Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3278/2023

ATA/336/2024 du 05.03.2024 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3278/2023-AIDSO ATA/336/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 mars 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1978, a bénéficié de prestations d’aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) depuis le 1er mai 2023. Au 31 octobre 2023, elle avait perçu au total CHF 24'442.25.

b. Elle a signé le 11 avril 2023 le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général ».

c. Dans sa demande de prestations d’aide financière du 13 avril 2023, elle a indiqué : que son mari vivait à B______ ______ à C______ en Italie ; qu’elle exerçait une activité indépendante ne lui procurant aucun bénéfice ; qu’elle était propriétaire d’un bien immobilier à l’étranger ; qu’elle possédait un compte à l’UBS et un compte à la BCGe ; qu’elle n’avait pas d’assurance-vie et n’avait ni dettes ni poursuites.

d. Le même jour, elle a expliqué à son assistante sociale que son activité indépendante sous l’enseigne « E______ » ne lui procurait pas des revenus suffisants et qu’elle avait besoin d’une aide financière pour elle et son fils F______, né le ______ 2013. Elle était copropriétaire avec son mari d’un bien immobilier situé en Italie et occupé par celui-ci depuis son départ de Suisse en avril 2019. Son mari n’avait pas les moyens de contribuer à son entretien et elle n’avait pas agi contre lui à ces fins. L’assistante sociale lui a indiqué les conditions de l’aide financière exceptionnelle en faveur des indépendants. Ces conditions lui ont été rappelées par courrier du 24 avril 2023.

e. Le 22 mai 2023, l’assistante sociale lui a expliqué qu’en raison de sa propriété sur un bien immobilier, elle n’avait pas droit à l’aide financière ordinaire, et l’a invitée à lui remettre sans délai un document officiel mentionnant la valeur de son bien, qui permettrait de déterminer si elle remplissait les conditions d’une aide financière remboursable limitée dans le temps.

f. A______ a produit l’avis de taxation immobilier extrait de son avis de taxation 2021, dont il ressortait qu’elle était propriétaire pour moitié d’un bien immobilier B______ ______ à C______ en Italie, d’une valeur fiscale de CHF 266'280.‑.

g. Le 23 mai 2023, l’assistante sociale lui a rappelé le caractère remboursable de l’aide financière aux propriétaires d’immeubles ne leur servant pas de demeure personnelle et le caractère subsidiaire de l’aide sociale par rapport aux prestations du droit de la famille.

h. Le même jour, A______ a indiqué qu’elle fournirait d’autres documents si nécessaire et que son mari n’avait pas les moyens de leur verser une contribution d’entretien à elle et son fils. Elle n’aurait aucun problème pour rembourser l’aide financière, qui lui était indispensable.

i. Par décision du 23 mai 2023, le centre d’action sociale (ci-après : CAS) G______ a arrêté les modalités de l’aide financière exceptionnelle en faveur d’une personne propriétaire d’un bien immobilier ne lui servant pas de demeure permanente.

Elle n’avait pas droit à une aide financière ordinaire. Une aide financière exceptionnelle, remboursable et limitée dans le temps, pourrait lui être accordée si elle engageait immédiatement les démarches pour réaliser son bien immobilier. La durée de l’aide serait limitée à trois mois, renouvelables si elle apportait la preuve des démarches réclamées. La signature d’une reconnaissance de dettes lui serait demandée. Le remboursement de l’aide lui serait réclamé ultérieurement. Elle était invitée à remettre dans les trois mois, sous peine de cessation de l’aide et de demande de remboursement de l’aide versée, tout document attestant de sa propriété sur le bien immobilier, de la valeur de celui-ci.

j. Le 16 juin 2023, le CAS l’a informée que l’aide financière remboursable était prolongée jusqu’au 31 octobre 2023 à la condition qu’elle signe une reconnaissance de dette. Elle était invitée à expliquer pourquoi elle ne pouvait « récupérer » sa part du bien en copropriété.

k. Le même jour, A______ a indiqué qu’elle signerait la reconnaissance de dette et qu’il lui fallait du temps pour entreprendre les démarches.

l. Le 20 juin 2023, elle a formé opposition contre la décision du 23 mai 2023.

Son mari avait quitté la Suisse le 30 avril 2019 et vivait dans la maison dont elle et lui étaient copropriétaires. Le bien avait été déclaré à l’administration fiscale. Depuis sa séparation définitive d’avec son mari, celui-ci payait seul tous les frais liés à la maison, représentant EUR 800.- par mois, soit EUR 200.- pour les charges et EUR 600.- pour l’hypothèque. Son mari prendrait sa retraite en septembre 2023, il travaillait sur appel et n’avait pas de salaire fixe. Il s’opposait à la vente de la maison au motif qu’il y vivait, en assumait toutes les charges et accueillait leur fils durant toutes ses vacances dans le cadre de son droit de visite. Elle n’avait pas les moyens de se rendre en Italie pour effectuer les démarches nécessaires à la vente. Elle concentrait tous ses efforts pour réaliser un revenu avec son activité indépendante et cherchait un emploi salarié.

m. Par décision du 14 septembre 2023, l’hospice a rejeté l’opposition.

Malgré plusieurs demandes, elle n’avait produit aucun document sur la forme juridique du bien immobilier. Rien ne s’opposait à ce qu’elle vende sa part de copropriété sans le consentement de son mari, sous réserve d’un droit de préemption. Le sort de la maison pourrait également être tranché dans le cadre d’une procédure qu’elle devrait introduire contre son mari pour obtenir une contribution alimentaire pour leur fils, voire pour elle-même.

La décision attaquée était fondée. Dans un premier temps, elle devrait produire tous les documents relatifs à la maison qui lui avaient déjà été réclamés à plusieurs reprises. Elle devrait apporter régulièrement la preuve des démarches en cours.

B. a. Par acte remis à la poste le 10 octobre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation, à ce qu’il soit constaté qu’elle était nu-propriétaire du bien immobilier car celui-ci était occupé de façon permanente par son mari et à ce que soit ordonnée la continuation de l’aide sociale durant la période difficile qu’elle traversait.

Elle avait été licenciée le 30 mars 2021. Elle n’avait pas retrouvé d’emploi durant le délai cadre de chômage. Elle avait investi tout son deuxième pilier dans la création de sa propre entreprise, laquelle ne lui permettait toujours pas de dégager un salaire et de subvenir aux dépenses courantes.

Son objectif n’était pas de rester au bénéfice de l’aide sociale. Elle était à Genève depuis 2014 et avait toujours travaillé. Elle y vivait seule avec son fils âgé de 10 ans. Sans aide immédiate dès octobre 2023, elle n’aurait plus les moyens de payer son loyer et nourrir son fils.

Elle était considérée comme nu-propriétaire du bien immobilier qui se trouvait en Italie, occupé en permanence par son mari, lequel s’opposait à sa vente, n’était pas en mesure de lui racheter sa part et n’avait pas les moyens de trouver une autre résidence.

b. Le 10 novembre 2023, l’hospice a conclu au rejet du recours.

La recourante bénéficiait – le délai au 31 octobre 2023 ayant été prolongé au 31 janvier 2024 – d’une aide financière exceptionnelle à deux titres : en tant que propriétaire d’un bien immobilier et en tant que personne exerçant une activité indépendante. L’éventuelle poursuite de cette aide devrait remplir les conditions prévues pour chacune des situations. Or elle ne voulait pas vendre sa part de copropriété. Elle était copropriétaire, voire seule propriétaire et avait probablement obtenu un crédit de H______ garanti par une assurance-vie auprès d’I______. Les arguments invoqués par son mari, soit vivre auprès de sa mère centenaire, accueillir leur fils durant les vacances scolaires, éprouver des difficultés financières à louer un autre appartement, constituaient des motifs de convenance personnelle. Rien ne s’opposait à ce qu’elle vende sa part de copropriété même sans l’accord de son mari ou que le sort de celle-ci soit tranché dans une procédure matrimoniale. Il lui appartenait de se soumettre aux conditions posées, de faire diligence pour produire les documents requis et de prouver régulièrement l’avancement de ses démarches.

c. La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti au 15 décembre 2023.

d. Le 10 janvier 2024, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé des conditions à l’octroi d’une aide financière remboursable et limitée, et en particulier sur la production de la documentation apte à établir le régime de propriété et la valeur de l’immeuble et de la preuve que les démarches nécessaires à la vente de la part de propriété de la recourante ont été immédiatement engagées.

2.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d’espèce.

2.2 Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Le droit constitutionnel fédéral ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d'existence ; il appartient ainsi au législateur fédéral, cantonal et communal d'adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de l'art. 12 Cst., mais qui peuvent aller au-delà (arrêts du Tribunal fédéral 2P.318/2004 du 18 mars 2005 consid. 3 ; 2P.115/2001 du 11 septembre 2001 consid. 2a ; ATA/790/2019 du 16 avril 2019 et les références citées). L'art. 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) reprend ce principe : « toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle ».

2.3 En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI -
J 4 04.01) mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

La LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont elle a la charge a droit à des prestations d’aide financière. Ces dernières sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI) et leurs bénéficiaires doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels l'aide financière est subsidiaire (art. 9 al. 2 LIASI ; ATA/790/2019 précité et les références citées). Elles ne sont pas remboursables, sous réserve notamment de leur perception indue (art. 8 al. 1 et 2 LIASI).

2.4 Ont droit à des prestations d'aide financière prévues par la présente loi les personnes qui : a) ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire de la République et canton de Genève, b) ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien et c) répondent aux autres conditions de la LIASI (art. 11 al. 1 LIASI).

2.5 Les prestations d'aide financière sont accordées aux personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État (art. 21 al. 1 LIASI). L'art. 1 al. 1 let. a RIASI prévoit ainsi que les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d'aide financière sont de CHF 4'000.- pour une personne seule majeure.

Dès lors que la valeur d'un immeuble dépasse pratiquement toujours les limites de fortune fixées à l'art. 1 al. 1 RIASI, une personne propriétaire d'un immeuble n'aura pratiquement jamais droit à des prestations d'aide financière (ATF 146 I 1 consid. 6.4 ; ATA/433/2023 p. 12).

2.6 L'art. 12 al. 2 LIASI prévoit toutefois qu'exceptionnellement une aide financière peut être accordée à une personne propriétaire d'un bien immobilier, si ce bien lui sert de demeure permanente. Dans ce cas, l'aide financière accordée est remboursable, l'immeuble pouvant être grevé d'une hypothèque au profit de l'hospice. L'hospice demande le remboursement de ces prestations dès que le bénéficiaire ne remplit plus les conditions du besoin (art. 39 al. 2 LIASI).

La volonté du législateur était d’offrir l’aide de l’hospice à une personne propriétaire de son logement pour éviter que celle-ci soit obligée de réaliser son bien et qu’elle se retrouve sans toit, à certaines conditions notamment que ledit logement constitue sa demeure permanente (MGC 2006-2007/V A - Séance 25 du 23 février 2007 ; ATA/10/2020 du 7 janvier 2020 consid. 2f et les références citées).

2.7 L'art. 9 al. 3 LIASI dispose qu'exceptionnellement, les prestations d'aide financière peuvent être accordées à titre d'avance sur prestations sociales ou d'assurances sociales (let. a), dans l'attente, notamment, de la liquidation d'une succession, du versement d'un capital pour cause de décès par la prévoyance professionnelle ou par une assurance-vie (let. b) ou dans l'attente de la liquidation du régime matrimonial ou du régime des biens des partenaires enregistrés (let. c). Dans ces différents cas, les prestations d'aide financière accordées sont remboursables (art. 37 et 38 LIASI).

2.8 Le Tribunal fédéral reconnaît les normes de la Conférence suisse des institutions d’action sociale (ci-après : CSIAS) relatives à la conception et au calcul de l’aide sociale. Il s’agit de recommandations à l’intention des autorités sociales des cantons, des communes, de la Confédération et des institutions sociales privées, non contraignantes mais contribuant à harmoniser la notion de besoin dans l’aide sociale (ATF 146 I 1 consid. 5.2). Élaborées en collaboration avec les cantons, les communes, les villes et les organismes d’aide sociale privée, approuvées par la Conférence suisse des directeurs cantonaux des affaires sociales (ci-après : CDAS) et régulièrement révisées, les normes CSIAS visent à garantir la sécurité juridique et l’égalité de droit (site internet de la CSIAS in : https://skos.ch/fr/les-normes-csias/origine-et-signification, consulté en avril 2023).

Selon la norme CSIAS D.3.1, dans sa version du 1er janvier 2021, accessible sur le site Internet précité de la CSIAS, font partie de la fortune tous les biens sur lesquels une personne demandant une aide a un droit de propriété. Le besoin d’aide est évalué sur la base des biens effectivement disponibles ou réalisables à court terme (al. 1). Certains biens peuvent ne pas être pris en compte lorsque (al. 2) : une rigueur excessive en résulterait pour les bénéficiaires de l’aide ou leurs proches (let. a), l’utilisation ne serait pas rentable (let. b) ; ou la vente d’objets de valeur ne serait pas raisonnablement exigible pour d’autres raisons (let. c). Un délai approprié doit être accordé pour la vente des actifs réalisables. Si nécessaire, une aide financière est accordée dans l’intervalle (al. 3).

Le commentaire CSIAS de la norme D.3.1 (point c) concernant les biens non réalisables à court terme, comme en cas de copropriété dans une hoirie ou de propriété immobilière, précise qu’il est possible que des personnes demandant une aide possèdent des biens qui doivent être pris en compte et dont la valeur dépasse le montant de la franchise, mais que la réalisation de tels biens peut s’avérer impossible à court terme. Dans de tels cas, malgré la présence d’une fortune, une situation de détresse peut survenir faute de liquidités. Les besoins de base seront alors couverts à titre d’avance. Un délai approprié sera fixé pour la vente des biens en question. De même, le remboursement de prestations d’aide consenties à titre d’avances devra être assuré.

La norme CSIAS D.3.2, dans sa version du 1er janvier 2021, relative à la propriété immobilière dispose que les biens immobiliers en Suisse et à l’étranger font partie de la fortune. Ils sont pris en compte dans l’examen des conditions d’octroi. Il n’existe aucun droit à leur conservation (al. 1). Il est possible de renoncer à la vente d’un bien immobilier dans quatre cas de figure (al. 2), lorsqu’un bien immobilier est occupé par la personne bénéficiaire qui peut y loger aux conditions du marché ou à des conditions plus avantageuses encore (let. a), lorsque l’aide sera vraisemblablement de courte ou de moyenne durée (let. b), lorsque l’aide est d’un montant relativement faible (let. c) ou lorsque le produit de la vente s’avère trop peu élevé en raison des conditions du marché (let. d). Lorsqu’on renonce à la réalisation du bien, des mesures appropriées doivent être prises pour garantir le remboursement (al. 3).

À titre d’aide pratique, la commission Questions juridiques de la CSIAS a élaboré une notice intitulée « Biens immobiliers en Suisse et à l’étranger », accessible sur le site Internet précité. Il s’agit de recommandations en matière de biens immobiliers, qui entre autres mentionnent les principes en matière de propriété de tels biens (par ex. subsidiarité, proportionnalité, soutien pendant la réalisation, détermination de la valeur, y compris de biens immobiliers situés à l’étranger, détermination du régime de propriété à l’étranger, possibilités de réalisation) et présentent les possibilités de procéder en cas de propriété immobilière (aliénation, mise en location, hypothèque de sûreté). Il y est notamment mentionné une liste de circonstances pouvant parler en faveur d'une exception et entraîner un examen plus approfondi de la proportionnalité (p. 5), notamment le fait que des membres de la famille vivent en permanence dans l'immeuble concerné ou encore qu'en raison d'une demande insuffisante du marché, le produit de l'aliénation serait dérisoire.

2.9 Le Tribunal fédéral a admis qu’une administrée propriétaire commune d’un bien immobilier par succession et qui avait saisi avec l’une de ses sœurs le juge civil d’une action en partage successoral contre une autre sœur entrait dans les hypothèses de l’art. 9 al. 3 LIASI et pouvait bénéficier d’une aide financière à titre d’avance (ATF 141 I 1 précité consid. 9.2).

2.10 L’art. 11 al. 4 let. d LIASI prévoit que le Conseil d’Etat fixe par règlement les conditions d’une aide financière exceptionnelle, qui peut être inférieure à l'aide financière ordinaire et/ou limitée dans le temps, en faveur notamment des personnes exerçant une activité lucrative indépendante, qui n'ont pas droit aux prestations ordinaires prévues par l'art. 2 let. b LIASI.

Selon l’art. 16 RIASI, peut être mise au bénéfice de prestations d’aide financière ordinaire, à l’exception des prestations à caractère incitatif, la personne qui exerce une activité lucrative indépendante (al. 1). L’aide financière est accordée pendant une durée maximale de 6 mois. En cas d’incapacité de travail du bénéficiaire, les prestations peuvent être accordées pendant une durée maximale de neuf mois. Il n'est pas tenu compte d'éventuelles prestations d'aide financière touchées avant 2022 (al. 2).

2.11 Le demandeur doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière (art. 32 al. 1 LIASI). La LIASI impose ainsi un devoir de collaboration et de renseignement. Le bénéficiaire doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1446/2019 du 1er octobre 2019 consid. 5a). Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu'il donne immédiatement et spontanément à l'hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l'établissement de sa situation économique (ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

2.12 En l’espèce, la recourante affirme, sans toutefois le documenter, qu’elle est copropriétaire d’un appartement à C______ dont la valeur fiscale déclarée à Genève est de CHF 266'280.‑. Il est par ailleurs établi qu’elle ne l’utilise pas comme logement permanent et n’y a pas son domicile.

Sur la base de ces éléments, l’hospice était fondé à exiger qu’elle entreprenne et documente sans délai les démarches pour vendre sa part de copropriété et documente le régime de propriété et la valeur vénale de l’appartement.

La recourante objecte que son mari ne souhaiterait pas vendre l’appartement. Elle n’établit cependant pas qu’elle ne pourrait vendre sa propre part à tout le moins à son mari, ni que celui-ci ne pourrait la lui racheter à sa valeur nette en augmentant par exemple l’hypothèque sur l’appartement. Les autres arguments invoqués ne peuvent être pris en compte : même s’il devait déménager, le mari de la recourante pourrait continuer d’accueillir leur fils et de voir sa propre mère.

L’hospice observe à juste titre que la recourante pourrait également assigner son mari en paiement de l’entretien pour elle et leur fils, l’aide sociale étant subsidiaire à la créance en entretien du droit de la famille. La recourante soutient que son mari serait dépourvu de revenus. Elle ne le documente toutefois pas. En outre, la situation financière de son mari serait établie dans le cadre de la procédure en paiement de l’entretien.

La fixation par l’hospice de ces conditions à l’octroi d’une aide financière remboursable et limitée apparaît ainsi conforme à la loi et au principe de proportionnalité. En effet, dès lors que la recourante ne remplit pas les conditions d’octroi d’une aide, étant propriétaire d’un bien immobilier, l’hospice était fondé à limiter ses prestations à une aide exceptionnelle, limitée dans le temps et à la conditionner à la vente du bien immobilier, à la documentation de sa valeur et des démarches entreprises ainsi qu’à l’engagement de la rembourser après perception du produit de la vente.

Il sera encore relevé que l’hospice, tenant compte de la situation de la recourante, a accepté de prolonger d’octobre 2023 à janvier 2024 la durée de l’octroi d’une aide extraordinaire.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. Il n’y a pas lieu à l’allocation d’une indemnité de procédure, vu l’issue du litige (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 octobre 2023 par A______ contre la décision de l’Hospice général du 14 septembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :