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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/258/2023

ATA/49/2024 du 16.01.2024 sur JTAPI/711/2023 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 23.04.2024, 2D_9/2024
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/258/2023-PE ATA/49/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 janvier 2024

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Jacques EMERY, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2023 (JTAPI/711/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______1977, est ressortissant du Kosovo. Son épouse et ses deux enfants vivent au Kosovo.

b. Par ordonnance pénale du Ministère public du 22 février 2012, il a été condamné pour séjour et travail illégal (art. 115 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) à une peine pécuniaire.

c. Le 25 février 2012, il a été renvoyé au Kosovo après avoir été placé en détention administrative.

d. Le 20 novembre 2012, l’office fédéral des migrations (devenu le secrétariat d'État aux migrations ; SEM) a prononcé une interdiction d’entrée en Suisse pour une durée de trois ans, soit jusqu’au 19 novembre 2015.

Cette décision a été notifiée au conseil de l’intéressé le 30 avril 2015.

B. a. Le 17 mai 2017, A______ a déposé une demande de permis de séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM). Il a joint des pièces, notamment un badge d’indentification professionnelle portant l’indication « 03.2012 » de la société B______, une attestation de C______ du 25 juillet 2014 indiquant qu’il avait travaillé pour cette société en 2010 et 2013 comme ouvrier et une confirmation de l’entreprise D______ indiquant le souhait de l’engager à plein temps pour une durée indéterminée. Il était arrivé en Suisse à l’âge de 25 ans et y avait exercé une activité lucrative pendant quinze ans sans interruption.

b. Il a encore transmis, à la demande de l’OCPM, des documents complémentaires, notamment un formulaire M rempli par E______ du 19 septembre 2019 accompagné d’un contrat de travail du 18 décembre 2015, et un formulaire M complété par l’entreprise F______ du 24 janvier 2018 accompagné des fiches de salaire pour les mois de janvier à avril 2018, un extrait de compte individuel AVS faisant état de versements de cotisations pour mai et juin et octobre à décembre 2011, septembre à décembre 2014, mai, novembre et décembre 2015 et novembre et décembre 2016

c. Le 1er février 2019, l’OCPM a indiqué à A______ qu’il était disposé à faire droit à sa requête et qu’il allait transmettre son dossier au SEM.

d. Par courrier du 31 mai 2019, le SEM l’a informé qu’il envisageait de refuser l’octroi d’une autorisation de séjour car celui-ci n’avait pas prouvé un séjour ininterrompu de dix ans à Genève ; les preuves fournies pour l’année 2010 et les années 2012-2014 n’étaient pas probantes. Il avait produit un certificat de travail établi par son employeur, attestant qu’il avait travaillé pour C______ en 2010 et en 2013. Or, il ressortait d'un extrait du registre du commerce que la société précitée avait été dissoute le 12 novembre 2012. Pour l'année 2012, il avait fourni une copie de son badge d'identification de « second œuvre ». Cependant, il ressortait de son dossier qu’il avait été renvoyé dans son pays d'origine le 25 février 2012. En 2014, il avait cotisé à l'AVS seulement à partir du mois de septembre. Eu égard à ce qui venait d'être relevé, il avait vraisemblablement été absent de la Suisse depuis son renvoi en février 2012 jusqu'à l'automne 2014.

e. Le 11 juillet 2019, A______ a transmis des pièces complémentaires à l’OCPM, notamment une attestation de G______ indiquant qu’il avait travaillé au sein de l’entreprise du 15 avril au 18 mai 2012.

f. Le 11 mars 2020, le SEM l’a informé avoir retourné son dossier à l’OCPM.

Le dossier contenait des attestations de travail douteuses émanant des entreprises C______ pour 2010 et 2013 et G______ pour la période du 15 avril au 18 mai 2012. C______ avait cessé son activité le 20 avril 2012 et les employés étaient déjà licenciés à cette date même si la faillite avait été prononcée plus tard, à savoir le 12 novembre 2012. G______ avait été dissoute par suite de faillite le 15 septembre 2011. Ainsi, l’intéressé n’avait pas pu travailler au sein de ces entreprises pendant les périodes mentionnées.

C. a. Le 17 novembre 2020, A______ a été interpellé par la police et prévenu d’avoir séjourné et travaillé illégalement en Suisse depuis des années, avoir favorisé le séjour d’étrangers en situation irrégulière en Suisse, en hébergeant des personnes démunies de titre de séjour dans son appartement, et avoir fourni de faux documents à l’OCPM dans le cadre de sa demande de régularisation.

b. Par jugement du 12 mai 2022, le Tribunal de police l’a acquitté de faux dans les titres pour les attestations de G______et C______. Il l’a déclaré coupable de pornographie, d’entrée et séjour illégal, d’activité lucrative sans autorisation, de facilitation de séjour illégal d’un étranger, de tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI et d’infraction à l’art. 92 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10), et l’a condamné à une peine pécuniaire de 180 jours amende. Il a renoncé à ordonner son expulsion.

c. Par arrêt du 5 janvier 2023, la Chambre d’appel et de recours (ci-après : CPAR) a reconnu A______ coupable de faux dans les titres en lien avec l’attestation G______– produite dans la procédure devant l’OCPM par son conseil – mais pas pour les attestations de C______ et H______ (car elles avaient été produites à son insu), de pornographie, d’entrée et de séjour illégal, d’activité lucrative sans autorisation, de facilitation de séjour illégal d’un étranger et de tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI, et l’a condamné à une peine privative de liberté de dix mois. Il a également été reconnu coupable d’infraction à l’art. 92 al. 1 let. a LAMAL et condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende. Son expulsion était ordonnée.

A______ n’avait jamais travaillé pour C______ et H______, ni pour G______, ce qu’il reconnaissait.

D. a. Par décision du 5 décembre 2022, l’OCPM a refusé de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM et prononcé son renvoi de Suisse. Un délai au 5 février 2023 lui était imparti pour quitter la Suisse.

L’intéressé avait été renvoyé au Kosovo le 25 févier 2012 et son séjour avait dès lors pris fin. Même si, selon ses déclarations, il était revenu sur le territoire Suisse quelques mois après, son retour au Kosovo avait engendré une rupture définitive de son séjour en Suisse, même s’il était de courte durée.

Sa présence en Suisse d’une durée ininterrompue de dix ans n’avait pas été démontrée à satisfaction. Il avait été reconnu coupable d’un comportement frauduleux à l’égard des autorités pour avoir produit un certificat erroné de G______ en toute connaissance de cause afin qu’il soit transmis à l’OCPM dans le but de valider sa présence en Suisse. Sa situation ne répondait dès lors pas aux critères de l’opération « Papyrus ».

Il ne remplissait pas non plus les conditions d’un cas d’extrême gravité. Lors de son audition, il avait reconnu savoir faire l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse. Il s’était cependant rendu au Kosovo à plusieurs reprises durant la période pénale visée puis était revenu en Suisse. Il avait donc violé une interdiction d’entrée. Il n’avait ainsi pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable.

Les qualifications acquises en Suisse lui avaient permis de créer sa propre entreprise et ces dernières pouvaient largement être exploitées au Kosovo ; son retour dans son pays d’origine était tout à fait raisonnable et pourrait se dérouler sans être confronté à des obstacles insurmontables, ce d’autant plus que son épouse et ses enfants demeuraient sur place. Sa réintégration dans son pays d’origine n’aurait pas de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place

b. Par acte du 23 janvier 2023, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à ce que son dossier soit soumis au SEM, subsidiairement au renvoi du dossier à l’OCPM pour qu’il statue dans le sens des considérants.

Il avait été acquitté par le Tribunal de police pour les faits de faux dans les titres et avait indiqué avoir travaillé pour I______, qui s’était présenté comme administrateur de sa société.

Il était abusif de soutenir que la condition de la durée du séjour de dix ans ne serait pas remplie en raison de l’interruption de ce séjour pour une courte durée de seulement quelques semaines afin de rendre visite à sa famille ; il avait obtenu plusieurs visas de retour pour se rendre au Kosovo dont il avait toujours respecté les conditions.

Son intégration était réussie, ayant développé son entreprise lui permettant de subvenir de manière autonome à ses propres besoins et à ceux de sa famille.

Sa condamnation par le Tribunal de police en raison du fait qu’il avait accueilli des personnes en séjour illégal concernait manifestement une infraction liée au séjour illégal visé par la « directive Papyrus » comme permettant la régularisation. Il en allait de même de l’absence d’affiliation à une assurance-maladie. Une fois sa situation régularisée, il n’existait aucun risque qu’il commette à nouveau des actes similaires.

Enfin, en sanctionnant le séjour et le travail illégaux tout en délivrant des attestations de séjour, l’autorité cantonale avait violé le principe de la bonne foi. Cette dernière était de mauvaise foi lorsqu’elle renonçait à proposer le dossier au SEM pour des motifs qu’elle connaissait déjà en 2019 et alors même que les infractions de faux dans les titres avaient été écartées par l’autorité pénale.

c. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

d. Par jugement du 26 juin 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Ayant été condamné pour faux dans les titres, l’intéressé ne remplissait pas une des conditions de l’« opération Papyrus ». La continuité de son séjour à Genève, en particulier avant 2015, n’était pas démontrée, étant précisé qu’il avait été renvoyé au Kosovo le 25 février 2012.

Il avait fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse dont il avait fait fi. Il ne présentait pas une intégration exceptionnelle.

Arrivé en Suisse à l’âge de 40 ans, il avait vécu la majeure partie de son existence dans son pays d'origine où il avait fondé sa famille qui y vivait toujours. Il avait de fortes attaches au Kosovo, où il était régulièrement retourné. Sa réintégration dans son pays d'origine n’apparaissait pas fortement compromise.

E. a. Par acte expédié le 5 septembre 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu à l’octroi d’une autorisation de séjour. Il a sollicité un délai d’un mois pour compléter son recours.

b. Le recourant ne s’étant pas manifesté dans le délai imparti, un ultime délai pour motiver son recours lui a été imparti.

c. Dans ledit délai, il a exposé qu’ayant reçu trois visas de retour entre 2017 et 2019, il avait légitimement pu comprendre qu’il était en droit de résider en Suisse. Il était contraire au principe de la bonne foi de considérer qu’il n’avait pas établi une durée de séjour continu de dix ans et que son renvoi avait mis fin à son séjour. Il ignorait que G______ était en faillite. I______, qui l’avait engagé, n’avait pas l’intention de tromper l’OCPM.

d. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

e. Le recourant ne s’est pas manifesté dans le délai de réplique.

f. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieux le refus d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas d’extrême gravité et le renvoi du recourant.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

2.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

2.3 L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

2.4 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2).

2.5 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.6 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » (disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017du 23 mai 2017 consid. 4c).

2.7 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

2.8 Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA.

2.9 En l’espèce, le recourant soutient séjourner en Suisse depuis 2010. Cette durée ne peut être retenue, dès lors qu’en février 2012, le séjour du recourant a été interrompu par son renvoi. Ainsi, un séjour continu en Suisse ne pourrait être retenu qu’à compter du printemps 2012. Cela étant, une telle durée de séjour, même si elle était établie, devrait être relativisée au regard du fait qu’il a été effectué dans l’illégalité.

Le recourant soutient qu’il ne peut être tenu compte de ses condamnations pénales, qui sont liées à son statut de clandestin. Or, sa condamnation pour pornographie, accueil de personnes séjournant en situation illégale ainsi que celle pour faux dans les titres relative à l’attestation de G______ ne sont pas liées à son statut de clandestin. En outre, il apparaît que le recourant n’a pas respecté l’interdiction d’entrée prononcée à son encontre. Après avoir été renvoyé de Suisse en février 2012, il soutient y être revenu quelques semaines après, alors qu’il a reconnu avoir connaissance de l’interdiction d’entrée en Suisse valable jusqu’en novembre 2015. Il ne peut ainsi se targuer d’une intégration sociale réussie, n’ayant, à plusieurs titres, pas respecté l’ordre public suisse, élément au demeurant expressément requis par l’« opération Papyrus ».

Par ailleurs, le recourant ne remplit pas les conditions permettant de retenir l’existence d’un cas de rigueur. Comme déjà évoqué, il ne peut se prévaloir d’une intégration sociale remarquable, quand bien même il est financièrement indépendant, ne fait pas l'objet de poursuites et n’a pas recouru à l’aide sociale. Il ne soutient pas non plus avoir noué à Genève des liens affectifs ou amicaux d’une intensité telle qu’il ne pourrait les poursuivre par le biais de moyens de télécommunication modernes une fois de retour au Kosovo. Il ne fait pas non plus valoir qu’il s’investirait d’une quelconque manière dans la vie associative, sportive ou culturelle à Genève.

Il n’est pas contesté qu’il a œuvré à Genève en tant que peintre en bâtiment. Cette activité ne présente toutefois pas un degré de réussite tel qu’il ne pourrait être exigé de sa part de la poursuivre dans son pays d’origine. Au contraire, il apparaît que le recourant pourra, en cas de retour dans son pays, mettre à profit l’expérience professionnelle et les connaissances de la langue française acquises durant son séjour en Suisse. Le recourant indique avoir quitté le Kosovo alors qu’il était âgé de 33 ans. Il y a donc passé son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d’adulte. Il connaît donc les us et coutumes de son pays et en parle la langue. Il y est régulièrement retourné, y ayant conservé des liens affectifs forts, son épouse et ses deux enfants y vivant notamment. Le recourant est en bonne santé. Ainsi, quand bien même après plusieurs années passées à l’étranger, il traversera à son retour dans son pays une nécessaire phase de réadaptation, sa réintégration socio‑professionnelle ne paraît pas gravement compromise.

Contrairement à ce qu’il fait valoir, l’octroi de visas de retour entre 2017 et 2019 ne constitue aucune garantie du droit de résider en Suisse. Lors de leur octroi, le recourant avait requis une autorisation de séjour et la procédure suivait son cours. Aucun élément ne lui permettait de déduire de l’octroi de visas de retour – dont le but, humanitaire, est de permettre aux personnes dont la procédure est en cours de pouvoir rendre visite à leur famille – une quelconque garantie d’octroi d’un titre de séjour.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’OCPM n’a pas violé le droit ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le recourant ne remplissait pas les conditions restrictives permettant l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

3.             Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.

3.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Le recourant n’invoque aucun élément permettant de retenir que son renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé ; de tels éléments ne ressortent pas non plus du dossier.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 septembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacques EMERY, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

la greffière-juriste :

 

 

S. HUSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.