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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4304/2023

ATA/484/2024 du 16.04.2024 ( TAXIS ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4304/2023-TAXIS ATA/484/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 avril 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______Sàrl recourante
représentée par Me Jacques ROULET, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé



EN FAIT

A. a. A______ Sàrl (ci-après : A______), inscrite le 9 février 2010 au registre du commerce genevois, a pour but l’exploitation d’une entreprise de taxis et de garages automobiles, le commerce et la location de véhicules avec ou sans chauffeur, l’exploitation d’une auto-école et formation de chauffeurs professionnels ainsi que la prise de participations dans d’autres entreprises ou sociétés exerçant dans la branche du taxi.

B______ et son épouse C______ en sont les associés gérants, avec signatures individuelles. Celui-là en est le président.

b. D______ SA (ci-après : D______), inscrite au registre du commerce du canton de Genève le 9 février 1959, a pour but l’exploitation d’une centrale de taxis pour la place de Genève et l’acquisition d’appareils et de matériel s’y rapportant.

B______ en est l’administrateur président directeur avec signature collective à deux. Son épouse en est l’administratrice secrétaire, sans signature.

Il a participé, en qualité de représentant de D______ et des milieux professionnels des taxis, aux discussions relatives aux modifications législatives en lien avec la profession.

c. Le 11 novembre 2017, A______ a obtenu deux autorisations d’usage accru du domaine public (ci‑après : AUADP) correspondant aux plaques d’immatriculation GE 1______ et 2______, « pour une durée de six ans, soit jusqu’au 30 juin 2023 ».

d. En décembre 2022, B______ a déposé pour A______ et D______ les nouvelles requêtes en autorisation d’exploiter respectivement une entreprise de transport et une entreprise de diffusion de courses de taxi auprès du service de police du commerce de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN). Il a obtenu l’autorisation pour D______ le 16 janvier 2023 et celle pour A______ le 23 du même mois.

B. a. Par courriers du 5 janvier 2023, envoyés en courrier A+, le PCTN a informé A______ qu’une requête de renouvellement de ses AUADP devait lui parvenir au plus tôt le 28 février 2023 et au plus tard le 31 mars 2023. Il n’entrerait pas en matière sur les requêtes déposées en dehors du délai. À défaut de procéder dans ces délais, ses AUADP prendraient fin à leur date d’échéance, sans possibilité de renouvellement.

b. Par courriel du 11 juillet 2023, le PCTN a fait suite à l’échange entre B______ et le directeur du PCTN, lors duquel celui-là avait remis à celui-ci, en mains propres, les copies des requêtes qu’il aurait déposées au PCTN.

Il a notamment relevé que d’ordinaire toutes les demandes reçues par le service par Poste ou au guichet étaient scannées et répertoriées dans un outil de gestion utilisé par ses différents secteurs. Ainsi et afin de pouvoir effectuer une recherche plus précise concernant ses requêtes, B______ était invité à mentionner la date à laquelle il avait fait parvenir ces dernières ainsi que le moyen de transmission utilisé (Poste, guichet, boîte à lettre de notre immeuble).

c. Par courriel du 19 juillet 2023, B______ a précisé être hors d’Europe pour quelques jours, « entre deux avions ». Concernant la date précise, il ne s’en souvenait plus, mais c’était probablement le jour de la signature des documents que son secrétariat les avait envoyés par Poste. Constatant qu’il n’avait pas reçu la confirmation, il s’était permis de les redonner au directeur du PCTN pour un « double contrôle ».

d. B______ a relancé le PCTN les 21 août et 20 novembre 2023 en l’absence de nouvelles.

e. Par décisions du 23 novembre 2023, le PCTN a constaté que les AUADP de A______, datées du 1er juillet 2017 (sic), liées aux plaques d’immatriculation GE 1______ et 2______, ne pouvaient être renouvelées et étaient devenues caduques à leur échéance, le 30 juin 2023. L’intéressée devait déposer ses plaques d’immatriculation auprès de l’office cantonal des véhicules. Si elle souhaitait requérir de nouvelles AUADP, il lui appartenait de s’inscrire sur la liste d’attente au moyen du formulaire de requête idoine.

C. a. Par acte du 20 décembre 2023, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ces décisions. Elle a conclu à leur annulation et à ce qu’il soit ordonné au PCTN d’entrer en matière.

Elle et B______ n’ignoraient pas la nécessité de renouveler les AUADP dans la période fixée par le règlement d’exécution de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 21 juin 2017 (RTVTC - H 1 31 01) et avaient reçu les deux courriers du PCTN du 5 janvier 2023. Souhaitant agir au plus proche du délai, A______ avait requis dès le mois de novembre 2022 tous les documents nécessaires et avait rempli les requêtes en les signant le 15 février 2023. Les mêmes documents avaient d’ailleurs dû être recueillis pour pouvoir être produits avec la demande d’autorisation d’exploiter de A______. E______, responsable de la comptabilité de l’administration au sein de D______, s’était chargée de remplir les requêtes pour A______. Du fait que le PCTN ne pouvait pas recevoir les requêtes avant le 28 février 2023, E______ avait attendu le lundi 27 février 2023 pour envoyer par la Poste les requêtes au PCTN, afin que celui-ci en disposât le premier jour utile, soit le 28 février 2023. L’envoi avait été réalisé avec une lettre d’accompagnement, rédigée par la précitée, sur papier à en‑tête de D______, mais pour le compte de A______ en la faisant signer à B______. Vu l’épaisseur des deux requêtes et de leurs annexes, elles avaient été postées dans une enveloppe de format C4, envoyée en courrier A. Par courriel du 15 décembre 2023, la Poste avait transmis « la preuve d’affranchissement de la grande lettre courrier A du 27 février 2023 ».

N’ayant rien reçu au début du mois de juillet 2023, B______ avait profité d’une séance organisée par la présidente du département avec les milieux professionnels pour interroger de vive voix le directeur du PCTN. Afin que ce dernier pût procéder aux vérifications, l’entrepreneur lui avait alors remis une copie des requêtes qu’il avait envoyées le 27 février 2023.

B______ avait déjà eu des difficultés avec le PCTN. Il avait dû solliciter à trois reprises de corriger l’autorisation pour D______, la dénomination de la raison sociale de la société comportant des erreurs.

E______ devait être entendue en qualité de témoin. Elle avait rempli les formulaires des requêtes et s’était occupée de les poster avec une lettre d’accompagnement le 27 février 2023. Elle pouvait donc attester que les deux requêtes avaient été envoyées dans les délais.

Les art. 13 al. 7 et 9 let. b de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) avaient été violés. Les requêtes avaient été adressées dans les délais. Elle ignorait les raisons qui avaient conduit au défaut d’enregistrement de celles-ci. Il aurait appartenu au PCTN de faire des recherches pour comprendre pourquoi elles n’étaient pas enregistrées dans son système de gestion. Le service adoptait une conduite de mauvaise foi dès lors qu’il savait pertinemment que si B______ avait remis des copies au directeur, ce n’était pas pour déposer des requêtes mais uniquement pour lui permettre de faire les recherches du fait que le dossier n’était pas traité, plus de quatre mois après leur envoi. Le directeur du PCTN savait pertinemment que B______ était très au fait des changements de législation et en relation très étroite avec les autorités. Il s’était toujours montré aussi rapide qu’attentif à mettre à jour ses dossiers à l’instar de ce qu’il avait fait pour les autorisations d’exploiter les deux sociétés. Il avait en effet entrepris les démarches immédiatement, alors qu’il avait un délai d’une année. L’existence de la copie de la lettre d’accompagnement, le résultat de la recherche faite par la Poste et le témoignage de E______ prouvaient l’envoi litigieux.

b. Le PCTN a conclu au rejet du recours. La preuve de l’envoi postal produit par la recourante ne démontrait pas que le courrier aurait été envoyé par A______ dès lors que la pièce était émise par une société tierce, soit D______. Il était étonnant que, lors du dépôt des copies des demandes auprès du directeur du PCTN, le 11 juillet 2023, la copie de la lettre d’accompagnement n’eût pas été jointe. Elle avait été produite la première fois à l’appui du recours. Il était de même étonnant que la recourante n’eût pas envoyé ses requêtes par la Poste en courrier A+ ou en courrier recommandé, comme elle avait, semblait-il, l’habitude de le faire si l’on s’en tenait aux précédents envois adressés au PCTN, notamment à la requête en autorisation d’exploiter l’entreprise de transport datée du 7 décembre 2022. Les documents fournis en annexes par la recourante le 11 juillet 2023 étaient identiques à ceux produits le 7 décembre 2022 en lien avec la requête d’autorisation d’exploiter une entreprise de transport. La possibilité que les documents fussent en réalité ceux produits le 7 décembre 2022 était renforcée par le fait qu’il existait une certaine confusion entre les deux entreprises de B______, notamment le fait que ce dernier utilisait le papier à en-tête de l’une pour les correspondances relatives à l’autre. La question se posait de savoir s’il n’avait pas omis de requérir le renouvellement des AUADP litigieuses. Il ne ressortait toutefois pas du dossier qu’il avait envoyé un courrier le 27 février 2023, ni que les requêtes en renouvellement des AUADP relatives aux plaques d’immatriculation GE 1______ et 2______ eussent été formées en temps utile. L’audition de E______ n’était pas susceptible d’influer sur le sort de la cause, d’autant plus qu’il s’agissait d’une employée d’une tierce entreprise, soit D______ et qu’elle devait attester de l’envoi d’un courrier un an auparavant.

c. Dans sa réplique, la recourante a contesté que l’envoi des requêtes par une société tierce pût être problématique. Elle avait déjà pratiqué de la sorte, sans que cela posât de difficultés. B______ ne disposait que d’une seule timbreuse automatique de courriers. Même si le courrier du 27 février 2023 n’avait pas été envoyé en pli recommandé ou A+, il avait bien été posté. B______ avait employé les mêmes documents pour les requêtes de décembre 2022 et celles déposées le 27 février 2023. À considérer qu’une annexe aurait été périmée le 11 juillet 2023, il aurait appartenu au PCTN de demander de compléter le dossier par des attestations plus récentes. Cela ne l’autorisait pas à ne pas entrer en matière ou à rejeter la requête comme tardive. E______ était l’assistante personnelle de B______, essentiellement au sein de D______, mais aussi pour ses autres sociétés. Elle n’avait pas seulement mis le pli à destination de la Poste le 27 février 2023, mais avait préparé les requêtes et s’était entièrement occupée du dossier, comme elle l’avait fait dans bon nombre d’autres relations avec l’autorité et demandes d’autorisations pour toutes les sociétés gérées par le précité. Elle se souvenait d’avoir fait ce travail, qui s’était achevé par la remise à la Poste des requêtes le 27 février 2023. Son audition était fondamentale. La perte des documents avant l’enregistrement était possible, compte tenu du nombre élevé de plis que le service recevait chaque jour, particulièrement durant cette période.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante sollicite l’audition de la personne qui aurait préparé et posté les requêtes litigieuses.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s’étend qu’aux éléments pertinents pour l’issue du litige et n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n’implique pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, l’audition sollicitée vise à établir que la personne employée par B______ aurait posté le courrier litigieux. Par appréciation anticipée des preuves et comme il sera vu ci-dessous, l’audition de E______ n’est pas déterminante. En effet, même à considérer que celle-ci déclare se rappeler, une année après les faits, avoir envoyé l’enveloppe litigieuse, sa déposition ne suffirait pas à considérer le fait comme prouvé et à modifier l’issue du litige. Il ne sera pas donné suite à la demande d’acte d’instruction.

3.             L’objet du litige porte sur les deux décisions du PCTN du 23 novembre 2023 constatant la caducité des AUADP du 9 novembre 2017.

Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

4.             La recourante soutient avoir adressé les requêtes en renouvellement de ses AUADP dans le délai légal.

4.1  La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA). Ce principe n’est toutefois pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA ; ATF 128 II 139 consid. 2b).

4.2 Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille, pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit. Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/13/2017 du 10 janvier 2017 et les références citées).

4.3 Lorsque les faits ne peuvent être prouvés d’une façon indubitable, une partie peut présenter une version des événements avec une vraisemblance qui se rapproche de la certitude (ATF 107 II 269 consid. 1b). L’autorité doit alors apprécier la question de savoir si l’ensemble des circonstances permet de conclure à l’existence de l’élément de fait à démontrer. Elle peut en un tel cas se contenter de la preuve circonstancielle en faisant appel à son intime conviction et décider si elle entend tenir le fait pour acquis. Plus la conséquence juridique rattachée à l’admission d’un fait est grave, plus l’autorité doit être stricte dans son appréciation des faits (Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 4e éd., 1991, p. 256 n. 1172).

4.4 En l’espèce, la recourante était au bénéfice de deux AUADP à compter du 9 novembre 2017 valables jusqu’au 30 juin 2023. Il n’est pas contesté qu’elle devait déposer une requête en vue de leur renouvellement entre le 28 février et le 31 mars 2023. La recourante reconnait avoir été au courant de ce fait, avoir reçu la lettre du 5 janvier 2023 et ne pas ignorer les conséquences de l’absence d’un envoi aux dates précitées, à savoir la non-entrée en matière de l’autorité intimée sur les requêtes.

La recourante se prévaut d’avoir envoyé les requêtes le 27 février 2023 alors que l’intimée indique ne pas les avoir reçues. C’est donc à la recourante qu’incombe le fardeau de la preuve de l’envoi litigieux. Or, le courrier n’a pas fait l’objet d’un suivi de la Poste, ayant été envoyé par pli simple et non pas par recommandé ou A+. Elle ne parvient donc pas à prouver, par ce biais, qu’elle l’a posté.

Il convient dès lors de déterminer si la version proposée par la recourante est si vraisemblable qu’elle confine à la certitude.

Aucun des autres indices n’emporte conviction. En effet, la seule mention qu’une « grande lettre 1-500g » telle qu’elle ressort du courrier de la Poste du 15 décembre 2023 a été affranchie le 27 février 2023 n’est pas à même de prouver qu’il s’agissait de l’envoi des requêtes litigieuses. De surcroît, à juste titre, l’autorité intimée relève que le débit a été effectué au nom de D______, entretenant ainsi non seulement une confusion entre les sociétés, mais plaidant en défaveur de la thèse de la recourante. La recourante a par ailleurs fourni une facture d’affranchissement de la Poste à D______ pour le mois de février 2023 faisant état d’un total de CHF  1'155.50. Ce montant tendrait plutôt à démontrer que l’envoi de courriers est important et affaiblit l’indice qu’une « grande lettre 1-500g » affranchie le 27 février 2023 contenait les requêtes litigieuses.

De même, la lettre datée du 27 février 2023, sur papier en-tête de D______, évoquant le renouvellement des AUADP, n’a aucune force probante en l’absence de toute preuve de son envoi.

Il ne peut rien être déduit des mentions faites dans les deux formulaires de requêtes et leurs annexes. Si certes les requêtes comportent la signature de B______ et la mention de la date du 15 février 2023, ce fait est sans pertinence sur l’acheminement de la requête à l’autorité intimée. Pour le surplus, la recourante ne peut être suivie lorsqu’elle soutient dans son recours que « souhaitant agir au plus proche du délai, A______ avait requis dès le mois de novembre 2022 tous les documents nécessaires et avait rempli les requêtes en les signant le 15 février 2023 ». En effet, ces annexes étaient nécessaires dans le cadre des autres demandes déposées en décembre 2022, ce que la recourante admet.

Enfin, il est douteux que la personne qui a procédé à la mise à la poste de la demande de renouvellement des AUADP, pour l’une des sociétés de B______, puisse se rappeler avec précision de l’envoi. Il est d’autant plus douteux qu’elle puisse se remémorer avec certitude la date de celui-ci. La recourante soutient d’ailleurs dans sa réplique que l’intéressée s’occupe de « bon nombre d’autres relations avec l’autorité et demandes d’autorisations pour toutes les sociétés gérées par M. B______ ». Enfin et surtout, elle est employée de l’intéressé, ce qui impliquerait de n’accorder à ses déclarations qu’une valeur fortement nuancée qui ne permettrait pas d’admettre que le fait est prouvé.

Le directeur de la recourante se prévaut de bien connaître les contraintes en lien avec l’exploitation de ses sociétés et les exigences posées dans le milieu professionnel concerné. L’importance de pouvoir prouver, en tant que de besoin, tant l’envoi des requêtes de renouvellement de l’autorisation que la date à laquelle l’envoi avait été effectué ne pouvait échapper à une personne versée dans le fonctionnement du milieu professionnel des taxis et ses exigences. Un envoi en courrier simple, comme le soutient la recourante, apparait à ce titre peu prudent. De même, l’absence de toute vérification de sa bonne réception avant l’échéance du délai au 31 mars 2023, alors que la recourante était sans nouvelles, semble peu compatible avec le bon fonctionnement de la société et l’importance que les AUADP soient renouvelées.

Les éléments qui précèdent ne permettent donc pas de retenir, avec une vraisemblance suffisante, que la recourante a bien remis la demande le 27 février 2023 à la Poste, soit dans le délai légal.

Ce grief sera dès lors écarté et la chambre de céans retiendra que la demande de renouvellement n’a pas été déposée dans le délai.

5.             La recourante invoque une violation de l’art. 13 LTVTC, qui règle les modalités de l’AUADP.

5.1 Selon son al. 1, les AUADP sont limitées en nombre et en durée, en vue d’assurer un bon fonctionnement des services de taxis, par une utilisation optimale du domaine public, et en vue de garantir la sécurité publique. L’al. 2 prévoit qu’elles sont attribuées moyennant le respect des conditions de délivrance, selon des critères objectifs et non discriminatoires, l’al. 3 qu’elles sont strictement personnelles et intransmissibles, l’al. 4 que le Conseil d’État en fixe le nombre maximal en fonction des besoins évalués périodiquement, détermine les modalités d’attribution et définit la notion d’usage effectif.

5.2 Il ressort de l’art. 13 al. 5 LTVTC que l’AUADP est délivrée sur requête pour six ans à une personne physique ou morale aux conditions énumérées sous let. a à c.

Selon l’al. 7 de cette disposition, l’AUADP est renouvelée lorsque la requête en renouvellement est déposée trois mois avant l’échéance de l’autorisation (let. a) ; les conditions de l’al. 5 sont toujours réalisées (let. b).

5.3 L’art. 21 RTVTC prévoit que le PCTN informe les titulaires six mois avant l’échéance de l’AUADP de la nécessité de déposer une requête en renouvellement (al. 1). La requête peut être formée au plus tôt quatre mois avant sa date d’échéance, mais doit être formée au plus tard trois mois avant sa date d’échéance (al. 2). Le PCTN n’entre pas en matière sur les requêtes en renouvellement déposées en dehors du délai (al. 3). La requête en renouvellement doit être déposée au moyen de la formule officielle correspondante, dûment complétée et accompagnée des documents mentionnés dans ladite formule (al. 4). L’art. 5 est applicable pour le surplus (al. 5).

5.4 Selon l’art. 5 RTVTC, les requêtes en autorisation doivent être déposées auprès du PCTN au moyen de la formule officielle correspondante, dûment complétée par la requérante ou le requérant, et accompagnée de toutes les pièces mentionnées dans ladite formule (al. 1). La requête ne réalisant pas les conditions de l’al. 1 est retournée à la requérante ou au requérant, sans fixation d’un délai pour la compléter (al. 2). Les requêtes en autorisation valablement déposées sont traitées dans un délai de 2 mois (al. 5).

5.5 La chambre constitutionnelle a rappelé que l’AUADP octroyée aux taxis ne conférait généralement pas de droits acquis, à moins de garanties spécifiquement obtenues concernant la poursuite de l’activité de location de plaques, ce qui n’était pas le cas dans les affaires dont elle était saisie (ACST/26/2022 du 22 décembre 2022 ; ACST/27/2022 du 22 décembre 2022).

5.6 Un délai fixé par la loi ne peut être prolongé. Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1 LPA).

5.7 L’art. 16 al. 1 LPA s’applique aux délais prévus par l’art. 13 al. 7 LTVTC et 21 al. 2 RTVTC (ATA/1110/2023 du 10 octobre 2023 consid. 4.5).

5.8 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).

5.9 Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152
consid. 4.2 in fine).

6.             En l’espèce, la recourante était au bénéfice de deux AUADP à compter du 9 novembre 2017, valable jusqu’au 30 juin 2023. Le PCTN a explicitement indiqué, dans son courrier du 5 janvier 2023, qu’il n’entrerait pas en matière sur les requêtes de renouvellement déposées en dehors du délai et qu’à défaut de procéder à temps, les AUADP prendraient fin à leur date d’échéance, sans possibilité de renouvellement.

Comme retenu plus avant, l’autorité n’a pas reçu les demandes de renouvellement dans le délai légal.

C’est dès lors à juste titre que l’autorité intimée a constaté la caducité des AUADP délivrées le 9 novembre 2017, en application de l’art. 13 LTVTC.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 décembre 2023 par A______ Sàrl contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 23 novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ Sàrl ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques ROULET, avocat de la recourante, ainsi qu’au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :