Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3017/2022

ATA/373/2024 du 12.03.2024 sur JTAPI/1046/2023 ( LCI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

2république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3017/2022-LCI ATA/373/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 mars 2024

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Pierre BANNA, avocat

contre


DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimé

_________



Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 septembre 2023 (JTAPI/1046/2023)


EN FAIT

A. a. A______ est propriétaire de la parcelle n° 2'895 (ci‑après : la parcelle) de la commune de B______ (ci-après : la commune), d’une surface de 557 m2, sise en zone agricole. Il en a acquis la propriété en 2018.

Un bâtiment (n° 4______) d’une surface de 16 m2 y est cadastré (ci-après : le bâtiment).

b. En 1967, un « réduit à outils » a été autorisé sur la parcelle (DD 1______).

c. Par courrier du 4 octobre 2017, le département de l’aménagement, du logement et de l’énergie, devenu le département du territoire (ci-après : le département) a informé l’ancien propriétaire de la parcelle avoir constaté que huit constructions et installations, qu’il listait, avaient été réalisées sans autorisation. Une procédure d’infraction a été ouverte (I‑2______).

d. Le 7 avril 2021, A______ a déposé auprès du département une requête en autorisation de construire portant sur la construction d’une serre provisoire et d’une surface de travail stabilisée, clôtures et poulailler, enregistrée sous la référence DD 3______.

Par décision du 6 mai 2022, le département a refusé de délivrer l’autorisation de construire DD 3______, requalifiée comme demande de régularisation de la procédure d’infraction I-2______ (agrandissement d’un cabanon à outils, terrassement du terrain naturel, mise en place de murets de soutènement, création d’une pergola en bois et aménagement d’escaliers). Divers préavis ont été émis dans le cadre de ce dossier. Cette décision est entrée en force.

B. a. Le 31 juillet 2021, le département a informé le propriétaire qu’il avait effectué un contrôle le 7 juillet. Il listait treize éléments construits sur la parcelle dont, sous n° 1, « agrandissement du bâtiment d’une surface d’environ 26 m² » avec panneaux photovoltaïques sur la toiture.

b. Par décision du 22 juillet 2022, après avoir reçu les observations du propriétaire, le département a ordonné le rétablissement d’une situation conforme au droit d’ici au 1er mars 2023 en procédant à la suppression et l’évacuation complète de treize éléments.

La décision comprenait 14 points. Le n° 1 exigeait la destruction du bâtiment comportant les panneaux photovoltaïques. Les nos 2 à 13 concernaient la destruction des autres éléments sis sur la parcelle et le point n° 14 la remise en état du terrain naturel.

Une amende administrative de CHF 1'500.- était infligée au propriétaire. Le montant tenait compte de la gravité tant objective que subjective de l’infraction. Le département avait notamment pris en considération, comme autres circonstances, la zone concernée, hors zone à bâtir, et le fait accompli devant lequel il avait été mis.

c. Par acte du 14 septembre 2022, le propriétaire a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) concluant, préalablement à ce qu’un transport sur place soit ordonné et, principalement, à l’annulation de la décision.

d. Par jugement du 28 septembre 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Il a notamment retenu qu’un transport sur place n’était pas nécessaire. L’ordre de remise en état était dirigé contre le propriétaire de la parcelle, perturbateur par situation. En devenant propriétaire de la parcelle, celui-ci répondait également des irrégularités commises avant son achat. Des travaux avaient été réalisés depuis l’acquisition de la parcelle par le propriétaire. Il avait à tout le moins participé à ce que cette situation illicite perdure.

Si le bâtiment cadastré avait bien été autorisé en 1967 par la DD 1______ en tant que « réduit à outils », son agrandissement ainsi que les autres constructions et installations constatées par le département n’avaient jamais été autorisés. La parcelle concernée étant située en zone agricole, la question de la prescription trentenaire ne se posait pas, conformément à la jurisprudence. L’intérêt public devait primer l’intérêt privé du propriétaire. Aucun élément du dossier ne laissait apparaître que le département aurait agi de manière à créer des attentes légitimes pour l’intéressé. En particulier, s’agissant de la prétendue passivité de l’autorité intimée alors qu’elle avait ouvert la procédure d’infraction I-2______ en 2017 à l’encontre du précédent propriétaire et ne l’aurait reprise qu’en 2021 suite au dépôt de la demande d’autorisation de construire DD 3______. En tant qu’acquéreur de bonne foi, A______ ne pouvait ignorer que seul le bâtiment avait été cadastré, et partant autorisé. Les éventuels éléments que lui aurait caché le vendeur n’étaient pas opposables au département, lequel était fondé à prononcer l’ordre de remise en état.

En procédant aux travaux en cause sans avoir préalablement sollicité et obtenu une autorisation de construire ou en laissant perdurer cette situation irrégulière malgré la décision de refus de régularisation du 6 mai 2022, entrée en force sans avoir été contestée, l’intéressé avait contrevenu à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Le département avait clairement indiqué les motifs qui l’avaient poussé à infliger une amende de CHF 1'500.-, à savoir le fait que la parcelle concernée se situait hors de la zone à bâtir et le fait de l’avoir mis devant le fait accompli. Le montant était relativement faible par rapport au maximum prévu par la loi et à la faute commise par le propriétaire lequel ne démontrait pas que le paiement de cette amende l’exposerait à des difficultés financières.

C. a. Par acte du 1er novembre 2023, le propriétaire a interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Il a conclu à l’annulation du chiffre 1 en ce qu’il ordonnait la suppression du bâtiment, à la suppression de l’amende et à la confirmation des chiffres 2 à 14 de la décision. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée au TAPI afin qu’il ordonne la remise en état dans le sens des considérants et supprime l’amende. Préalablement, un transport sur place devait être ordonné.

Un transport sur place était nécessaire afin de prouver que ni l’identité, ni le gabarit de la toiture, sous réserve de la pose de panneaux photovoltaïques amovibles, n’avaient été modifiés depuis 1967. Une telle mesure d’instruction se justifiait d’autant plus que l’autorité intimée avait détruit le dossier d’autorisation DD 1______.

Le TAPI avait mal établi les faits. Le bâtiment était composé de 16 m² cadastrés et d’un agrandissement de 1.6 m², ce que le département avait lui-même indiqué dans ses écritures. L’autorité intimée n’avait requis la suppression du bâtiment ni dans son courrier de 2017 ni dans celui du 30 juin 2021. Seul l’agrandissement de 1.6 m² était litigieux.

Le bâtiment de 16 m² était au bénéfice d’une autorisation de construire DD 1______ délivrée le 31 janvier 1967 et bénéficiait donc de la garantie de la situation acquise compte tenu des modifications mineures (agrandissement de 1.6 m², pose d’un poêle à bois, d’une kitchenette amovible et de panneaux photovoltaïques amovibles) effectuées sur une période de plus de 50 ans par les propriétaires successifs de la parcelle. Le recourant avait prouvé que l’autorisation de construire DD 1______ avait été détruite par l’autorité intimée. Les images aériennes SWISSTOPO du 6 juin 1967 établissaient l’existence du bâtiment, lequel n’avait pas subi de modifications à l’exception de l’ajout des panneaux photovoltaïques. La parcelle n’était pas soumise à la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11) et ne faisait pas partie des surfaces d’assolement. Il était en train de remettre en état le terrain, conformément à la requête du département.

Le TAPI avait violé la garantie de la situation acquise et le principe de la proportionnalité.

b. Le DT a conclu au rejet du recours. La construction litigieuse ne présentait plus aucune caractéristique commune avec le réduit à outils autorisé en 1967, dans la mesure où il avait été agrandi, agrémenté de panneaux solaires et d’installations propres à l’habitation (cuisine et poêle à bois). Ces travaux ne correspondaient pas à un entretien courant, mais se rapprochaient plutôt d’une reconstruction.

c. Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions. L’autorité intimée ayant détruit le dossier, elle n’était en conséquence, par sa faute, plus en mesure de démontrer l’état initial de la construction autorisée. Elle n’était dès lors pas habilitée à affirmer que le bâtiment n’aurait plus aucune caractéristique commune avec la construction autorisée et/ou que le bâtiment aurait fait l’objet de travaux s’apparentant à une reconstruction ou à une transformation totale. De surcroît, la position de l’autorité intimée avait été démentie par les photos qu’il avait produites. Le bâtiment n’avait jamais servi d’habitation permanente ou durable aux différents propriétaires successifs de la parcelle.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Pour le surplus, le contenu des pièces sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

À teneur des photos prises par le représentant du département le 7 juillet 2021, le bâtiment contient une table, un tabouret, un frigo, un évier, quelques rangements. Les aménagements extérieurs, terrasse, place de stationnement, pergola notamment, étaient recensés sous chiffres 2 à 14 dans la décision.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la suppression du bâtiment de 16 m² et son agrandissement de 1.6 m² sur lequel se trouvent des panneaux photovoltaïques (point n° 1 de la décision litigieuse) ainsi que sur l’amende. Le propriétaire ne conteste en effet plus la démolition et remise en état du terrain, soit les points nos 2 à 14 de la décision querellée.

3.             Le recourant sollicite un transport sur place.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l’issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; 141 III 28 consid. 3.2.4).

3.2 En l’espèce, selon le recourant, le transport sur place devrait servir à prouver que ni l’identité, ni le gabarit de la toiture, sous réserve de la pose de panneaux photovoltaïques amovibles, n’auraient été modifiés depuis 1967. Une telle mesure d’instruction se justifierait d’autant plus que l’autorité intimée avait détruit le dossier d’autorisation DD 1______.

La chambre de céans dispose d’un dossier complet, comprenant notamment les écritures des parties et toutes les pièces produites à leur appui. Le dossier comprend plusieurs photos et est complété par les données disponibles par le système d’information du territoire à Genève (ci‑après : SITG), qui permettent de se rendre compte de la situation de fait, y compris de son évolution au fil des années, de sorte qu’un transport sur place n’est pas utile.

Il ne sera pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction.

4.             Le recourant allègue que les faits ont été établis de façon incorrecte.

Les erreurs de plume ou petites imprécisions dans le jugement du TAPI ne sont pas déterminantes pour l’issue du litige. Il est ainsi exact que la décision querellée ne fait pas mention d’une « reconstruction » du bâtiment.

Il est toutefois exact que la superficie du bâtiment est de 16 m2 et l’agrandissement de 1,6 m2 et non de 26 m2, ce que le département a admis dans ses écritures.

5.             Le recourant se plaint d’une violation de la garantie de la propriété visée à l’art. 24c al. 1 LAT et de la violation du principe de la proportionnalité garanti par l’art. 5 al. 2 Cst.

5.1 La construction litigieuse, située en zone agricole, ne relevant pas d’une exploitation agricole, n’est pas conforme à l’affectation de la zone, ce que l’office de l’urbanisme (ci-après : OU) avait relevé dans son préavis du 19 avril 2021, dans l’analyse de la DD 3______.

Une autorisation pour construction conforme la zone au sens de l’art. 22 al. 2 LAT n’entre donc pas en considération.

Il convient donc d’examiner si les conditions de dérogation pour des constructions hors de la zone à bâtir sont réalisées.

5.2 Aux termes de l’art. 24c LAT, hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l’affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise (al. 1). L’autorité compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou transformés légalement (al. 2). Dans tous les cas, les exigences majeures de l’aménagement du territoire doivent être remplies (al. 5).

5.3 Les objets qui peuvent bénéficier de la garantie de la situation acquise en zone agricole concernent trois périodes successives : (1) ceux qui sont construits avant le 1er juillet 1972, à savoir la date d’entrée en vigueur de l’ancienne législation sur la protection des eaux contre la pollution qui établissait la première séparation officielle entre les secteurs constructibles et non-constructibles ; (2) les ouvrages construits jusqu’au 1er janvier 1980, date d’entrée en vigueur de la LAT ; (3) les ouvrages construits depuis lors. Lors de chacune de ces périodes, les règles applicables à la zone agricole ont été modifiées ; ne bénéficient de la garantie de la situation acquise que les ouvrages qui à chaque fois ont été érigés dans le respect des prescriptions du moment. Les constructions illicites sont donc soustraites à toute garantie, même si un rétablissement de l’état conforme au droit n’a jamais pu être effectué pour des raisons de proportionnalité, de prescription ou de préemption, même si dite construction a été détruite volontairement ou par accident et même si le registre foncier ne fait pas état de la situation (Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit public de la construction, 2024, n. 465).

L’art. 24c LAT appréhende aussi le changement d’affectation partielle, à savoir l’utilisation d’une construction à d’autres fins que celles initialement autorisées, mais qui ne diverge pas fondamentalement de l’ancien et qui n’implique pas une destination économique entièrement nouvelle (Jean-Baptiste ZUFFEREY, op. cit, n° 465).

5.4 L’art. 42 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) complète l’art. 24c LAT. Selon l’art. 42 al. 1 OAT, une transformation est considérée comme partielle et un agrandissement est considéré comme mesuré lorsque l’identité de la construction ou de l’installation et de ses abords est respectée pour l’essentiel. Sont admises les améliorations de nature esthétique. L’al. 2 de l’art. 42 OAT dispose que le moment déterminant pour l’appréciation du respect de l’identité est l’état de la construction ou de l’installation au moment de l’attribution du bien-fonds à un territoire non constructible.

En vertu de l’art. 42 al. 3 OAT, la question de savoir si l’identité de la construction ou de l’installation est respectée pour l’essentiel est à examiner en fonction de l’ensemble des circonstances. Les règles suivantes doivent en tout cas être respectées : a) à l’intérieur du volume bâti existant, la surface brute de plancher imputable ne peut pas être agrandie de plus de 60 %, la pose d’une isolation extérieure étant considérée comme un agrandissement à l’intérieur du volume bâti existant ; b) un agrandissement peut être réalisé à l’extérieur du volume bâti existant si les conditions de l’art. 24c al. 4 LAT sont remplies ; l’agrandissement total ne peut alors excéder ni 30% ni 100 m2, qu’il s’agisse de la surface brute de plancher imputable ou de la surface totale (somme de la surface brute de plancher imputable et des surfaces brutes annexes) ; les agrandissements effectués à l’intérieur du volume bâti existant ne comptent que pour moitié ; c) les travaux de transformation ne doivent pas permettre une modification importante de l’utilisation de bâtiments habités initialement de manière temporaire.

5.5 Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour que l’identité de la construction soit respectée au sens de l’art. 42 al. 3 OAT, il faut que son volume, son aspect extérieur et sa destination restent largement identiques et que ne soit générée aucune incidence nouvelle accrue sur l’affectation de la zone, l’équipement et l’environnement ; les transformations doivent être d’importance réduite par rapport à l’état existant de la construction (ATF 132 II 21 consid. 7.1.1 ; 127 II 215 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_491/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.2). Il n’est pas exigé que l’ancien et le nouveau soient tout à fait semblables ; l’identité se réfère aux traits essentiels de la construction, c’est-à-dire dans toutes ses caractéristiques importantes du point de vue de l’aménagement du territoire (arrêts du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 5.2 ; 1C_312/2016 du 3 avril 2017 consid. 3.1). Si la condition de l’identité du bâtiment n’est pas respectée, on est en présence d’une transformation totale et l’octroi d’une autorisation dérogatoire fondée sur l’art. 24c LAT n’entre pas en considération (arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 précité consid. 5.2).

Selon la directive ARE 2007, la condition du respect de l’identité, posée à l’art. 42 al. 1 et 3 OAT, s’examine à la lumière de l’agrandissement de la surface utilisée, des modifications du volume construit, des changements d’affectation et des transformations à l’intérieur du volume construit, des modifications de l’aspect extérieur, des extensions des équipements, mais aussi des améliorations du confort et des frais de transformation engagés par rapport à la valeur du bâtiment (point 3.1, p. 8).

5.6 Selon l’art. 27C de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), lequel traite des « Constructions et installations existantes sises hors de la zone à bâtir et devenues non conformes à l’affectation de la zone », le département peut autoriser la rénovation, la transformation partielle, l’agrandissement mesuré ou la reconstruction de constructions ou installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l’époque, mais qui sont devenues contraires à l’affectation de la zone à la suite d’une modification de la législation ou des plans d’affectation du sol, dans les limites des art. 24c et 37a LAT et 41 à 43 OAT et aux conditions fixées par ces dispositions (al. 1). Les constructions visées à l’art. 43 OAT sont régies par les normes de la 4e zone. Les autres constructions existantes sont régies par les normes de la 5e zone (al. 2).

5.7 À teneur de l’art. 18a LAT, entré en vigueur au 1er mai 2014, dans les zones à bâtir et les zones agricoles, les installations solaires suffisamment adaptées aux toits ne nécessitent pas d’autorisation selon l’art. 22 al. 1 LAT. De tels projets doivent être simplement annoncés à l’autorité compétente (al. 1). Le droit cantonal peut désigner des types déterminés de zones à bâtir où l’aspect esthétique est mineur, dans lesquels d’autres installations solaires peuvent aussi être dispensées d’autorisation (al. 2 let. a), prévoir une obligation d’autorisation dans des types précisément définis de zones à protéger (al. 2 let. b). Les installations solaires sur des biens culturels ou dans des sites naturels d’importance cantonale ou nationale sont toujours soumises à une autorisation de construire. Elles ne doivent pas porter d’atteinte majeure à ces biens ou sites (al. 3). Pour le reste, l’intérêt à l’utilisation de l’énergie solaire sur des constructions existantes ou nouvelles l’emporte en principe sur les aspects esthétiques (al. 4).

5.8 Garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., le principe de la proportionnalité se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

5.9 En l’espèce, il n’est pas contesté qu’une autorisation de construire DD 1______ a été délivrée en 1967. Si le dossier a été détruit, le document récapitulant l’historique du projet a été produit. Il en ressort qu’une demande a été déposée le 4 novembre 1966, refusée par décision du 6 janvier 1967 puis acceptée le 31 janvier 1967. Il est douteux qu’elle ait été « complémentaire » comme le soutient l’architecte du recourant dans sa réponse au préavis du 29 novembre 2021, probablement au seul motif que le tampon humide est apposé à côté de cet adjectif. Cet élément est toutefois sans incidence, l’existence de l’autorisation étant établie.

Il ressort des photos qu’un bâtiment carré existait sur la parcelle le 6 juin 1967. Parmi les préavis récoltés dans le cadre de la DD 3______, la Direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a préavisé défavorablement le projet soumis le 28 février 2022. Elle a toutefois relevé que « l’agrandissement mesuré du cabanon à outils, tel que prévu dans le projet, pourrait être préavisé favorablement en application de l’art. 27C LaLAT ». Cette position a aussi été adoptée par l’OU dans son préavis du 31 janvier 2022. De même, l’office cantonal de l’agriculture (ci-après : OCAN) a précisé, le 9 novembre 2021, que si le propriétaire fournissait une preuve que le bâtiment était au bénéfice d’une autorisation de construire datant d’avant 1972, son agrandissement, la pose des panneaux solaires, la construction d’un mur de soutènement ainsi que l’installation de la coursive d’accès pourrait alors être autorisé, sous réserve d’être dans la limite des quotas.

La seule pièce du dossier de 1967 ayant subsisté témoigne du fait que la construction devait servir de « réduit à outils ». Il n’est pas contesté que ledit bâtiment a une surface de 16 m². Les parties s’accordent sur le fait qu’auraient été ajoutés, 1,6 m2 de surface au bâtiment, et, à l’intérieur, un poêle à bois, une « cuisine » selon le département, qualifiée par le recourant de « kitchenette amovible » et, sur le toit, des panneaux solaires. Au vu des photos produites, l’intérieur de la construction contient une table, un tabouret, un frigo, un évier, et quelques rangements. Même à considérer que l’usage n’en soit pas à strictement parler un « réduit à outils » l’utilisation du bâtiment notamment aux fins de jardinage, est similaire, voire ne diverge pas fondamentalement de ce qui avait été autorisé en 1967 et peut bénéficier de la garantie de la situation acquise.

L’agrandissement de la construction autorisée en 1967 porte sur 1.6 m² soit 10 % de sa surface. Sous réserve de cette augmentation de la surface, l’implantation, l’occupation et l’orientation sur la parcelle n’ont pas été modifiées. Le bâtiment n’a pas fait l’objet d’une déconstruction/reconstruction. Les inspecteurs de l’autorité intimée qui se sont déplacés n’ont pas allégué que les fondations du bâtiment auraient été modifiées. Dans ces conditions, l’identité du bâtiment reste identique et l’augmentation, de 1,6 m2, apparaît acceptable au sens de l’art. 42 al. 3 let. b OAT, ce que les préavis de l’OU, de l’OCAN et de la DAC ne contredisent pas.

Enfin, la pose de panneaux photovoltaïques, est autorisable en application de l’art. 18a LAT, ce que tant l’OU que l’OCAN ont évoqué dans leurs préavis respectifs des 31 janvier 2022 et 9 novembre 2021.

En conséquence, en exigeant la suppression et l’évacuation complète du bâtiment cadastré n° 4______ comportant les panneaux photovoltaïques, le département a violé les principes de la garantie de la propriété visée à l’art. 24c al. 1 LAT et de la proportionnalité.

Le recours sera en conséquence admis sur ce point.

Les autres points (nos 2 à 14) de la décision n’étant plus contestés, ils seront confirmés.

6.             Le recourant conteste le bien-fondé de l’amende.

6.1 Aux termes de l’art. 137 LCI, est passible d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la LCI, aux règlements et aux arrêtés édictés en vertu de ladite loi, ainsi qu’aux ordres donnés par le département dans les limites de la LCI et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (al. 1). Le montant maximum de l’amende est de CHF 20'000.- lorsqu’une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 2). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l’amende, du degré de gravité de l’infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l’établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d’une attestation, au sens de l’art. 7 LCI, non conforme à la réalité (al. 3). La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par 7 ans (al. 5).

6.2 Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/159/2021 du 9 février 2021 consid. 7b).

6.3 En vertu de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006
(LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s’appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 consid. 5c et les références citées).

6.4 Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence. Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/440/2019 précité consid. 5c et les références citées).

6.5 L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/440/2019 précité consid. 5c et les références citées).

6.6 En l’espèce, le litige porte sur le bien-fondé de l’amende prononcée le 22 juillet 2022. Le recourant ne développe pas, dans son recours, d’argumentation spécifique à l’encontre du bien-fondé de l’amende. Ses écritures portent sur le maintien du bâtiment. Dès lors qu’il ne conteste plus les points nos 2 à 14 de la décision, soit que différentes installations doivent être démolies, l’amende est fondée dans son principe.

7.             Le recourant conteste la quotité de l’amende.

7.1 La jurisprudence de la chambre de céans précise que le département jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour en fixer le montant. La chambre administrative ne la censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/159/2021 du 9 février 2021 consid. 8a et les arrêts cités).

7.2 Le montant de l’amende, de CHF 1'500.-, se situe sur le bas de la fourchette autorisée par la loi, à savoir dans le cas présent un plafond de CHF 150'000.-, compte tenu des quatorze points recensés dans la décision querellée.

La faute du recourant sans être importante n’est pas légère. Il aurait dû savoir que les différentes installations listées sur la décision litigieuse n’étaient pas autorisées et ne peut se prévaloir, en droit administratif, du silence du vendeur sur cette question.

Le montant de l’amende est apte à atteindre le but d’intérêt public poursuivi soit le respect des règles établies en matière d’aménagement du territoire et des constructions.

Il est également nécessaire, car il n’y a pas de sanction moins incisive permettant d’atteindre le même but.

S’agissant de la proportionnalité au sens étroit, l’admission partielle du présent recours conformément aux considérants qui précèdent implique que le recourant ne saurait être sanctionné au motif que le bâtiment serait illicite. Cette seule admission partielle implique une réduction du montant de l’amende. S’agissant d’un point sur quatorze, mais de la construction la plus importante, une réduction du montant de l’amende à hauteur de 1/14 apparaît insuffisante.

Toutefois, les autres installations consistent aussi en constructions notamment la terrasse en bois avec balustrade (n° 2), les clôtures, portail et palissades (n° 4), la rampe d’accès avec dallage et garde-corps empiétant sur le domaine public cantonal (n° 5), deux murets en gabion avec jardinières (n° 7), la pergola en bois d’environ 15 m² (n° 9), un muret en pierres (n° 12) à quoi s’ajoutent des places de stationnement préfabriquées (n° 3) et de zones gravillonnées (nos 8 et 10), la première zone d’environ 16 m² devant le bâtiment, avec escalier à l’est de celui-ci.

Au vu du nombre de constructions durables construites de façon illicite sur le terrain mais aussi du fait que le recourant ne conteste plus devoir les détruire, l’amende sera réduite à CHF 1'000.-, montant qui reste proportionné aussi au sens étroit au vu des constructions qui doivent être détruites, de la zone concernée et du fait accompli devant lequel le département a été mis.

Enfin, le recourant ne fait pas valoir qu’une telle sanction l’exposerait à une situation financière difficile.

Le recours sera partiellement admis, le point no 2 du dispositif du jugement, qui rejette le recours, sera annulé à l’instar du point n° 1 de la décision du 22 juillet 2022 du département, afin de permettre le maintien du bâtiment, extension de 1.6 m2 comprise et des panneaux photovoltaïques, et l’amende diminuée à CHF 1'000.‑. La décision et le jugement seront confirmés pour le surplus.

8.             Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée au recourant qui y a conclu (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er novembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 septembre 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le point 2 du jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 septembre 2023 ;

annule le point 1 de la décision du département du territoire du 22 juillet 2022 ;

réduit l’amende à CHF 1'000.- ;

confirme le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 septembre 2023 et la décision du 22 juillet 2022 pour le surplus ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 800.- à A______, à la charge du département du territoire ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre BANNA, avocat du recourant, au département du territoire – OAC, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :