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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1918/2023

ATA/1031/2023 du 19.09.2023 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1918/2023-FORMA ATA/1031/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 19 septembre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Samir DJAZIRI, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA

FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé

 



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 2003, a terminé le cycle d'orientation (ci‑après : CO) au B______, et a commencé en août 2018 une formation gymnasiale au C______.

b. Le 25 avril 2022, le Dr D______, médecin psychiatre, a rédigé un certificat médical en indiquant qu'il suivait A______ régulièrement et que celle-ci, pour des raisons médicales, n'était pas apte à terminer sa troisième année du Collège (année scolaire 2021-2022). Elle avait été mise au bénéfice d'un traitement adapté dans le cadre d'un traitement thérapeutique global, afin de trouver l'équilibre psychologique nécessaire à poursuivre ses études lors de l'année scolaire suivante.

c. En juin 2022, elle s'est vu donner la possibilité de redoubler son année.

d. A______ n'a toutefois pas poursuivi ses études gymnasiales lors de l'année scolaire 2022-2023.

B. a. Le 1er avril 2023, elle s'est adressée par courrier à la direction générale de l'enseignement secondaire II (ci-après : DGES II).

Elle souhaitait intégrer le Collège pour adultes E______(ci-après : E______) pour y achever son cursus. Le directeur du E______ lui avait indiqué par courriel du 29 mars 2023 qu'elle ne remplissait pas les critères d'admission car elle n'avait pas les deux ans d'arrêt scolaire demandés, et elle voulait recourir contre cette décision.

Étant atteinte d'un trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (ci‑après : TDAH), elle avait pu observer savoir mieux gérer son trouble dans un cadre calme et motivant ainsi qu'avec une organisation telle que celle proposée par le E______. Elle avait subi l'échec plusieurs fois durant son cursus au C______, et changer de cadre lui permettrait de prendre un nouveau départ.

Le E______ permettait aussi de bénéficier d'un horaire adapté à une activité professionnelle. Elle avait pu découvrir le monde du travail et serait reconnaissante de pouvoir lier un emploi à ses études.

b. Par décision du 5 mai 2023, la DGES II a rejeté le recours.

Un élève ne pouvait en principe pas être admis au E______ avant d'avoir 20 ans et devait en outre bénéficier d'une expérience professionnelle d'une année ou d'une expérience jugée similaire. De plus, pour un élève issu d'une école publique préparant à la maturité gymnasiale, un délai de deux ans était en principe requis pour accéder à cette filière.

Or elle avait encore 19 ans, et deux années ne s'étaient pas encore écoulées depuis son départ du C______ en juillet 2022. Par souci d'égalité de traitement, il n'était ainsi pas possible d'accéder à sa demande de dérogation. Elle pouvait toutefois travailler une année et présenter une demande d'admission pour la rentrée 2024.

C. a. Par acte déposé le 7 juin 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation, à être admise par dérogation au E______ à la rentrée 2023, et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Elle ne contestait pas la non-réalisation des conditions de l'âge et du délai depuis la fin de sa formation gymnasiale. Selon la jurisprudence, une dérogation aux conditions d'admission pouvait être accordée, ce qui résultait aussi de l'utilisation de la locution « en principe » dans le texte réglementaire.

Les arguments qu'elle avait développés dans son recours à la DGES II étaient fondés et pertinents. Elle avait besoin d'être entourée d'adultes motivés pour terminer sa formation, tandis qu'un retour au Collège de Genève serait voué à l'échec, ce qui était confirmé par un certificat de sa psychologue, qu'elle joignait au recours.

b. Le 22 juin 2023, la DGES II a conclu au rejet du recours.

La recourante ne remplissait pas les conditions posées par l'art. 64 du règlement relatif à l'admission dans l'enseignement secondaire II du 14 avril 2021 (RAES II – C 1 10.33). Elle n'avait pas encore 20 ans et deux années ne s'étaient pas écoulées depuis son départ du Collège en avril 2022. En outre, la condition d'une activité professionnelle d'au moins une année précédant l'admission faisait également défaut.

Les termes « en principe » ne figuraient plus dans l'article de règlement précité depuis le 14 avril 2021. Les problèmes de santé de la recourante lui avaient permis de bénéficier de plusieurs indulgences relatives à la poursuite de ses études, mais ne pouvaient justifier une dérogation à trois conditions exigées par le règlement et non réalisées. Il y avait en outre lieu de garantir le principe de l'égalité de traitement entre candidats.

c. Le 2 août 2023, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 25 août 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 25 août 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions, ajoutant qu'elle travaillerait à 20% dès le 1er septembre 2023.

e. La DGES II ne s'est quant à elle pas manifestée.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur une dérogation aux conditions d'admission au E______.

2.1 La formation est obligatoire jusqu’à l’âge de la majorité au moins (art. 194 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 -
Cst-GE - A 2 00).

Le degré secondaire II est composé notamment des établissements scolaires du Collège de Genève, du E______, de l’école de culture générale et de l’école de culture générale pour adultes (art. 84 al. 1 let. a de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 - LIP - C 1 10).

Les conditions d’admission, de promotion et d’obtention des titres sont fixées par voie réglementaire (art. 85 al. 1 LIP). L'admission au E______ est réglée par l'art. 64 RAES II.

L’âge minimum requis est de 20 ans ; pour le niveau propédeutique, l’âge de 19 ans peut être admis. Toutefois, les titulaires d’un certificat de l'école de culture générale, d’un certificat fédéral de capacité, d'une maturité professionnelle ou d’un titre jugé équivalent peuvent être admis dès leurs 18 ans révolus (art. 64 al. 1 in initio RAES II).

À l'inscription, l'élève doit en principe avoir une expérience professionnelle certifiée d'une année ou une expérience jugée équivalente ; en outre, il doit exercer parallèlement à ses études une activité professionnelle ou une activité jugée similaire (art. 64 al. 2 RAES-II).

Le candidat issu d’une école préparant à la maturité gymnasiale ou ayant fréquenté cette dernière ne peut être admis au E______ qu’après un délai de deux ans (art. 64 al. 8 RAES-II).

2.2 Avant le 21 avril 2021, les conditions d'admission étaient prévues par l'art. 9 du règlement relatif à la formation au collège pour adultes E______du 29 juin 2016 (RCAd - C 1 10.72).

À l'exception de la note marginale, les dispositions citées ci-dessus étaient identiques, sauf en ce qui concerne l'al. 8 qui prévoyait que le candidat issu d’une école préparant à la maturité gymnasiale ou ayant fréquenté cette dernière ne pouvait « en principe » être admis au E______ qu’après un délai de deux ans.

2.3 Sous l'empire de cet ancien texte, la chambre de céans a en 2019 admis un recours et renvoyé la cause au département (ATA/1269/2019 du 21 août 2019).

S'agissant de l'expérience professionnelle et du délai de deux ans, les al. 2 et 8 de l'art. 9 RCAd mentionnaient les termes « en principe ». Il s'ensuivait que des dérogations peuvent être accordées. La recourante avait expressément sollicité une dérogation au délai de deux ans et motivé sa requête. De même, elle ne contestait pas ne pas remplir la condition relative à l'expérience professionnelle d'une année.

Or, l'autorité intimée s'était limitée à rappeler les conditions précitées et, considérant qu'elles n'étaient pas remplies, avait rejeté la requête. Le département n'avait cependant ni motivé ni même examiné les possibilités expressément prévues par le règlement d'exceptions auxdits principes. Le département invoquait le principe de l'égalité de traitement avec des dossiers similaires pour fonder son refus. Celui-là ne pouvait toutefois justifier une absence d'analyse d'une exception aux principes posés aux al. 2 et 8 de l'art. 9 RCAd. Même le principe de l'égalité de traitement pouvait impliquer l'octroi d'une dérogation. Enfin, le département se limitait à indiquer que la recourante ne remplissait pas la condition d'âge, sans répondre à l'argument, de prime abord pertinent, de la recourante, à savoir qu'elle remplirait la condition des 20 ans révolus à la date de la rentrée scolaire.

Dès lors que la chambre administrative ne possédait pas le même pouvoir d'examen que l'autorité intimée, elle ne pouvait procéder elle-même à l'analyse de l'éventuelle réalisation des conditions dérogatoires de l'art. 9 RCAd.

2.4 Une décision viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art.  8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait ou lorsqu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 142 V 316 consid. 6.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_774/2014 du 21 juillet 2017 consid. 9.1 ; ATA/910/2023 du 25 août 2023 consid. 3.4).

Un justiciable ne saurait en principe se prétendre victime d’une inégalité de traitement au sens de l’art. 8 Cst. lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors même que dans d’autres cas, elle aurait reçu une fausse application ou n’aurait pas été appliquée du tout (ATF 139 II 49 consid. 7.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_114/2016 du 9 juin 2016 consid. 5.4).

2.5 En l'espèce, le présent cas se recoupe avec celui ayant donné lieu à l'ATA/1260/2019 précité par rapport à la condition de l'expérience professionnelle, puisque le texte réglementaire ménage, de par l'emploi des termes « en principe », la possibilité d'une dérogation et que l'intimée n'a fourni aucune réponse aux arguments présentés par la recourante. Force est toutefois de constater que cette condition a été citée par l'intimée dans sa réponse au recours mais que la décision attaquée n'en fait pas mention.

Il en va toutefois différemment des deux autres conditions. Pour le délai de deux ans, le texte en vigueur ne contient plus les mots « en principe », si bien qu'une dérogation n'apparaît plus possible. Aucune dérogation n'est non plus prévue s'agissant de l'âge, et dans le cas d'espèce la recourante ne peut pas arguer avoir atteint l'âge de 20 ans révolus avant la rentrée scolaire, puisqu'elle fêtera son vingtième anniversaire le 13 octobre 2023.

Les conditions posées par l'art. 64 RAES II étant cumulatives, la recourante ne peut ainsi bénéficier de la dérogation souhaitée.

Il découle de ce qui précède que le recours est mal fondé et doit être rejeté.

3.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 juin 2023 par A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 5 mai 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Samir DJAZIRI, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :