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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2706/2022

ATA/1235/2023 du 14.11.2023 sur JTAPI/376/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2706/2022-PE ATA/1235/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 novembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______, agissant pour eux-mêmes et pour les enfants C______, D______ et E______ recourants
représentés par Me Andrea VON FLÜE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 avril 2023 (JTAPI/376/2023)


EN FAIT

A. a. B______ est né le ______ 1977 - selon ses allégations - à Mayotte (France), d’une mère française et d’un père burkinabé.

Arrivé en Suisse en 2003 ou 2004, il a obtenu une autorisation d’établissement le 10 février 2010.

Selon la base de données de l’OCPM, l’intéressé est le père de F______, né le ______ 1997 au Burkina Faso et titulaire, depuis le 19 mai 2021, d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité, renouvelée en dernier lieu jusqu’au 15 avril 2024.

b. A______, née le ______ 1981 et ressortissante du Burkina Faso, est mère de trois enfants, également ressortissants du Burkina Faso : C______, née le ______ 2008 en France voisine, D______, né le ______ 2011 en France voisine et E______, née le ______ 2018, à Genève. Il se pourrait, sans que cela soit tout à fait clair à teneur du dossier, qu’elle soit également la mère de F______.

c. C______ et D______ ont été reconnus par B______.

C______ et D______ sont scolarisés à Genève, respectivement depuis août 2013 et août 2015.

d. A______ touche des prestations financières de l’Hospice général
(ci-après : l’hospice) depuis le 1er novembre 2008. Entre 2010 et 2014, elle a perçu, à ce titre, un montant total de CHF 238'438.40.

B______ a été au bénéfice de prestations financières de l’hospice du 1er novembre 2008 au 31 juillet 2019. Il touche à nouveau des prestations depuis le 1er mars 2020. Entre 2018 et 2022, il a perçu un montant total de CHF 127'705.70.

e. Selon un extrait du registre des poursuites du 14 février 2022, A______ faisait l’objet de deux actes de défaut de biens.

Selon un extrait du registre des poursuites du 22 mars 2022, B______ faisait l’objet d’actes de défaut de biens pour un montant de CHF 6'281.20 et de 68 actes de défaut de biens pour un montant de CHF 64'019. 10.

B. a. Le 5 avril 2011, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a reçu un formulaire individuel de demande pour ressortissant UE/AELE, complété par B______, indiquant que sa conjointe, A______, venait habiter à Genève, de même que les enfants F______ et C______.

b. Une enquête menée par l’OCPM a révélé, au vu des documents obtenus des autorités françaises, que le passeport français délivré à B______ le 26 juin 2002, lui avait été retiré le 17 février 2004, dès lors qu’il l’avait obtenu en présentant un faux certificat de nationalité.

c. Le 13 septembre 2011, l’OCPM a saisi la police genevoise afin qu’elle entende B______ au sujet du passeport français et qu’elle le dénonce, le cas échéant, auprès du Procureur général.

Le 17 octobre 2011, B______ a été entendu par la police dans le cadre de cette affaire et une procédure pénale (P/1______) a ensuite été ouverte à son encontre.

d. Par ordonnance pénale du 19 octobre 2011, le Ministère public a déclaré B______ coupable de faux dans les titres au sens de l’art. 252 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) en lien avec ces faits et l’a condamné à une peine pécuniaire de 45 jours-amende, avec sursis pendant trois ans.

Se prononçant sur l’opposition formée par B______ contre cette ordonnance, le Tribunal de police, par jugement du 9 janvier 2013, a constaté la prescription de l’infraction reprochée, au 2 février 2011, et classé la procédure P/1______.

e. Par courrier du 15 juillet 2014, l’OCPM a fait part de son intention de révoquer l’autorisation d’établissement d’B______, dès lors qu’il avait dissimulé des faits essentiels durant la procédure d’autorisation de séjour, précisant que, le cas échéant, il ne pourrait donner une suite favorable à la demande déposée en faveur de A______ et des enfants. Un délai lui était accordé pour exercer son droit d’être entendu.

f. Le 10 septembre 2014, B______ a contesté avoir dissimulé des faits ou avoir fait de fausses déclarations. Compte tenu du manque de rigueur dans la tenue des registres à Mayotte (France) à l’époque de sa naissance, il avait été contraint de renoncer à une action en rectification de l’État civil, d’emblée vouée à l’échec.

Soit il devait être considéré de nationalité française, soit cette dernière lui était déniée et il devenait alors apatride au sens de l’art. 1 par. 1 de la Convention relative au statut des apatrides du 28 septembre 1954, entrée en vigueur, pour la Suisse, le 1er octobre 1972 (RS 0.142.40) (ci-après : la Convention). En tant que sa nationalité française n’était pas reconnue, il concluait à la constatation de son statut d’apatride, à l’application des art. 17 et 27 de la Convention afin qu’il obtienne un titre d’identité, à ce qu’il soit autorisé à séjourner et à travailler en Suisse, ainsi qu’à l’octroi d’une autorisation de séjour en faveur de A______ et des enfants.

g. Interpellé par l’OCPM, B______ a transmis divers renseignements par courrier du 5 décembre 2014.

A______ et les trois enfants aînés s’étaient installés à Genève dans le courant de l’année 2007. Depuis leur naissance, les enfants avaient toujours vécu avec leurs deux parents, d’abord en France, puis à Genève. Les parents d’B______ étaient décédés. Son père, polygame, ne l’avait pas reconnu. À l’exception d’un oncle maternel qui était domicilié en France, il n’avait pas de famille.

h. Par courrier du 13 avril 2015, l’OCPM a informé B______ qu’il transmettait son dossier au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) qui était compétent pour se prononcer sur sa qualité d’apatride.

i. Par décision du 23 avril 2015, exécutoire nonobstant recours, entrée en force, l’OCPM a révoqué l’autorisation d’établissement d’B______ en application de l’art. 63 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr) au motif qu’il avait obtenu ses titres de séjours successifs en Suisse en se légitimant avec une copie d’un passeport français qui lui avait été retiré en 2004, dès lors qu’il l’avait obtenu sur la base d’un faux certificat de nationalité française.

La poursuite de son séjour et celui des membres de sa famille serait examinée lorsque que le SEM aurait statué sur la demande de reconnaissance du statut d’apatride.

j. Par décision du 1er juillet 2016, le SEM a rejeté la demande de reconnaissance du statut d’apatride d’B______, considérant en substance que ses allégations apparaissaient d’emblée invraisemblables et qu’elles n’étaient, en tout état, étayées par aucun indice concret. En effet, s’il avait effectivement été de nationalité française de par sa mère, comme il l'affirmait, il n'aurait pas eu besoin de produire un certificat de nationalité française falsifié pour obtenir un passeport français. Lors de son audition du 12 octobre 2011 par la police, il n'avait pu donner aucune explication, alléguant que toutes les démarches en vue de l'obtention de ce passeport avaient été entreprises par son oncle et non par lui-même. De plus, il n’avait pu fournir aucun document attestant de la nationalité française de sa mère, alors que celle-ci aurait vécu en France durant de nombreuses années. Il était également surprenant que, suite au retrait de son passeport français en 2004, il n'ait entrepris aucune démarche pour régulariser sa situation jusqu'en 2011. Or, il aurait à l'évidence contesté le retrait de son passeport en 2004, au besoin avec l'aide d'un avocat, si ce retrait lui avait paru injustifié. Sa passivité laissait penser qu'il était conscient qu'il avait obtenu indûment ce passeport.

Par arrêt du 24 juillet 2018, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) a rejeté le recours interjeté par B______ contre cette décision, retenant notamment que ce dernier n’avait pas fait preuve d’une grande volonté de collaboration pour établir de façon exacte la nationalité de sa mère afin de réintégrer la nationalité française. Il n’avait pas non plus entrepris des démarches sérieuses et appropriées auprès des autorités du Burkina Faso afin d’établir une potentielle nationalité en lien avec son père, même si ce dernier ne l’avait pas reconnu. B______ n'était ainsi pas parvenu à démontrer avoir entrepris, préalablement à l'introduction de la procédure en reconnaissance du statut d'apatride, l'ensemble des démarches que les autorités helvétiques étaient raisonnablement en droit d'attendre de lui en vue de recouvrer sa citoyenneté d'origine, respectivement la citoyenneté de son père. Au vu des pièces qu’il avait lui-même fournies, il existait de forts indices susceptibles de le rattacher à deux nationalités potentielles. Or, il n'avait pas établi avoir entrepris les démarches utiles en ce sens. C'était à chaque fois sur demande, voire insistance, du Tribunal qu'il avait finalement effectué certaines recherches. Une grande implication de sa part ne pouvait ainsi être retenue. Il apparaissait aussi que lesdites démarches n’avaient été faites que pour les besoins de la procédure et qu’elles ne traduisaient pas une véritable volonté de sa part d'acquérir ou de réintégrer une nationalité, mais bien sa détermination à se voir reconnaître le statut d'apatride en Suisse.

Non contesté, cet arrêt est entré en force.

k. Interpellé par l’OCPM, B______ a indiqué par courrier du 20 décembre 2018 qu’après 20 années de relation et de vie commune de couple, A______ et lui-même avaient décidé de se marier. Ils comptaient entamer la procédure préparatoire de mariage et déposeraient ensuite une demande d’autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité, avec demande de regroupement familial pour leurs enfants.

l. Par courrier du 6 juillet 2021 adressé à B______, l’OCPM a constaté que, malgré la décision de refus du 23 avril 2015, il n’avait pas quitté la Suisse où il résidait toujours. Dans la mesure où son recours contre la décision du SEM avait été rejeté par le TAF le 24 juillet 2018, un délai au 6 septembre 2021 lui était imparti pour quitter la Suisse.

C. a. Le 27 août 2021, B______, A______ et leurs enfants, C______, D______ et E______ ont sollicité une autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité.

B______ se trouvait dans une situation inextricable car il ne parvenait pas à obtenir de documents officiels de l’État civil de Mayotte. De plus, n’ayant pas été reconnu par son père burkinabé, il ne pouvait pas obtenir de documents officiels au Burkina Faso. La situation était différente pour sa compagne et les enfants qui étaient ressortissants du Burkina Faso. Leur fils aîné avait récemment obtenu une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Les cadets ne connaissaient pas d’autre endroit que Genève où ils grandissaient et poursuivaient leur scolarité. L’intégration de la famille était bonne. Depuis son arrivée en Suisse, B______ avait toujours exercé une activité lucrative. Il avait récemment rencontré des problèmes de santé, de sorte que la famille bénéficiait très provisoirement de l’assistance publique. Comme attesté par le certificat médical annexé, il souffrait d’hypertension artérielle et, depuis 2018, de lombalgies récidivantes.

b. Par courriel du 21 janvier 2022, l’OCPM a rappelé à B______ la teneur de l’arrêt du TAF du 24 juillet 2018, l’obligation de justifier son identité au sens de l’art. 31 al. 2 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), de même que l’obligation pour un étranger participant à une procédure prévue par la LEI, d’être en possession d’une pièce de légitimation valable et reconnue (art. 13 al. 1 LEI), de s’en procurer une ou de collaborer avec les autorités pour en obtenir une (art. 89 et 90 let. c LEI ; art. 8 OASA).

Il lui incombait ainsi d’entreprendre des démarches sérieuses et appropriées auprès des autorités du Burkina Faso afin d’établir une potentielle nationalité et de transmettre la preuve des démarches effectuées dans un délai de 30 jours. À défaut, il serait statué en l’état du dossier.

c. Par courrier du 19 avril 2022, l’OCPM a fait part à B______ de son intention de refuser de faire droit à sa demande d’autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.

La durée de son séjour devait être relativisée en lien avec les années qu'il avait passées à l'étranger. Désormais âgé de 44 ans, il était arrivé en Suisse à l’âge de 27 ans, si bien qu’il avait vécu toute son enfance, son adolescence et une grande partie de sa vie d'adulte, soit les années essentielles pour le développement de la personnalité et pour l’intégration socioculturelle, à l’étranger.

Par ailleurs, il ne pouvait pas se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle particulièrement marquée ni exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Il n'exerçait aucune activité lucrative. De plus, il ressortait de l'attestation d'aide financière de l'hospice du 18 mars 2022, qu’il avait bénéficié de prestations financières du 1er novembre 2008 au 31 juillet 2019 et qu’il émargeait à nouveau à l’aide sociale depuis le 1er mars 2020. Il avait ainsi perçu un montant supérieur à CHF 127’704.- entre 2018 et 2019. En outre, selon l'extrait du registre des poursuites daté du 22 mars 2022, il faisait l’objet de divers actes de défaut de biens et de poursuites pour un montant important. Il n'avait pas non plus acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu'il ne pourrait plus les mettre en pratique à l'étranger.

Enfin, il ne pouvait pas invoquer la protection de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), car sa concubine et leurs enfants communs ne disposaient pas d’un droit de présence durable en Suisse. Son fils aîné était majeur et ils ne se trouvaient pas, l’un à l’égard de l’autre, dans un rapport de dépendance lié à un handicap.

Au surplus, l’exécution de son renvoi paraissait être a priori possible, licite et exigible au sens de l’art. 83 LEI.

Un délai lui était accordé pour exercer son droit d’être entendu par écrit.

d. Par courrier du 19 avril 2022, l’OCPM a fait part à A______ de son intention de refuser de faire droit à la demande d’autorisation de séjour déposée en sa faveur et en faveur des enfants C______, D______ et E______, et de prononcer leur renvoi de Suisse.

La durée du séjour de A______ en Suisse devait être relativisée au regard des années passées dans son pays d’origine et à l’étranger. Désormais âgée de 41 ans, elle était arrivée en Suisse à l’âge de 26 ans, après avoir passé toute son enfance, son adolescence et une grande partie de sa vie d’adulte, soit la période essentielle pour le développement de la personnalité et l’intégration socioculturelle, au Burkina Faso et à l’étranger.

En outre, elle ne pouvait pas se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle particulièrement marquée en Suisse et elle n’avait pas acquis des connaissances professionnelles ou des qualifications spécifiques telles qu’elle ne pourrait plus les mettre en pratique au Burkina Faso. De plus, selon l’attestation de l’hospice du 17 novembre 2014, elle percevait une aide financière depuis le 1er novembre 2008. Entre 2010 et 2014, elle avait perçu plus de CHF 238'436.-. Son concubin avait émargé à l’assistance social du 1er novembre 2008 au 31 juillet 2019, puis à nouveau dès le 1er mars 2020 et tant elle-même que les trois enfants avaient été pris en compte dans l’aide perçue par celui-ci.

Concernant sa situation personnelle, elle ne se distinguait guère de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités au Burkina Faso, étant rappelé que l'exception aux mesures de limitation n'avait pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie dans son pays d'origine.

S’agissant de la prise en compte de l’intérêt supérieur des enfants conformément à l’art. 3 al. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996, Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), il convenait de relever que les trois enfants étaient arrivés en Suisse à l’année de leur naissance. Ils étaient âgés respectivement de 13 ans, 11 ans et 3 ans. E______ n'était pas encore scolarisée. D______ n’avait pas encore atteint l’adolescence et son intégration en Suisse n’était pas encore déterminante. Quant à C______, bien qu’adolescente, il était important qu’elle demeure au sein de sa fratrie. Dans ces circonstances, l’intégration des enfants dans leur pays d'origine ne devrait pas poser de problèmes insurmontables.

Enfin, A______ ne pouvait pas invoquer l’art. 8 CEDH. D’une part, son concubin ne disposait pas d’un droit de présence durable en Suisse et, d’autre part, ni elle ni son fils aîné qui était majeur ne se trouvaient, l’un à l’égard de l’autre, dans une relation de dépendance liée à un handicap.

Au surplus, l’exécution de leur renvoi paraissait être a priori possible, licite et exigible.

Un délai lui était accordé pour exercer son droit d’être entendu par écrit.

e. Le 8 juin 2022, A______ a expliqué que ses enfants et elle-même se trouvaient dans une situation difficile en raison des problèmes administratifs que rencontraient B______ en lien avec ses nationalités française et burkinabé. Cela étant, elle pouvait se prévaloir d’une excellente intégration en Suisse et elle avait toujours respecté l’ordre public, ce qui était également le cas d’B______. Le groupe familial avait été contraint de solliciter l’aide de l’hospice en raison des problèmes de santé invalidants d’B______. Il avait tenté de reprendre une activité lucrative, mais sans succès, en raison des douleurs causées. Il était à la recherche d’une activité compatible avec son état de santé, tel qu’un poste de chauffeur-livreur. En l’absence de titre de séjour, il lui était toutefois difficile de trouver un emploi. Elle-même avait perdu de nombreuses opportunités d’emploi pour ce motif. Elle ne faisait l’objet d’aucune poursuite et malgré la charge de famille qu’elle devait assumer, elle avait toujours fait son possible pour se former et trouver un emploi. Actuellement en contact avec un employeur disposé à l’engager, elle sollicitait l’autorisation de travailler durant la procédure.

Concernant les enfants, ils suivaient une scolarité normale à Genève et ne connaissaient pas le Burkina Faso. Compte tenu de la durée de leur séjour en Suisse, un renvoi à leur âge pourrait avoir de graves conséquences psychologiques.

Enfin, leur sort étant lié à celui d’B______, l’OCPM devait surseoir à la procédure, en attendant qu’il obtienne les documents requis auprès des autorités du Burkina Faso.

Elle a notamment produit copie d’une attestation de formation d’assistante maternelle à domicile datée du 20 mars 2013, d’un certificat de comptabilité pour secrétaire comptable daté du 17 avril 2014, d’une attestation de suivi du séminaire « Club Emploi » datée du 27 juin 2017 et d’un certificat d’employée de maison et lingerie en EMS et aide à domicile aux personnes âgées daté du 2 mai 2022, tous obtenus à Genève.

f. Le 8 juin 2022, B______ s’est déterminé.

Il avait entamé les démarches auprès des autorités compétentes afin d’obtenir la nationalité du Burkina Faso, ce qui n’était pas aisé, car son père semblait n’avoir effectué aucune démarche officielle pour le reconnaître. Faute de ce document, il n’était même pas en mesure de célébrer son mariage avec A______, avec laquelle il était marié religieusement mais non civilement.

Pour des raisons indépendantes de sa volonté, il n’était, en l’état, pas en mesure de produire de documents d’identité français ou burkinabé, si bien qu’il sollicitait plus de temps pour ce faire. Si la décision de renvoi à son encontre devenait exécutoire, il n’allait pas de soi que les autorités du Burkina Faso le reconnaîtraient comme l’un de leurs ressortissants.

Enfin, son sort étant intimement lié à celui de sa famille, leur situation devait être examinée ensemble.

g. Par décision du 24 juin 2022, l’OCPM, a refusé de faire droit à la demande d’autorisation de séjour déposée en faveur de A______ et de ses enfants C______, D______ et E______, et a prononcé leur renvoi, leur impartissant un délai au 21 août 2022 pour quitter la Suisse.

h. Par décision du même jour, l’OCPM a refusé de faire droit à la demande d’autorisation de séjour d’B______ et a prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 21 août 2022 pour quitter la Suisse.

D. a. Par acte du 26 août 2022, B______ a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Il était né d’une mère française et d’un père burkinabé, à Sada sur l’île de Mayotte, département français d’Outre-Mer, où il avait vécu jusqu’à l’âge de 7 ou 8 ans. Il avait ensuite été envoyé au Burkina Faso chez son père qui ne l’avait jamais reconnu officiellement. À l’âge de 16 ou 17 ans, il avait été envoyé en France, à Sospel, chez sa mère qui était décédée entre 1996 et 1997. Il s’était ensuite installé à Paris chez son oncle. N’ayant suivi aucune scolarité et étant pratiquement illettré, son oncle s’était chargé des démarches administratives. Il avait ainsi reçu un certificat de nationalité française. Après avoir obtenu un passeport français sur la base de son extrait de naissance et du certificat précité, il s’était rendu en Allemagne pour y travailler. Il avait égaré les documents précités au cours de ce séjour et avait déclaré leur perte à l’ambassade de France à Hambourg. En 2003, il s’était rendu quelques mois en Angleterre afin d’y apprendre l’anglais. Il était ensuite revenu en France, mais n’avait plus trouvé trace de son oncle. Une opportunité professionnelle avait motivé sa venue en Suisse. En 2004, il avait sollicité un duplicata de son extrait de naissance et de son certificat de nationalité auprès des autorités françaises à Nice, qui n’avaient trouvé sa trace dans aucun registre. Son passeport lui avait alors été retiré. S’agissant de ses démarches au Burkina Faso, à force d’insistance, il avait obtenu un document, daté du 9 août 2022, attestant du fait qu’il ne pouvait pas bénéficier d’un certificat de nationalité burkinabé, qu’il n’avait jamais eu ni un tel document ni un passeport ni une carte d’identité. Compte tenu de ce nouvel élément, il apparaissait qu’il ne pouvait se tourner vers aucun pays. Se posait alors la question du pays vers lequel son renvoi serait exécuté. En l’absence d’autre solution, il se réservait le droit de déposer une nouvelle demande en reconnaissance de son statut d’apatride.

Cela étant, ses conclusions rejoignaient celles de sa compagne qui s’opposait également au renvoi prononcé à son encontre et à l’encontre de ses enfants. Ils invoquaient à cet égard la protection de l’art. 8 CEDH.

La décision attaquée était aussi disproportionnée, l’OCPM ayant considéré avec une certaine légèreté que C______, âgée de 14 ans, et D______, âgé de 11 ans, respectivement scolarisés en 10ème année et 8ème année, pourraient s’adapter au Burkina Faso, alors qu’ils ne connaissaient rien à ce pays.

La famille n’entendait pas rester à la charge de l’assistance publique. D’ailleurs, rien ne permettait de penser que A______, qui avait été autorisée à travailler à temps partiel, ne parviendrait pas à augmenter son taux d’activité et permettre à la famille d’acquérir son indépendance financière.

Il a notamment produit un document intitulé « Certificat de non naturalisation » portant le n° 0390/2022, daté du 9 août 2022, à teneur duquel « Le président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou certifie au vu l’extrait de naissance suivant : Extrait d’acte de naissance, attestant que D______, né le ______ à Sada (Mayotte), ne figure pas sur le registre des états civils du Burkina Faso, et ne peut donc pas bénéficier du Certificat de Nationalité Burkinabé ; Il n’a jamais eu de certificat de Nationalité Burkinabé, ni de passeport, ni de la Carte Nationale d’Identité Burkinabé (CNIB) ».

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/2706/2022.

b. Par acte du 26 août 2022, A______, agissant en son nom et pour le compte de ses enfants mineurs C______, D______ et E______, a recouru auprès du TAPI contre la décision du 24 juin 2022.

Reprenant en substance les arguments développés par B______ dans son recours, elle a notamment souligné les difficultés auxquelles seraient confrontés C______ et D______ en cas de renvoi au Burkina Faso, pays dans lequel leur père ne pourrait pas entrer, faute de pouvoir prouver sa nationalité burkinabé.

Elle a produit un chargé contenant essentiellement les pièces produites devant l’OCPM.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/2710/2022.

c. Le 9 novembre 2022, l’OCPM a autorisé A______ à travailler du 9 décembre 2022 au 28 avril 2023, à raison de 30 heures par semaine, en qualité de collaboratrice de nettoyage auprès de la société G______ SA, précisant qu’il s’agissait d’une autorisation révocable en tout temps.

d. Par jugement du 3 avril 2023, le TAPI a rejeté les recours, après avoir ordonné leur jonction.

S’agissant de la date d’arrivée de la famille en Suisse, le dossier comportait de nombreuses contradictions. Dans l’hypothèse qui leur était la plus favorable, il y avait lieu de retenir qu’B______ était arrivé à Genève en 2004, A______ en 2008 et les enfants après ou au moment de leur naissance, soit en 2008, 2011 et 2018.

Si la durée de leur séjour devait être qualifiée de très longue, elle devait être fortement relativisée, dès lors qu’elle avait été effectuée en partie illégalement et en partie à la faveur d’une tolérance des autorités dans le cadre des procédures engagées. Plus grave encore, B______ avait effectué une partie de son séjour grâce à des autorisations de séjour obtenues frauduleusement.

Les intéressés se trouvaient dans une situation financière particulièrement obérée. Sur le plan professionnel, ils n’avaient nullement établi avoir déployé les efforts nécessaires afin de trouver un emploi et d’acquérir leur indépendance financière. Ils n’avaient par ailleurs pas établi avoir noué de forts liens avec la Suisse. B______ avait fait preuve d’un comportement répréhensible. Il avait non seulement obtenu, dès 2005, des titres de séjour successifs en Suisse, sur la base d’un passeport français obtenu indûment qui lui avait, de surcroît, été retiré en 2004, mais il avait également tenté d’obtenir sur cette base des autorisations de séjour en faveur de sa famille. Ainsi, ni leur âge, ni la durée de leur séjour sur le territoire, ni encore les inconvénients pratiques auxquels ils pourraient éventuellement se heurter en cas de retour dans leur pays ne constituaient des circonstances si singulières qu'il faille considérer qu'ils se trouveraient dans une situation de détresse personnelle devant justifier l'octroi d'une exception aux mesures de limitation.

S’agissant des enfants, E______ âgée de 4 ans était née à Genève. Compte tenu de son très jeune âge, elle restait rattachée dans une large mesure, par le biais de ses parents, au pays d'origine de ces derniers. D______ était né en France voisine. Âgé de 12 ans il venait tout juste d’entrer dans l’adolescence. Il était scolarisé à Genève depuis août 2015 et fréquentait une classe de 8e primaire. Son intégration en Suisse n’était pas encore à ce point profonde qu’un retour dans son pays d’origine ne puisse être envisagé. La situation de C______ était plus délicate. Bien qu’elle soit née en France voisine, elle avait vraisemblablement vécu toute sa vie à Genève où elle était scolarisée depuis août 2013. Âgée de 14 ans, elle avait atteint la moitié de sa période d’adolescence et fréquentait une classe de 10e au cycle d’orientation. Bien que son processus d’intégration soit certainement bien avancé, elle n’avait pas encore atteint un degré scolaire particulièrement élevé. Les connaissances qu'elle avait acquises étaient avant tout d'ordre général et lui seraient donc profitables pour la suite de sa scolarité ailleurs qu’en Suisse. Sans minimiser les difficultés auxquelles elle pourrait être confrontée à son retour au Burkina Faso, son âge et son avancement scolaire constituant assurément des éléments de nature à compliquer sa réintégration dans son pays d'origine, le processus d'intégration au milieu socioculturel suisse qu’elle avait entamé n'était pas encore à ce point profond et irréversible qu'un retour dans son pays d'origine ne puisse plus du tout être envisagé.

Ainsi, le seul facteur plaidant en faveur du dossier des intéressés était la situation de C______, voire celle de D______. La situation de ces deux enfants ne pouvait toutefois contrebalancer les facteurs très défavorables liés à la situation des parents.

Enfin, l’exécution de leur renvoi n’était pas matériellement impossible.

E. a. Par acte du 16 mai 2023, B______ et A______, agissant pour eux-mêmes et pour les enfants C______, D______ et E______, ont formé recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’octroi des titres de séjour sollicités.

A______ continuait d’être employée à 80% par la société G______ SA. Ils demeuraient assistés par l’hospice, mais dans une moindre mesure compte tenu des revenus de A______.

b. Par réponse du 14 juin 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

c. Les recourants n’ont pas répliqué dans le délai imparti à cet effet, si bien que la cause a été gardée à juger le 9 août 2023, ce dont les parties ont été informées.

d. Le 6 novembre 2023, les recourants ont produit une attestation d’aide financière de l’hospice datée du 6 novembre 2023 selon laquelle le recourant avait perçu des prestations financières du 1er mars 2020 au 31 octobre 2023.

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Est litigieux le refus de l’OCPM de préaviser favorablement auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) l’autorisation de séjour des recourants et prononçant leur renvoi.

2.1 Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

2.2 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants des Philippines.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er septembre 2023, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110
consid. 2 ; ATA/891/2023 du 22 août 2023 consid. 3.3 ; directives LEI, ch. 5.6).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2). Selon la jurisprudence, le simple fait pour un étranger de séjourner sur le territoire helvétique pendant de longues années, y compris à titre légal, ne permet pas d'admettre un cas personnel d'extrême gravité, sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles à même de justifier l'existence d'un cas de rigueur (cf. ATAF 2007/16 consid. 7, ainsi que l'arrêt du TAF F-2872/2018 du 26 mai 2020 consid. 6.5).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3).

2.3 Lorsque des enfants sont concernés, il faut tenir compte des effets qu'entraînerait pour eux un retour forcé dans le pays d'origine. Lorsqu'un enfant se trouve en début d'adolescence, période essentielle du développement personnel et scolaire, un soudain déplacement du centre de vie peut constituer un véritable déracinement et s'accompagner de grandes difficultés d'intégration. Ces éléments ne sont cependant pas suffisants, à eux seuls, pour faire obstacle au renvoi de la famille, en particulier si l'adolescent n'a pas encore entrepris des études ou une formation professionnelle qu'il ne pourrait mener à terme dans le pays d'origine et qu'il parle la langue du pays d'origine (arrêts du Tribunal fédéral 2C_647/2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.4 et les références; 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4). 

2.4 Pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur lorsqu'une famille est concernée, la situation de chacun de ses membres ne doit en principe pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global, dans la mesure où le sort de la famille forme en général un tout (ATAF 2007/16 consid. 5.3; arrêt du TAF F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.7 et F-3332/2015 du 13 février 2018 consid. 4.4).

2.5 Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

3.             En l’espèce, les recourants peuvent se prévaloir d’un séjour en Suisse de très longue durée. Le TAPI a retenu que, dans l’hypothèse qui leur était la plus favorable, le recourant était arrivé à Genève en 2004 et la recourante en 2008, ce qui parait du reste corroboré par les pièces au dossier, en particulier le formulaire OCPM du recourant daté du 2 février 2004 et les attestations d’aide sociale de l’hospice. Les recourants séjournent ainsi en Suisse depuis, respectivement 19 et 15 ans. Force est toutefois de constater que, s’agissant de la recourante, l’intégralité de son séjour s’est déroulée dans l’illégalité, et, depuis sa demande de régularisation en 2011, au bénéfice d’une simple tolérance. Or, conformément à la jurisprudence précitée, la durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte. Quant au recourant, son séjour s’est déroulé au bénéfice d’une simple tolérance depuis 2015, étant rappelé qu’une partie de son séjour a été effectuée grâce à une autorisation obtenue frauduleusement. Il y a donc lieu d'examiner si des critères d'évaluation autres que la seule durée du séjour en Suisse seraient de nature à faire admettre qu'un départ de ce pays placerait les intéressés dans une situation excessivement rigoureuse.

En l’occurrence, il n’est pas contesté que les recourants ont contracté une dette sociale considérable. Ils perçoivent tous deux des prestations financières de l’aide sociale depuis 2008. Selon les attestations de l’hospice versées au dossier, le recourant a perçu, entre 2018 et 2022, un montant total de CHF 127'705.70 (étant précisé qu’il a cessé de bénéficier de l’aide sociale entre le 1er août 2019 et le 28 février 2020) alors que la recourante a touché un montant de CHF 238'438.40 pour la seule période de 2010 et 2014. Extrapolés sur une période de quinze ans d’assistance, ces chiffres avoisinent le montant de CHF 1'000'000.- d’aide sociale. Les recourants font en outre tous deux l’objet d’actes de défaut de biens. Leur situation financière est ainsi particulièrement obérée. L’assistance publique dure par ailleurs depuis quinze ans, sans que les recourants n’aient cherché à intégrer le marché de l’emploi. Quoi qu’ils en disent, les difficultés liées à leur statut administratif ne justifient pas l’absence totale d’intégration dans le marché du travail, étant rappelé que le recourant était au bénéfice d’une autorisation d’établissement de 2010 à 2015. On relèvera d’ailleurs que l’importante dette sociale a été accumulée précisément au motif que les intéressés ont poursuivi leur séjour en Suisse alors qu’ils ne bénéficiaient pas de titres de séjour. Les problèmes médicaux invoqués par le recourant ne suffisent pas non plus à justifier une absence d’intégration professionnelle. Le seul document médical produit au dossier fait état d’une hypertension artérielle et, depuis 2018, de lombalgies récidivantes. On ne trouve toutefois au dossier aucune mention d’une incapacité de travail en lien avec ces affections et le recourant n’a pas démontré avoir dû renoncer à une activité professionnelle pour ce motif. Quant à la recourante, elle n’a produit aucun document permettant de démontrer ses efforts pour s’intégrer dans le marché du travail. Ce n’est que très récemment, et – comme l’a retenu le TAPI – vraisemblablement pour les besoins de la cause, qu’elle a trouvé un emploi dans le domaine du nettoyage. Dans son recours, l’intéressée expose avoir la charge prépondérante de ses enfants, ce qui rendait « presque impossible » l’exercice d’une activité lucrative. Or, outre le fait qu’une telle situation n’empêche pas en soi un retour à l’emploi, force est de relever que leur père n’exerçait pas non plus d’activité lucrative, de sorte que rien ne l’empêchait de s’occuper des enfants si leur mère devait travailler.

Sur le plan de l’intégration sociale, les recourants n’ont pas invoqué s’être spécialement investis dans la vie associative ou culturelle. S’ils se sont sans doute constitués un réseau d’amis et de connaissances à Genève, ils ne prétendent pas que de tels liens dépasseraient en intensité ce qui peut être raisonnablement attendu de n’importe quel étranger au terme d’un séjour d’une durée comparable.

Le recourant a, enfin, fait l’objet d’un comportement répréhensible ayant abouti à la révocation de son autorisation d’établissement. Il a essayé d’obtenir, sur la base d’un passeport français qui lui avait été retiré en 2004, des autorisations de séjour pour sa compagne et ses enfants. Or, un tel comportement dénote un mépris certain pour les institutions.

Pour le reste, la recourante a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d'origine, dont elle connaît les us et coutumes. Quant au recourant, arrivé en Suisse à l’âge de 27 ans, il a vécu toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte en partie en France et en partie au Burkina Faso. Certes, après une longue période d’absence du Burkina Faso, ils traverseront une phase de réadaptation. Il n'apparaît cependant pas que les difficultés auxquelles ils devront faire face en cas de renvoi seraient pour eux plus graves que pour la moyenne des étrangers, en particulier des ressortissants du Burkina Faso retournant dans leur pays.

Dans leur recours, les intéressés mettent en exergue la situation de leurs trois enfants, scolarisés en Suisse, pour en conclure qu'il ne saurait leur être imposé de quitter ce pays.

S’agissant d’abord de E______, née en décembre 2018 et vraisemblablement scolarisée depuis août 2023, elle reste encore attachée dans une large mesure au Burkina Faso, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet.

Les situations de D______ et C______ sont en revanche plus délicates. Né en janvier 2011, D______ est au seuil de sa puberté. Ayant toujours vécu en Suisse, pays dans lequel il a été scolarisé, un départ pour le Burkina Faso constituera sans doute un changement important. Il sera néanmoins accompagné de ses parents et de ses sœurs, avec qui il vit. Avec l’aide de sa famille, il pourra s’adapter au changement de lieu de vie, lequel sera facilité par le fait que le français est la langue officielle au Burkina Faso. En outre, il est actuellement scolarisé en 9P, de sorte qu’il n'a pas encore atteint un niveau de formation susceptible de constituer un obstacle à la poursuite de sa scolarité dans son pays. Quant à C______, née en France en novembre 2008, elle est désormais âgée de 15 ans. Arrivée en Suisse peu après sa naissance, l’intéressée a suivi toute sa scolarité dans ce pays et fréquente désormais la dernière année du cycle d’orientation. Avec la scolarisation, l’intéressée s’est intégrée de manière accrue en Suisse, de sorte qu’un départ pour le Burkina Faso est susceptible d’entraîner des difficultés d’adaptation. Toutefois, étant encore au cycle d’orientation, il apparaît que le bagage scolaire qu’elle a acquis en Suisse consiste avant tout en des connaissances générales, qui pourront être mises à profit dans son pays. La situation de l’intéressée ne saurait ainsi être assimilée à celle d'un adolescent qui aurait déjà entamé une formation universitaire ou professionnelle impliquant l’acquisition de qualifications et de connaissances spécifiques. Dans ces conditions, le processus d’intégration entamé par l’intéressée, s’il est certes avancé, n’est pas encore à ce point profond et irréversible qu'un renvoi au Burkina Faso ne puisse plus être envisagé. Comme son frère, elle sera accompagnée de sa famille et son intégration sera facilitée par le fait qu’elle maîtrise déjà la langue du pays.

C’est le lieu de rappeler que lorsqu'une famille sollicite la reconnaissance d'un cas de rigueur, la situation de chacun de ses membres ne doit en principe pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global, car le sort de la famille forme en général un tout. Les enfants des recourants doivent ainsi supporter les conséquences du comportement adopté par leurs parents, lesquels ont bénéficier de prestations sociales importantes, sans que l’on puisse s’attendre à ce qu’ils pourvoient à l’avenir eux-mêmes à l’entretien de la famille. Comme l’a relevé l’autorité intimée, l’activité exercée par la recourante depuis décembre 2022, laquelle lui procure un salaire net de moins de CHF 3'000.-, ne suffit manifestement pas à couvrir les besoins d’une famille de cinq personnes. Quant à l’attestation d’aide sociale de l’hospice du 6 novembre 2023, produite par les recourants alors que la cause était gardée à juger depuis près de trois mois, elle ne permet pas non plus de retenir qu’ils ne bénéficient plus de l’assistance publique. Outre le fait que le document se limite à attester du versement de prestations durant une période déterminée, sans mentionner de fin de prestations par l’hospice, il ne concerne que le recourant. Or, il n’est pas contesté que l’hospice verse également des prestations à la recourante et aux trois enfants. Ainsi, et quoi qu’en disent les intéressés, une sortie à court terme de l’assistance publique paraît improbable. Partant, en venant vivre en Suisse et en y fondant une famille alors qu’elle était démunie d’un titre de séjour, la recourante ne pouvait ignorer qu’elle pourrait être amenée à devoir quitter la Suisse, avec les conséquences susceptibles d’en découler pour elle et ses enfants.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, c’est à juste titre que l’OCPM, suivi en cela par le TAPI, a retenu que le long séjour des intéressés sur sol helvétique et la scolarisation de leurs enfants ne saurait revêtir un poids déterminant dans l'analyse de la présente cause. L’OCPM n’a ainsi pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que les recourants ne remplissaient pas les conditions restrictives permettant l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

4.             Reste à examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM était fondé.

4.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

4.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Les recourants n’invoquent aucun élément permettant de retenir que leur renvoi, et celui des trois enfants, ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé.

S’agissant en particulier de la situation du recourant sur le plan administratif, le TAF a déjà relevé qu’il n’était pas parvenu à démontrer avoir entrepris toutes les démarches qui pouvaient raisonnablement être attendues de lui en vue de recouvrer sa citoyenneté d’origine. Le recourant a certes produit, devant le TAPI, un « certificat de non naturalisation » burkinabé daté du 9 août 2022. Or, comme l’a relevé le TAPI, sans que ce point n’ait été spécifiquement contesté devant la chambre de céans, le recourant n’a pas démontré avoir entrepris les démarches utiles en vue de l’établissement de sa nationalité burkinabé par le biais de sa filiation paternelle. Il lui est par ailleurs loisible de solliciter auprès des autorités diplomatiques burkinabé un laissez-passer en sa faveur afin que son statut soit établi. Son renvoi ne se heurte ainsi pas à des obstacles d’ordre technique et n’est pas matériellement impossible, ce que le recourant ne soutient d’ailleurs pas.

Quant aux arguments d'ordre médical avancés dans le recours, ils ne s’opposent pas non plus à l’exécution de son renvoi. Outre qu’il n’est pas démontré, ni même allégué, que le recourant nécessite des soins médicaux en lien avec ses affections, rien n’indique que ceux-ci ne seraient pas disponibles au Burkina Faso.

Pour le reste, aucun élément du dossier ne permet de retenir que le renvoi de la recourante et des trois enfants ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Nonobstant l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument, les recourants plaidant au bénéfice de l’assistance juridique. Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 mai 2023 par A______ et B______, agissant pour eux-mêmes et pour les enfants C______, D______ et E______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 3 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andrea VON FLÜE, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.