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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2372/2023

ATA/1253/2023 du 21.11.2023 ( PROC ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2372/2023-PROC ATA/1253/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 novembre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Vanessa AGRAMUNT SERRET, avocate demanderesse

contre

HOSPICE GÉNÉRAL défendeur

 



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1982, ressortissante du B______, est arrivée en Suisse en septembre 2015 pour y rejoindre son compagnon, C______, né le ______ 1972, également ressortissant du B______, avec lequel elle a eu un fils, D______, né le ______ 2014 et ressortissant E______.

b. En octobre 2015, C______, qui bénéficiait de prestations d’aide financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) depuis le 1er février 2013, s’est présenté à son entretien périodique à l’hospice en compagnie de A______, laquelle a été intégrée à son dossier social avec effet au 1er septembre 2015.

c. C______ et A______ ont bénéficié, en leur qualité de couple et de membres du même groupe familial, de prestations d’aide sociale et financière de l’hospice du 1er octobre 2015 au 31 décembre 2018 pour un montant total de CHF 164'396.30.

d. Dans le cadre de l’assistance dont ils bénéficiaient, C______ et A______ ont signé, le 14 juillet 2016, le document « Mon/Notre engagement en demandant une aide sociale et financière à l’aide aux migrants de l’Hospice général » ainsi que le 4 décembre 2018 le document « Mon/Notre engagement en demandant une aide financière exceptionnelle à l’Hospice général ». Aux termes de ces documents, ils s’engageaient à donner à l’hospice tous renseignements et toutes pièces nécessaires pour établir leur situation personnelle, familiale et économique. Ils s’engageaient également à informer immédiatement et spontanément l’hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière, comme par exemple un salaire, une rente ou une indemnité d’assurance sociale.

e. Le 5 décembre 2018, le couple a complété et signé le document « Demande de prestations d’aide sociale financière » et confirmé à cette occasion ne pas percevoir de revenus d’une activité salariée ou indépendante, ne pas percevoir d’indemnités de l’assurance-chômage et n’être titulaires que du compte bancaire n° 1______ ouvert auprès de F______ SA (ci-après : F______) au nom de C______.

f. À l’occasion d’entretiens avec l’assistante sociale, en particulier le 10 octobre 2015, A______ a affirmé qu’elle possédait une grande expérience professionnelle au B______, où elle avait été « commerciale » pour une grande entreprise pendant six ans. Elle souhaitait se réinsérer professionnellement et avait effectué par la suite des démarches administratives et réalisé plusieurs formations professionnelles, d’aide à la vente et de secrétaire médicale entre autres. Les assistants sociaux de l’hospice avaient relevé ses aptitudes.

g. En fin d’année 2018, l’hospice a entrepris une enquête complète pour contrôler la situation du couple, dont il est en particulier ressorti, selon le rapport du 24 janvier 2019, que C______ avait notamment été employé pour des missions de chauffeur-livreur du 24 octobre 2011 au 4 novembre 2016. De novembre 2016 à décembre 2018, il avait en outre travaillé comme chauffeur « G______ ». De février 2013 à décembre 2018, il avait ainsi réalisé des revenus et perçu des indemnités de chômage pour un total de CHF 242'800.-, soit environ CHF 3'400.- par mois en moyenne. Il possédait un compte non déclaré à la H______ (ci-après : H______) et était titulaire d’un permis professionnel de chauffeur.

A______ était, quant à elle, en stage dans un centre médical de septembre 2018 à juin 2019 dans le cadre d’une formation de secrétaire médicale, pour lequel elle percevait un revenu mensuel de CHF 300.-. Elle possédait un compte épargne n° 2______ ouvert à son nom auprès de F______, non déclaré lors de l’audition du groupe familial, qui n’avait pas connu de mouvements. Elle possédait également un compte bancaire n° 3______ ouvert à son nom auprès de F______, déclaré lors de l’audition du groupe familial.

B. a. Le 16 avril 2019, l’hospice a informé C______ et A______ que l’enquête avait révélé qu’ils avaient dissimulé de manière systématique leurs activités indépendantes, leurs revenus en tant que salarié, les indemnités perçues de l’assurance-chômage ainsi que deux comptes bancaires, les invitant à lui fournir différents documents et leur indiquant que le remboursement de la totalité de l’aide financière qu’ils avaient perçue pourrait leur être réclamé.

b. C______ et A______ n’ayant pas répondu à ce courrier, l’hospice leur a notifié, le 15 juillet 2019, une décision de fin de prestations d’aide financière avec effet au 31 mai 2019, puis, le 24 septembre 2019, leur a réclamé le remboursement de prestations d’aide financière perçues indûment pour un montant total de CHF 276'799.30 au motif qu’ils avaient caché des revenus et des comptes bancaires, violant leur obligation d’informer, et perçu des prestations d’aide financière auxquelles ils ne pouvaient prétendre. La somme réclamée correspondait aux prestations d’aide financière pour la période du 1er septembre 2015 au 31 janvier 2019. Un décompte était annexé.

c. Les intéressés ont, séparément, formé opposition contre la décision de l’hospice du 24 septembre 2019.

C______ a requis la remise de toutes les prestations versées à sa compagne, laquelle n’avait jamais travaillé depuis son arrivé en Suisse mais accompli un stage de dix mois dans le cadre de sa formation, qu’elle avait déclaré à l’hospice.

A______ a nié avoir caché quoi que ce soit, précisant avoir déclaré à l’assistante sociale son compte bancaire et la carte de crédit y relative, pensant qu’il s’agissait d’une carte prépayée lui permettant de faire des achats sur Internet. Les montants indûment perçus par C______ n’avaient profité qu’à lui, dès lors qu’il avait un enfant d’une précédente union et passait le plus clair de son temps hors de leur domicile, ne partageant avec elle aucune information de son quotidien. Il partait en outre régulièrement en Afrique et lui défendait d’en parler à l’assistante sociale, sous peine de la mettre à la rue avec leur fils.

d. Par décision du 12 février 2021, l’hospice a rejeté les oppositions et demande de remise formées par C______ et A______, confirmant qu’ils devaient restituer, conjointement et solidairement, la somme de CHF 276'799.30.

Le couple avait bénéficié indûment de prestations d’aide financière en tant que groupe familial, omettant de déclarer des revenus et des comptes bancaires, en particulier en cachant l’ensemble des revenus perçus de l’activité de C______, le fait qu’il percevait des indemnités de l’assurance-chômage ainsi que trois comptes bancaires, dont le compte n° 2______ de A______. Les concubins avaient sollicité ensemble les prestations d’aide financière, déclarant être en couple et faire ménage commun. Ils avaient signé conjointement les documents d’engagement et de demande de prestation. Ils n’avaient, à aucun moment durant le suivi social commun, soit jusqu’au 31 janvier 2019, fait état d’une séparation et aucun élément ne permettait de penser que tel était le cas. Les prestations avaient été versées pour le groupe familial dans son ensemble. Le remboursement devait donc leur être réclamé conjointement et solidairement. Ils avaient violé leur devoir de renseigner, ce qui ne leur permettait pas de se prévaloir de leur bonne foi. Les déclarations de A______, selon lesquelles elle ignorait que son concubin percevait des revenus non déclarés, étaient peu vraisemblables et n’emportaient pas conviction. Faute de bonne foi, aucune remise ne pouvait être accordée.

C. a. Par acte du 16 mars 2021, enregistré sous cause n° A/974/2021, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation.

Elle ignorait que C______, dont elle était désormais séparée depuis décembre 2019 en raison de son comportement violent, ne déclarait pas à l’hospice des revenus qu’il pouvait parfois tirer de son activité indépendante. Elle n’était pas non plus au courant des affaires de la maison, son ex-compagnon ayant gardé la mainmise sur tous les documents. Il s’était ainsi chargé de gérer les revenus, les dépenses et de payer les factures, ne lui remettant qu’un montant mensuel de CHF 400.- pour son entretien et celui de son fils. Elle avait demandé l’aide de l’hospice car elle ne pouvait à l’époque faire autrement, se trouvant alors dans le besoin.

b. L’hospice a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée en tant qu’elle réclamait à A______ la somme de CHF 164'396.30.

Le couple avait bénéficié de prestations d’aide financière à titre de groupe familial, soit sans possibilité de dissocier l’aide pour chaque concubin, pour un montant total de CHF 164'396.30 au titre de prestations d’aide sociale et financière de l’hospice du 1er octobre 2015 au 31 décembre 2018.

c. Dans sa réplique, A______ a précisé qu’elle avait vécu sous les menaces et violences constantes de C______, de sorte que son obligation de renseigner l’hospice avait été mise à l’épreuve. Elle n’avait pas osé demander à son ex-compagnon des comptes sur ses revenus et ses activités et n’avait eu accès à aucun document administratif. En septembre 2018, elle avait informé l’assistante sociale du contrat de stage qu’elle avait conclu et du salaire de CHF 300.- qu’elle percevait dans ce cadre. Elle avait été de bonne foi.

d. Par arrêt du 15 juin 2021 (ATA/626/2021), la chambre administrative a partiellement admis le recours de A______ et arrêté la somme due la concernant à CHF 164'396.30.

A______ ne pouvait se prévaloir de son ignorance des revenus cachés par son ex-concubin. Même si elle n’avait aucun accès aux documents administratifs de ce dernier et ne recevait de sa part qu’un montant de CHF 400.- en espèces, elle ne pouvait ignorer qu’il se rendait très régulièrement au travail et il n’était ainsi pas vraisemblable qu’elle n’ait jamais su, durant cinq ans, qu’il travaillait comme chauffeur. Elle avait d’ailleurs implicitement admis dans son recours qu’elle savait que son ex-compagnon avait une activité indépendante.

L’affirmation selon laquelle elle assurait sa subsistance et celle de son fils avec la somme mensuelle de CHF 400.- n’était pas non plus plausible, eu égard aux coûts de la nourriture, de l’habillement, des soins et de ses dépenses personnelles, qui ressortaient de ses relevés de carte de crédit. Bien que sa relation avec son ex‑concubin ait pu être tendue pendant les années de vie commune, tous deux formaient avec leur fils une communauté familiale et partageaient au moins certaines tâches et charges, de sorte qu’elle pouvait sinon connaître le budget, du moins se faire une idée du train de vie de la famille et de son conjoint et, partant, du revenu global du ménage. En outre, elle complétait et signait périodiquement les demandes d’aide financière communes, conjointement avec son ex-compagnon, de sorte qu’elle savait qu’aucun revenu n’était déclaré et elle ne pouvait ignorer que ces déclarations étaient contraires à la vérité et à l’engagement de transparence. Elle ne pouvait au surplus se prévaloir de son incompétence ou de son ignorance des formalités administratives en Suisse, dès lors qu’elle soutenait avoir réussi son intégration et assuré efficacement sa subsistance au B______.

A______ ne pouvait pas non plus soutenir qu’elle ignorait devoir signaler un compte d’épargne sans mouvement et une carte de crédit. Elle avait produit les relevés de sa carte de crédit, d’où il ressortait qu’elle était liée à un compte. La rubrique des formulaires de demande d’aide financière de l’hospice consacrés à la fortune réclamait en outre la divulgation des comptes bancaires, postaux, de cartes de crédit, actifs ou clôturés durant les douze derniers mois, en Suisse ou à l’étranger. Cette exigence ne pouvait se comprendre que comme comprenant les comptes sans solde et les comptes liés aux cartes de crédit.

A______ n’avait allégué des difficultés relationnelles avec C______ qu’après que la première décision de restitution du 24 septembre 2019 lui eut été notifiée, les demandes d’aides qu’elle avait documentées ne remontant qu’à décembre 2019. Ce n’était en outre que dans ses écritures ultérieures que l’intéressée avait décrit pour la première fois des violences extrêmes qu’elle aurait subies. S’il n’y avait pas lieu de nier ces éléments, les circonstances de leur dévoilement ne permettaient pas de retenir qu’elles auraient atteint un degré tel qu’elle aurait dû se voir reconnaître le statut d’instrument dépourvu de volonté des infractions de son ex-compagnon.

Selon le rapport d’enquêtes de l’hospice, d’octobre 2015 à décembre 2018, C______ avait perçu des revenus et des indemnités de chômage pour un total de CHF 169'500.- environ (soit CHF 242'829.- – CHF 73'314.-, ce dernier montant correspondant aux revenus de la période de février 2013 à septembre 2015), à savoir un montant légèrement supérieur à celui de l’aide financière perçue durant la même période, de CHF 164'396.30, étant précisé que les chiffres du rapport d’enquête n’étaient pas contestés. C’était ainsi sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation que l’hospice avait retenu que A______ avait, conjointement avec C______, dissimulé le revenu familial et les comptes bancaires et lui a réclamé, conjointement et solidairement, le remboursement de l’aide financière perçue par le groupe familial durant la période considérée, pour un total de CHF 164'396.30.

Enfin, A______ ne pouvait se plaindre de ne pas s’être vu accorder une remise, puisque sa bonne foi ne pouvait être admise. En effet, elle avait caché ses comptes bancaires et savait que son ex-compagnon cachait ses revenus, de sorte que l’hospice n’avait pas à entrer en matière sur cette demande.

Par ailleurs, étant donné que l’hospice avait admis que la somme due par A______ était de CHF 164'396.30, le recours était admis dans cette mesure.

Cet arrêt n’ayant pas été contesté, il est entré en force.

e. En parallèle à la procédure administrative, l’hospice a, le 1er septembre 2021, déposé plainte pénale contre C______ et A______, ce qui a donné lieu à l’ouverture de la procédure pénale n° P/4______/2021 dirigée à leur encontre.

D. a.a. Par acte expédié le 17 juillet 2023 à la chambre administrative, A______ a formé une demande de révision de l’ATA/626/2021. Elle a conclu, sur rescindant, à l’annulation de celui-ci et, sur rescisoire, à ce qu’il soit dit qu’elle ne devait rien à l’hospice et au remboursement des montants qu’elle avait déjà versés.

Il ressortait de la procédure pénale qu’elle n’avait eu aucun accès aux comptes et documents de son ex-compagnon, qui ne lui donnait qu’un montant mensuel de CHF 400.- et se montrait violent à son égard. Il était d’ailleurs le seul à percevoir les prestations versées par l’hospice et les utilisait ensuite pour subvenir aux besoins de ses autres enfants et différentes personnes au B______. Elle n’avait pas non plus eu accès aux comptes et documents bancaires de son ex-concubin. Dans son courrier du 26 avril 2023, l’hospice avait reconnu sa bonne foi en admettant qu’elle n’avait jamais eu l’intention de tromper qui que ce soit car les revenus tirés de son stage avaient été signalés, tout comme ses comptes bancaires, sur lesquels elle n’avait pas perçu de revenus. Le Tribunal de police, par jugement du 27 avril 2023, avait prononcé son acquittement. Ce courrier et ce jugement constituaient des faits nouveaux « nouveaux » qui modifiaient de manière notable les circonstances. À tout le moins, ils constituaient des faits nouveaux « anciens » qu’elle ne pouvait, à l’époque, pas prouver. En particulier, le jugement du Tribunal de police ne se fondait pas uniquement sur un même état de fait que celui soumis à la chambre administrative, dans la mesure où l’hospice avait admis, dans le cadre de la procédure pénale, que son comportement n’était pas répréhensible.

a.b. Elle a notamment produit :

- un courrier de l’hospice du 26 avril 2023 adressé au Tribunal de police dans le cadre de la procédure pénale n° P/4______/2021, aux termes duquel le stage de dix mois effectué par A______ dès le 3 septembre 2018 pour sa formation de secrétaire médicale n’avait pas été dissimulé, mais annoncé tardivement lors de l’entretien périodique du 5 novembre 2018. Les revenus découlant de ce stage, crédités sur le compte bancaire n° 3______ non mentionné dans la « demande de prestations » et dont les relevés avaient été remis tardivement, n’avaient pas pu être comptabilisés dans le droit du couple aux prestations d’aide sociale financière des mois correspondants. Il en découlait que ces faits n’étaient « pas pénalement relevants » ;

- un procès-verbal d’audience du 18 mai 2022 devant le Ministère public dans la procédure pénale n° P/4______/2021, aux termes duquel A______ indiquait en particulier qu’elle savait que son ex‑compagnon travaillait comme indépendant mais qu’elle ignorait son emploi du temps ainsi que le montant de ses revenus. Elle avait certes signé certains formulaires de l’hospice que lui avait remis C______, sans toutefois en prendre connaissance. Elle ne se rappelait plus du contenu des autres documents qu’elle avait signés à l’hospice. L’argent de l’hospice avait été versé à son ancien concubin, qui s’occupait de tout et lui donnait ensuite CHF 400.- par mois pour ses besoins et ceux de son fils ;

- le dispositif du jugement du Tribunal de police du 27 avril 2023 rendu dans la procédure pénale n° P/4______/2021 prononçant l’acquittement de A______ du chef d’escroquerie.

b. Le 18 août 2023, l’hospice a conclu principalement à l’irrecevabilité de la demande de révision, subsidiairement à son rejet.

Le jugement du Tribunal de police n’était pas un fait nouveau « nouveau » ni un fait nouveau « ancien », dès lors que même s’il était intervenu après l’ATA/626/2021, il ne modifiait pas de manière importante l’état de fait ou les bases juridiques sur lesquelles la chambre administrative s’était fondée. Dans le cadre de la procédure pénale, les revenus et comptes dissimulés par l’un ou l’autre des prévenus semblaient avoir été dissociés en vue de procéder à l’analyse pénale de la situation, ce que le droit administratif ne permettait pas de faire, puisque les intéressés avaient bénéficié ensemble de prestations d’aide financière durant leur vie commune et en étaient solidairement redevables. De plus, l’acquittement de la demanderesse était susceptible de résulter du principe in dubio pro reo, uniquement applicable en droit pénal. Les arguments soulevés par l’intéressée pour se prévaloir de sa bonne foi étaient au demeurant identiques à ceux précédemment invoqués et avaient déjà été analysés dans le cadre de la procédure administrative. Elle ne pouvait pas non plus déduire sa bonne foi du courrier du 26 avril 2023, circonscrit au stage qu’elle avait effectué dans le cadre de sa formation de secrétaire médicale et qui ne faisait pas partie de l’examen effectué par la chambre administrative. En revanche, l’existence des deux comptes bancaires ouverts auprès de F______ au nom de la demanderesse avait été dissimulée depuis leur ouverture en mars 2016, soit après le début de l’aide sociale financière, et ce jusqu’au mois de novembre 2018 concernant le compte n° 3______ et jusqu’au rapport d’enquête de janvier 2019 concernant le compte n° 2______.

La demanderesse perdait de vue qu’il lui était reproché d’avoir dissimulé conjointement avec son ex-compagnon les divers revenus et activités salariées et indépendantes de celui-ci, ce qu’elle avait admis à plusieurs reprises, à tout le moins partiellement. Qu’elle ait eu connaissance de l’intégralité des montants dissimulés par son ex-concubin ou pas était sans pertinence. Dès lors qu’elle avait violé son obligation de renseigner, sa bonne foi ne pouvait être retenue. Par conséquent, la demande de révision ne reposait ni sur des faits nouveaux ni sur les preuves nouvelles de nature à étayer les allégations de la demanderesse, qui demandait une nouvelle appréciation de faits connus lors de la première décision.

c. Le 12 octobre 2023, A______ a persisté dans sa demande.

Son acquittement du chef d’escroquerie n’était pas fondé sur le principe in dubio pro reo, puisqu’il n’existait aucun doute à son égard. Au moment où l’ATA/626/2021 avait été rendu, sa bonne foi n’avait pas pu être établie et n’avait été prouvée qu’ultérieurement. Tant le jugement du Tribunal de police du 27 avril 2023 que le courrier de l’hospice du 26 avril 2023 constituaient des faits nouveaux. Contrairement à ce que prétendait l’hospice, la question du stage faisait bien partie de la décision litigieuse, qui réclamait le remboursement de l’ensemble des prestations perçues par son ancien compagnon en raison des revenus du groupe familial. En outre, bien que ses comptes auprès de F______ n’aient pas été immédiatement signalés, il n’en demeurait pas moins qu’aucun revenu n’y avait transité entre 2016 et 2018. Elle avait du reste signalé l’existence desdits comptes lorsque des revenus autres que ceux versés par son ex-compagnon y avaient transité. À cela s’ajoutait que tous les autres comptes bancaires étaient au nom de son ex‑compagnon, de sorte qu’elle ne disposait d’aucun moyen pour connaître sa situation financière réelle. Aucune intention de dissimulation ne pouvait ainsi être retenue de sa part et sa situation devait être distinguée de celle de son ancien concubin, sous peine d’abus de droit en raison de la situation inextricable et des violences conjugales ayant régné au sein du couple.

d. Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1) La chambre administrative est compétente pour se prononcer sur la révision de l’un de ses arrêts (art. 81 al. 1 in fine de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L’objet du litige porte sur la demande en révision de l’ATA/626/2021 du 15 juin 2021. Il convient donc d’examiner dans un premier temps si les conditions d’une révision sont données (rescindant).

3) 3.1 Selon l’art. 80 let. b LPA, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente. La demande de révision doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les trois mois dès la découverte du motif de révision (art. 81 al. 1 LPA).

3.2 L’art. 80 let. b LPA, qui traite de la révision, vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n’avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux « anciens » (ATA/1050/2023 du 26 septembre 2023 consid. 2.2) Sont « nouveaux », au sens de cette disposition, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n’étaient pas connus du demandeur malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; ATA/778/2023 du 18 juillet 2023 consid. 2.2). Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c’est-à-dire de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de l’arrêt entrepris et conduire à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; ATA/876/2023 du 22 août 2023 consid. 2.3).

Les preuves doivent servir à prouver soit des faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n’avaient pas pu être prouvés, au détriment du demandeur (ATF 144 V 245 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8F_1/2023 du 21 mars 2023 consid. 3.2). Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le demandeur doit aussi démontrer qu’il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure (ATF 134 IV 48 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8F_1/2023 précité consid. 3.2 ; ATA/1055/2022 du 18 octobre 2022 consid. 2b). Une preuve est considérée comme concluante lorsqu’il faut admettre qu’elle aurait conduit l’autorité à statuer autrement, si elle en avait eu connaissance, dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c’est que le moyen de preuve ne serve pas à l’appréciation des faits seulement, mais à l’établissement de ces derniers (ATF 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/778/2023 précité consid. 2.3).

La révision ne permet pas de supprimer une erreur de droit, de bénéficier d’une nouvelle interprétation, d’une nouvelle pratique, d’obtenir une nouvelle appréciation de faits connus lors de la décision dont la révision est demandée ou de faire valoir des faits ou des moyens de preuve qui auraient pu ou dû être invoqués dans la procédure ordinaire (ATA/778/2023 précité consid. 2.4 et les références citées).

3.3 Lorsqu’aucune des conditions de l’art. 80 LPA, qui énumère de manière exhaustive les motifs de révision, n’est remplie, la demande est déclarée irrecevable (ATA/693/2023 du 27 juin 2023 consid 2.4 et les arrêts cités).

4) 4.1 En l’espèce, n’ayant pas été contesté, l’ATA/626/2021 du 15 juin 2021 est entré en force trente jours après sa notification. Le délai prévu à l’art. 81 al. 1 LPA s’applique au motif de révision prévu à l’art. 80 let. b LPA.

Dans ce cadre, la demanderesse se prévaut du courrier de l’hospice du 26 avril 2023 adressé au Tribunal de police ainsi que du dispositif du jugement rendu par ce dernier dans la procédure pénale n° P/4______/2021 le 27 avril 2023 pour demander la « reconsidération » et la révision de l’arrêt précité.

4.2 Comme rappelé ci-dessus, l’appréciation différente des faits à laquelle a procédé l’autorité pénale ne constitue pas un fait nouveau. La chambre de céans a ainsi rendu son arrêt sur la base des faits présentés par l’hospice et la demanderesse et des principes de droit administratif applicables au cas d’espèce, qui ne se recoupent pas avec les dispositions du droit pénal, étant rappelé que les autorités parallèlement compétentes ne sont en principe pas liées par les constatations et les interprétations juridiques de l’autre (ATA/1119/2020 du 10 novembre 2020 consid. 2c). Il ne ressort pas non plus du dossier que les juges pénaux et administratifs n’auraient pas eu connaissance des mêmes faits et aucun élément nouveau dans le cadre de l’instruction de la procédure pénale n’est intervenu, eu égard à la teneur du procès‑verbal d’audience du 18 mai 2022 produit par la demanderesse, laquelle a allégué les mêmes éléments que durant la procédure administrative.

La demanderesse ne saurait déduire du courrier de l’hospice du 26 avril 2023 que ce dernier aurait, de manière générale, admis sa bonne foi. Elle perd de vue que ce courrier se limite à renseigner le Tribunal de police au sujet du stage effectué par la demanderesse, qui n’avait pas été dissimulé mais annoncé tardivement, tout comme les revenus en découlant et le compte bancaire n° 3______, l’hospice ayant indiqué que ces faits n’étaient « pas pénalement relevant ». Or, ces éléments, soit le stage, sa rémunération et le compte bancaire n° 3______, ne faisaient pas l’objet du litige soumis à la chambre de céans, laquelle a considéré que la demanderesse avait violé son devoir d’information en ne révélant pas à l’hospice les revenus tirés de l’activité indépendante de son ex-compagnon et les prestations de l’assurance-chômage perçues, de même qu’en ne signalant pas l’existence du compte d’épargne n° 2______ ouvert à son nom et la carte de crédit dont elle bénéficiait, malgré les différents documents et formulaires signés lui rappelant ledit devoir d’information. Rien de neuf n’est issu de la procédure pénale par rapport à la violation de l’obligation de renseigner. Or, de jurisprudence constante, un assuré qui viole ses obligations d’informer l’hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/955/2023 du 5 septembre 2023 consid. 4.3.2 et les références citées). Dans l’ATA/626/2021 du 15 juin 2021, la chambre de céans a ainsi retenu que l’hospice avait indûment versé la somme de CHF 164'396.30 à la demanderesse et à son ex-compagnon. Dès lors que les circonstances du cas d’espèce ne permettaient pas de retenir sa bonne foi, le montant susmentionné devait être restitué dans son intégralité.

Pour le reste, la demanderesse se limite à reprendre les mêmes arguments que ceux soulevés dans la procédure administrative et ayant conduit au prononcé de l’ATA/626/2021. Elle ne saurait toutefois, par le biais d’une demande de révision, contester l’appréciation juridique de la chambre de céans, ni faire valoir des arguments qu’elle aurait pu invoquer par la voie d’un recours contre l’ATA/626/2021, qu’elle n’a au demeurant pas contesté.

En l’absence de motif de révision, la demande de révision est, par conséquent, irrecevable.

5) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA) et, vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare irrecevable la demande en révision formée le 17 juillet 2023 par A______ contre l’ATA/626/2021 rendu le 15 juin 2021 par la chambre administrative de la Cour de justice ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Vanessa AGRAMUNT SERRET, avocate de la demanderesse, ainsi qu’à l’Hospice général, défendeur.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Cédric‑Laurent MICHEL, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MICHEL

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :