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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2711/2023

ATA/1207/2023 du 07.11.2023 ( MARPU ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2711/2023-MARPU ATA/1207/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 novembre 2023

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES DE L'ÉTAT DE GENÈVE intimée



EN FAIT

A. a. La direction générale des finances, des ressources humaines et des affaires extérieures (ci-après : DGFE), agissant par la Centrale commune d’achats (ci‑après : CCA), a publié le 1er juin 2023 sur le site simap.ch un appel d’offres, en procédure ouverte, non soumis aux accords internationaux, portant sur des prestations de formation en gestion de projet selon la « méthode Hermès » destinées à l’ensemble du personnel de l’État de Genève.

b. Le dossier d’appel d’offres précisait au point 2 que les critères du cahier des charges désignés comme « impératifs et éliminatoires » devaient être impérativement remplis, sous peine d’élimination de l’offre. Selon le point 5 let. a et b du dossier d’appel d’offres, le soumissionnaire devait remplir toutes les rubriques relatives au prix et proposer un prix forfaitaire. Le prix horaire forfaitaire pour la préparation de formations sur mesure devait, ainsi, être indiqué.

Le cahier des charges (annexe 1) comportait un tableau de cinq pages, qui détaillait chacune des prestations attendues, précisait si le critère était impératif et éliminatoire et prévoyait, pour certains postes, une rubrique relative au prix forfaitaire, hors TVA, à indiquer. Le poste L.c.4 était désigné comme impératif et éliminatoire et précisait : « le soumissionnaire indiquera dans son offre les honoraires forfaitaires horaires qu’il pratiquera pour les prestations de préparation d’une formation sur mesure, décrites de manière exhaustive, sous rubriques I.5, I.6, I.8 et I.9 ci-dessus. Ce prix doit être indiqué en francs suisses, hors TVA et doit inclure les charges sociales et tous autres frais inhérents à la prestation ». Suivait une case à remplir, intitulée « prix forfaitaire horaire, hors TVA en CHF ».

Les rubriques I.5, I.6, I.8 et I.9 précitées précisaient les attentes relatives aux formations sur mesure (durée de la préparation de l’intervention, de la séance d’évaluation finale, des séances de bilan intermédiaire et de la rédaction d’un rapport final). Les soumissionnaires n’avaient pas à fournir à cet égard d’indication relative au prix.

c. A______ (ci-après : A______) a présenté une offre dans le délai de soumission. Dans la rubrique L.c.4 relative à un prix horaire forfaitaire pour les prestations de préparation à une formation sur mesure, elle a renvoyé aux rubriques I.5, I.6, I.8 et I.9. Dans ces dernières, elle indiquait pour les trois premières prestations qui y étaient décrites un tarif horaire de CHF 45.- et pour la dernière un tarif horaire de CHF 60.-.

d. Interpellée par la CCA en vue de confirmer le prix forfaitaire horaire relatif aux prestations de préparation à une formation sur mesure telle que figurant au point L.c.4, A______ a répondu en se limitant à renvoyer au contenu de son offre et aux tarifs horaires qu’elle avait mentionnés aux rubriques I.5, I.6, I.8 et I.9.

e. La CCA l’a interpellée une nouvelle fois, en précisant qu’aucun prix ne devait être indiqué aux rubriques I.5, I.6, I.8 et I.9 et que seul un prix forfaitaire unique devait être indiqué à la rubrique L.c.4 du cahier des charges.

f. A______ a répondu qu’elle confirmait « les prix forfaitaires hors TVA, en CHF, tels que mentionnés dans la rubrique L.c.4 ».

g. Par décision du 21 août 2023, la DGFE a éliminé l’offre de A______ au motif qu’elle n’était pas conforme aux critères fixés dans le cahier des charges et le dossier d’appel d’offres. L’offre ne mentionnait pas, sous L.c.4 du cahier des charges, le prix forfaitaire horaire. Elle renvoyait aux rubriques I.5, I.6, I.8 et I.9 pour lesquelles toutefois deux tarifs horaires forfaitaires avaient été indiqués, de sorte qu’il n’était pas possible de savoir quel tarif horaire forfaitaire la soumissionnaire entendait appliquer pour les prestations liées à la préparation de formations sur mesure.

B. a. Par acte déposé le 31 août 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision. Elle n’avait pas mentionné de prix forfaitaire au point L.c.4, mais procédé à un renvoi aux points I.5, I.6, I.8 et I.9, ce qui correspondait aux composantes de ses tarifs. Les deux courriers de la CCA lui demandaient de confirmer ses tarifs et non de les corriger. Son élimination ne reposait que sur ce point et non sur le coût global des prestations, la qualité du contenu pédagogique ou de son formateur.

Le tarif horaire unique pour la préparation de la formation sur mesure était de CHF 60.-. Elle souhaitait que son offre soit réintégrée dans le marché public.

Elle a produit le cahier des charges, daté et signé le 31 août 2023, complété sous la rubrique L.c.4 de l’indication d’un prix forfaitaire horaire de CHF 60.-.

b. La DGFE a conclu au rejet du recours.

c. La recourante ne s’est pas manifestée dans le délai de réplique.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             La recourante estime avoir correctement rempli le dossier de soumission.

2.1 Pour être considérées en vue de l'adjudication, les soumissions doivent être conformes, au moment de leur ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l'appel d'offres, et avoir été déposées par un fournisseur remplissant les conditions de participation (art. XIII al. 4 let. a de l’accord du 15 avril 1994 sur les marchés publics - AMP - RS 0.632.231.422). La procédure d'examen de l'aptitude des soumissionnaires doit suivre des critères objectifs et vérifiables (art. 13 let. d de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05).

2.2 Les conditions pour être admis à soumissionner sont mentionnées aux art. 31 ss du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01. L’offre est écartée d’office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non conforme aux exigences ou au cahier des charges ou ne répond pas ou plus aux conditions pour être admis à soumissionner (art. 42 al. 1 let. a et b RMP). Les offres écartées ne sont pas évaluées. L’autorité adjudicatrice rend alors une décision d’exclusion motivée (art. 42 al. 3 RMP).

2.3 Le droit des marchés publics est formaliste. L’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l’art. 16 al. 2 RMP (ATA/969/2022 du 27 septembre 2022 consid. 3b ; ATA/1300/2018 du 4 décembre 2018 consid. 3b ; ATA/1446/2017 du 31 octobre 2017 et les références citées).

Toutefois, l’interdiction du formalisme excessif, tirée de l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), interdit d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité ou affectée d’un vice qui ne compromet pas sérieusement l'objectif visé par la prescription formelle violée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.1). À cet égard, l’autorité adjudicatrice dispose d’un certain pouvoir d’appréciation quant au degré de sévérité dont elle désire faire preuve dans le traitement des offres (ATA/969/2022 précité et les références citées).

Ces principes valent notamment pour la phase d’examen de la recevabilité des soumissions, lors de laquelle l’autorité adjudicatrice examine si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d’évaluation (ATA/969/2022 précité ; ATA/1446/2017 précité ; ATA/490/2017 du 2 mai 2017 ; ATA/1216/2015 du 10 novembre 2015 et les références citées).

2.4 En l’espèce, les soumissionnaires étaient invités à remplir le tableau relatif au cahier des charges. Celui-ci comportait de nombreuses rubriques, dont certaines précisaient que le fait de ne pas les remplir conduisait à l’élimination de l’offre. Tel était en particulier le cas de la rubrique L.c.4. Les soumissionnaires devaient y indiquer le « prix forfaitaire horaire, hors TVA en CHF » pour les prestations de préparation d’une formation sur mesure, telles que décrites sous les rubriques I.5, I.6, I.8 et I.9 du cahier des charges.

Or, la recourante n’a indiqué aucun prix sous la rubrique L.c.4. Elle s’est contentée d’un renvoi aux rubriques I.5, I.6, I.8 et I.9. Toutefois, celles-ci détaillaient les prestations attendues dans le cadre de la préparation de formations sur mesure, mais ne requéraient pas l’indication d’un tarif horaire forfaitaire. Par ailleurs, le seul renvoi aux dites rubriques ne permettait pas de déterminer le tarif horaire forfaitaire que la recourante entendait pratiquer pour la prestation de préparation de formations sur mesure, dès lors qu’elle y faisait figurer deux tarifs différents, à savoir CHF 45.- et CHF 60.-.

Malgré l’invite par deux fois par l’autorité adjudicatrice à indiquer un prix forfaitaire unique pour la rubrique L.c.4, la recourante n’a pas fourni d’indication à ce sujet, ni en particulier clarifié quel prix horaire forfaitaire elle entendait pratiquer pour ses prestations liées à la préparation de formations sur mesure.

La production, avec le recours, du cahier des charges correctement rempli, comportant en particulier l’indication du tarif horaire forfaitaire relatif à la prestation concernant la préparation de formations sur mesure, telle qu’exigée sous rubrique L.c.4, est tardive. Il ne peut donc en être tenu compte.

L’absence de l’indication requise du prix sous la rubrique précitée ne permettait pas à l’autorité intimée d’évaluer l’offre de la recourante. Celle-ci était ainsi fondée à prononcer l’élimination de cette offre. La décision éliminant l’offre de la recourante ne viole donc pas la loi ni ne consacre d’excès ou d’abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité adjudicatrice.

Mal fondé, le recours sera ainsi rejeté.

3.             Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 août 2023 par la A______ contre la décision de la direction générale des finances de l’État de Genève du 21 août 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de la A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public : si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ou si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à la A______, à la direction générale des finances de l'État de Genève ainsi qu'à la commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Sylvie DROIN, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :