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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3996/2023

ATA/363/2024 du 12.03.2024 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3996/2023-FORMA ATA/363/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 mars 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

 

FACULTÉ DE DROIT intimée



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : le candidat), né le ______ 1968, domicilié à Bamako au Mali, exerce en qualité d’avocat.

b. Il est titulaire d’une maîtrise en sciences juridiques et politiques obtenue à l’université de Bamako en juillet 1993 et d’un diplôme d’études approfondies en droits de l’homme et démocratie obtenue à l’université d’Abomey-Calavi, à Cotonou au Bénin en juin 2008.

B. a. Par courrier reçu le 21 février 2020, le candidat a sollicité son admission en doctorat à l’université de Genève (ci‑après : l’université) à la faculté de droit (ci‑après : la faculté).

b. Le 14 mai 2020, afin de vérifier si les conditions d’admission au doctorat étaient remplies, la conseillère aux études (ci-après : la conseillère) a sollicité du candidat la transmission d’un projet de recherche de thèse d’une dizaine de pages, accompagné d’un plan, d’une bibliographie et d’un échéancier. Les documents seraient soumis, pour préavis, à un professeur de la faculté susceptible de diriger sa thèse. Il était précisé que si le candidat était déjà en contact ou s’il avait déjà envisagé de proposer son sujet à l’un des professeurs de la faculté, il lui appartenait d’en transmettre les coordonnées. L’attention du candidat était attirée sur le fait que son admission en thèse était également subordonnée à l’acceptation, par un professeur de la faculté, du projet.

c. Le candidat a transmis son projet de thèse de doctorat en droit le 13 août 2020 sur le thème : « la justice transitionnelle : mythe politique ou réalité juridique ».

d. Le 14 août 2020, le candidat a sollicité un professeur de la faculté pour lui demander de diriger sa thèse, ce que ce dernier a décliné trois jours plus tard.

e. Le 28 août 2020, la conseillère a informé le candidat qu’elle avait identifié « un.e Professeur.e » de la faculté susceptible de se prononcer sur son projet. La personne était toutefois en congé et ne serait pas de retour avant le début de l’année 2021. Cela ne signifiait pas encore qu’elle accepterait l’encadrement.

Le candidat a donné son accord pour attendre le retour de la personne concernée.

f. Le 26 juin 2021, la professeure B______ (ci-après : la professeure) a informé la conseillère n’être alors pas en mesure de prendre la direction d’une nouvelle thèse en l’état. Elle a émis quelques commentaires sur le fond notamment que « le projet mériterait à [s]on sens d’être retravaillé ».

g. Le 7 juillet 2021, la conseillère a informé le candidat que la faculté n’était pas en mesure de donner une suite favorable à sa demande et lui a proposé de retirer sa candidature vu le délai écoulé depuis le dépôt de celle-ci, ce que le candidat a refusé précisant qu’il était prêt à « former un recours contre la décision de refus de cette candidature » et « qu’une bonne discussion avec le professeur identifié permettra de régler à la forme et au fond la démarche à suivre et les angles à arrondir pour faire accepter ce projet ».

h. Le 15 juillet 2021, la conseillère a informé le candidat que la chaire de droit pénal international était vacante. Il n’était donc pas possible de soumettre formellement son projet à un enseignant pour une direction de thèse dans ce domaine. S’il souhaitait attendre que la chaire soit repourvue, la décision sur son admission pouvait être reportée. En réponse, le candidat a précisé, le 18 juillet 2021, qu’il attendrait la nomination dans la chaire précitée mais « admettrait difficilement qu’on [lui] oppose des insuffisances de [ses] efforts pour rejeter [sa] demande d’admission ».

i. Le 12 août 2021, la conseillère a attiré l’attention du candidat sur le fait qu’il n’avait pas de droit à être admis en doctorat.

j. Le 22 septembre 2021, le candidat a interpellé directement la professeure, laquelle a décliné le suivi de thèse, compte tenu de son statut de « Professeur FNS ». La chaire de droit pénal international n’avait toujours pas été repourvue.

k. En réponse à une requête du candidat du 7 avril 2022 sur l’état d’avancement de son dossier, la conseillère l’a informé, cinq jours plus tard, avoir transmis son dossier à la professeure, récemment nommée à la chaire de droit pénal international, charge à celle-ci de rendre un préavis au doyen lequel, sur cette base, prononcerait une décision.

l. Un entretien par visioconférence a eu lieu le 16 mai 2022, vers 12h40, entre le candidat, la professeure et la conseillère aux études. Il a été indiqué au candidat que son projet ne serait pas accepté.

Dans un courriel du même jour, à 13h26, le candidat a indiqué « un grand Merci pour cet entretien zoom dont l’effet constructif de l’entretien, au-delà de quelques frustrations, est tout simplement remarquable ».

Le même jour, à 18 heures, le candidat a fait part, par courriel, de sa déception. Il avait eu l’impression d’être en phase de soutenance de thèse et non dans une entrée en matière de recherche doctorale, soit dans une première discussion. « Vous avez une opinion autorisée, et moi je dois me contenter de l’échec de mon dossier de thèse. Je consens sans démériter, car l’écoute et la patience ont fait défaut ». Il attendait une réponse formelle qui le « dédouanerait auprès de ses proches ».

m. Le 18 mai 2022, le candidat a formulé une « demande de recours gracieux suite à un avis défavorable de ma candidature pour un doctorat en droit » à la professeure. Il souhaitait qu’elle reconsidère son avis sur son dossier.

C. a. Par décision du 10 juin 2022, le doyen a constaté que l’acceptation du projet de thèse par un professeur de la faculté faisait défaut. La demande d’inscription au programme de doctorat ne pouvait pas être admise en application de l’art. 43 let. d du règlement d’études adoptées par le conseil de faculté le 15 octobre 2004 (ci‑après : RE).

La décision a été adressée au candidat par courriel et courrier recommandé, au Mali.

b. Le 19 septembre 2022, le candidat a sollicité un rendez-vous soit avec la conseillère soit avec la professeure.

Il a reçu un message automatique d’absence de la conseillère.

c. Le 23 janvier 2023, le candidat s’est étonné de l’absence de suites à son « recours ». La conseillère a répondu le 26 janvier 2023 en attirant son attention sur la décision du 10 juin 2022 contre laquelle aucune opposition n’avait été formée et dont elle lui transmettait une copie.

d. Par pli du 8 février 2023, le vice-doyen, agissant sur délégation de la doyenne, a confirmé la teneur de la réponse du 26 janvier 2023 de la conseillère.

e. Par courriel du 13 février 2023 et courrier recommandé posté à une date difficilement lisible sur le cachet postal malien du 13 ou 15 février 2023, le candidat a accusé réception de la communication du 8 février 2023 lui « notifiant » la décision du 10 juin 2022. Il joignait un document valant recours. Il récapitulait les principaux faits, contestait que la décision du 10 juin 2022 soit entrée en force en l’absence de notification valable et contestait la mise en œuvre de l’art. 43 al. 1 let. d RE. Il demandait la révocation de la décision litigieuse et sollicitait l’accès à son dossier.

f. Par décision du 1er novembre 2023, faisant sien le préavis de la commission des oppositions de la faculté de droit, le vice-doyen de la faculté a rejeté l’opposition du 14 février 2023.

Selon ledit préavis, la question de la recevabilité de l’opposition du 13 février 2023 contre la décision du 10 juin 2022 pouvait rester indécise. L’opposition devait être rejetée dès lors que le candidat n’avait pas obtenu l’accord d’un membre du corps professoral de la faculté pour la direction de sa thèse conformément à ce qu’exigeait l’art. 43 al. 1 let. d RE.

La demande de recours « gracieuse » du 18 mai 2022 auprès de la professeure pour se plaindre du résultat de l’entretien en visioconférence était irrecevable, la démarche n’étant prévue par aucune réglementation.

D. a. Par acte du 29 novembre 2023, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Il a conclu à son annulation.

Le courrier de la faculté du 28 août 2020 lui avait laissé penser que son travail avait suscité un intérêt scientifique. Son espoir s’était transformé en une longue attente, pendant plus de deux ans, prétendument justifiée par le fait que la professeure intéressée par le sujet n’avait pas repris le travail, puis que la chaire de droit pénal international n’avait pas été repourvue. Il n’avait pu présenter ses arguments que lors de l’unique entretien en visioconférence du 16 mai 2022. La professeure avait formulé des critiques de forme et émis des doutes sur le délai de réalisation du projet qu’elle trouvait ambitieux. Il n’avait jamais été fait état d’une « condition impérative d’avoir manqué d’obtenir l’accord d’un professeur pour cautionner et diriger le projet de thèse envisagé ».

La faculté avait violé l’esprit et la lettre du RE. Sa décision était arbitraire, voire abusive.

b. La faculté a conclu au rejet du recours, renvoyant à la motivation de sa décision.

c. Le recourant n’ayant pas fait usage de son droit à la réplique, la cause a été gardée à juger le 24 janvier 2024.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 36 du règlement relatif à la procédure d'opposition au sein de l'université du 16 mars 2009 - RIO-UNIGE ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

Posté en Suisse, le recours est conforme à l’art. 17 al. 4 LPA sur la computation des délais.

2.             Le litige est dirigé contre le refus d’admission au doctorat en droit.

2.1 Le recourant est notamment soumis à la loi sur l'université du 13 juin 2008 (LU - C 1 30), au statut de l'université du 22 juin 2011, au RIO-UNIGE, au RE.

L’enseignement est dispensé selon les modalités prévues par les règlements d’études (al. 1). L’université confère les titres de bachelor (baccalauréat universitaire), master (maîtrise universitaire) et doctorat (al. 2 ; art 18 LU).

2.2 À teneur de l’art. 43 RE, pour être admis au programme de doctorat en droit, la personne doit : a) être inscrite à la faculté au sens de l’art. 2 ; b) être porteuse de l’un des titres suivants : maîtrise en droit ou licence en droit délivrées par une faculté suisse; maîtrise en droit délivrée par une université ou institution analogue étrangère ou diplôme jugés équivalents par la doyenne ou le doyen; diplôme d’études approfondies en droit, maîtrise universitaire d'études avancées en droit ou diplôme jugés équivalents par la doyenne ou le doyen ; c) avoir obtenu une moyenne de 4,5 sur 6 dans le programme de maîtrise, dans la dernière série du programme de licence, respectivement de la maîtrise ou du diplôme équivalent étranger. La doyenne ou le doyen statue sur les exceptions ; d) présenter un dossier et obtenir l’accord d’un membre du corps professoral de la faculté pour la direction de la thèse. Le dossier contient le thème de la recherche, un plan, une bibliographie et un échéancier. Le sujet de thèse doit être approuvé par le collège des professeurs, sur préavis du directeur de thèse.

2.3 Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2).

2.4 Une décision est arbitraire au sens de l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’elle est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable (ATF 142 V 512 consid. 4.2 ; 141 I 49 consid. 3.4). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 141 I 49 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_759/2017 du 16 mai 2018 consid. 6.1).

2.5 En l’espèce, le recourant n’a pas obtenu l’accord d’un membre du corps professoral de la faculté pour la direction de sa thèse, ce qu’il ne conteste pas. Dès lors que l’une des conditions nécessaires et cumulatives de l’art. 43 RE n’est pas remplie, l’intéressé ne peut pas être admis au programme de doctorat en droit.

Contrairement à ce qu’il soutient, le texte du RE, notamment la condition litigieuse d’obtenir l’accord d’un membre du corps professoral de la faculté pour la direction de la thèse, est clair et ne souffre aucune interprétation.

Le recourant ne peut rien déduire du temps écoulé entre le dépôt de son projet et la décision. Son attention a été attirée sur le fait qu’il n’avait pas de droit à effectuer un doctorat, la conseillère lui ayant par ailleurs suggéré, en juillet 2021, au vu de l’écoulement du temps, de retirer sa candidature. Il ne peut être reproché à la faculté d’avoir tenté de trouver un professeur prêt à diriger la thèse de l’intéressé, dès lors que celle-là n’était pas tenue d’entreprendre ces démarches et les a effectuées à bien plaire.

Le recourant ne peut rien déduire non plus de l’entretien en visioconférence. Aucun échange de courriels ou de correspondance de la faculté ne lui avaient donné de garantie ou d’assurance que son projet serait retenu. Comme il l’indique d’ailleurs lui-même, il avait l’« espoir », lors de la première réponse de l’université, que son projet avait suscité un intérêt scientifique. L’université ne l’a toutefois jamais conforté dans cette approche, la professeure relevant au contraire, dès juin 2021, que le projet qui lui avait été soumis nécessitait d’être retravaillé, ce dont l’intéressé semble avoir peu tenu compte répondant à la faculté qu’il admettait difficilement « qu’on [lui] oppose des insuffisances à [ses] efforts pour rejeter sa demande d’admission ».

La décision n’est en conséquence pas arbitraire.

Enfin, l’autorité intimée n’ayant pas de pouvoir d’appréciation sur la réalisation de la condition de l’art. 43 let. d RE, la décision n’est pas « abusive ».

Le recours s’avère ainsi mal fondé et sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 29 novembre 2023 par A______ contre la décision de la faculté droit de l’Université de Genève du 1er novembre 2023 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Université de Genève.

 

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN



 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :