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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4270/2021

ATA/967/2023 du 05.09.2023 sur JTAPI/992/2022 ( TAXE ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.10.2023, rendu le 05.12.2023, RETIRE, 9C_642/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4270/2021-TAXE ATA/967/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 septembre 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______ Sàrl recourante

contre

VILLE DE GENÈVE - TAXE PROFESSIONNELLE COMMUNALE intimée

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 septembre 2022 (JTAPI/992/2022)


EN FAIT

A. a. A______ Sàrl (ci-après : la société) est une société à responsabilité limitée (ci-après : Sàrl) inscrite au registre du commerce (ci‑après : RC) du canton de Genève depuis le 17 janvier 2017.

b. Elle a pour but statutaire : « fourniture de prestations juridiques à des clients en Suisse et à l'étranger par des avocats inscrits dans un registre des avocats suisses et par des conseillers qualifiés, ainsi que toutes autres activités liées ; représentation de clients dans le cadre de procédures devant les tribunaux et autres autorités, ainsi que conseil en matière fiscale et en matière de politiques juridiques ». Les parts de son capital social de CHF 20'000.- sont détenues en totalité par l’associé gérant, B______ (ci-après : l’associé), lequel dispose de la signature individuelle.

B. a. Le service de la taxe professionnelle communale (ci-après : TPC) de la Ville de Genève a notifié à la société ses bordereaux de taxation définitive 2017, 2018 et reconduite 2019 datés du 29 janvier 2020. Les éléments pris en compte étaient les suivants :

Taxation définitive 2017 pour la période du 17 janvier au 31 décembre 2017 :

Groupes prof.

Ch. Affaires 2016

Durée

Ch. Affaires 2017

Durée

Moyenne

Taux

Taxe

014

0

0

210'671

344

220'470

6.0

CHF 1'323.00

001

0

0

3'300

344

3'453

3.6

CHF 12.00

Loyers

0

0

7'491

344

7'839

5.0

CHF 39.00

Eff. Personnel

0

0

1

344

1

10.0

CHF 10.00

Taxe brute

CHF 1'384.00

Durée 11M. 14 J.

CHF 1'322.00

art. 308A

-CHF 170.00

CHF 1'150.00

Taxation définitive 2018 basée sur le cumul des exercices 2017 et 2018 :

Groupes prof.

Ch. Affaires 2017

Durée

Ch. Affaires 2018

Durée

Moyenne

Taux

Taxe

014

0

0

298'501

704

152'643

6.0

CHF 916.00

001

0

0

6'800

704

3'477

3.6

CHF 13.00

Loyers

0

0

15'330

704

7'839

5.0

CHF 39.00

Eff. Personnel

0

0

1

704

1

10.0

CHF 10.00

Taxe brute

CHF 978.00

Durée 12M.

CHF 978.00

art. 308A

-CHF 170.00

CHF 800.00

Taxation reconduite 2019 :

Groupes prof.

Ch. Affaires 2017

Durée

Ch. Affaires 2018

Durée

Moyenne

Taux

Taxe

014

0

0

298'501

704

152'643

6.0

CHF 916.00

001

0

0

6'800

704

3'477

3.6

CHF 13.00

Loyers

0

0

15'330

704

7'839

5.0

CHF 39.00

Eff. Personnel

0

0

1

704

1

10.0

CHF 10.00

Taxe brute

CHF 978.00

Durée 12M.

CHF 978.00

art. 308A ./. frais 20.-

-CHF 150.00

CHF 820.00

b. Par courrier recommandé du 7 mars 2020, la société a élevé réclamation à l’encontre de ces bordereaux de taxation, qu’elle a allégué avoir reçus le 12 février 2020. D’une part, les chiffres d’affaires étaient incorrects pour une étude exerçant une activité à temps partiel et ne reflétaient pas les bordereaux de taxation relatifs à l’impôt fédéral direct (IFD) et l’impôt cantonal et communal (ICC) pour ces périodes fiscales. D’autre part, il n’y avait pas de revenus effectifs provenant de loyer, la sous-location partielle réduisant uniquement le loyer principal. Ce poste devait être supprimé.

c. Sur demande de justificatifs du service de la TPC du 10 mars 2020, la société lui a remis, en date du 11 juin 2020, une copie de son contrat de bail, ainsi qu’un échange de courriels avec C______concernant un « contrat de dépôt » de matériel et d’archives dans les locaux de l’étude.

d. Par courriel du 15 juin 2020, le service de la TPC a invité la société à lui remettre des justificatifs démontrant que les produits et les charges ressortant du compte de résultat 2017 découlaient d’une activité antérieure à la constitution formelle de la société.

e. Par courrier du 28 août 2020, la société a expliqué qu'elle « était en formation en 2016 » et qu’elle avait conclu sous la raison sociale « D______ », à créer, un « contrat cadre de services » daté du 2 janvier 2016 avec une étude d’avocats genevoise pour des missions de sous-traitance. Sur la base de ce contrat, elle avait encaissé une partie prépondérante de son chiffre d’affaires en 2016. Une note d’honoraires, datée du 20 janvier 2017, mentionnant en bas de page la raison sociale de la contribuable et couvrant la période du 1er novembre au 31 décembre 2016 était annexée au courrier. Pour diverses raisons, la fondation de la Sàrl et son inscription au registre du commerce de Genève avaient pris du temps. Selon le certificat de salaire de l’associé également annexé, l’intégralité du salaire 2016 payé par la contribuable concernait la période du 1er au 31 décembre 2016.

f. Par décision sur réclamation du 16 novembre 2021, le service de la TPC a modifié les bordereaux de taxation 2017, 2018 et 2019 en rectifiant l’assiette imposable de ces années comme suit :

-          Chiffre des affaires du groupe 14 : CHF 180'575.- ;

-          Chiffre des affaires du sous-groupe 31 a) : CHF 6'840.- ;

-          Loyer des locaux professionnels : CHF 11'700.- ;

-          Effectif du personnel : 1.

La taxation de l’année 2017 devait être recalculée pour une durée de douze mois, et non pas de onze mois et quatorze jours. Une taxation pour l’année 2016 devait être établie sur la base de l’assiette imposable susmentionnée, pour une durée de deux mois (2/12èmes de la taxe brute annuelle).

La contribuable n’avait pas apporté la preuve que le début effectif de la Sàrl était intervenu le 1er janvier 2016. Vu que la seule note d’honoraires produite portait sur des prestations fournies entre le 1er novembre et le 31 décembre 2016, il fallait admettre que l’exercice 2017 avait débuté le 1er novembre 2016 au lieu du 17 janvier 2017 (date d’inscription au RC).

Le montant de CHF 3'300.-, déclaré comme revenu de sous-location, n’était pas imposable au taux du groupe 1, puisqu’il ne relevait pas d’un contrat de bail. En revanche, dès lors qu’il s’agissait de la mise à disposition d’un espace pour dépôt de matériel, il devait être appréhendé, par analogie, au taux du sous‑groupe professionnel 31 a) (transports locaux : camionnage, déménagements), dans lequel étaient taxés usuellement les revenus de garde-meubles. En outre, la société ne pouvait pas compenser les montants dus par C______pour le dépôt de son matériel dans les locaux de l’Étude avec le coût des divers services que celui-ci lui rendait. Dès lors, le revenu de ce dépôt de matériel devait être arrêté à CHF 7'980.- pour les quatorze mois de l’exercice 2017 (soit CHF 570.- x 14). À défaut de sous‑location, le loyer des locaux professionnels de l’Étude devait être pris intégralement dans l’assiette imposable.

C. a. Par acte du 16 décembre 2021, la société a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision sur réclamation, concluant à son annulation et à ce que le chiffre des affaires annuel de référence s’élève à CHF 90'287.50 (soit CHF 180'575.- / 2).

Elle avait été formellement constituée comme société à responsabilité limitée à la fin 2016, à cause d’un retard imputable à une surcharge de travail et de complications résultant d’exigences contradictoires entre le RC et la commission du barreau concernant l’approbation des statuts.

Son enregistrement couvrait toute l’année fiscale 2016 et elle avait indiqué à tous ses clients, dès janvier 2016, que l’Étude d’avocats serait incorporée dans les meilleurs délais sous forme de société à responsabilité limitée et que, par conséquent, les provisions et notes d’honoraires concernaient exclusivement « A______ SÀRL en formation ».

Elle avait fourni au service de la TPC tous les documents requis, étant rappelé qu’étant soumise au secret professionnel, elle ne pouvait pas divulguer l’identité de ses mandants.

Outre le fait que la décision attaquée était confuse, elle retenait de manière manifestement inexacte et arbitraire un chiffre des affaires annuel du groupe 14 de CHF 180'575.-. Or, dans la réalité, elle n’avait atteint que la moitié de ce montant en 2016 et 2017, soit une moyenne annuelle de CHF 90'287.50. « Pour des raisons pragmatiques », compte tenu des retards susmentionnés, un seul exercice comptable allant du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2017 avait été comptabilisé initialement.

La société a également critiqué l’existence même de la TPC, invoquant une inégalité de traitement par rapport à d'autres avocats et sociétés de services.

b. Le 21 février 2022, le service de la TPC a conclu principalement au rejet du recours et à la confirmation de la décision sur réclamation du 16 novembre 2021.

Dans la mesure où elle n’avait produit aucune note d’honoraires pour des prestations fournies avant le 1er novembre 2016, la société n’avait pas répondu exhaustivement à la demande de justificatifs du 15 juin 2020, raison pour laquelle l’autorité de taxation avait admis que l’exercice comptable bouclé le 31 décembre 2017 avait débuté le 1er novembre 2016, soit avant sa constitution formelle.

Le contrat cadre de services du 2 janvier 2016 ne constituait pas une preuve que la société avait commencé son activité le 1er janvier 2016. De plus, le certificat de salaire 2016 de l’associé ne faisait état que d’une période de travail allant du 1er au 31 décembre 2016. Il était en outre rappelé que la société n’avait une existence légale que depuis le 17 janvier 2017 et que ses statuts ne dataient que du 21 décembre 2016.

Enfin, les allégations d’inégalité de traitement étaient contestées et aucunement prouvées. Conformément à la loi, il appartenait aux contribuables de s’annoncer auprès de l’autorité de taxation. Or, la société avait violé ses obligations fiscales en ne s’annonçant pas spontanément.

c. Par réplique, la société a entièrement persisté dans les conclusions de son recours, tout en formulant diverses conclusions supplémentaires, soit notamment la production de nombreuses données, le TAPI étant aussi invité à « Dire que la TPC de la Ville de Genève viole le droit fédéral et prononcer sa nullité de ce fait ».

d. Dans sa duplique, le service de la TPC a persisté intégralement dans les arguments et conclusions de sa réponse au recours, relevant en outre le caractère inconvenant et outrancier des propos tenus par la société à l’encontre des autorités administratives, ainsi que le fait que la quasi-totalité des arguments développés dans la réplique étaient sans lien avec le litige.

Il a également versé au dossier trois pièces complémentaires tendant à démontrer que la société avait entamé son premier exercice comptable le 12 décembre 2016, à savoir une copie de la déclaration fiscale 2017 et de sa lettre d’accompagnement du 30 octobre 2018, ainsi que du bordereau de taxation d'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2017. Tous ces documents mentionnaient la période du 12 décembre 2016 au 31 décembre 2017, soit 379 jours. Le compte de résultat annexé à la déclaration fiscale 2017 faisait état, pour cette même période, d’un chiffre d’affaires de CHF 212'691.75.

e. Par écriture spontanée du 14 avril 2022, la société a répété avoir commencé ses activités sujettes à taxation le 1er janvier 2016 et atteint un chiffre d’affaires total tel qu’indiqué dans les trois dernières pièces produites par le service de la TPC, à savoir CHF 180'000.- durant les 24 mois en question. Partant, il fallait diviser ce montant par deux pour aboutir à un chiffre d’affaires de CHF 90'000.- pour chacune des années 2016 et 2017.

f. Par jugement du 22 septembre 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Les conclusions formées par la recourante dans sa réplique ne réduisaient pas l'objet du litige, allant bien au-delà de l’annulation de la susdite décision sur réclamation, dès lors qu’elles visaient plus largement à faire constater que la TPC violait le droit fédéral et à ce que sa nullité soit prononcée. Partant, formulées au-delà du délai de recours, elles étaient irrecevables.

Les mesures d’instruction (production de données) sortaient manifestement du cadre du litige et n'étaient pas de nature à fournir des renseignements pertinents utiles à sa solution.

Sur la base de la note d’honoraires datée du 20 janvier 2017 mentionnant une période d’activité allant du 1er novembre au 31 décembre 2016, le service de la TPC avait retenu que cette activité avait débuté le 1er novembre 2016, et considéré que la somme de CHF 180'575.- correspondait uniquement au chiffre des affaires de l’année 2017. La société n'ayant pas été en mesure d’établir à satisfaction de droit que son activité avait commencé avant le 1er novembre 2016, il y avait lieu de confirmer la date retenue par l’autorité intimée et le chiffre des affaires de CHF 185'575.- pris en compte pour l’année de calcul 2017.

D. a. Par acte posté le 28 octobre 2022, la société a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à ce qu'il soit dit que le chiffre d'affaires annuel de référence s'élève à CHF 90'287.50 et à ce que la taxation de 2017 ne puisse pas être reconduite pour les périodes 2018 à 2019, au constat que la TPC de la Ville de Genève était « à qualifier de mécanisme corrupteur en violation avec les engagements de la Suisse au niveau international », à ce que la chambre administrative dise que la TPC de la Ville de Genève viole le droit fédéral et « prononce sa nullité de ce fait », ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Elle avait allégué et prouvé à satisfaction de droit tous les éléments de fait pertinents sur la durée du premier exercice fiscal (résumés au point B.e de la partie « en fait » ci-dessus). Dans l'hypothèse – contestée – d'un début des activités professionnelles après le 1er janvier 2017, ce commencement devait être fixé au 17 janvier 2017, soit l'enregistrement de la société au RC, si bien que ce premier exercice était de moins de douze mois et ne pouvait donc être reconduit en 2018 et 2019 sur la base de l'art. 310A al. 1 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 - LCP - D 3 05. En toute hypothèse, elle n'avait jamais atteint un chiffre d'affaires de plus de CHF 100'000.- en moyenne par année calendaire depuis le début de ses activités en janvier 2016, et ce jusqu'en 2019, si bien que le chiffre retenu par le service de la TPC s'élevait au double du montant annuel réel et était ainsi calculé en violation de l'art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

Le TAPI n'aurait pas dû écarter ses conclusions relatives à l'illicéité et à la nullité de la TPC genevoise, et n'avait pas examiné son grief relatif à l'égalité de traitement entre contribuables. À cet égard, les contribuables qui abusaient du secret professionnel et bancaire en encaissant des « mallettes remplies de cash » n'avaient pas à payer la TPC, d'où l'inégalité choquante de traitement entre avocats exerçant honnêtement leur profession et avocats dits d'affaires abusant systématiquement du secret professionnel. La TPC devait être qualifiée de Schweigegeld et déclarée à ce titre contraire au droit fédéral.

b. Le 9 décembre 2022, le service de la TPC a conclu au rejet du recours, en se référant à ses écritures déposées en première instance ainsi qu'au jugement du TAPI.

c. Le 22 décembre 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 27 janvier 2023 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Le 26 janvier 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

L'intimé s'étant contenté de renvoyer à ses précédents mémoires, il avait failli à son obligation d'indiquer les motifs de sa contestation, si bien que les allégués de la recourante étaient censés être admis.

e. L'intimé ne s'est quant à lui pas manifesté.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 316 LCP).

2.             La recourante soutient que ses allégués devraient être admis dès lors que l'intimé s'était contenté de renvoyer à ses précédentes écritures.

Tel n'est cependant le cas, la cause étant soumise à la LPA par le truchement des art. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) et 318C LCP. Or la procédure administrative genevoise est gouvernée pas la maxime inquisitoire (art. 19 LPA) et non par la maxime des débats, ce qui a pour conséquence que l'intimé peut même renoncer à répondre sans que cela puisse être assimilé à une admission des allégués de fait de la partie recourante.

3.             La recourante se plaint de ce que le TAPI n'aurait pas dû écarter ses conclusions relatives à l'illicéité et à la nullité de la TPC genevoise, et n'avait pas examiné son grief relatif à l'égalité de traitement entre contribuables.

3.1 Un mémoire de réplique ne peut contenir qu'une argumentation de fait et de droit complémentaire, destinée à répondre aux arguments nouveaux développés dans le mémoire de réponse. Il ne peut en principe pas être utilisé afin de présenter de nouvelles conclusions ou de nouveaux griefs qui auraient déjà pu figurer dans l'acte de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1C_130/2015 du 20 janvier 2016 consid. 2.2 in SJ 2016 I 358 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 244 n. 927). Partant, des conclusions nouvelles prises au stade de la réplique sont irrecevables (ATA/773/2022 du 9 août 2022 consid. 2b ; ATA/1221/2021 du 16 novembre 2021 consid. 3a).

3.2 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours, les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/242/2020 du 3 mars 2020 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1628/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2b).

3.3 Le droit d’être entendu implique pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Il suffit qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de sa portée et l’attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_586/2021 du 20 avril 2022 consid. 2.1). En revanche, une autorité se rend coupable d’un déni de justice formel lorsqu’elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_564/2020 du 24 février 2022 consid. 2.1).

3.4 En l'espèce, le TAPI a déclaré deux conclusions de fond irrecevables car soumises au stade de la réplique. Si l'on peut certes considérer la conclusion en constatation de contrariété au droit supérieur comme une demande de contrôle préjudiciel des normes et donc comme incluse dans la conclusion principale en annulation, cela ne change toutefois rien à l'issue du litige, comme il résulte de l'analyse qui suit. Quant à la conclusion tendant à « prononcer la nullité » de la TPC, elle était de toute façon irrecevable, dès lors que ni le TAPI, ni la chambre de céans ne peuvent annuler de normes ; seule la chambre constitutionnelle de la Cour de justice dispose de cette compétence, et ce pour autant qu'un recours ait été introduit contre la norme cantonale litigieuse dans le délai prévu à l'art. 62 al. 3 LPA.

Quant au défaut de motivation allégué s'agissant du grief de violation de l'égalité de traitement, d'une part le TAPI a indiqué au consid. 22 de son jugement qu'il n'entrait pas en matière faute d'éléments concrets susceptibles de l'étayer, si bien qu'il a traité la question, et d'autre part force est de constater que le grief, tel que présenté en première comme en seconde instance, est de nature polémique voire politique, et ne présente aucune pertinence pour l'issue du litige.

Il sied enfin de relever que l'art. 6 CEDH, auquel la recourante se réfère à plusieurs reprises dans ses écritures, n'est pas applicable à la présente cause, qui concerne du droit fiscal non pénal (arrêt du Tribunal fédéral 9C_39/2023 du 20 juin 2023 consid. 6.2.1).

Les griefs seront écartés.

4.             La recourante met en doute la conformité de la TPC au droit supérieur.

4.1 Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de qualifier la TPC d'impôt (arrêts du Tribunal fédéral 2P.241/2003 du 3 novembre 2004 consid. 2.3 ; 2P.9/1994 du 6 juin 1995 in SJ 1996 I 102 ; déjà ATF 24 I 614 consid. 2), et a statué dans de très nombreuses affaires genevoises à son sujet (pour les plus récentes : arrêts du Tribunal fédéral 2C_811/2020 du 19 janvier 2021 ; 2C_151/2020 du 25 mai 2020) sans jamais la considérer comme inconstitutionnelle ou contraire au droit supérieur. Quant à la chambre de céans, elle considère que, conformément à l'art. 80 al. 1 let. d LCP, les communes peuvent prélever une taxe communale – la TPC – auprès de toutes les personnes physiques ou morales remplissant les conditions d'assujettissement, soit pour ces dernières, notamment exercer une activité dans le canton par l'intermédiaire d'un siège ou d'un établissement stable (ATA/782/2020 du 18 août 2020 consid. 4a).

4.2 Le 11 mai 2023, le Grand Conseil a adopté à titre de contreprojet matériel à l'initiative 183 la loi 13293, qui abroge matériellement les art. 301 à 318C LCP actuels et abolit ainsi la taxe professionnelle communale.

La loi 13293 n'est toutefois pas encore entrée en vigueur, le délai référendaire s'étant achevé le 4 septembre 2023 (arrêté du Conseil d'État du 21 juin 2023 publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève du 23 juin 2023) mais le Conseil d'État n'ayant pas encore promulgué la loi ni fixé sa date d'entrée en vigueur.

4.3 En l'espèce, les considérations de la recourante au sujet d'une contrariété de la TPC au droit supérieur relèvent bien davantage de la vision personnelle de son associé que d'arguments juridiques permettant de considérer comme contraire au droit supérieur une loi en vigueur dont la constitutionnalité a, comme cela vient d'être exposé, maintes fois été confirmée, étant rappelé au demeurant que ni la politique publique d'attraction des entreprises ni la répression de la criminalité économique ne sont du ressort des communes.

Par ailleurs, la chambre de céans applique le droit positif et ne peut donc en l'état tenir aucun compte de la loi 13293, étant rappelé que pendant la période litigieuse, soit entre 2016 et 2019, les art. 301 ss LCP instituant la TPC étaient en vigueur.

5.             Est litigieux le calcul du chiffre des affaires de la recourante, en lien avec la date du début de ses activités.

5.1 Les communes peuvent prélever une taxe communale – la TPC – auprès de toutes les personnes physiques ou morales remplissant les conditions d’assujettissement, soit pour ces dernières, notamment exercer une activité dans le canton par l’intermédiaire d’un siège ou d’un établissement stable (art. 80 al. 1
let. d LCP). La TPC est établie sur la base de coefficients, applicables aux chiffres annuels des affaires, aux loyers annuels des immeubles, locaux et terrains utilisés professionnellement et à l’effectif annuel du personnel employé (art. 302 LCP). Le chiffre des affaires est la somme des prestations obtenues par le contribuable pour son propre compte et en son nom, en contrepartie de livraisons ou de mises à disposition de marchandises et de biens, ainsi que de services rendus (art. 304 al. 1 LCP). Ne sont pas compris dans le chiffre des affaires, pour autant qu’ils ressortent clairement de la comptabilité, les bénéfices en capital, sauf s’ils constituent le produit d’une activité lucrative, même accessoire (art. 304 al. 3 let. e LCP).

5.2 La TPC est un véritable impôt et non une taxe ou une charge de préférence, mais elle est distincte de l’impôt sur le chiffre d’affaires (ATA/655/2014 du
19 août 2014 consid. 4 et les références citées ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 306 n. 62). Elle fait l’objet du titre III de la LCP
(art. 301 ss).

5.3 Les contribuables sont classés par l’autorité de taxation dans le groupe professionnel correspondant à leur activité principale ou auquel elle peut être rattachée par analogie (art. 307 al. 1 LCP). Les coefficients prévus pour les groupes professionnels correspondant aux éventuelles activités accessoires des contribuables sont applicables au chiffre des affaires provenant de chacune de ces activités distinctes (art. 307 al. 2 LCP). Les limites des coefficients applicables au chiffre des affaires ainsi que les principes de calcul desdits coefficients sont détaillés aux art. 307A et 307B LCP, les modalités étant fixées par les art. 12A à 13A du règlement d’application de diverses dispositions de la loi générale sur les contributions publiques du 30 décembre 1958 (RDLCP - D 3 05.04).

Ainsi, selon l’art. 12B al. 1 RDLCP, le groupe professionnel n. 14 comprend les avocats, huissiers, notaires et conseillers juridiques avec un coefficient de 6 ‰.

5.4 Conformément aux principes de taxation, les périodes de taxation et de calcul sont de deux ans chacune. La période de taxation comprend une année de révision et une année de reconduction. La taxe est établie en année de révision, sur la moyenne annuelle des éléments ressortant de la période de calcul. Elle est reconduite l'année suivante pour le même montant (art. 310 al. 1 LCP).

La période de taxation, soit celle pendant laquelle la taxation est faite et la période fiscale, soit celle pour laquelle l’impôt est dû, coïncident, alors que la période de calcul, soit celle dont le revenu sert de base au calcul de l’impôt, les précède. L’imposition de la TPC se fait donc normalement selon le système praenumerando (ATA/782/2020 précité consid. 4d).

5.5 Selon l’art. 310A LCP, qui traite des « cas particuliers », lorsque la période de calcul ne comprend pas encore deux années complètes d’assujettissement au sens de l’art. 301 al. 1 LCP, la taxe professionnelle communale est établie sur la base du premier exercice comptable. Si cet exercice est de moins de 12 mois, la taxe ne peut être reconduite l’année suivante (al. 1). L’autorité de taxation peut établir une taxe provisoire pour l’année lorsque les éléments nécessaires au calcul de la taxe définitive font encore défaut et qu’une taxe d’office n’est pas justifiée. Cette taxe ne devient définitive que dans l’année qui suit la mise à disposition de ces éléments de calcul (al. 2). En cas de changement total du type d’activité, la taxe professionnelle communale est établie comme en début d’assujettissement (al. 3).

L’art. 310 al. 1 LCP concrétise le principe de périodicité de l'impôt. Les périodes de taxation et de calcul sont de deux ans chacune. La période de calcul précède la période de taxation. La période de taxation comprend une année de révision et une année de reconduction (let. a). La taxe est établie en année de révision, sur la moyenne annuelle des éléments ressortant de la période de calcul. Elle est reconduite l’année suivante pour le même montant (let. b).

5.6 En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5 ; ATA/790/2023 du 18 juillet 2023 consid. 3.8 ; ATA/1239/2021 du 16 novembre 2021 consid. 5a).

Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient à nouveau au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_80/2021 du 29 juillet 2021 consid. 3.2).

5.7 En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2e phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/919/2022 du 13 septembre 2022 consid. 9b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/635/2023 du 13 juin 2023 consid. 3.7).

5.8 En l'espèce, la recourante soutient que son activité a commencé le 1er janvier 2016 et que le chiffre des affaires de CHF 180'575.- doit être divisé par deux, la première moitié correspond au montant pour 2016 et le second au montant pour 2017. Elle se réfère aux explications données dans son courrier du 28 août 2020 et estime avoir prouvé ce fait à satisfaction.

Comme l'ont estimé à raison les premiers juges, on ne saurait lui donner raison sur ce point. Le contrat de sous-traitance du 2 janvier 2016, conclu avec une étude d'avocats de la place, régit une activité future et ne prouve aucunement qu'une activité concrète a été effectuée lors des dix premiers mois de l'année 2016. Seul le relevé d'honoraires du 20 janvier 2017, qu'a pris en compte l'autorité intimée pour effectuer son calcul, mentionne une activité déployée à partir du 1er novembre 2016. L'annonce à des clients d'une inscription à venir au RC en tant que Sàrl ne permet pas davantage de prouver une quelconque activité facturée avant cette dernière date.

Il convient en outre de rappeler que la recourante n'a fourni aucune pièce à la suite de la demande de renseignements de l'intimé du 16 novembre 2021, visant notamment à lui fournir une copie des mandats et notes d'honoraires portant sur les prestations fournies entre le 1er janvier et le 31 décembre 2016, étant précisé que la recourante pouvait naturellement caviarder les noms de clients et les descriptions trop précises de prestations pour respecter le secret professionnel.

Le fait que la société ait été formellement constituée comme société à responsabilité limitée plus tard qu'initialement prévu n'est enfin pas pertinent. C'est dès lors à juste titre que l'intimé a retenu un début d'activité le 1er novembre 2016 et a calculé le chiffre des affaires de la première taxation sur cette base.

6.             La recourante invoque une violation du principe de l'égalité de traitement devant la loi.

6.1 En tant qu’impôt, la TPC doit respecter les principes régissant l’imposition, notamment les principes de l’universalité, de l’égalité de traitement et de la capacité économique (art. 127 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101).

En application des principes de l'égalité d'imposition et de l'imposition selon la capacité contributive, les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable ; lorsqu'ils sont dans des situations de fait différentes qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et y être adaptée. Ainsi, chaque citoyen doit contribuer à la couverture des dépenses publiques compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens (ATF 140 II 157 consid. 7.1 ; 133 I 206 consid. 7.1 et 7.2 ; 118 Ia 1 consid. 3a).

6.2 Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 142 I 195 consid. 6.1).

6.3 La recourante se plaint d'une inégalité de traitement entre « avocats exerçant honnêtement leur profession et avocats dits d'affaires abusant systématiquement du secret professionnel », c'est-à-dire en l'occurrence entre contribuables déclarant leurs revenus et ceux pratiquant l'évasion fiscale. Ce grief est, comme l'a en d'autres termes retenu le TAPI, formulé de manière trop vague et générale pour qu'il y soit donné suite. En outre, la loi prend en compte cette différence de comportement en punissant l'évasion fiscale (art. 69 LPFisc). Adopter le raisonnement de la recourante – qui revient à vouloir être exonérée d'une obligation parce que certains administrés parviennent à s'y soustraire ou à échapper à la répression – aurait pour conséquence l'abolition non seulement de la TPC, mais du droit fiscal dans son ensemble, du droit pénal et plus généralement de toutes les normes visant au contrôle ou à la sanction des comportements des particuliers.

Le grief sera écarté, si bien que le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

7.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 octobre 2022 par A______ Sàrl contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 septembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ Sàrl un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ Sàrl, à la Ville de Genève - taxe professionnelle communale ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

 

la greffière-juriste :

 

 

M. RODRIGUEZ ELLWANGER

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. VERNIORY

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :