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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2011/2023

ATA/911/2023 du 25.08.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2011/2023-EXPLOI ATA/911/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 août 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimé



EN FAIT

A. a. A______ exploite un commerce à l’enseigne « B______ » (ci-après : le commerce), sis avenue C______ 1______, à Genève.

b. Il est titulaire d’une autorisation lui permettant de vendre des produits du tabac et produits assimilés au tabac, délivrée par le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci‑après : PCTN) le 3 mars 2021. Il ressort notamment de cette autorisation, valable jusqu’au 2 mars 2025, que toutes les mesures nécessaires doivent être prises afin d’empêcher les mineurs d’accéder sans surveillance aux produits qui leur sont interdits. Le titulaire de l’autorisation et son personnel doivent, en cas de doute sur l’âge d’un client, exiger une pièce d’identité.

B. a. Selon un rapport du PCTN du 22 février 2023, le 15 février 2023, à 13h41, un contrôle achat-test par mineur a été effectué dans le commerce par une inspectrice du PCTN, de concert avec trois agents de la police de proximité. Lors de ce contrôle, il a été constaté que D______, employée du commerce, avait vendu une cigarette électronique « jetable », marque « LIKE ME Capricorn » à un mineur de 16 ans.

b. Par courrier du 23 mars 2023, le PCTN a informé A______ qu’il envisageait de prononcer la suspension, pour une durée de sept jours à six mois, de son autorisation du 3 mars 2021. Un délai lui était accordé pour lui faire parvenir ses éventuelles observations.

c. Par courrier du 17 avril 2023, A______ s’est excusé pour l’infraction commise, admettant sa faute. Il a précisé que sa fille, inexpérimentée, l’avait remplacé pour deux ou trois heures. Ses employés et lui-même connaissaient bien les règles et les appliquaient à la lettre.

d. Par décision du 1er juin 2023, le PCTN a suspendu, pour une durée de 30 jours, l’autorisation du 3 mars 2021 lui permettant de vendre des produits du tabac et produits assimilés au tabac dans son commerce. Une mesure d’exécution fixant les dates exactes de suspension de l’autorisation lui serait adressée dès l’entrée en force de la décision. Les produits du tabac et produits assimilés au tabac devait être retirés durant l’exécution de la mesure.

C. a. Par acte du 12 juin 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant à la réduction de la durée de la suspension prononcée.

Les faits reprochés étaient admis. Son magasin ne pouvait toutefois être rentable sans la vente quotidienne de produits de tabac. C’était la partie la plus importante de son chiffre d’affaires. Il avait d’ores et déjà payé l’amende qui lui avait été infligée par décision séparée.

b. Par réponse du 20 juillet 2023, le PCTN a conclu au rejet du recours.

La vente de tabac à des mineurs était considérée comme une infraction grave. Par ailleurs, l’intéressé avait déjà fait l’objet d’un avertissement en date du 26 mai 2023 pour avoir violé l’obligation de mettre les boissons alcooliques sous clé et soustraites de la vue du public entre 21h et 7h. Compte tenu de ces éléments, la suspension de l’autorisation pour une durée de 30 jours respectait le principe de proportionnalité.

Il a notamment produit l’avertissement du 26 mai 2023.

c. Par réplique du 17 août 2023, A______ a persisté dans ses conclusions. Il était disposé à payer une amende supplémentaire pour remplacer la sanction de suspension de l’autorisation.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la suspension de l’autorisation de vendre du tabac et des produits assimilés pour une durée de 30 jours.

2.1 La loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac du 17 janvier 2020 (LTGVEAT - I 2 25) a pour buts d’assurer qu’aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l’ordre public, en particulier la tranquillité et la santé publiques, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu’en raison de sa construction, de son aménagement et de son implantation. Elle vise également à protéger la santé des mineurs, notamment contre les risques d’addiction (art. 1 al. 1 LTGVEAT). Toute autorisation prévue par cette loi ne peut être délivrée que si les buts énoncés à l’al. 1 sont susceptibles d’être atteints (al. 2).

La vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac, y compris l’exploitation d’appareils automatiques délivrant ces produits est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation délivrée par le PCTN (art. 7 al. 1 LTGVEAT).

Selon l’art. 6 al. 4 LTGVEAT, la remise à titre gratuit et la vente de produits du tabac et de produits assimilés au tabac aux mineurs est interdite.

Sont considérés comme produits assimilés au tabac les cigarettes électroniques, présentant un dispositif sans tabac et permettant d’inhaler de la vapeur obtenue par chauffage d’un liquide avec ou sans nicotine, ainsi que les flacons de recharge et les cartouches pour ce dispositif (art. 4 al. 3 let. b LTGVEAT).

Les titulaires d’une autorisation sont tenus de respecter les dispositions de la LTGVEAT et celles de la législation fédérale (art. 10 al. 2 LTGVEAT). Ils doivent en particulier veiller à ce que le personnel de vente contrôle l’âge des jeunes clients. À cette fin, une pièce d’identité peut être exigée (al. 3).

Le PCTN peut effectuer ou organiser des achats-tests afin de vérifier si les prescriptions de la LTGVEAT sont respectées (art. 11 al. 1 LTGVEAT).

Aux termes de l’art. 18 al. 3 LTGVEAT, en cas de violation de la LTGVEAT ou de ses dispositions d’exécution, le PCTN peut prononcer, sans préjudice de l’amende prévue à l’art. 19, l’une des mesures suivantes : la suspension de l’autorisation pour une durée de sept jours à six mois (let. a) ; le retrait de l’autorisation (let. b). Si, dans les trois ans qui précèdent l’acte ou l’omission, le contrevenant a déjà fait l’objet d’une mesure de suspension ou de retrait devenue exécutoire, la sanction est au moins une suspension de 30 jours (al. 4). Si, dans les trois ans qui précèdent une infraction à l’interdiction visée à l’art. 6 al. 2 à 4, le contrevenant a déjà fait l’objet d’une mesure de suspension ou de retrait devenue exécutoire en raison d’une violation de la même disposition, la sanction est le retrait de l’autorisation assorti d’un délai de carence de 36 mois au plus, à compter de l’entrée en force de la décision, pendant lequel le PCTN ne peut entrer en matière sur une nouvelle demande d’autorisation (al. 5). Pour fixer la durée de la mesure ou décider d’un retrait, outre les seuils prévus par la présente disposition, l’autorité tient compte notamment de la gravité de la faute, des antécédents et de leur gravité. Est notamment considérée comme grave la violation des prescriptions visées aux art. 6, 14 et 16.

2.2 De jurisprudence constante, la chambre administrative accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/625/2021 du 15 juin 2021 consid. 3d ; ATA/333/2020 du 7 avril 2020 consid. 2d et les références citées), sauf si des éléments permettent de s’en écarter.

2.3 À teneur de l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée dans le cas d'espèce (ATA/1308/2018 du 5 décembre 2018 consid. 2).

Le PCTN jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer la mesure administrative. La juridiction de céans ne le censure qu’en cas d’excès (ATA/983/2021 du 24 septembre 2021 consid. 7b ; ATA/625/2021 du 15 juin 2021consid. 4b et les références citées). L'autorité commet un abus de son pouvoir d'appréciation tout en respectant les conditions et les limites légales, si elle ne se fonde pas sur des motifs sérieux et objectifs, se laisse guider par des éléments non pertinents ou étrangers au but des règles ou viole des principes généraux tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, les principes de la bonne foi et de la proportionnalité (ATA/32/2020 du 14 janvier 2020 consid. 2b et l'arrêt cité).

2.4 En l’occurrence, il est établi que, lors d’un achat-test effectué par le PCTN, une employée du commerce du recourant a vendu une cigarette électronique jetable à un mineur. En cela, le recourant a contrevenu à l’art. 6 al. 4 LTGVEAT, qui interdit la vente de tabac et de produits assimilés à des mineurs. Il a également violé l’art. 10 al. 3 LTGVEAT, qui impose aux titulaires de l’autorisation de veiller à ce que le personnel de vente contrôle l’âge des jeunes clients.

L’intéressé ne conteste pas ces faits. Il remet uniquement en cause la proportionnalité de la mesure, qu’il estime trop sévère eu égard à sa situation personnelle.

Or, ainsi que le relève l’intimé, la LTGVEAT prévoit expressément que la vente de tabac ou de produits assimilés aux mineurs constitue une infraction grave (art. 18 al. 6 in fine LTGVEAT). La sanction en cas de deuxième manquement est d’ailleurs particulièrement sévère puisqu’elle implique le retrait de l’autorisation assorti d’un délai de carence de 36 mois, pendant lequel le PCTN ne peut entrer en matière sur une nouvelle demande (art. 18 al. 5 LTGVEAT). La sévérité de la sanction en cas de vente de tabac aux mineurs répond donc à une volonté clairement exprimée par le législateur de se montrer intransigeant à l'égard des auteurs de cette infraction. Ainsi, compte tenu de la gravité de l’infraction, l'autorité intimée n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation ni excédé celui-ci en prononçant la suspension de son autorisation pour une durée de 30 jours, durée qui se situe dans la fourchette inférieure de l’art. 18 al. 3 let. a LTGVEAT. La sanction apparait, au demeurant, d’autant plus justifiée que le recourant a déjà fait l’objet, en mai 2023, d’un avertissement pour violation d’une autre disposition de la LTGVEAT, ce qui n’est pas contesté.

Pour le reste, la sanction est apte à atteindre le but visant au respect par le recourant des dispositions de la LTGVEAT, est nécessaire pour ce faire, et respecte le principe de la proportionnalité au sens étroit eu égard à l’intérêt public important consistant à protéger la santé des mineurs, notamment contre les risques d’addiction.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 juin 2023 par A______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 1er juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Eleanor McGREGOR, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MARINHEIRO

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :