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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1599/2023

ATA/985/2023 du 12.09.2023 ( PROF ) , REJETE

Descripteurs : PROFESSION SANITAIRE;MÉDECIN;DEVOIR PROFESSIONNEL;INFRACTIONS CONTRE LES DEVOIRS DE FONCTION;DROIT DISCIPLINAIRE;MESURE DISCIPLINAIRE;SANCTION ADMINISTRATIVE;POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : LPMéd.1; LPMéd.33A; LPMéd.34.al1; LPMéd.40; LPMéd.41; LPMéd.43; LS.1; LS.71; LS.101; RISanté.1; RISanté.4; RISanté.6; RISanté.10; RISanté.30.al1.leta; LS.125A; LS.127; RISanté.21; Cst.5.al2
Résumé : Recours contre une décision infligeant une amende à un médecin responsable d’un centre médical. Le recourant avait été expressément désigné comme médecin responsable dans l’arrêté du département autorisant le centre à exploiter un établissement médical privé. Il était tenu d’annoncer les engagements et départ de tout professionnel de la santé, dont son propre départ à la retraite. Faute de l’avoir fait, l’intimée pouvait considérer qu’il était toujours le responsable du centre et lui imputer les manquements constatés dans l’établissement. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1599/2023-PROF ATA/985/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 septembre 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ intimée



EN FAIT

A. a. Par arrêté du 11 juillet 2017, le département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (désormais le département de la santé et des mobilités (ci-après : le département) a autorisé le « Centre Médical de B______ SA » (ci-après : le centre) à exploiter un établissement médical privé, pour lequel le docteur A______, spécialiste en radiologie et médecine interne générale, assumait la fonction de médecin responsable.

b. Par courrier du 27 avril 2022, la direction générale de la santé (ci-après : la DGS) a informé l’intéressé de l’ouverture d’une procédure administrative à son encontre suite à une dénonciation du centre par un assureur-maladie, qui avait relevé des irrégularités de facturation de la part du centre.

c. Le 25 janvier 2023, le Groupe risque pour l’état de santé et inspectorat (ci-après : GRESI) de la DGS a procédé à une inspection inopinée du centre, afin de contrôler les conditions d’exploitation. C______ s’est annoncé comme étant le directeur opérationnel du centre et a remis une liste des professionnels de la santé du centre. Il a précisé que l’intéressé demeurait le responsable de l’institution, mais qu’il n’avait plus eu de ses nouvelles depuis quatre mois, et que la responsabilité du centre était assurée alternativement par D______, E______ ou F______. Il n’avait pas de nouvelles de la première depuis plusieurs semaines et celle-ci n’avait aucune consultation ou rendez-vous prévu inscrit dans l’agenda du centre. Interrogé sur la situation des six professionnels annoncés sur la page Internet du centre, C______ a répondu que seuls deux médecins y travaillaient encore et que les quatre autres, dont l’intéressé, n’y exerçaient plus. Les locaux n’avaient pas été visités, mais il avait été constaté que deux professionnelles de la santé ne portaient pas de badge permettant leur identification et que plusieurs tests rapides antigéniques Covid, dont certains positifs, et des médicaments injectables usagés étaient sur le bureau de C______. Après avoir énuméré la liste des documents demandés à ce dernier, le GRESI a conclu que les autorisations de pratiquer des professionnels de la santé restaient réservées, que les conditions d’exploitation du centre n’étaient pas actualisées, que le responsable professionnel de la santé n’exerçait plus depuis plusieurs mois et ne pouvait donc pas assumer la responsabilité de cette institution, et que les mesures de précautions standards en matière de prévention contre l’infection n’étaient ni connues, ni appliquées au sein du centre.

d. Par courriel du 25 janvier 2023, le GRESI a également demandé à l’intéressé, en sa qualité de médecin responsable, les pièces mentionnées dans le rapport d’inspection.

e. Dans un courriel du jour même, le docteur E______ s’est déclaré nouveau médecin responsable.

f. Le 1er février 2023, le GRESI a effectué une nouvelle visite, en présence de C______, E______ étant absent. Il a alors constaté que les locaux et aménagements n’étaient pas conformes aux exigences professionnelles en vigueur, que les surfaces, mobilier et équipements n’étaient pas adaptés à l’activité. Il a relevé une odeur d’urine et des saletés dans le local WC accessible aux bénéficiaires, la présence de matériel non lavable et non désinfectable, d’un trou dans le carrelage du mur, d’un lave-main inutilisable, de solutions hydroalcooliques sans date d’ouverture ni limite d’utilisation. Plusieurs manquements ont été constatés en lien avec la prévention et le contrôle de l’infection, ainsi qu’avec les dispositifs médicaux, dont un défibrillateur en panne, des dispositifs sans date limite et mal stockés, du matériel réutilisable incorrectement désinfecté. Au niveau des produits thérapeutiques, des médicaments périmés étaient dans l’armoire d’accueil, accessibles à toute personne, et des médicaments étaient incorrectement stockés. Plusieurs dossiers médicaux étaient accessibles à toute personne. Lors de cette visite, C______ a transmis une nouvelle liste des professionnels de santé, datée du 25 janvier 2023, sur laquelle figure le nom de A______. À l’issue de cette inspection, certains documents encore manquants ont été requis et il a été conclu que l’institution de santé ne possédait pas les conditions requises pour une exploitation.

g. Par courrier du 3 février 2023, la DGS a invité A______ à prendre position sur les allégations contenues dans la dénonciation de l’assureur-maladie et à préciser depuis quand, à quel titre et à quel taux il travaillait pour le centre.

h. Le 10 mars 2023, A______ a répondu qu’il avait pris sa retraite le 31 mai 2020 à l’âge de 65 ans pour des raisons de santé, mais qu’il n’excluait pas de reprendre une activité professionnelle à temps partiel « dans quelques années », compte tenu du manque de médecins. Il conservait son droit de pratique et n’avait par conséquent « aucune raison » d’écrire à la direction générale de la santé. Enfin, il n’avait aucun contrôle sur les factures finales émises.

i. Le 11 mars 2023, il a indiqué qu’il souhaitait compléter sa précédente correspondance car il avait été « un peu étonné » de la formulation de « médecin responsable ». Il avait exercé la fonction de « médecin répondant » du centre « à titre gracieux », mais cette fonction avait en réalité toujours été occupée par C______, propriétaire de l’institution, qui gérait toute l’administration du centre et engageait le personnel. Lui-même ne s’occupait pas de la facturation et n’avait vu ni les curriculum vitae ni les droits de pratique des employés du centre.

j. Par courrier du 24 mars 2023, la DGS a indiqué à A______ qu’une procédure administrative était ouverte à son encontre, car du personnel semblait avoir été engagé sans autorisation de pratiquer et les locaux, installations et dispositifs médicaux n’avaient pas été utilisés de manière conforme aux règles en vigueur.

k. Le 28 mars 2023, l’intéressé a relevé qu’il n’avait connaissance d’aucune faute médicale qui se serait produite pendant sa pratique au centre et que tous les médecins alors employés avaient un FMH, à l’exception d’un médecin français qui avait entrepris des démarches pour obtenir un droit de pratique, ce qui prenait en général beaucoup de temps. Le médecin en question lui avait « transmis qu’il avait reçu l’assurance qu’il serait agréé » et les autorités ne s’étaient pas « manifestées ».

l. Par décision du 25 avril 2023, la DGS a infligé une amende de CHF 1'000.- à A______ pour violation grave de ses obligations en tant que médecin responsable du centre, dont les locaux étaient insalubres, des installations hors de fonctionnement et les dispositifs médicaux mal utilisés et mal stockés. En outre, C______, que l’intéressé avait désigné comme étant le réel médecin responsable, n’avait pas de diplôme de médecin et plusieurs médecins employés ne disposaient pas d’une autorisation de pratiquer dans le canton de Genève, alors qu’il incombait au médecin responsable de vérifier que ceux-ci exerçaient en conformité avec la loi, étant encore précisé que les informations nécessaires étaient librement consultables dans le registre des professions médicales. A______ ne pouvait pas abandonner toutes ses obligations de médecin responsable à un autre médecin et le fait d’exercer cette fonction à titre gracieux ne l’exonérait d’aucune responsabilité. Il n’appartenait pas aux autorités de s’assurer du bon fonctionnement du centre et il devait savoir que l’obtention d’un titre postgrade ne suffisait pas pour exercer en tant que médecin au centre.

B. a. Par acte du 5 mai 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision. Il avait commencé à travailler au centre le 15 avril 2016 et la proposition de devenir médecin responsable était liée au maintien de son engagement. Il n’avait reçu aucun cahier des charges et un tel document n’était pas disponible, ni au centre, ni à l’Association des médecins du canton de Genève (ci‑après : AMG), ni à la Fédération des médecins suisses (ci-après : FMH). Il avait démissionné en novembre 2019 pour le 31 mai 2020 et il appartenait au centre, et non au médecin responsable, d’engager un successeur. Il ne travaillait plus au centre depuis longtemps au moment des faits litigieux.

Le recourant a notamment produit :

-          sa lettre de démission datée du 12 novembre 2019, pour le 31 mai 2020, à l’attention de C______ ;

-          un courrier du 22 mai 2020 adressé à l’AMG annonçant qu’il prendrait sa retraite et cesserait son activité professionnelle le 31 mai 2020 ;

-          un courrier du 20 décembre 2020 par lequel il avait indiqué à la FMH qu’il était à la retraite depuis le 1er juin 2020, démissionnaire de la FMH à partir du 31  décembre 2020, membre actif de l’AMG jusqu’au 31 décembre 2020 et qu’il avait demandé à être membre passif dès le 1er janvier 2021.

b. Dans sa réponse du 9 juin 2023, l’autorité intimée a conclu au rejet du recours, pour les motifs invoqués dans la décision litigieuse.

La DGS n’ayant pas été avertie que le recourant avait cessé d’occuper ses fonctions, celui-ci était considéré comme médecin responsable jusqu’à son remplacement. Il lui appartenait de vérifier que les personnes exerçant une profession médicale le faisaient en conformité avec la loi. Or, deux médecins employées du centre au moment où le recourant y exerçait n’étaient pas au bénéfice d’une autorisation de pratiquer cette profession à Genève, et C______ n’était pas médecin. Le service du médecin cantonal avait eu connaissance des manquements au plus tôt suite à l’inspection du 25 janvier 2023, de sorte que la prescription n’était pas échue lors de la notification de l’amende le 25 avril 2023.

c. Le recourant n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Sur ce, les parties ont été informées de la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision du 25 avril 2023, par laquelle l’autorité intimée a infligé une amende de CHF 1’000.- au recourant pour violation grave de ses obligations en tant que médecin responsable du centre.

3.             Conformément à l’art. 1 de la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (LPMéd - RS 811.11), cette loi, dans le but de promouvoir la santé publique, encourage la qualité de la formation universitaire, de la formation postgrade, de la formation continue et de l’exercice des professions dans les domaines de la médecine humaine, de la médecine dentaire, de la chiropratique, de la pharmacie et de la médecine vétérinaire (al. 1). Elle garantit la libre circulation des membres des professions médicales universitaires sur tout le territoire suisse (al. 2). Dans ce but, elle fixe les exigences auxquelles doivent répondre la formation universitaire et la formation postgrade (al. 3 let. a) ; fixe les conditions d’obtention des diplômes fédéraux et des titres postgrades fédéraux pour les professions médicales universitaires (al. 3 let. b) ; prescrit l’accréditation périodique des filières d’études et des filières de formation postgrade (al. 3 let. c) ; fixe les conditions de reconnaissance de diplômes et de titres postgrades étrangers (al. 3 let. d) ; établit les règles régissant l’exercice des professions médicales universitaires sous propre responsabilité professionnelle (al. 3 let. e) : fixe les exigences auxquelles doit répondre le registre des titulaires de diplômes et de titres postgrades (al. 3 let. f).

Le chapitre 6 de la LPMéd régit l’exercice de la profession et la formation continue. Conformément à l’art. 33a LPMéd, toute personne exerçant une profession médicale universitaire doit être inscrite au registre des professions médicales universitaires visé à l’art. 51 (al. 1 let. a). L’employeur d’une personne exerçant une profession médicale universitaire sous surveillance professionnelle est chargé de vérifier que celle-ci est inscrite au registre des professions médicales universitaires visé à l’art. 51 (al. 3 let.a). Selon l’art. 34 al. 1 LPméd, l’exercice d’une profession médicale universitaire sous propre responsabilité professionnelle requiert une autorisation du canton sur le territoire duquel la profession médicale est exercée.

Au titre des devoirs professionnels, l’art. 40 LPMéd prévoit notamment que les personnes qui exercent une profession médicale universitaire sous leur propre responsabilité professionnelle doivent exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et respecter les limites des compétences qu’elles ont acquises dans le cadre de leur formation (let. a), garantir les droits du patient (let. c).

À teneur de l’art. 41 LPMéd, chaque canton désigne une autorité chargée de la surveillance des personnes exerçant, sur son territoire, une profession médicale universitaire sous leur propre responsabilité professionnelle (al. 1). Cette autorité de surveillance prend les mesures nécessaires pour faire respecter les devoirs professionnels. Elle peut déléguer certaines tâches de surveillance aux associations professionnelles cantonales compétentes (al. 2).

3.1 Les personnes exerçant une activité qui ne relève pas de l’art. 1 al. 3 let. e LPMéd sont soumises au droit cantonal et pas au droit fédéral disciplinaire (ATF 148 I 1 consid. 5.2).

3.2 Les devoirs professionnels ou obligations professionnelles sont des normes de comportement devant être suivies par toutes les personnes exerçant une même profession. En précisant les devoirs professionnels dans la LPMéd, le législateur poursuit un but d’intérêt public. Il ne s’agit pas seulement de fixer les règles régissant la relation individuelle entre patients et soignants, mais aussi les règles de comportement que le professionnel doit respecter en relation avec la communauté. Suivant cette conception d’intérêt public, le respect des devoirs professionnels fait l’objet d’une surveillance de la part des autorités cantonales compétentes et une violation des devoirs professionnels peut entraîner des mesures disciplinaires (ATA/987/2022 du 4 octobre 2022 consid. 5b ; ATA/941/2021 du 14 septembre 2021 consid.7d et les références citées).

De manière générale, on attend du médecin qu'il fasse preuve de diligence dans l'établissement du diagnostic, dans le choix du traitement puis dans son administration (ATF 105 II 284 ; Olivier GUILLOD, droit médical, 2020, p. 491 n. 573).

3.3 Au niveau cantonal, les droits et devoirs des professionnels de la santé sont traités dans la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03).

Conformément à l’art. 1 al. 1 LS, cette loi a pour but de contribuer à la promotion, à la protection, au maintien et au rétablissement de la santé des personnes, des groupes de personnes, de la population et des animaux, dans le respect de la dignité, de la liberté et de l’égalité de chacun.

L’art. 71 LS prévoit notamment que tout professionnel de la santé doit être au bénéfice d’une formation reconnue (al. 2) et que tout soin qui, compte tenu de la formation et de l’expérience requises pour le prodiguer, relève spécifiquement d’une profession soumise à la LS ne peut être fourni que par une personne au bénéfice d’une formation reconnue lui permettant d’exercer ladite profession (al. 3). Le Conseil d’État établit périodiquement par voie réglementaire la liste des professions soumises au présent chapitre ainsi que les conditions spécifiques de leur autorisation de pratiquer, notamment le titre requis (al. 4).

Selon l’art. 101 LS, afin de protéger la santé des patients et de la population et de garantir des soins appropriés de qualité, la création, l’extension, la transformation et l’exploitation de toute institution de santé sont soumises à autorisation (al. 1). L’autorisation d’exploitation est délivrée par le département lorsque l’institution, compte tenu de sa mission (al. 2) : est dirigée par une ou des personnes responsables qui possèdent la formation ou les titres nécessaires (let. a) ; dispose du personnel qualifié nécessaire ayant reçu une formation professionnelle adéquate (let. c) ; dispose des locaux et de l’équipement nécessaires répondant aux exigences d’hygiène et de sécurité des patients (let. d).

À teneur de l’art. 104 al. 1 LS, toute modification des conditions d’octroi de l’autorisation d’exploitation doit être communiquée sans tarder au département.

3.3.1 L’art. 1 al. 1 let a du règlement sur les professions de la santé du 30 mai 2018 (RPS - K 3 02.01) prévoit qu’en application de l’art. 71 LS, sont soumis au RPS, en qualité de professionnels de la santé les personnes qui exercent les professions médicales universitaires de médecin, médecin-dentiste, chiropraticien, pharmacien et vétérinaire au sens de la LPMéd.

3.3.2 À teneur de l’art. 1 al. 1 let. a du règlement sur les institutions de santé du 9 septembre 2020 (RISanté – K 2 05.06), en fonction de leur mission, les catégories d’institutions de santé sont notamment les établissements médicaux privés et publics.

L’art. 4 al. 1 RISanté prévoit que la demande d’autorisation d’exploitation doit être signée par le futur exploitant et le professionnel de la santé désigné comme responsable.

Conformément à l’art. 6 RISanté, la reprise d’une institution par un nouvel exploitant doit être déclarée à l’autorité compétente pour permettre la mise en œuvre de la procédure d’autorisation d’exploitation en sa faveur (al. 1). L’autorité compétente contrôle que les conditions de l’autorisation d’exploitation et les règles en vigueur sont respectées et délivre son préavis à l’attention du département (al. 2).

L’art. 10 RISanté précise que le titulaire de l’autorisation d’exploitation a l’obligation de vérifier que tout professionnel de la santé qu’il emploie est au bénéfice d’une autorisation de pratiquer cantonale (al. 1). L’engagement ou le départ de tout professionnel de la santé doit être annoncé par écrit et sans délai par le titulaire de l’autorisation d’exploitation (al. 2). Les titulaires d’une autorisation d’exploitation ou de toute autre autorisation prévue par le RISanté sont tenus d’informer par écrit et sans délai l’autorité compétente de tout fait pouvant entraîner une modification de leur autorisation (al. 3). Le titulaire de l’autorisation d’exploitation doit tenir une liste à jour des professionnels de la santé et des auxiliaires de soins qui travaillent dans son institution (al. 5).

Selon l’art. 20 al. 1 let. a RISanté, l’autorisation d’exploitation peut être accordée lorsque l’établissement est dirigé, sur le plan médical, par un médecin responsable au bénéfice d’un titre postgrade et autorisé à facturer à charge de l’assurance‑maladie obligatoire inscrit au registre de sa profession.

L’art. 21 RISanté prévoit, entre autres, que le médecin responsable doit s’assurer que les personnes exerçant dans l’établissement l’une des professions visées à l’art. 1 RPS, sont inscrites dans le registre de leur profession, conformément à l’art. 79 LS (let. b) ; les locaux, les installations et les dispositifs médicaux utilisés sont conformes aux règles en vigueur (let. c). Le médecin responsable signale immédiatement au médecin cantonal toute infraction à la loi survenue dans l’établissement (al. 2). Le médecin responsable doit posséder un cahier des charges actualisé correspondant à sa mission (al. 3).

4.             Au titre des mesures disciplinaires, l’art. 43 al. 1 LPMéd dispose qu’en cas de violation des devoirs professionnels, des dispositions de la loi ou de ses dispositions d’exécution, l’autorité de surveillance peut prononcer un avertissement (let. a) ; un blâme (let. b) ; une amende de CHF 20'000.- au plus (let. c) ; une interdiction de pratiquer sous propre responsabilité professionnelle pendant six ans au plus (interdiction temporaire ; let. d) ; une interdiction définitive de pratiquer sous propre responsabilité professionnelle pour tout ou partie du champ d’activité (let. e).

Selon l’art. 46 LPMéd, la poursuite disciplinaire se prescrit par deux ans à compter de la date à laquelle l’autorité de surveillance a eu connaissance des faits incriminés (al. 1). La poursuite disciplinaire se prescrit dans tous les cas par dix ans à compter de la commission des faits incriminés (al. 3).

4.1 Lorsqu’un médecin agit comme indépendant et que son activité répond à la notion qui en est donnée à l’art. 1 al. 3 let. e LPMéd, la loi sur les professions médicales lui est applicable et, au regard de la primauté du droit fédéral, il ne peut être soumis qu’aux mesures disciplinaires prévues par cette loi, à l’exclusion d’éventuelles sanctions prévues par le droit cantonal (ATF 143 I 352 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_747/2022 du 14 février 2023 consid. 6.2).

Les mesures disciplinaires infligées à un membre d’une profession libérale soumise à la surveillance de l’État ont principalement pour but de maintenir l’ordre dans la profession, d’en assurer le fonctionnement correct, d’en sauvegarder le bon renom et la confiance que leur témoignent les citoyens, ainsi que de protéger le public contre ceux de ses représentants qui pourraient manquer des qualités nécessaires. Les mesures disciplinaires ne visent pas, au premier plan, à punir le destinataire, mais à l’amener à adopter un comportement conforme aux exigences de la profession et à rétablir le fonctionnement correct de celle-ci (ATF 143 I 352 consid. 3.3). Le prononcé d’une sanction disciplinaire tend uniquement à la sauvegarde de l’intérêt public (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 du 9 juin 2021 consid. 12.1).

4.2 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), se compose des règles d’aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés, et de proportionnalité au sens étroit, qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

Conformément au principe de proportionnalité applicable en matière de sanction disciplinaire, le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au‑delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées sur le bon fonctionnement de la profession en cause, et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 2C_922/2018 précité consid. 6.2.2 et les références citées). Les autorités compétentes disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans la fixation d’une sanction disciplinaire prévue par la LPMéd (arrêt du Tribunal fédéral 2C_451/2020 précité consid. 12.2 ; ATA/388/2022 précité consid. 7a).

4.3 Conformément à l’art. 125A LS, les mesures et sanctions administratives sont applicables en cas de violation de la LS et de ses dispositions d’exécution.

En application de l’art. 127 LS, les autorités compétentes pour prononcer des sanctions administratives à l’encontre des professionnelles ou des professionnels de la santé sont la commission de surveillance, le médecin cantonal ou le pharmacien cantonal, s’agissant des avertissements, des blâmes et des amendes jusqu’à CHF 20'000.- (al. 1 let. a.). Les autorités compétentes pour prononcer des sanctions administratives à l’encontre des exploitants et des responsables des institutions de santé sont la commission de surveillance, le médecin cantonal ou le pharmacien cantonal, s’agissant des avertissements, des blâmes et des amendes jusqu’à CHF 50'000.- (al. 3 let. a).

5.             En l’espèce, le recourant, spécialiste FMH en radiologie et médecine interne, a été expressément désigné comme médecin responsable dans l’arrêté du département du 11 juillet 2017 autorisant le centre à exploiter un établissement médical privé. Il ne pouvait ignorer les responsabilités légales découlant de cette fonction. Le fait de l’avoir exercée gracieusement ou de ne pas avoir reçu un cahier des charges, comme il le prétend, est sans pertinence.

En sa qualité de médecin responsable, le recourant était notamment tenu d’annoncer sans délai et par écrit l’engagement ou le départ de tout professionnel de la santé. Il devait en outre savoir que l’autorisation d’exploiter requérait que le centre soit dirigé par un médecin responsable titulaire d’un titre postgrade et autorisé à facturer à charge de l’assurance-maladie obligatoire inscrit au registre de sa profession. Il lui incombait donc d’informer personnellement l’autorité compétente qu’il avait décidé de prendre sa retraite à la fin du mois de mai 2020 et ne pouvait en aucun cas abandonner sa mission à C______, lequel ne remplissait pas les conditions exigées pour assumer un tel rôle.

Il sera encore observé que l’arrêté du 11 juillet 2017 mentionne clairement l’obligation du centre de communiquer « sans délai » au service du médecin cantonal toute modification des conditions d’octroi de l’autorisation d’exploitation, l’engagement ou le départ de tout professionnel de la santé (chiffre 4) et que le devoir de tout médecin titulaire d’un titre postgrade travaillant au sein de l’institution d’être personnellement autorisé à facturer en vertu de la LAMal et posséder son propre code de créancier (chiffre 5).

Le département n’ayant pas été informé de la modification d’une des conditions d’octroi de l’autorisation d’exploitation, l’autorité intimée était fondée à considérer que le recourant était toujours le médecin responsable du centre et à lui imputer, en cette qualité, les manquements constatés par le GRESI en janvier et février 2023.

5.1 Enfin, le recourant ne remet pas en cause les manquements retenus dans les rapports du GRESI et n’émet pas de critiques particulières à l’encontre de la sanction prononcée, qu’il se limite à contester dans son principe.

Les rapports précités relatifs aux deux inspections du centre font état de graves carences, tant au niveau des exigences d’hygiène et de sécurité des patients, qu’au niveau du personnel employé. En effet, les locaux, les installations et les dispositifs médicaux utilisés n’étaient pas conformes aux règles en vigueur et plusieurs collaborateurs du centre ne bénéficiaient pas d’une autorisation de pratiquer dans le canton de Genève.

En outre, le recourant a déclaré ne jamais avoir assumé son rôle de médecin responsable, alors qu’il savait qu’il avait été nommément désigné à cette fonction par l’autorité compétente en 2017. Il a délibérément choisi de laisser les tâches qui lui avaient été dévolues entre les mains d’un tiers qui ne disposait pas des titres requis. Sa faute apparaît ainsi particulièrement lourde.

Compte tenu de ces éléments, l’autorité intimée n’a ni excédé ni abusé de son pouvoir d’appréciation en infligeant au recourant une amende de CHF 1'000.-. Cette sanction respecte le principe de proportionnalité tant s’agissant de sa nature que de sa quotité, au vu du montant retenu. Elle est adéquate et apte à atteindre le but poursuivi, étant rappelé que le recourant, bien qu’à la retraite depuis le mois de mai 2020, n’exclut pas de reprendre une activité de médecin. Enfin, cette mesure respecte le principe de la proportionnalité au sens étroit, le but d’intérêt public l’emportant sur l’intérêt économique du recourant, et apparaît même clémente au vu de l’importance des intérêts publics que sont notamment la santé et la salubrité publiques.

Le recours, mal fondé, sera rejeté.

6.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 mai 2023 par A______ contre la décision de la direction générale de la santé du 25 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à la direction générale de la santé ainsi qu’au département fédéral de l’intérieur.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :