionnel, partiellement fonctionnel ou non fonctionnel). La recourante a obtenu des notes de 0 pour la satisfaction des références dont l'équipement était évalué comme totalement fonctionnel. Aucun point n'a donc été attribué pour le caractère fonctionnel de l'équipement, ce qui semble peu cohérent avec le fait de prévoir l'évaluation sur ce point dans le tableau de notation.

Ces éléments démontrent des incohérences dans l'évaluation du sous-critère de la satisfaction des références. Ces incohérences, non justifiées, constituent un abus du pouvoir d'appréciation de l'autorité intimée, notamment pour l'évaluation des références de Châtel-Saint-Denis et Lausanne. Lesdites incohérences ont résulté dans l’obtention d’une note inférieure pour ce sous‑critère et, par voie de conséquence, pour le critère des références, à celle que la recourante aurait dû obtenir.

5.             La recourante reproche par ailleurs au pouvoir adjudicateur de ne pas avoir pris en compte des informations pourtant fournies pour l'évaluation du deuxième critère.

5.1 L'autorité adjudicatrice peut demander aux soumissionnaires des explications relatives à leur aptitude et à leur offre (art. 40 al. 1 RMP). Les explications sont en principe fournies par écrit ; si elles sont recueillies au cours d'une audition, un procès-verbal sera établi et signé par les personnes présentes (art. 40 al. 2 RMP).

5.2 Le principe d’intangibilité des offres, qui interdit la modification de celles-ci après l’échéance du délai fixé pour leur dépôt, découle de l’art. 11 let. c AIMP qui proscrit les négociations entre l’entité adjudicatrice et les soumissionnaires. Il est également lié à la nécessité d’assurer l’égalité de traitement entre soumissionnaires (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.1). Toutefois, l'autorité adjudicatrice est en droit de rectifier d'office les erreurs évidentes de calcul et d'écriture (art. 39 al. 2 RMP). En outre, elle peut demander aux soumissionnaires des explications relatives à leur aptitude et à leur offre (art. 40 RMP). Néanmoins, elle ne saurait par ce biais porter atteinte aux principes d'intangibilité des offres et d'égalité de traitement entre soumissionnaires qui limitent le droit de procéder à des corrections ou requêtes de précisions après le dépôt des offres (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité ; ATA/871/2023 précité consid. 3.4).

5.3 Le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive, et seulement lorsque l'offre est, au demeurant, conforme aux conditions de l'appel d'offres. À cet égard, même les auteurs qui préconisent une certaine souplesse dans le traitement des informalités admettent que l'autorité adjudicatrice dispose d'un certain pouvoir d'appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres, pour autant qu'elle applique la même rigueur ou la même flexibilité à l'égard des différents soumissionnaires (ATA/149/2018 du 20 février 2018 et les références citées). L'appréciation de la chambre administrative ne peut se substituer à celle de l'autorité adjudicatrice, seul l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation devant être sanctionné (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3 ; 2P.172/2002 du 10 mars 2003 consid. 3.2).

5.4 En l'espèce, la recourante se plaint de l'absence de prise en compte de plusieurs éléments.

5.4.1 Elle fait grief à l'autorité intimée de ne pas avoir pris en considération les coûts de dépannage hors taxes, le délai d'intervention de l'entreprise, la domiciliation des techniciens, le délai pour la fourniture des pièces de rechange, les coûts administratifs, le coût du service à la clientèle ainsi que l'organigramme du lot no 2 et le descriptif de son organisation. La ville indique ne pas avoir pris en considération ces éléments car ils n'avaient pas été fournis avec l'offre.

La recourante indique elle-même avoir donné ces informations non pas avec son offre, mais en réponse aux questions posées par courriel le 6 septembre 2023, plus précisément aux question nos 7 à 11. Ces questions demandaient la raison pour laquelle les informations en cause n'avaient pas été fournies avec l'offre, et ne requéraient pas la transmission des informations elles-mêmes. La recourante a répondu en fournissant ces dernières, sans indiquer les raisons pour lesquelles elles ne les avait pas fournies avec son offre.

Ces informations ne sont pas des éléments qui figuraient dans l’offre déposée dans le délai de soumission et ne constituent pas une simple clarification de celle‑ci, de sorte que leur production tardive se heurte au principe d'intangibilité des offres et elles ne peuvent être prises en considération.

La recourante objecte cependant que la note concernant une erreur de calcul manifeste figurant dans le deuxième tableau d'évaluation du critère no 2 démontrerait que les questions‑réponses avaient été prises en considération pour la notation, car elle avait soulevé ladite erreur dans sa réponse à la première question de l'autorité intimée. L'erreur mentionnée dans ce tableau concerne cependant l'autre soumissionnaire évincée et non la recourante et ne démontre pas que des éléments fournis lors de la séance de clarification auraient été pris en compte, contrairement à ce qu'affirme la recourante. Au demeurant, il n'est pas exclu que certains points apportés lors de la ladite séance aient été pris en considération ; au contraire, à la condition qu'il ne s'agisse pas d'éléments qui complètent l'offre ou la modifient, mais d'éléments se contentant de la clarifier et ne se heurtant donc pas au principe d'intangibilité des offres, ils peuvent être pris en considération.

L'autorité intimée était donc fondée à ne pas prendre les éléments susmentionnés en considération pour l'évaluation de l'offre de la recourante. Le grief sera écarté.

5.4.2 La recourante soutient encore que la ville n'avait pas tenu compte des coûts des pièces de rechange ainsi que de la liste des pièces et leur prix, fournis avec son offre.

Or, contrairement à ce qu'elle affirme, ces éléments ont été pris en compte par l'autorité intimée dans la notation du deuxième critère. En effet, dans la rubrique « éléments renseignés – frais de fonctionnement » puis la sous-rubrique « coût des pièces de rechange » du deuxième tableau d'évaluation du critère no 2, la ville a retenu que la recourante avait fourni un « listing », obtenant pour la rubrique une meilleure note (3.33) que ses deux concurrentes (2.5 et 0).

Le reproche de la recourante est dès lors dépourvu de fondement.

5.4.3 La recourante affirme finalement que le pouvoir adjudicateur n'avait pas pris en compte des éléments figurant dans son annexe R6 pour le lot no 2.

Il ressort de celle-ci que la recourante proposait des interventions de nettoyage quotidiennes sur chaque WC et des services de maintenance cinq fois par année, en plus d'un service de dépannage/permanence.

Pourtant, dans le deuxième tableau d'évaluation du troisième critère, la recourante a obtenu deux fois la note de 0 pour la maintenance et l'entretien par mois, d'une part, et pour le rythme de maintenance et de nettoyage, d'autre part. L'autorité intimée a inscrit un « ? » à chacune de ces rubriques, ce qui laisse supposer qu’elle estimait que la recourante n'avait pas fourni les informations, ce qui est cependant erroné, comme vu ci-dessus. Certes, ces informations ne figurent pas dans l'annexe R18, à laquelle se réfère le tableau de notation du critère no 3. Elles figuraient néanmoins dans l'offre, soit dans une autre annexe, l'annexe R6 pour le lot no 2, ce qui devait conduire à leur prise en compte dans la notation du critère no 3. Or, malgré le grief formulé par la recourante, l'autorité intimée n'a pas expliqué pourquoi la recourante obtenait la note de 0 sur ces deux points au regard des indications fournies dans l'annexe R6 pour le lot no 2.

Ces deux points auraient pu amener la recourante à obtenir 32 points pour ce tableau de notation, soit une note de 3.08, supérieure de 0.20 à celle obtenue, et donc augmenter sa note pour le critère no 3 après prise en compte du deuxième tableau de notation de ce critère.

5.5 En définitive, la recourante aurait dû obtenir des notes plus élevées à celles obtenues pour deux critères, soit les critères nos 3 et 5. Au regard du peu d'écart entre les résultats finaux de l'adjudicataire (313.06 points) et de la recourante (308.13 points), soit moins de cinq points, et du fait que toute différence dans la note du critère no 3 est multipliée par 20, respectivement par 15 pour le critère no 5, il doit être considéré que le résultat de l'évaluation effectuée par l'autorité intimée, considéré dans son ensemble, constitue également un usage abusif de son pouvoir d'appréciation.

Dans ces circonstances, le recours sera partiellement admis et l'illicéité de la décision d'adjudication du 16 octobre 2023 sera constatée.

6.             La recourante n'a pas formellement conclu à des dommages-intérêts, ni chiffré son dommage.

6.1 Si le contrat est déjà conclu et que le recours est jugé bien fondé, l'autorité de recours constate le caractère illicite de la décision (art. 18 al. 2 AIMP). Une fois le caractère illicite de la décision constaté, le recourant peut demander, devant l'autorité compétente, la réparation de son dommage, limité aux dépenses subies en relation avec les procédures de soumission et de recours (art. 3 al. 3 L-AIMP).

6.2 En l'espèce, la recourante ne s’étant pas déterminée sur la question du dommage et de l’indemnité, une instruction sera ouverte sur cette question (ATA/394/2015 du 28 avril 2015 consid. 8 ; ATA/309/2013 du 14 mai 2013 consid. 4).

Au vu de ce qui précède, un délai sera fixé aux parties pour se déterminer sur le montant du dommage et pour produire toutes pièces probantes à cet effet.

7.             Le sort des frais est réservé jusqu'au prononcé de l'arrêt final de la chambre de céans.

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 octobre 2023 par A______ contre la décision de la Ville de Genève du 16 octobre 2023 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

constate l'illicéité de la décision d'adjudication de la Ville de Genève du 16 octobre 2023 ;

ouvre une instruction sur le montant du dommage occasionné à A______ ;

fixe à A______ un délai au 17 mai 2024 pour justifier son dommage et produire toutes pièces probantes à cet effet ;

fixe à la Ville de Genève un délai au 12 juin 2024 pour répondre ;

réserve le sort des frais jusqu'au prononcé de l'arrêt final de la chambre de céans ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à la Ville de Genève ainsi qu'à la commission de la concurrence.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :