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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4122/2021

ATA/243/2024 du 27.02.2024 sur ATA/487/2022 ( AMENAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4122/2021-AMENAG ATA/243/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 février 2024

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Mattia DEBERTI, avocat

contre

COMMISSION FONCIÈRE AGRICOLE intimée

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 mai 2022 (ATA/487/2022)


EN FAIT

A. a. Par arrêt du 10 mai 2022, la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) a rejeté le recours du 3 décembre 2021 de A______ et B______ (ATA/487/2022) contre la décision du 12 octobre 2021 de la commission foncière agricole (ci-après : CFA) refusant leur requête de constitution d’une servitude de jardin sur la parcelle no 13'490 de la commune de C______. Une telle constitution revenait à contourner les refus de morcellement respectivement de soustraction au droit foncier rural de la parcelle litigieuse prononcés antérieurement par les autorités compétentes. 

b. Par arrêt du 12 janvier 2024, le Tribunal fédéral a admis le recours de A______ et B______, annulé l’arrêt précité et a renvoyé la cause à la chambre administrative afin qu’elle complète les faits s’agissant de la portée de la servitude d’usage du jardin et rende une nouvelle décision quant à la soumission de la constitution de cette servitude à autorisation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_483/2022).

L’arrêt attaqué ne traitait pas du point de savoir si la constitution de la servitude en cause tombait sous le coup de l’art. 61 al. 3 de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11). Il en allait de même de la décision du 12 octobre 2021 de la CFA qui n’avait pas examiné ce point, alors que les recourants avaient déposé une demande d’autorisation de constitution de servitude. Or, avant de décider si la constitution de la servitude en cause pouvait être autorisée, il s’agissait d’analyser si cette constitution était soumise à autorisation, c’est-à-dire si elle représentait un acte juridique équivalant économiquement à un transfert de la propriété au sens de l’art. 61 al. 3 LDFR. Ce n’était qu’en cas de réponse positive que cette opération nécessitait l’obtention d’une autorisation en application de l’art. 61 al. 1 LDFR. Si aucune autorisation n’était requise, la servitude pouvait sans autre être inscrite au registre foncier. La subsomption développée dans l’arrêt attaqué, affirmant que la constitution d’une servitude représentait une fraude à la loi dans la mesure où elle équivalait à une division de la parcelle concernée, qui avait déjà été refusée par décision du 14 janvier 2021 de l’office de l’agriculture, nécessitait donc une première analyse qui avait été omise. Les faits de l’arrêt entrepris ne contenaient aucune précision concernant la servitude faisant l’objet du litige et du contrat y relatif. Il n’était donc pas possible de juger dans quelle mesure celle-ci restreignait le propriétaire foncier dans ses droits et si elle avait les mêmes effets économiques qu’une aliénation.  

L’on pouvait se demander si la constitution d’une servitude telle que celle en cause était compatible avec l’autorisation que B______ avait dû obtenir comme préalable à l’achat du bien-fonds agricole en 2021. En effet, pour se voir octroyer une telle autorisation, l’intéressé, agriculteur, devait, sous réserve des exceptions mentionnées à l’art. 64 LDFR, démontrer sa qualité d’exploitant à titre personnel et s’engager à s’occuper personnellement des terres. La Cour de justice devait en conséquence examiner également si une telle exception avait été retenue au moment de l’octroi de l’autorisation d’acquérir et donc, le cas échéant, si l’obligation de s’occuper soi‑même du bien-fonds acquis était conciliable avec la constitution d’une servitude qui, d’après le plan de servitude du 16 juillet 2021, s’étendait sur environ 1/5e de la parcelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_483/2022 précité consid. 3.2). 

c. Invités à se prononcer suite à l’arrêt du Tribunal fédéral, les deux parties ont conclu à un renvoi de la cause à la CFA.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             La recevabilité du recours a déjà été admise par arrêt de la chambre administrative du 10 mai 2022 (ATA/487/2022) et le présent arrêt fait suite à celui du Tribunal fédéral du 12 janvier 2024 (2C_483/2022).

2.             2.1 En application du principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, l’autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée par celui-ci est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l’arrêt du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n’ont pas été attaquées devant lui ou l’ont été sans succès. La motivation de l’arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_904/2020 du 7 septembre 2020 consid. 1.1 et les références citées).

2.2 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l’autorité établit les faits d’office (art. 19 LPA) sans être limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l’on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d’autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Ce principe n’est toutefois pas absolu ; sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; ATA/533/2023 du 23 mai 2023 consid. 3.2 et l’arrêt cité).

2.3 En l’espèce, le Tribunal fédéral a renvoyé la cause à la chambre de céans afin notamment qu’elle reprenne l’instruction et précise l’état de fait.

Les deux parties s’accordent sur un renvoi de la cause à la CFA afin de compléter l’instruction de la cause.

Il sera ainsi donné suite à cette conclusion commune.

3.             Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée aux recourants qui y ont conclu (art. 87 al. 2 LPA) à la charge de la commission foncière agricole.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 décembre 2021 par A______ et B______ contre la décision de la commission foncière agricole du 12 octobre 2021 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

renvoie la cause à la commission foncière agricole pour complément d’instruction et nouvelle décision ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à A______ et B______, pris solidairement, à la charge de la commission foncière agricole ;

dit que, conformément aux art. 166 al. 2 de la loi fédérale sur l’agriculture du 29 avril 1998 - LAgr - RS 910.1) et 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mattia DEBERTI, avocat des recourants, à la commission foncière agricole, à l’office fédéral de la justice, à l’office fédéral du développement territorial, ainsi qu’à l’office fédéral de l’agriculture.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER, juges, Louis PEILA, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :