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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2884/2021

ATA/1177/2023 du 31.10.2023 sur JTAPI/570/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2884/2021-PE ATA/1177/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 octobre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Pierre OCHSNER, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mai 2023 (JTAPI/570/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1990, est ressortissant du B______.

b. Le 22 mai 2018, il a formé une demande de régularisation de ses conditions de séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Il séjournait en Suisse depuis 2008. Il produisait un formulaire M indiquant une activité auprès de C______ SA, une attestation d'absence d'aide financière de l'Hospice général (ci-après : l’hospice) et une attestation de non poursuite de l'office des poursuites, une copie d'un extrait AVS couvrant les années 2010 puis 2013 à 2015, une attestation des Transports publics genevois (ci-après : TPG) couvrant les années 2010 et 2013 à 2017.

c. Les 17 juillet et 29 novembre 2018, 14 mai et 12 décembre 2019 et 18 janvier 2021, des visas de retour lui ont été délivrés.

d. Le 8 septembre 2019, il a transmis à l'OCPM divers documents, dont des fiches de salaire de E______ SA couvrant les années 2011 et 2012, un contrat de travail auprès de cette société mentionnant une prise d'activité le 10 janvier 2010 ainsi que plusieurs lettres de recommandation.

e. Le 16 juin 2020, l'OCPM a dénoncé A______ au Ministère public en raison de doutes quant à l'authenticité de certains documents présents dans le dossier, notamment ceux établis au nom de E______ SA.

f. Le 24 février 2021, A______ a été interpellé par la police et prévenu d'infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), de pornographie, de comportement frauduleux à l'égard des autorités ainsi que de faux dans les titres.

Lors de son audition, il a déclaré être arrivé en Suisse en 2008 ou en 2009. Il n'était pas resté en Suisse de manière continue, dès son arrivée à 2012. Il avait fourni de faux documents aux autorités au nom de E______ SA pour prouver ses années à Genève. Les faux documents lui avaient été remis par son ancien patron, F______. Il avait également fourni de fausses indications relatives à sa domiciliation. Il reconnaissait avoir partagé et détenu des vidéos à caractère pornographique « pour rigoler ».

g. Le 13 avril 2021, l'OCPM l’a informé de son intention de refuser de soumettre son cas au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) avec un préavis favorable et de prononcer son renvoi de Suisse.

Il ressortait du rapport d'arrestation du 25 février 2021 qu'il avait produit des documents falsifiés, notamment des fiches de salaire, dans le but d'induire en erreur l'OCPM afin d'obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Dans ces circonstances, sa situation ne répondait pas aux critères de l' « opération Papyrus » ni à ceux relatifs à un cas individuel d'extrême gravité. Il n'avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable. Son comportement correspondait au comportement ordinaire qui pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n'avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Il n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place. Dans toutes ses demandes de visas, il avait indiqué vouloir rendre visite à sa famille qui se trouvait au B______.

h. Le 21 juin 2021, A______ a fait part de ses observations à l'OCPM. Comme il n'avait pas reçu de fiches de salaire de E______ SA à l'époque, il avait demandé plusieurs années après à l'administrateur de cette société, un certain Fernando, un document démontrant son activité pour cette société. Celui-ci lui avait remis des fiches de salaire en 2019. Il n'en demeurait pas moins qu'il avait vraiment travaillé pour cette entreprise. Puis son ancien employeur avait finalement accepté de lui faire, après coup, de vraies « fausses fiches ».

i. Par décision du 29 juin 2021, l’OCPM a refusé de soumettre son cas au SEM avec un préavis favorable, pour les motifs invoqués dans son courrier d’intention du 13 avril 2021. Son renvoi, possible, licite et raisonnablement exigible, a également été prononcé, un délai au 29 août 2021 lui étant imparti pour quitter la Suisse.

B. a. Par acte du 31 août 2021, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour. Préalablement, la procédure devait être suspendue jusqu'à droit connu dans la procédure pénale diligentée à son encontre. Sa comparution personnelle et l'audition de G______ devaient être ordonnées.

b. Le 8 octobre 2021, le TAPI a prononcé la suspension de l'instruction du recours.

c. En date du 24 octobre 2022, A______ a transmis au TAPI le dispositif du jugement du Tribunal de police du 28 juin 2022, le reconnaissant coupable de pornographie, de séjour illégal pour la période du 28 juin 2015 au 16 mai 2018, d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation pour la période du 28 juin 2015 au 16 mai 2018, de faux dans les titres et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités, l’acquittant d'entrée illégale, de séjour illégal pour la période du 17 mai 2018 au 24 février 2021 et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation pour la période du 17 mai 2018 au 24 février 2021, classant la procédure s'agissant des infractions de séjour illégal et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation pour la période du 24 février 2014 au 27 juin 2015 et le condamnant à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, assortie du sursis avec délai d’épreuve de trois ans.

Ce jugement n'a pas été contesté.

d. Le 16 janvier 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

e. Par jugement du 22 mai 2023, le TAPI a écarté la demande d’actes d’instruction et rejeté le recours.

A______ ne pouvait se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle remarquable ou exceptionnelle. Sa condamnation pénale n’était pas anodine. En produisant de faux documents et en cherchant à induire les autorités en erreur, il dénotait un certain mépris pour les institutions.

Il avait passé au B______ son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte. Il y retrouverait ses proches. Il pourrait compter sur sa famille. Il était encore jeune et en bonne santé et n’aurait pas d’importants problèmes de réintégration professionnelle. Son renvoi n’était ni illicite, ni impossible ni raisonnablement inexigible.

C. a. Par acte remis au greffe le 21 juin 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à ce qu’une autorisation de séjour lui soit accordée. Préalablement, sa comparution personnelle et l’audition de G______ devaient être ordonnées.

Il était arrivé pour la première fois à Genève en 2008, était reparti au B______ au printemps 2009, puis revenu à Genève le 13 juin 2009. Il avait logé chez des amis près de la piscine H______ et travaillé au noir dans la construction, en particulier chez un certain G______ à I______ jusqu’en 2010, année durant laquelle il avait déménagé dans une colocation aux J______ et vécu de petits travaux, et notamment pour E______S SA, laquelle ne l’avait pas déclaré. En 2019, alors qu’il s’était résolu à obtenir de fausses fiches de salaire s’il le fallait, un certain K______, administrateur de E______S SA avait accepté de lui remettre des fiches de salaire après coup, qui comportaient certes une multitude d’erreurs, mais attestaient d’un travail véritablement effectué. Il avait toujours travaillé depuis qu’il était en Suisse et occupait un poste de maçon coffreur.

Le TAPI avait constaté les faits de manière inexacte et violé la loi. Il était arrivé pour la première fois en Suisse en 2008 et y avait donc passé la moitié de sa vie. L’OCPM n’avait pas été trompé sur des faits pertinents devant être appréciés pour la délivrance d’un permis. Les documents remis attestaient d’un travail qu’il avait effectué et de sa présence en Suisse. Il n’avait jamais été assisté par l’hospice, ce qu’il avait établi, et qui prouvait qu’il avait su s’accoutumer aux valeurs de travail prônées par la Suisse.

Son renvoi ne semblait pas raisonnablement exigible au regard des changements et adaptations qu’il lui imposerait. Subsidiairement, le délai fixé par l’OCPM n’apparaissait pas raisonnable.

b. Le 18 juillet 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Les arguments soulevés étaient les mêmes que ceux soulevés devant le TAPI. Il se référait à sa décision et au jugement attaqué.

c. Le 21 août 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

d. Le 22 août, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Il sera revenu en tant que de besoin sur les arguments et les pièces des parties dans la partie en droit.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant conclut préalablement à son audition et à celle d’un témoin.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l’espèce, le recourant demande à être entendu sur son arrivée en Suisse en 2008 ainsi que les activités professionnelles qu’il y a exercées et les lieux où il a séjourné depuis lors. Or, l’occasion lui a été donnée, devant l’OCPM, le TAPI et la chambre de céans, d’alléguer tous les faits pertinents et de produire toute pièce utile pour la solution du litige. Le recourant n’explique pas quels éléments supplémentaires utiles qu’il n’aurait pu décrire voire documenter par écrit son audition pourrait apporter.

Il a affirmé avoir travaillé dès le 15 juin 2009 « essentiellement au noir dans le domaine de la construction, en particulier chez un certain G______, à I______ », sans apporter aucune précision sur la nature de son emploi, sa durée, son taux de travail, son salaire et le lieu de son activité.

Cela étant, même si G______ devait témoigner qu’il était arrivé en Suisse en 2008 et y avait travaillé, ces éléments ne permettraient pas de lui octroyer une autorisation de séjour, et ne changeraient rien au fait que son recours doit être rejeté, ainsi qu’il sera vu plus loin.

Il ne sera pas donné suite à la demande d’actes d’instruction.

3.             Le recourant reproche à l’OCPM d’avoir refusé de lui octroyer une autorisation de séjour pour cas individuel d’extrême gravité.

3.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

3.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

3.3 L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

3.4 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

3.5 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

3.6 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

3.7 Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA.

3.8 En l’espèce, il convient, en premier lieu, de relever que le recourant ne remplit pas les conditions de l’« opération Papyrus », dès lors qu’il a fait l’objet d’une condamnation pénale qui ne se rapporte pas à son seul séjour illicite. En effet, sa condamnation 28 juin 2022 l’a reconnu coupable de séjour illégal pour la période du 28 juin 2015 au 16 mai 2018 et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation pour la période du 28 juin 2015 au 16 mai 2018, mais aussi de pornographie, de faux dans les titres et de tentative de comportement frauduleux à l'égard des autorités, soit d’avoir tenté d’induire l’OCPM en erreur par la production de fausses preuves d’une activité salariée.

Le recourant soutient que l’OCPM n’a pas été trompé. La réalisation de l’infraction n’a en effet été retenue qu’au degré de réalisation de la tentative. Cependant, le fait que l’infraction n’ait pas été consommée, s’il modère la culpabilité du recourant, ne l’efface pas et il reste que ce dernier a tenté d’obtenir une prestation par la production de documents forgés.

Il soutient encore que les documents remis attestent quoi qu’il en soit de son travail et de sa présence en Suisse à l’époque. Cette assertion ne manque pas d’audace. Lors de son audition par la police le 24 février 2021, il a admis qu’il ne connaissait même pas le nom de E______ SA, qu’il avait reçu les documents de son ancien employeur F______, qu’il n’avait pas rémunéré pour cela, lequel lui avait expliqué qu’il avait travaillé pour cette entreprise en 2011 et 2012 et avait été déclaré, ce qu’il avait cru. Or, l’entreprise ne figure pas sur son décompte AVS, le contrat de travail daté du 7 janvier 2011 et les décomptes de salaire dès mars 2011 mentionnent un plein-temps alors que le recourant a affirmé à la police avoir travaillé « un peu pour F______ » en 2011 et 2012, l’adresse indiquée sur le timbre de l’entreprise était celle valable dès 2016 et les taux de cotisation indiqués dans les relevés de salaire ont été identifiés par l’OCPM comme erronés.

Sous l’angle du cas individuel d’extrême gravité, même s’il fallait admettre que le recourant a séjourné en Suisse depuis 2008, ou de manière continue depuis juin 2009, comme il le soutient, cette circonstance ne suffirait pas pour réaliser les conditions à la délivrance d’une autorisation de séjour. Son séjour aurait en effet duré moins de dix ans au moment du dépôt de sa demande et se serait déroulé entièrement dans l’illégalité, ce qui relativiserait en tout hypothèse fortement son poids.

Par ailleurs, l’intégration socio-professionnelle du recourant ne peut être considérée comme exceptionnelle ou remarquable, ce qu’il ne conteste pas vraiment lorsqu’il affirme qu’il a passé en Suisse la moitié de sa vie et travaillé pour la prospérité du pays. Il a en effet œuvré dans la construction et les connaissances qu’il a acquises ne sont pas si spécifiques qu’il ne pourrait être attendu de lui qu’il les fasse valoir dans son pays d’origine.

Le fait d’être indépendant financièrement, de ne pas dépendre de l’aide sociale, de ne pas faire l’objet de poursuites ni d’actes de défaut de biens et de maîtriser la langue française au degré requis sont des qualités pouvant être attendues de tout candidat à la régularisation. Le recourant ne fait pas valoir qu’il se serait investi dans la vie sociale, associative, sportive ou culturelle à Genève ni qu’il y aurait noué des liens amicaux d’une intensité telle qu’il ne pourrait les poursuivre par le biais de moyens de télécommunication modernes une fois de retour au B______.

Le recourant est âgé de 33 ans, célibataire et sans enfants. Il est encore jeune. Il a passé au B______ son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte. Il connaît donc les us et coutumes de son pays et en parle la langue. Ainsi, quand bien même après plusieurs années passées à l’étranger, il traversera à son retour dans son pays une nécessaire phase de réadaptation, sa réintégration
socio-professionnelle ne paraît pas gravement compromise. Il pourra compter sur l’appui de ses proches et de la famille qu’il y a gardées.

Il est encore observé que l’« opération Papyrus » se contentait de concrétiser les critères légaux fixés par la loi pour les cas de rigueur et que, comme cela vient d’être retenu, le recourant ne remplit pas les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA. Il ne saurait donc, pour ce motif non plus, se prévaloir de cette opération.

C’est ainsi de manière conforme à la loi et sans abus de son pouvoir d’appréciation que l’OCPM a refusé au recourant de soumettre son dossier au SEM avec un préavis favorable à la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

4.             Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.

4.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

4.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Le recourant n’invoque aucun élément permettant de retenir que son renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé ; de tels éléments ne ressortent pas non plus du dossier.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 juin 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 mai 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre OCHSNER, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.