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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4110/2023

ATA/102/2024 du 30.01.2024 ( AIDSO ) , REJETE

Recours TF déposé le 11.03.2024, rendu le 15.04.2024, IRRECEVABLE, 8C_169/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4110/2023-AIDSO ATA/102/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 janvier 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1983, de nationalité iranienne, titulaire d’un permis B, travaille en qualité d’interprète pour B______.

b. Le 2 mai 2023, il a déposé une demande de prestation d’aide financière auprès de l’hospice général (ci-après : l’hospice).

c. Le 3 août 2023, l’hospice a refusé de lui allouer des prestations, les documents demandés notamment les 3, 10 puis par courrier du 18 juillet 2023 n’ayant pas été présentés (police d’assurance maladie, contrat de travail, relevés complets des comptes bancaires, attestation du locataire et preuve de paiement d’un loyer, jugement de séparation, notamment), y compris le document « mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » dans la version originale, l’intéressé ayant renvoyé une feuille dont plusieurs paragraphes avaient été supprimés. Son droit ne pouvait pas être évalué.

d. Par décision du 6 octobre 2023, le directeur général de l’hospice a rejeté l’opposition formée par A______ le 18 août 2023 contre la décision précitée.

B. a. A______ souffre de maux dentaires.

b. Le 5 août 2021, C______ a établi un devis de CHF 11’421.05 pour des soins.

c. Le 10 juillet 2023, à la demande de son assistante sociale, A______ a transmis à l’hospice un devis, moins élevé, établi par la clinique D______.

d. Par courrier du 13 juillet 2023, il a mis en demeure l’hospice de lui verser des prestations.

e. En l’absence de réponse à son courrier du 13 juillet 2023 il a renouvelé, le 26 juillet 2023, dans une correspondance remise en main propre, son souhait d’obtenir la confirmation de la prise en charge de ses soins dentaires.

f. Selon le compte rendu de la consultation du 6 août 2023 auprès des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), A______ présentait une douleur à la dent 36 de longue date, en péjoration depuis quelques jours. Il n’y avait pas de signe d’inflammation locale ou d’abcès, ni d’état fébrile.

g. A______ s’est présenté à l’hospice, sans rendez-vous, les 4, 14 septembre et 6 octobre 2023.

C. a. Par courrier déposé le 30 octobre 2023 et adressé au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), transmis par ce dernier, pour raisons de compétence, à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 7 décembre 2023, A______ a déposé plainte contre le centre d’action sociale de E______. Il a conclu au constat d’un déni de justice et à ce que des instructions impératives soient données à l’hospice. Il se plaignait de l’absence de décision sur sa demande de prise en charge de frais dentaires. Depuis le 6 août 2023 il avait développé une dépendance forte au Tramadol en raison des douleurs et de l’absence d’aide financière.

b. L’hospice a conclu au rejet du recours. Il avait refusé d’entrer en matière par décision du 3 août 2023, confirmé par décision sur opposition du 6 octobre 2023. En l’absence de droit à des prestations d’aide financière, l’intéressé ne pouvait prétendre à des prestations circonstancielles, en l’espèce la prise en charge de ses frais dentaires.

Si dans sa situation actuelle, l’intéressé estimait avoir droit à des prestations d’aide financière, il pouvait demander une évaluation de sa situation moyennant une demande de prestations, signée, à laquelle il conviendrait qu’il annexe tous les documents nécessaires. C’était à titre tout à fait exceptionnel et pour faire face à une situation d’urgence que des prestations d’aide financière lui avaient été versées début juillet sans que les documents nécessaires aient été remis à l’hospice.

c. Dans sa réplique, A______ a persisté dans ses critiques de manque de professionnalisme du personnel de l’hospice. Son employeur collaborait avec celui-là depuis plus de 30 ans. L’hospice pouvait donc avoir une idée exacte de son revenu par une simple recherche sur son agenda électronique auquel il avait directement accès. Il détaillait sur dix pages l’historique de ses relations avec l’hospice, reprenant pour partie les faits allégués dans son recours.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté devant la juridiction compétente et non soumis à un délai en raison de l'objet du litige, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA).

2.1 Une autorité qui n’applique pas ou applique d’une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu’elle ferme l’accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATF 135 I 6 consid. 2.1).

En cas de recours contre la seule absence de décision, les conclusions ne peuvent tendre qu’à contraindre l’autorité à statuer (ATA/595/2017 du 23 mai 2017 consid. 6c). En effet, conformément à l’art. 69 al. 4 LPA, si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (ATA/373/2020 du 16 avril 2020 consid. 6a).

2.2 La reconnaissance d’un refus de statuer ne peut être admise que si l’autorité mise en demeure avait le devoir de rendre une décision ou, vu sous un autre angle, si le recourant avait un droit à en obtenir une de sa part (ATF 135 II 60 consid. 3.1.2 ; ATA/7/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3b). Au stade de l’examen de la recevabilité, la chambre de céans doit examiner si la décision dont l’absence est déplorée pourrait faire l’objet d’un recours devant elle au cas où ladite décision avait été prise et si le recourant disposerait de la qualité pour recourir contre elle (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 2d).

3.             Aux termes de l'art. 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

3.1 En droit genevois, la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et le règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l'aide sociale individuelle sont l'accompagnement social, des prestations financières et l'insertion professionnelle (art. 2 LIASI). La personne majeure qui n'est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont elle a la charge a droit à des prestations d'aide financière (art. 8 al. 1 LIASI). Celles-ci ne sont pas remboursables sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (art. 8 al. 2 LIASI). Elles sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

3.2 Les prestations d'aide financière sont accordées aux personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État (art. 21 al. 1 LIASI).

Selon l'art. 21 al. 2 LIASI, font partie des besoins de base le forfait pour l'entretien fixé par règlement du Conseil d'État (let. a), le loyer ainsi que les charges ou, si la demanderesse ou le demandeur est propriétaire de sa demeure permanente, les intérêts hypothécaires, dans les limites fixées par règlement du Conseil d'État (let. b), la prime d'assurance-maladie obligatoire des soins, prise en charge selon les modalités définies aux art. 21A et 21B LIASI (let. c) et les prestations circonstancielles destinées à prendre en charge d'autres frais, définies par règlement du Conseil d'État (let. d).

L'art. 25 LIASI prévoit que peuvent être accordées aux personnes qui, en application des art. 21 à 24 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière, les prestations suivantes : les suppléments d'intégration à titre de prestations à caractère incitatif (let. a) et les autres prestations circonstancielles (let. b). Le Conseil d'État définit par règlement ces prestations et fixe leurs conditions d'octroi.

3.3 Selon l'art. 9 al. 1 RIASI, en application de l'art. 25 al. 1 let. b LIASI, les autres prestations circonstancielles décrites ci-après sont accordées au bénéficiaire de prestations d'aide financière aux conditions cumulatives et dans les limites suivantes : les frais concernent des prestations de tiers reçues durant une période d’aide financière au sens de l’art. 28 LIASI (let. a) et la facture du prestataire ou le décompte de l’assureur relatif à ces frais sont présentés au remboursement dans le délai de trois mois à compter de la date à laquelle ils sont établis (al. 2).

Les soins dentaires de base ou effectués en urgence sont pris en charge sans devis, à concurrence de CHF 500.- (CHF 750.- depuis le 1er janvier 2024) par année civile et par personne, sur présentation des factures. Dans les autres cas, un devis préalable au traitement doit être soumis au dentiste-conseil de l’hospice pour accord avant toute prise en charge (art. 9 al. 4 RIASI).

Selon l’art. 9 al. 4bis RIASI entré en vigueur le 1er janvier 2024, les soins dentaires sont pris en charge par l'hospice dans la mesure où il s’agit d’un traitement simple, économique et adéquat. Ils sont pris en charge sur la base du catalogue de prestations reconnu par les « assurances AA/AM/AI » et à une valeur du point fixée à CHF 1.-.

3.4 En l’espèce, le recourant ne conteste pas que le refus de prestations financières décidé par l’hospice le 3 août 2023 est devenu définitif et exécutoire à la suite de la décision du directeur de l’hospice du 6 octobre 2023 rejetant sa réclamation.

Le courrier déposé le 30 octobre 2023 adressé au TAPI intitulé « plainte/recours contre le centre d’action sociale de E______ » ne fait aucune mention des deux décisions précitées. L’argumentation se concentre sur l’absence de décision de l’hospice sur la problématique dentaire de l’intéressé. Les conclusions portent exclusivement sur un déni de justice. Même à avoir une interprétation large de l’acte de recours, le justiciable invoquant son absence de moyens financiers pour pouvoir bénéficier de l’aide d’un juriste, il n’est pas fait mention de contestation des décisions de refus des prestations financières. Il n’est de même pas nié que l’aide financière allouée par l’autorité intimée l’ait été de façon extraordinaire et ponctuelle au vu de l’urgence de la situation du recourant en juillet 2023. Ce dernier ne démontre pas avoir fourni les nombreux documents demandés par l’autorité intimée. Le courrier du 27 octobre 2023 ne porte en conséquence pas sur la décision sur opposition du 6 octobre 2023.

Le recourant ne remplissant dès lors pas la condition nécessaire des art. 25 al. 1 let. b LIASI et 9 al. 1 RIASI à savoir « être bénéficiaire de prestations d'aide financière », l’autorité intimée n’avait pas à prononcer de décision sur la prise en charge des frais dentaires.

L’autorité intimée a d’ailleurs rappelé dans ses écritures que si, dans sa situation actuelle, l’intéressé estimait avoir droit à des prestations d’aide financière, il pouvait en solliciter une nouvelle évaluation au moyen d’une demande de prestation signée et dûment accompagnée des documents, tel qu’exigé par la loi.

Le recours sera rejeté.

4.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 octobre 2023 par A______ contre l’absence de décision de l’Hospice général ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Gaëlle VAN HOVE, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :