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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1719/2023

ATA/1173/2023 du 31.10.2023 ( ANIM ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1719/2023-ANIM ATA/1173/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 octobre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Andres PEREZ, avocat

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES intimé



EN FAIT

A. a. A______ est le détenteur d’un chien de race B______ (B______) mâle né le ______ 2017, prénommé « C______ » et porteur du RID 1______.

b. Le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci‑après : SCAV) a reçu le 28 mai 2019 un formulaire officiel pour l’annonce de plusieurs morsures ayant infligé plusieurs blessures (perforation de l’épiderme) à un passant, le 21 mai 2019 à 17h30 sur le domaine public, attestées par un médecin le lendemain et causées par un chien B______ nommé « C______ », médaille 2______/2019, détenu par A______.

c. Selon un rapport d’entretien téléphonique du SCAV du 29 mai 2019, le passant sortait du travail et se dirigeait vers le parking lorsqu’il avait été interpellé par un homme assis à une table avec deux autres hommes, lequel lui avait demandé de la drogue. Il n’avait pas répondu et avait été interpellé à plusieurs reprises par le même homme, qui s’était peu à peu montré injurieux et menaçant, avait fini par le traiter de « fils de pute » et s’était approché de lui l’air menaçant. Le chien qui l’accompagnait, en liberté, l’avait alors attrapé au niveau des parties génitales et l’avait mordu. Il était parvenu à lui faire lâcher prise. Il avait dénoncé les agissements à la police et consulté un médecin qui avait désinfecté les deux plaies par perforation et lui avait administré un rappel de vaccin antirabique.

d. Selon un rapport du SCAV du 31 mai 2019, deux de ses inspecteurs s’étaient rendus ce jour-là vers 10h50 à l’hôtel D______, rue E______, où logeait A______. Ce dernier était absent, mais selon la réceptionniste, il sortait son chien tous les jours et elle ne l’avait jamais vu le maltraiter. Le chien n’avait jamais montré de signes d’agressivité, aucun client ne s’en était plaint et le personnel chargé du nettoyage n’avait jamais constaté de salissure.

e. Selon un rapport du SCAV du 3 juin 2019, un de ses inspecteurs était passé le même jour sur la plaine F______ et avait vu A______ non loin des terrains de pétanque. Celui-ci semblait aviné. Son chien était présent et portait sa laisse, mais A______ ne la tenait pas et le chien se promenait dans les environs, sans montrer de comportement agressif.

f. Par décision du 2 juillet 2019, le SCAV a ordonné à A______ de tenir « C______ » en laisse courte dès la sortie du domicile, y compris dans les espaces de liberté pour chiens, dans l’attente d’une évaluation de son comportement.

A______ ne s’était pas présenté à deux convocations successives pour évaluer le comportement du chien, sans motif valable.

Le non-respect de la décision pourrait entraîner le séquestre préventif du chien et même son séquestre définitif.

g. Selon un rapport d’entretien téléphonique du SCAV du 11 juillet 2019, A______ avait appelé le jour même à 11h40 pour indiquer qu’il ne pourrait répondre aux convocations, car il se trouvait au G______. Le SCAV lui avait indiqué que les mesures restaient valables aussi longtemps que l’animal n’aurait pas été évalué, qu’il serait à nouveau convoqué à l’adresse de sa curatrice et qu’une copie lui serait adressée à son adresse courriel privée.

h. Selon un rapport du 27 juillet 2019, l’évaluation du comportement de « C______ », qui avait eu lieu le 14 juin 2019, avait montré qu’il était un chien plutôt calme pour un B______ et ne présentait pas de nervosité, bien qu’il fût vif. Il s’était toujours montré respectueux envers son détenteur et l’évaluatrice. Son éducation était bonne et il avait plaisir à évoluer avec A______. À aucun moment durant l’évaluation il n’avait montré de comportement agressif ou menaçant. A______ était arrivé à l’évaluation avec une forte odeur d’alcool. Il était revenu sur l’incident du 21 mai 2019, indiquant qu’il s’était battu avec un homme, pour une raison qu’il avait oubliée, et que « C______ » avait réagi pour le défendre. Il avait avec son chien un lien très fort. Il était évident qu’ils avaient l’habitude d’être souvent ensemble et qu’ils se connaissaient très bien. A______ savait se faire obéir de son chien, tout en étant calme avec lui. Il était recommandé qu’il tienne son chien en laisse dans des espaces qui n’étaient pas des espaces de liberté.

i. Par décision du 29 juillet 2019, le SCAV a maintenu les mesures ordonnées le 2 juillet 2019, mais allégé l’une d’elles, précisant que « C______ » devait être tenu en laisse courte dans les endroits fréquentés par le public, notamment sur la plaine F______.

j. Selon un rapport de police du 8 septembre 2019, le samedi 7 septembre 2019, A______ avait été interpellé par la police pour avoir réclamé à un passant, au Parc H______, le même jour à 15h45, son téléphone portable, puis, comme celui-ci tentait d’en reprendre possession, lui avoir dit que les deux chiens qu’il tenait en laisse étaient nerveux, puis avoir fait mine de les lâcher sur lui en disant « attaque ».

k. Selon un rapport du SCAV du 3 décembre 2019, un contrôle effectué le même jour au domicile de A______, à l’hôtel D______, avait montré que « C______ » y était détenu conformément à la législation et ne présentait aucune agressivité. Il avait été rappelé à cette occasion à A______ que son chien devait être systématiquement tenu en laisse lorsqu’il était promené sur le domaine public et qu’il ne devait pas utiliser de dureté envers lui.

l. Il ressort d’un rapport de police du 20 avril 2023 que le 19 avril 2023 vers 15h25 une intervention a été requise par les Transports publics genevois (ci-après : TPG) à l’arrêt Place I______ du tramway.

A______, accompagné de son chien, effrayait les autres passagers du tramway de la ligne 17 sur lequel il circulait. En raison de son comportement virulent, des agents des TPG l’avaient sorti du tramway à la Place I______ afin de procéder à un contrôle. Récalcitrant et visiblement contrarié par ces vérifications, il avait tenté de remonter dans le tramway. Entravé par les agents, il avait verbalement ordonné à son chien de les attaquer. Celui-ci s’était exécuté et avait tenté de mordre au mollet l’agent J______, lequel était parvenu de justesse à esquiver une morsure.

À leur arrivée, les policiers avaient constaté que A______ était fortement aviné, tenait à peine debout et s’exprimait avec difficulté. L’éthylotest avait indiqué 1.38 mg/l. Il avait été incapable de remettre le collier à son chien et une connaissance avait dû l’aider. Il était dans l’incapacité totale de maîtriser son animal, qui était passablement excité et agressif, de sorte que la sécurité publique était clairement menacée.

Les policiers avaient appelé K______, inspecteur du SCAV, lequel s’était immédiatement rendu sur les lieux. Informé des faits, il avait décidé de procéder à la saisie et à la mise en fourrière de « C______ ».

m. Selon un rapport du SCAV du 19 avril 2023, « C______ » était tenu par une laisse longue de type enrouleur, alors même que A______ devait le tenir en laisse courte dans les espaces publics. Ce dernier était en état d’ébriété avancé et vociférait des propos incohérents. Il n’avait aucune maîtrise de son canidé, allant même jusqu’à ordonner à son chien d’attaquer le représentant du SCAV sur le ton de la « rigolade ». Le chien ne présentait aucun signe d’agressivité et venait même au contact de l’inspecteur du SCAV, cependant dès que A______ lui ordonnait d’attaquer, il s’exécutait et devenait agressif.

n. Selon le procès-verbal d’une audition du 4 mai 2023 au SCAV, A______ logeait à l’hôtel, bénéficiait d’une rente de l’assurance-invalidité mensuelle de CHF 3'800.- et était sous curatelle. Il sortait lui-même son chien chaque jour durant des heures. Son père s’en occupait lorsqu’il était en vacances. Sa curatrice ne lui avait pas transmis les deux décisions de juillet 2019.

Au sujet du rapport de police du 16 septembre 2019, selon lequel il aurait demandé le 7 septembre 2019 à un passant de lui prêter son téléphone portable, et, comme ce dernier tentait de le récupérer, aurait fait semblant de lui lâcher dessus les deux chiens qu’il promenait et leur aurait donné l’ordre de l’attaquer, il a indiqué qu’il ne pouvait s’agir de lui car il était alors en prison.

Au sujet du rapport de la police municipale du 2 décembre 2019 selon lequel le
2 novembre 2019 il aurait été en état d’ébriété sur la voie publique, accompagné de « C______ » qui n’était pas tenu en laisse, et aurait tenu des propos agressifs et eu des gestes menaçants envers son chien, si bien que ce dernier se serait réfugié à plusieurs reprises derrière les agents, les oreilles baissées et la queue entre les jambes, il a indiqué qu’il ne pouvait s’agir de lui car il était en prison.

En 2020, 2021 et 2022, il était en prison. Le chien était ensuite « parti en fourrière » après quoi son ami L______ s’en était occupé.

Le 19 avril 2023, il avait voulu faire la fête avec des amis et avait trop bu. Il avait eu un comportement déplacé et s’en excusait platement. Il avait adressé un courrier d’excuses au SCAV. Il souhaitait récupérer son chien et s’engageait à respecter toutes les conditions qui seraient mises à la restitution de celui-ci. Il prenait note que « C______ » était placé sous séquestre préventif.

o. Par décision du 8 mai 2023, le SCAV a (1) ordonné le séquestre définitif de « C______ », (2) mis à la charge de A______ tous les frais inhérents aux séquestres, (3) interdit à A______, pour une durée de deux ans, de détenir un chien pour des motifs de sécurité publique, (4) interdit à A______, passé ce délai, et pour des raisons de sécurité publique, de faire l’acquisition d’un chien pesant plus de 10 kg à l’âge adulte, pour une durée de trois ans, et ce (5) sous la menace des peines de l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

« C______ » avait été incité par A______ à attaquer des agents de la sécurité des TPG ainsi que l’inspecteur du SCAV. Il avait déjà été l’auteur de blessures perforantes envers une personne alors qu’il était promené par A______ le 21 mai 2019. Compte tenu des événements des 28 mai et 16 septembre 2019 et du 19 avril 2023, la sécurité publique était mise en péril. La propriétaire du chien avait à de nombreuses occasions, alors qu’il était en état d’ébriété, incité celui-ci à attaquer des tiers. Il n’avait pas respecté les mesures préconisées dans les courriers des 2 et 29 juillet 2019, notamment de tenir son chien en laisse courte dans des lieux fréquentés par le public. Il avait fait preuve le 2 novembre 2019 de dureté excessive envers son chien.

B. a. Par acte remis à la poste le 19 mai 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision, concluant à son annulation, à ce que son chien lui soit immédiatement restitué et à ce que les frais de son séquestre soient laissés à la charge du SCAV.

b. Le 7 juin 2023, A______ a complété ses conclusions et son recours.

Subsidiairement, la décision devait être annulée et le dossier renvoyé au SCAV pour nouvelle décision.

La décision était disproportionnée. Il avait adopté son chien lorsqu’il était encore un chiot, en 2017. Il avait suivi des cours d’éducation canine. Les rapports montraient une éducation satisfaisante. Avant 2019, il n’y avait eu aucun incident. Il souffrait de problèmes liés à sa consommation d’alcool, ce qui pouvait avoir des répercussions sur son comportement. Il avait d’ores et déjà pris contact avec le centre ambulatoire de psychiatrie et de psychothérapie intégrées (ci-après : CAPPI) en vue de mettre en place un suivi pour réduire sa consommation d’alcool, qui semblait être la seule raison des incidents survenus. Le SCAV aurait pu prévoir une mesure moins restrictive, telle que l’obligation de porter la muselière ou l’obligation de se soumettre à un suivi concernant sa consommation d’alcool, par exemple au CAPPI. Il entretenait un rapport très fort avec son chien, qui lui obéissait. Le rapport d’évaluation était rassurant et le dossier montrait que son chien n’était pas agressif. Les événements invoqués par le SCAV étaient exceptionnels et entièrement liés à sa consommation d’alcool.

c. Le 10 juillet 2023, le SCAV a conclu au rejet du recours.

Le recourant avait présenté à plusieurs reprises des signes d’alcoolisation. Cela étant, s’il sentait l’alcool lors de l’évaluation, celle-ci avait été réussie. Même aviné, le recourant semblait tout à fait conscient de la maîtrise qu’il avait de son canidé. Incapable de remettre la laisse à son chien en raison de son alcoolisation, il avait tout de même été capable de lui ordonner d’attaquer.

Les incidents de 2019 et 2023 avaient eu lieu selon des schémas similaires : se trouvant dans une situation houleuse, le recourant avait ordonné à son chien d’attaquer, ce que celui-ci, qui lui était très attaché, avait fait. Par ailleurs, le chien avait été détenu de 2020 à 2022 par un tiers, sans que le moindre incident n’ait été rapporté. « C______ » était un chien doté de mâchoires puissantes pouvant provoquer un sentiment d’insécurité dans l’espace public. D’une nature affectueuse, il devait recevoir une éducation infaillible et stable. La violation par le recourant de la décision de 2019 lui ordonnant de tenir son chien en laisse courte dans les espaces fréquentés, les antécédents et l’instrumentalisation du chien imposaient le séquestre définitif de l’animal. L’ordre donné au chien d’attaquer violait les obligations de détenteur du recourant. Une mesure moins incisive n’était pas suffisante pour garantir la sécurité et la tranquillité publiques. La sécurité publique serait en péril si le chien était restitué au recourant. Il était en effet nécessaire de « casser le binôme ».

d. Le 14 août 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

e. Le 18 août 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige a pour objet la décision du SCAV ordonnant le séquestre définitif de « C______ », mettant à la charge du recourant tous les frais inhérents aux séquestres, interdisant à ce dernier, pour une durée de deux ans, de détenir un chien, pour des motifs de sécurité publique et lui interdisant, passé ce délai, et pour des raisons de sécurité publique, de faire l’acquisition d’un chien pesant plus de 10 kg à l’âge adulte et ce pour une durée de trois ans.

2.1 La loi fédérale sur la protection des animaux du 16 décembre 2005 (LPA-CH - RS 455) vise à protéger la dignité et le bien-être de l’animal (art. 1 LPA-CH). Selon l'art. 73 al. 1 de l'ordonnance sur la protection des animaux du 23 avril 2008 (OPAn - RS 455.1), l’élevage, l’éducation et la manière de traiter les chiens doivent garantir leur socialisation, à savoir le développement de relations avec des congénères et avec l’être humain, et leur adaptation à l’environnement.

2.2 La loi sur les chiens du 18 mars 2011 (LChiens - M 3 45) a pour but de régir, en application de la LPA-CH, les conditions d’élevage, d’éducation et de détention des chiens, notamment en vue d’assurer la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques (art. 1 let. b LChiens). Il résulte des travaux préparatoires ayant conduit à son adoption que la LChiens n’est pas une loi sur les chiens, mais sur leurs détenteurs et met en particulier l’accent sur la prévention (MGC 2002 2003/XI3.A-6561 ; ATA/1323/2019 du 3 septembre 2019 consid. 2a).

2.3 Le SCAV est compétent pour l’application de la loi et de son règlement d’exécution (art. 3 al. 1 LChiens ; art. 1 al. 1 du règlement d’application de la LChiens du 27 juillet 2011 - RChiens - M 3 45.01).

2.4 Les art. 10 ss LChiens régissent les conditions de détention et énoncent diverses obligations à charge du détenteur, à savoir celui qui exerce la maîtrise effective sur le chien et qui a de ce fait le pouvoir de décider comment il est gardé, traité et surveillé (art. 11 al. 1 LChiens). Le détenteur doit éduquer son chien, en particulier en vue d’assurer un comportement sociable optimal de ce dernier, et faire en sorte qu’il ne nuise ni au public, ni aux animaux, ni à l’environnement, le dressage à l’attaque étant en principe interdit (art. 15 LChiens). Tout détenteur doit prendre les précautions nécessaires afin que son chien ne puisse pas lui échapper, blesser, menacer ou poursuivre le public et les animaux, ni porter préjudice à l’environnement, notamment aux cultures, à la faune et à la flore sauvages (art. 18 al. 1 LChiens). Cette dernière disposition pose le principe de la maîtrise nécessaire des chiens pour éviter la survenance d’accidents, qui peuvent mettre en cause non seulement le public, les enfants et les personnes âgées étant particulièrement vulnérables, mais également les animaux domestiques, notamment les autres chiens, qui sont souvent victimes d’agressions de la part de leurs congénères (MGC 2008-2009 XI A 15083).

2.5 Il appartient au détenteur d’annoncer au département les cas de blessures graves à un être humain ou à un animal, causées par son chien et tout comportement d’agression supérieur à la norme, une telle obligation incombant également aux forces de l’ordre et aux vétérinaires (art. 36 al. 1 et 2 LChiens). Selon l’art. 38 LChiens, dès réception d’une dénonciation ou d’un constat d’infraction, le département procède à l’instruction du dossier conformément aux dispositions de la LPA (al. 1). Il peut séquestrer immédiatement l’animal et procéder à une évaluation générale ou faire appel à des experts afin d’évaluer le degré de dangerosité du chien, et ce aux frais du détenteur (al. 2).

2.6 À l’issue de la procédure, le département statue et prend, le cas échéant, les mesures prévues à l’art. 39 LChiens (al. 3). En application de l’al. 1 de cette dernière disposition, le département peut prononcer et notifier aux intéressés, en fonction de la gravité des faits : l’obligation de suivre des cours d’éducation canine (let. a) ; celle du port de la muselière (let. b) ; la castration ou la stérilisation du chien (let. c) ; le séquestre provisoire ou définitif du chien (let. d) ; le refoulement du chien dont le détenteur n’est pas domicilié sur le territoire du canton (let. e) ; l’euthanasie du chien (let. f) ; le retrait de l’autorisation de détenir un chien (let. g) ; l’interdiction de pratiquer l’élevage (let. h) ; le retrait de l’autorisation de pratiquer le commerce de chiens ou l’élevage professionnel (let. i) ; le retrait de l’autorisation d’exercer l’activité de promeneur de chiens (let. j) ; la radiation temporaire ou définitive de la liste des éducateurs canins (let. k) ; l’interdiction de détenir un chien (let. l).

2.7 Le catalogue des mesures prévues à l’art. 39 al. 1 LChiens concerne tant l’animal que les différents acteurs en interaction avec les chiens. Dans ce cadre, le SCAV dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le choix de la mesure qu’il juge la plus adéquate, tout en étant tenu par les limites du principe de proportionnalité (MGC 2008-2009 XI A 15096).

2.8 Dans l’exercice de ses compétences, l’autorité administrative doit respecter le principe de la proportionnalité. Exprimé à l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), il commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et raisonnablement exigible de la part de la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 4.1). Traditionnellement, le principe de proportionnalité se compose des règles d’aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, celui portant l’atteinte la moins grave aux intérêts privés soit privilégié, et de la proportionnalité au sens étroit, selon lequel les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public soient mis en balance (ATA/1102/2021 du 19 octobre 2021 consid. 4e).

2.9 En l’espèce, le SCAV reproche au recourant d’avoir, en de nombreuses occasions, alors qu’il était en état d’ébriété, incité « C______ » à attaquer des tiers, de ne pas avoir respecté les mesures ordonnées en 2019, notamment de tenir « C______ » en laisse courte dans les lieux fréquentés par le public et d’avoir fait preuve de dureté excessive à l’égard de « C______ ».

Le recourant ne conteste plus avoir reçu les décisions des 2 et 29 juillet 2019. Il en avait, quoi qu’il en soit, connaissance, puisque le 11 juillet 2019, le SCAV lui avait indiqué au téléphone que les mesures restaient valables aussi longtemps que « C______ » n’aurait pas été évalué, qu’il serait à nouveau convoqué à l’adresse de sa curatrice et qu’une copie lui serait adressée à son adresse courriel privée, le
3 décembre 2019 la mesure lui avait été rappelée oralement et le 27 juillet 2019, le recourant avait participé à l’évaluation de son canidé.

À l’appui d’une violation du principe de la proportionnalité, il fait valoir tout d’abord qu’il souffre de problèmes liés à sa consommation d’alcool dont l’autorité n’aurait pas tenu compte.

Il ne peut être suivi. Le SCAV a retenu dans la décision querellée qu’il était en état d’ébriété lorsqu’il a incité son chien à attaquer des tiers.

Le recourant explique toutefois que sa consommation d’alcool serait la seule cause des incidents survenus et qu’il aurait « d’ores et déjà pris contact avec le CAPPI » pour y remédier. Le SCAV objecte que, même en état d’ébriété, il aurait été capable d’ordonner à son chien d’attaquer, ce qui dénoterait une certaine maîtrise.

Quelle que soit l’influence sur son comportement des problèmes rencontrés par le recourant avec l’alcool, il demeure que, sinon à de « nombreuses occasions » comme le soutient le SCAV, en tout cas à trois reprises en moins de quatre ans, celui-ci a lancé son chien ou menacé de le lancer à l’attaque de tiers, contrevenant aux art. 15 al. 1 et 18 al. 1 LChiens, qui prescrivent au détenteur d’un chien, respectivement, d’assurer un comportement sociable optimal de ce dernier afin qu’il ne nuise ni au public ni aux animaux, et de prendre les précautions nécessaires afin que son chien ne puisse pas lui échapper, blesser, menacer ou poursuivre le public et les autres animaux. Le recourant ne démontre pas que le fait pour lui de prendre contact avec le CAPPI pour remédier à ses problème d’alcoolisation permettrait d’écarter ou de réduire le danger de nouvelles agressions.

Le recourant fait ensuite valoir qu’un temps considérable se serait écoulé entre juillet 2019 et avril 2023, durant lequel aucun problème ne serait survenu.

Il ne conteste toutefois pas que son chien a été détenu par une autre personne de 2020 à 2022 sans être impliqué dans des agressions, de sorte que l’écoulement du temps est sans portée sur l’appréciation du comportement du recourant et de son aptitude à détenir un chien puissant.

Le recourant soutient qu’une mesure moins incisive, comme l’obligation du port d’une muselière ou l’obligation de se soumettre à un suivi de sa consommation d’alcool, aurait été plus proportionnée.

Il perd de vue, sous l’angle du critère de la subsidiarité, que le port de la muselière vise à contenir des chiens naturellement agressifs ou difficiles à contrôler – ce qui n’est pas le cas de « C______ », dont la bonne nature a été relevée lors de l’évaluation – et non à les protéger des injonctions d’attaque proférées par leurs maîtres. Cela étant, une mesure moins incisive, soit la tenue de « C______ » en laisse courte, avait déjà été prescrite eu recourant en juillet 2019, mais il n’avait pas, ou du moins pas avec constance, observé cette injonction, ce qu’il ne conteste pas. Enfin, s’agissant de sa consommation d’alcool, le recourant n’établit pas, comme vu plus haut, qu’elle serait la cause unique des agressions par son chien qu’il a provoquées, de sorte que si elle devait à l’avenir être réduite ou abolie, rien n’indique que cela le préviendrait de lancer à nouveau son chien à l’attaque et de compromettre la sécurité publique.

L’attachement réciproque du recourant et de son chien n’est pas contesté, de même le fait que le recourant entretient en général avec son chien une bonne relation, qu’il le promène souvent et que celui-ci lui obéit. Tel n’est toutefois pas déterminant en l’espèce, étant donné que la loyauté du chien et son obéissance ont précisément permis qu’il attaque des tiers sur ordre de son maître.

Il est vrai que la mesure de séquestre définitif de l’animal constitue l’une des mesures les plus sévères. Toutefois, compte tenu de la répétition des comportements du recourant sur une longue durée et alors qu’il détenait effectivement son chien, l’autorité ne disposait pas d’une autre mesure moins sévère, mais aussi efficace pour l’empêcher de lancer à nouveau un chien puissant à l’attaque de tiers, de sorte qu’elle n’a pas violé le principe de proportionnalité en prononçant le séquestre définitif de l’animal.

Pour les mêmes motifs, l’interdiction deux ans durant de détenir toute espèce de chien puis l’interdiction trois ans durant de détenir un chien de plus de 10kg à l’âge adulte répondent également de manière proportionnée au risque pour la sécurité publique posé par les comportements récurrents du recourant. À cet égard, il peut être observé que, de 2020 à 2022, ce dernier n’a pas lui-même détenu « C______ ».

Enfin, il fait valoir qu’il n’aurait fait l’objet d’aucune condamnation ni même d’aucune plainte pénale. Or, une poursuite pénale n’est pas nécessaire pour établir une violation par le recourant de ses obligations découlant de la LChiens, étant rappelé que les victimes de 2019 et 2023 n’ont apparemment pas souhaité déposer plainte.

C’est ainsi de manière conforme au droit, et sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation, à la loi que le SCAV a prononcé les mesures contestées.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Nonobstant l’issue du litige, aucun émolument sera mis à la charge du recourant, qui plaide au bénéfice de l’assistance juridique (art. 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 mai 2023 par A______ contre la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 8 mai 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Andres PEREZ, avocat du recourant, au service de la consommation et des affaires vétérinaires ainsi qu’à l’office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Catherine GAVIN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :