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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1549/2023

ATA/972/2023 du 05.09.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1549/2023-EXPLOI ATA/972/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 septembre 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Jacqueline MOTTARD, avocate

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, DE LA RECHERCHE ET DE L'INNOVATION intimée
représenté par Me Gabriel AUBERT, avocat



EN FAIT

A. a. A______, qui a pour but « toute activité concernant la gestion, l’exploitation et la manipulation d’un entrepôt ouvert sur la vente en gros », exploite un magasin et un bar à la rue ______ à Genève.

Selon ses explications, l’activité liée au bar occupe deux tiers de sa surface commerciale.

b. Le 20 août 2021, elle a déposé une demande d'aide financière pour cas de rigueur. Le questionnaire rempli par la société comportait, notamment, le passage suivant : « Les entreprises dont les domaines d’activité sont clairement délimités au moyen d’une comptabilité séparée par activité (comptabilité analytique) peuvent demander que le respect des exigences relatives à l’article 3 alinéa 1 soit vérifié séparément pour chaque secteur ». Suivait la question : « Cette demande concerne-t-elle un établissement ou un secteur d’activité au sein de l’entreprise identifiable par une comptabilité séparée par activité (comptabilité analytique) ? » En cas de réponse affirmative, la comptabilité analytique devait obligatoirement être fournie.

La société a répondu par la négative à cette question.

Dans la rubrique relative à la description de ses activités commerciales avant la pandémie, elle a indiqué exercer une activité mixte, 2/3 de sa surface étant dédiés à un bar à bières artisanales et cocktails, l’autre tiers à un magasin de vente de boissons.

c. Par décision du 19 octobre 2021, elle a obtenu une aide financière de CHF 64'637.-, pour la période du 1er janvier au 18 avril 2021.

d. Procédant au contrôle de l’aide octroyée dans l’urgence, le département de l’économie et de l’emploi (ci-après : DEE), après avoir requis et obtenu des pièces complémentaires, a constaté que seuls 12.86 % du chiffre d’affaires de la société se rapportaient à l’activité du bar et que l’essentiel de l’activité de la société, à savoir la vente de denrées alimentaires et de boissons, n’avait pas été touché par les mesures de fermeture prononcées lors de la pandémie. Par ailleurs, le recul du chiffre d’affaires n’avait pas atteinte le seuil de 25 %, qui seul donnait droit à une aide pour perte économique. Au contraire, le chiffre d’affaires avait augmenté de 52.62 %. Partant, le DEE a, par décision du 6 décembre 2022, demandé la restitution de l’aide octroyée.

e. Statuant sur réclamation le 21 mars 2023, le DEE a maintenu sa position. L’intéressée n’avait, lors du dépôt de sa demande d’aide financière, pas souhaité viser un secteur particulier de son activité et n’avait pas remis de comptabilité analytique, mais globale. Elle ne pouvait modifier le « périmètre » de sa demande a posteriori. Pour le surplus, elle ne contestait pas qu’elle n’accusait pas un recul de son chiffre d’affaires justifiant l’octroi d’une aide d’urgence.

B. a. Par acte expédié le 8 mai 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision, dont elle a demandé l’annulation. Elle a conclu à ce qu’elle soit reconnue éligible à l’aide pour cas de rigueur et que la cause soit renvoyée au DEE pour nouvelle décision au sens des considérants.

Le DEE opérait une confusion entre une entreprise proposant sur le même lieu différentes activités et celle regroupant dans sa structure plusieurs activités soumises à des réglementations et une organisation différentes, faisant de chacune une entité propre. Le chiffre d’affaires relatif au bar-restaurant qu’elle exploitait était aisément identifiable ; le DEE l’avait d’ailleurs identifié dans sa décision sur réclamation. Le but de l’aide d’urgence était de soutenir les établissements, comme le sien, qui avaient dû fermer leurs portes en raison de la pandémie. Le « préformatage » du formulaire à remplir pour obtenir l’aide ne permettait pas de donner des indications plus précises que celles qu’elle avait fournies. Le DEE pouvait limiter son examen à la seule situation du bar-restaurant. Elle contestait ne pas avoir fourni de comptabilité analytique. La preuve en était que le DEE avait pu identifier la part du CA se rapportant à l’activité de restauration.

b. Le DEE a conclu au rejet du recours.

La recourante n’avait pas mentionné dans sa demande d’aide financière que l’évolution du chiffre d’affaires relatif au magasin avait évolué différemment de celui du bar ni fourni de comptabilité différenciée. L’indemnité en cause était fondée sur la fermeture des établissements publics et la réglementation applicable prévoyait que, pour bénéficier d’une aide en cas de différents domaines d’activités proposés par une entreprise, celle-ci devait clairement les délimiter dans sa comptabilité. La recourante avait indiqué dans sa demande d’aide que celle-ci ne concernait pas une telle situation. Elle ne pouvait désormais soutenir le contraire. L’indication fournie relative à la surface consacrée aux deux activités déployées par la recourante n’était pas de nature à permettre au DEE d’en déduire le chiffre d’affaires relatif au bar.

c. Dans sa réplique, la recourante a souligné que son bar était resté fermé pendant une période bien plus longue que celle pour laquelle elle avait obtenu l’aide dont la restitution était demandée. Elle avait tenu une comptabilité distincte pour chacune de ses activités ; le formulaire n’avait pas requis la production de celle-ci. Une comptabilité analytique n’était pas exigée. Il s’agissait d’un critère introduit par le canton de Genève. Selon le commentaire relatif à l’Ordonnance Covid-19, il suffisait que la comptabilité produite permette de clairement délimiter les domaines d’activités frappés par les interdictions prononcées de ceux qui n’étaient pas concernés par la fermeture. Elle n’avait pas créé le secteur « bar » a posteriori. Il suffisait pour s’en convaincre de se rendre dans ses locaux. Il était calomnieux de laisser entendre qu’elle n’avait pas exploité de bar. Elle avait répondu de manière véridique au formulaire de demande. Dès lors qu’elle ne tenait pas de comptabilité analytique, elle avait répondu par la négative à cette question. Il ne lui avait jamais été demandé si elle tenait une comptabilité séparée par secteur. Les autorisations nécessaires pour chaque activité permettaient au DEE de connaître les coûts fixes pour chacune de celles-ci. Enfin, l’indemnisation à laquelle elle pouvait prétendre devait être recalculée, car elle s’avérait trop basse.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             2.1 L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1261/2022 du 13 décembre 2022 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1261/2022 précité consid. 2b).

2.2 En l’espèce, l’objet du recours est limité à la question de savoir si en l’absence d’une comptabilité distinguant ses deux secteurs d’activités, dont un seul était touché par les mesures de fermeture prises durant la pandémie, la recourante devait se voir refuser l’aide financière pour cas d’urgence. En tant que dans sa réplique, elle semble vouloir un nouveau contrôle de son droit à l’aide en soutenant que celle accordée aurait été insuffisante, la recourante étend le litige à une question, qui n’a été examinée ni dans la décision du DEE ni dans celle rendue sur réclamation. L’éventuel droit de la recourante à un complément d’aide – dans l’hypothèse où la demande de restitution devait être considérée comme infondée – ne sera donc pas examiné ci-après, cette question ne faisant pas l’objet du litige.

3.             Est donc seule litigieuse la question de savoir si en l’absence d’une comptabilité distinguant le secteur d’activité de la recourante touché par les mesures de fermeture prises de celui qui n’avait pas subi de telles mesures, la recourante devait se voir refuser l’aide financière pour cas d’urgence et devait, ainsi, restituer l’aide accordée.

3.1 Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de Covid-19 (loi Covid-19 - RS 818.102).

L’art. 12 de la loi Covid-19, dans sa teneur du 2 septembre 2021 applicable au cas d’espèce, prévoit les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises. À la demande d’un ou de plusieurs cantons, la Confédération peut soutenir les mesures de ces cantons pour les cas de rigueur destinées aux entreprises individuelles, aux sociétés de personnes ou aux personnes morales ayant leur siège en Suisse qui sont particulièrement touchées par les conséquences de l’épidémie de COVID-19 en raison de la nature même de leur activité économique et constituent un cas de rigueur, en particulier les entreprises actives dans la chaîne de création de valeur du secteur événementiel, les forains, les prestataires du secteur des voyages, de la restauration et de l’hôtellerie ainsi que les entreprises touristiques (al. 1). Il y a cas de rigueur au sens de l’al. 1 si le chiffre d’affaires annuel de l’entreprise est inférieur à 60% de la moyenne pluriannuelle. La situation patrimoniale et la dotation en capital globales doivent être prises en considération, ainsi que la part des coûts fixes non couverts (al. 1bis).

Selon l'art. 12 al. 2ter de la loi Covid-19, si les activités d’une entreprise sont clairement délimitées, différentes aides doivent pouvoir être versées, pour autant que ces aides ne se recoupent pas. L’art. 12 al. 4 de la loi Covid-19 prévoit que le Conseil fédéral règle les détails dans une ordonnance.

3.2 Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur. Dans sa version du 1er octobre 2021, applicable en l’occurrence, son art. 2a prévoyait que les entreprises dont les domaines d’activité étaient clairement délimités au moyen d’une comptabilité par secteur pouvaient demander que le respect des exigences énoncées aux art. 3, al. 1, let. c, 4, al. 1, let. c, 5, 5a et 8 à 8c soit vérifié séparément pour chaque secteur.

Il est précisé dans les commentaires (Administration fédérale des finances, Commentaires de l'ordonnance Covid-19 cas de rigueur, 18 juin 2021, p. 6) que « L’aide pour les cas de rigueur sert aux entreprises visées à l’art. 2. Elle concerne en principe également les sociétés mères d’un groupe. L’al. 3 dispose que, pour le calcul de l’aide pour les cas de rigueur, les cantons ne peuvent invoquer le chiffre d’affaires d’une société du groupe qu’à une seule reprise. Si, dans le cadre d’une structure de groupe, une aide pour les cas de rigueur a été accordée à plus d’une reprise par un ou plusieurs cantons pour le même chiffre d’affaires, elle ne peut pas être décomptée plus d’une fois à l’égard de la Confédération sur la base de ce chiffre d’affaires ».

L’art. 8b de l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur prévoit que les entreprises qui ont enregistré un recul du chiffre d’affaires pendant plus de douze mois peuvent ajouter le recul du chiffre d’affaires pour les mois de janvier à juin 2021 si ceux-ci ne sont pas déjà pris en compte dans le calcul visé à l’art. 5 ; le recul du chiffre d’affaires est calculé par rapport au chiffre d’affaires moyen des périodes correspondantes pour les exercices 2018 et 2019 (al. 2). Selon l’al. 3, la part de coûts fixes forfaitaires est de : 8% pour les agences de voyage, les commerces de gros et les commerces de véhicules automobiles (let. a) ; 15% pour les commerces de détail (let. b) ; 25 % pour les autres entreprises (let. c). Les cantons peuvent fixer des parts de coûts fixes plus faibles s’ils constatent que les parts de coûts fixes forfaitaires visées à l’al. 3 occasionneraient une surindemnisation (al. 4). Une part uniforme de coûts fixes s’applique aux entreprises qui ont des activités dans plusieurs des domaines mentionnés à l’al. 3. Elle se fonde sur le domaine d’activité dans lequel la plus grande part du chiffre d’affaires annuel au sens de l’art. 3, al. 2, a été générée. Si une entreprise dépose une demande en vertu de l’art. 2a, la part de coûts fixes correspondant au secteur concerné s’applique (al. 5).

3.3 Au niveau cantonal, la loi 12938 est entrée en vigueur le 30 avril 2021. Elle a été modifiée par la loi 12991 du 2 juillet 2021. Les dispositions pertinentes à la résolution du cas d’espèce n’ont toutefois pas été modifiées à l’occasion de cette révision.

Selon l’art. 1 de la loi 12938, celle-ci a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l'épidémie de coronavirus (Covid-19) pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi Covid-19 et à l'ordonnance (al. 1). Cette aide financière extraordinaire vise à atténuer les pertes subies par les entreprises dont les activités ont été interdites ou réduites en raison de la nature même de leurs activités, entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2021 (al. 2).

L’art. 2 de la loi 12938 prévoit que les aides financières prévues par cette loi consistent en une participation de l'État de Genève aux coûts fixes non couverts de certaines entreprises (al. 2 1ère phrase).

L’art. 3 de la loi 12938 traite des principes d’indemnisation. Selon l’al. 1, l'aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l'État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes non couverts de l'entreprise, en application des dispositions de l'ordonnance. Aux termes de l’al. 2, les coûts fixes considérés et les modalités de leur prise en compte dans le calcul du montant de la participation accordée par l’État sont précisés par voie réglementaire. L’al. 3 dispose que l’activité réelle de l’entreprise est prise en compte.

Peuvent prétendre à une aide les entreprises dont le chiffre d’affaires a subi une baisse substantielle selon les dispositions de l’ordonnance (art. 4 al. 1 let. b de la loi 12938).

À teneur de l’art. 15 de la loi 12938, l’aide financière est accordée sur demande du bénéficiaire potentiel ou de son mandataire (al. 1). La demande est adressée au département sur la base d’un formulaire spécifique, accompagné notamment de toutes les pièces utiles nécessaires au traitement de la demande (al. 2). La liste des pièces requises ainsi que les modalités de dépôt des demandes figurent dans le règlement d’application de la loi 12938 (al. 3). Sur la base des pièces justificatives fournies, le département constate si le bénéficiaire remplit les conditions d’octroi de l’aide financière, calcule le montant de celle-ci et procède au versement (al. 4).

3.4 Le règlement d'application de la loi 12938, du 5 mai 2021 (ROLG 2021, p. 283 ; ci-après : règlement) est entré en vigueur le 5 mai 2021. Il a été modifié le 7 juillet 2021 (ROLG 2021, p. 466). Les dispositions pertinentes à la résolution du cas d’espèce n’ont toutefois pas été modifiées à l’occasion de cette modification.

L’aide financière est à fonds perdu. Elle consiste en une participation de l’État de Genève destinée à contribuer aux coûts fixes non couverts de l’entreprise, aux conditions et limites posées par la loi (art. 4 al. 1 et 2 règlement).

3.5 L’art. 1 al. 1 de la loi Covid-19 dispose que celle-ci règle des compétences du Conseil fédéral visant à lutter contre l’épidémie de Covid-19 et à surmonter les conséquences des mesures de lutte notamment sur l’économie. L’art. 12 de la loi Covid-19 mentionné plus haut se réfère aux entreprises particulièrement touchées par les conséquences de l’épidémie. Quant à l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur, son art. 1 dispose que la Confédération participe aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises occasionnent à un canton. L’art. 1 de loi 12938 précise pour sa part que cette loi a pour but de limiter les conséquences de la lutte contre l’épidémie pour les entreprises sises à Genève. Ces dispositions limitent ainsi l’intervention des autorités aux conséquences des mesures adoptées pour lutter contre l’épidémie et non aux conséquences d’autres éléments qui pourraient affecter la marche des affaires d’une entreprise.

3.6 S’agissant de la notion d’entreprise, la loi vient en aide aux « entreprises individuelles, aux sociétés de personnes ou aux personnes morales ayant leur siège en Suisse (entreprises) qui ont été créées ou ont commencé leur activité commerciale avant le 1er octobre 2020, avaient leur siège dans le canton le 1er octobre 2020, sont particulièrement touchées par les conséquences de l’épidémie de Covid-19 en raison de la nature même de leur activité économique et constituent un cas de rigueur » (art. 12 al. 1 de la loi Covid-19). Il résulte du sens littéral de cette disposition qu’elle qualifie d’« entreprise » la raison individuelle ou la personne morale et non le ou les établissements que celle-ci exploiterait. L’art. 12 al. 2ter de la loi Covid-19, qui prévoit une exception « si les activités d’une entreprise sont clairement délimitées », confirme que l’entreprise désigne en principe la société, quand bien même celle-ci déploierait plusieurs activités. Le commentaire confirme également que le terme « entreprise » désigne la société (ainsi que la raison individuelle, la fondation et l’association ; ad art. 2 p. 4 ; ATA/501/2022 du 11 mai 2022).

Le commentaire indique, à propos des domaines d’activité « clairement délimités », que « l’art. 12 al. 2bis de la loi Covid-19 exclut des mesures pour les cas de rigueur les entreprises déjà éligibles pour bénéficier d’autres aides financières de la Confédération destinées à des secteurs spécifiques, afin d’éviter les doubles subventionnements. Cette mesure d’exclusion peut toutefois se révéler problématique pour les entreprises actives dans différents secteurs (par ex. les établissements de restauration proposant une scène culturelle ou les entreprises de voyages en car actives dans le transport régional des voyageurs et proposant également des excursions). C’est pourquoi le Parlement a complété l’art. 12 de la loi Covid-19 par un al. 2ter qui permet d’accorder différents types d’aides à condition que les activités d’une entreprise puissent être clairement délimitées et qu’il n’y ait pas de chevauchements. L’ordonnance précise, par conséquent, que les entreprises dont les domaines d’activité sont clairement délimités au moyen d’une comptabilité par secteur peuvent demander à ce que les critères d’éligibilité soient appliqués séparément, c’est-à-dire par secteur. Cette disposition ne concerne pas seulement l’interdiction des doubles subventionnements, mais aussi le recul du chiffre d’affaires et le montant maximal d’une aide fixée, au cas par cas, en fonction du chiffre d’affaires. Dans ce cas, les plafonds des aides pour les cas de rigueur fixés en pourcentage aux art. 8, 8a, 8c et 8d, soit respectivement 25 %, 20 % et 30 % sont calculés sur le chiffre d’affaires par secteur. En revanche, les montants maximums en termes nominaux figurant dans ces articles s’appliquent à l’ensemble de l’entreprise: si un seul secteur de l’entreprise est éligible, c’est le montant maximum pour ce secteur qui s’applique; si plusieurs secteurs de l’entreprise sont éligibles, la somme des aides pour les cas de rigueur de tous ces secteurs ne doivent pas dépasser le montant maximum en termes nominaux. [ ] La comptabilité par secteur peut également être appliquée en cas de fermetures partielles, pour autant que les domaines d’activités frappés par les interdictions décidées par les autorités puissent être clairement délimités des secteurs qui ne sont pas concernés par la fermeture » (ad. art. 2a, p. 5).

3.7 Le formalisme excessif, prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2).

3.8 En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante a produit une comptabilité unique pour ses différentes activités. Contrairement à ce qu’elle soutient, il n’appartenait pas au DEE d’en extraire les chiffres pertinents pour établir la comptabilité (analytique) par secteur qui faisait défaut. En répondant par la négative à la question de savoir si la demande concernait une entreprise dont les domaines d’activité étaient clairement délimités au moyen d’une comptabilité séparée par activité, la recourante a fait le choix de solliciter une aide pour l’ensemble de son entreprise et non celle limitée à un secteur d’activité.

Contrairement à ses allégations, le questionnaire à remplir pour obtenir l’aide sollicitée était clair et le « préformatage » des questions ne constituait nullement un empêchement pour exposer le fait qu’elle exploitait deux secteurs dans sa surface commerciale et souhaitait une aide pour la partie « bar ». En effet, la question précitée était précédée de l’explication selon laquelle les entreprises dont les domaines d’activité étaient clairement délimités au moyen d’une comptabilité séparée par activité (comptabilité analytique) pouvaient demander que le respect des exigences relatives à l’octroi de l’aide soit vérifié séparément pour chaque secteur. La recourante pouvait et devait comprendre de ces explications que si elle voulait une aide pour la seule activité liée à l’exploitation d’un bar, il lui appartenait de produire une comptabilité permettant clairement de distinguer ce secteur d’activité de celui relatif au magasin.

Faute d’avoir opté pour une aide par secteur et produit les documents comptables nécessaires à celle-ci, la recourante ne peut se prévaloir de l’exception au traitement de l’entreprise comme une unité.

Compte tenu du texte clair de l’art. 12 al. 2ter de la loi Covid-19, qui ne prévoit une exception au traitement de l’entreprise, qui déploie plusieurs activités, comme une seule unité que « si les activités d’une entreprise sont clairement délimitées », le DEE ne peut se voir reprocher un excès de formalisme en ayant appliqué cette disposition, dont les motifs sus-évoqués répondent à un intérêt public important, à savoir éviter un double subventionnement et examiner le recul du chiffre d’affaires en fonction du chiffre d’affaires global de l’entreprise requérant l’aide étatique.

Il découle de ce qui précède que le recours est mal fondé et doit être rejeté.

4.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer d'indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 mai 2023 par A______ contre la décision du département de l’économie et de l’emploi du 21 mars 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Jacqueline MOTTARD, avocate de la recourante, ainsi qu'à Me Gabriel AUBERT, avocat de l’intimé.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Claudio MASCOTTO, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

N. DESCHAMPS

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :