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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/57/2023

ATA/874/2023 du 22.08.2023 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : RÉSILIATION EN TEMPS INOPPORTUN;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;DÉLAI DE RÉSILIATION;INCAPACITÉ DE TRAVAIL;PROPORTIONNALITÉ;CONDUITE MALGRÉ UNE INCAPACITÉ;IVRESSE;BUS;CHAUFFEUR
Normes : SP-TPG.73; CO.336c.al1; SP-TPG.71
Résumé : Recours d’un chauffeur de bus engagé depuis un peu plus d’une année par les TPG au moment de l’accident de moto, survenu pendant son temps libre, en raison d’une conduite en état d’ébriété avec un taux très élevé d’alcool, quelques heures avant la reprise d’un service au volant d’un bus des TPG. Incapacité de travail d’un peu plus de dix mois à la suite de cet accident, suivie d’autres périodes d’incapacités de travail. Admission d’un lien suffisant entre l’incapacité de travail consécutive à l’accident et une autre période de maladie subséquente en raison de problèmes psychiques du chauffeur liés audit accident, au cours de laquelle son licenciement a été prononcé. Confirmation du licenciement sous réserve d’un délai de congé reporté en raison d’une nouvelle période d’incapacité de travail, indépendante de l’accident. Motif justifié du licenciement vu la rupture du lien de confiance pendant la poursuite des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l’entreprise. Rejet des griefs tirés de la violation de la proportionnalité et de l’égalité de traitement. Recours admis dans une mesure très limitée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/57/2023-FPUBL ATA/874/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Fabrice COLUCCIA, avocat

contre

TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS intimés
représentés par Me Constansa DERPICH, avocate



EN FAIT

A. a. A______, né en ______ 1994, a été engagé par les Transports publics genevois (ci-après : TPG) dès le 1er mars 2020 en tant que conducteur d’autobus à 100 % pour une durée indéterminée, sous certaines réserves liées à l’octroi du permis d’élève conducteur autobus et à la réussite des examens.

b. En novembre et décembre 2020, il a eu deux entretiens avec sa hiérarchie, dont son responsable de groupe, au sujet d’un accident du 16 novembre 2020 et de la situation « sur l’accidentologie » le concernant. Il lui avait alors été rappelé son devoir, en tant que conducteur professionnel, de respecter strictement les lois et règlements et de prendre toutes les mesures et précautions nécessaires pour garantir les standards de sécurité et de qualité.

Un formateur a constaté fin novembre 2020 que A______ avait deux styles différents de conduite. En son absence, celle-ci n’était pas adaptée aux standards de sécurité et de qualité, alors qu’en sa présence, elle était préventive garantissant ces standards. L’intéressé avait reconnu avoir adapté sa conduite et s’était engagé à éviter à l’avenir de tels écarts et à être « transparent ». Son responsable de groupe était disposé à le soutenir dans ses démarches d’amélioration. En cas de non-respect de ses engagements, A______ était informé, par courrier du 24 décembre 2020 reçu en mains propres le 22 février 2021, que des mesures plus contraignantes, à savoir l’ouverture d’une procédure disciplinaire, pourraient être prises à son encontre.

c. Le 2 juillet 2021 vers 7h30, l’intéressé, en état d’ébriété avec un taux, qualifié, d’alcoolémie d’un minimum de 1,63 gr. ‰ au moment critique, a eu un accident avec son motocycle « Harley-Davidson ». Il avait perdu la maîtrise de celui-ci, heurté une voiture, immobilisée en sens inverse au feu rouge, et chuté, provoquant des dégâts matériels aux deux véhicules et se blessant lui-même. Cet accident l’a rendu incapable de travailler du 3 juillet 2021 au 31 mai 2022, avec une reprise à 50 % en mai 2022, ces incapacités étant attestées par certificats médicaux ne contenant aucune précision sur l’accident.

d. Le 9 novembre 2021, A______ s’est vu notifier une décision de retrait du permis de conduire et du permis d’élève-conducteur de la catégorie A à titre préventif pour une durée indéterminée. Cette décision a également ordonné une expertise visant à évaluer son aptitude à la conduite. L’intéressé a remis, à l’autorité compétente, le 11 novembre 2021 son permis de conduire qu’il a récupéré le 11 avril 2022.

Par décision du 6 avril 2022, l’office cantonal des véhicules a fixé à quatre mois la durée du retrait du permis de conduire et du permis d’élève conducteur catégorie A, en raison d’une infraction grave aux règles de la circulation routière pour les faits précités liés à l’accident et à l’importance du taux d’alcool avec lequel il avait conduit. Après contrôle, son aptitude à la conduite avait été admise le 25 mars 2022. Sa réputation de conducteur était bonne en l’absence d’antécédent. Cette mesure serait inscrite dans le système d’information relatif à l’admission à la circulation (SIAC) pendant dix ans.

e. Le 1er décembre 2021, le Ministère public a rendu une ordonnance pénale déclarant l’intéressé coupable de conduite en état d’ébriété avec un taux d’alcool qualifié en vertu de l’art. 91 al. 2 let. a LCR et le condamnant à une peine pécuniaire de 70 jours-amende et à une amende de CHF 1'400.- à titre de sanction immédiate.

f. Par décision du 10 février 2022, la SUVA a réduit de 40 % le montant des indemnités journalières perçues pendant son incapacité précitée de travail, au motif que la conduite d’un motocycle en état d’ébriété qualifiée était un délit. Le même jour, la SUVA a communiqué cette décision aux TPG.

B. a. Interpellée par le courrier de la SUVA, la collaboratrice des ressources humaines (ci-après : RH) des TPG a, mi-février 2022, entrepris des démarches pour clarifier la situation de A______, en l’appelant et en l’invitant par courriels à fournir les informations et documents concernant son retrait de permis. C’est ainsi que l’intéressé a, les 21 et 22 février 2022, transmis aux TPG la décision précitée du 9 novembre 2021. Il a ensuite été convoqué à un entretien, le 28 février 2022, pour faire le point sur sa situation professionnelle et la décision de la SUVA. Il a, lors de cette entrevue, signé une reconnaissance de dette pour le trop perçu des indemnités journalières. Par courriel du 11 avril 2022, il les a informés de la restitution de son permis et de la décision précitée du 6 avril 2022.

b. Sollicités par la SUVA qui cherchait sans succès à obtenir un rapport médical de l’intéressé, les responsables RH des TPG ont, par courrier du 8 avril 2022, mis ce dernier en demeure de collaborer avec la SUVA, faute de quoi son salaire serait suspendu.

C. a. Lors de l’entretien du 9 mai 2022, les TPG ont remis en mains propres du conducteur leur courrier du 28 avril 2022, par lequel ils l’informaient de leur intention de mettre fin aux rapports de travail, dans un délai de congé de trois mois pour la fin d’un mois. Ils l’ont invité à se déterminer, ce qu’il a fait par courrier du 17 mai 2022 de son syndicat, et l’ont libéré de l’obligation de travailler.

Les TPG ont reproché trois comportements à l’intéressé. Il ne leur avait pas spontanément annoncé le retrait de son permis, en violation de son obligation prévue à l’art. 11 du statut du personnel et au chiffre 4.4.1 du Manuel d’exploitation. Il n’avait pas fourni la décision du 9 novembre 2021 dans le délai imparti, mais uniquement après relance des TPG. En outre, les faits à l’origine de cette décision et de celle du 6 avril 2022, qu’ils avaient découverts seulement fin février 2022, étaient graves, en particulier pour un conducteur professionnel soumis à l’interdiction stricte de conduire sous l’influence de l’alcool. Celle-ci existait dès 0,10 gr. ‰ de taux d’alcool dans le sang et était considéré comme qualifiée dès 0,8 gr. ‰. Lors de l’accident du 2 juillet 2021, il avait présenté un taux d’alcool deux fois supérieurs à cette limite, soit 1.63 gr. ‰, et ce alors que son service devait commencer vers 15h30 ce même jour et qu’il aurait alors été amené à conduire un véhicule des TPG en étant toujours sous les effets et l’influence de l’alcool. Même en l’absence d’une incapacité de travail consécutive à l’accident, il aurait été dans l’impossibilité de conduire un véhicule professionnel et d’exécuter son travail pendant cinq mois au minimum, voire même neuf mois, en raison du retrait de son permis de conduire prononcé à titre préventif. Parmi les critères d’embauche des conducteurs, les TPG exigeaient la production d’un extrait vierge du registre SIAC. Pour ces motifs, la situation était considérée objectivement grave et susceptible de remettre en cause la poursuite des rapports de travail.

Elle l’était également, du point de vue, subjectif, des TPG, ce qui était propre à rompre le lien de confiance nécessaire au maintien des rapports de travail, en partie, pour les mêmes motifs susmentionnés liés au défaut d’annonce lui incombant. Celui-ci avait conduit au versement indu de prestations à hauteur d’un peu plus de CHF 14'000.- au 28 février 2022. Lors de l’entretien du 28 février 2022, il avait minimisé les événements et tenté de justifier son manquement au devoir d’information du fait de son arrêt de travail. Cette attitude n’était pas acceptable et reflétait une absence de prise de conscience de la gravité de son comportement, voire d’une volonté délibérée d’omettre de les informer de sa situation. Cette situation s’inscrivait dans un contexte général de prestations professionnelles insatisfaisantes. Entre juillet 2020 et juillet 2021, il avait accumulé six accidents / collisions avec des tiers ou obstacles, sans gravité mais pour lesquels il avait été considéré comme responsable. Il avait en outre quatre arrivées tardives entre novembre 2020 et juin 2021, alors que la ponctualité dans les prises de service était un élément fondamental dans sa fonction de conducteur de véhicules de transports publics. Ainsi, le rapport de confiance nécessaire à la poursuite des rapports de travail semblait rompu, tant subjectivement en raison de son attitude qu’objectivement s’agissant des faits à l’origine de son retrait de permis de conduire.

Les TPG avaient besoin de pouvoir avoir une confiance totale dans leur personnel de conduite vu le haut degré de sécurité nécessaire à l’exécution de leurs tâches de transport public concernant un grand nombre d’usagers et d’autres personnes utilisant les voies publiques. Il était ainsi attendu que le personnel de conduite respecte ses obligations, légales, professionnelles et statutaires dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. Il pouvait aussi être attendu de la part de tout conducteur de véhicules de transports publics d’être irréprochable au volant, tant durant les heures de travail que dans sa vie privée. Or, compte tenu des circonstances susmentionnées, l’intéressé ne répondait plus aux garanties requises et aux exigences demandées aux conducteurs professionnels en matière de sécurité. En vertu du principe de précaution, il n’était pas envisageable de le garder dans la fonction de conducteur et de lui confier à nouveau la responsabilité de conduire leurs véhicules. Par conséquent, la poursuite des rapports de travail ne s’inscrivait plus dans l’intérêt du bon fonctionnement des TPG. Aucune mesure moins incisive qu’une résiliation du contrat n’était envisageable.

b. Dans ses déterminations, le conducteur a fait valoir qu’il n’avait pas été informé d’un retrait de permis le jour de l’accident, mais uniquement d’un « dépôt » de celui-ci dans l’attente des résultats toxicologiques et de la décision de l’autorité compétente. Il n’était ni alcoolique ni n’avait d’autres dépendances. Il n’avait pas réalisé qu’il devait annoncer le « dépôt » de son permis du fait de sa longue rééducation sans possibilité de conduite. Le rapport médical aurait dû être transmis par son médecin, absent en raison d’un Covid long. Il n’avait jamais eu l’intention de cacher ni de ne pas respecter son devoir de diligence envers les TPG. Ceux-ci étaient invités à reconsidérer leur décision et à ne pas nuire à son avenir professionnel.

c. Par courrier du 25 mai 2022, les TPG ont notifié à l’intéressé la résiliation des rapports de travail, avec effet au 31 août 2022, dans le respect d’un délai de congé de trois mois pour la fin d’un mois compte tenu de son ancienneté dans l’entreprise pour les mêmes motifs que ci-dessus. Les explications de l’intéressé démontraient qu’il n’avait pas pris la mesure de la gravité de la situation et qu’il espérait reprendre son poste en maintenant son employeur dans l’ignorance des circonstances de l’accident.

Dès lors, le rapport de confiance nécessaire à la poursuite des rapports de travail était rompu, tant subjectivement qu’objectivement. En outre, il ne répondait pas aux garanties requises et exigences demandées aux conducteurs professionnels en matière de sécurité envers les passagers et le public en général. Il n’était, en vertu du principe de précaution, pas envisageable de le garder dans sa fonction de conducteur et de lui confier à nouveau la responsabilité de conduire des véhicules des TPG. La poursuite des rapports de travail ne s’inscrivait donc plus objectivement dans l’intérêt du bon fonctionnement de l’entreprise.

D. a. Le 25 mai 2022, A______ a informé son employeur qu’il était convoqué à une affectation de service civil. Il avait reçu une décision à ce sujet de l’autorité fédérale, datée du 5 avril 2022, qui l’affectait du 6 juin au 20 septembre 2022.

b. Le 7 juin 2022, il lui avait transmis, à sa demande, un certificat médical attestant d’une pleine capacité de travail depuis le 1er juin 2022.

c. Le 22 juin 2022, les TPG ont annulé la décision de licenciement en raison de la convocation au service civil de l’intéressé dès le 6 juin 2022, en l’informant qu’une nouvelle décision lui serait notifiée en temps opportun.

Son obligation d’informer sans délai et spontanément son employeur sur toutes les informations impactant ses rapports de travail lui était rappelée, étant précisé qu’il ne l’avait pas non plus respectée au sujet de sa reprise de pleine capacité de travail dès juin 2022. Dès cette date, les TPG procéderaient à une retenue sur son salaire mensuel aux fins du remboursement de la somme, trop perçue, de CHF 14'029.30.

d. Le 20 septembre 2022, les TPG ont libéré l’intéressé de ses fonctions et accusé réception du courrier de son conseil du 6 septembre 2022, qui demandait une deuxième chance, le licenciement le plaçant dans une situation économiquement difficile, alors qu’il avait seulement voulu fêter le fait que sa compagne était enceinte d’un garçon.

e. Par courrier du 17 novembre 2022, les TPG ont, à nouveau, résilié les rapports de travail avec effet au 28 février 2023, après la période de protection échue le 18 octobre 2022.

Les motifs de résiliation étaient rappelés dans une annexe faisant partie intégrante de la décision. En réponse à l’intéressé, ils ont insisté sur l’importance de veiller à la sécurité des usagers des véhicules des TPG et de pouvoir compter sur des conducteurs irréprochables au volant, en toutes circonstances. Aucune mesure moins incisive n’était envisageable, de sorte que leur décision était proportionnée. Elle ne violait par ailleurs pas l’égalité de traitement en référence aux deux cas invoqués par l’intéressé. Les conducteurs concernés dans ces anciennes affaires avaient, pour l’un, près de treize ans de service, voire plus de 20 ans s’agissant de sa rechute, et pour l’autre, près de dix ans de service. Or, l’intéressé n’avait que onze mois de service (hors période de formation). De plus, ces anciennes affaires s’apparentaient à une problématique d’ordre médical, ce qui n’était pas le cas de l’intéressé qui avait sciemment pris le volant après avoir trop bu. Enfin, le risque sécuritaire s’était matérialisé dans son cas par la survenance de l’accident, contrairement aux deux autres affaires.

Cette décision était exécutoire nonobstant recours.

E. a. Le 1er décembre 2022, A______ a transmis aux TPG un nouveau certificat médical attestant de son incapacité complète à travailler du 15 novembre au 15 décembre 2022 pour motif de maladie.

b. Par courrier du 23 décembre 2022, les TPG ont, pour la troisième fois et seulement si le licenciement du 17 novembre 2022 devait être considéré nul par les autorités judiciaires, confirmé la résiliation des rapports de travail de l’intéressé avec effet au 31 mars 2023, ce dernier n’ayant pas renouvelé le certificat médical. Le licenciement du 17 novembre 2022 déployait ses effets vu l’absence de justificatif valablement transmis et le caractère abusif de la demande tendant à déclarer nul ledit licenciement. Cette décision était exécutoire nonobstant recours.

c. Après avoir communiqué ce courrier, le 23 décembre 2022, par courriel au conseil de l’intéressé, celui-ci a transmis, le même jour, aux TPG un nouveau certificat médical du 15 décembre 2022, attestant de sa pleine incapacité de travail du 15 décembre 2022 au 15 janvier 2023 pour maladie.

Le même médecin, Docteur B______, a certifié, le 29 décembre 2022, suivre régulièrement en consultation A______ et que, depuis le mois de novembre 2022, ce dernier présentait un burnout, avec épuisement physique et moral, des difficultés de concentration et d’attention, et des difficultés de gestion des documents administratifs, précisant que son patient était suivi par le psychiatre des « Psy Réunis » pour ces troubles.

d. Par courriel du 5 janvier 2023, l’employé a transmis aux TPG un nouveau certificat médical d’un chirurgien de la main, Docteur C______, attestant de sa pleine incapacité de travail pour accident du 3 au 31 janvier 2023.

Le 16 janvier 2023, le Dr C______ a attesté de l’incapacité de travail pour maladie de l’intéressé du 15 janvier au 15 février 2023.

Le 3 février 2023, les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) ont rédigé une lettre de sortie des soins aigus, à la suite d’une intervention chirurgicale du 31 janvier 2023 dans le service de neurochirurgie concernant une hernie discale. Un arrêt complet de travail a été établi du 30 janvier au 13 mars 2023.

Le 21 février 2023, le Dr B______ a établi un arrêt complet de travail du 1er mars au 3 avril 2023 pour accident.

e. Le 10 février 2023, l’employé a rencontré le médecin-conseil des TPG, le Docteur D______, qui a rendu son rapport le 28 février 2023. Ce dernier a confirmé la justification médicale de l’incapacité de travail pour raison de santé et estimé à trois mois la reprise complète sans restriction.

À la question du lien entre le nouvel arrêt de travail et celui lié à l’accident du 2 juillet 2021, le médecin a répondu qu’il existait un « clair lien de causalité » mais que le nouvel arrêt pour maladie était lié à une décompensation d’un état de santé préexistant depuis 2018, qui s’était « acutisée » sans lien avec l’accident en état d’ébriété. L’intéressé ne lui avait pas annoncé son problème d’hernie discale, connu depuis 2018 et ayant nécessité un avis spécialisé en 2018, lors de l’examen médical d’entrée au cours duquel le dos était « normal ». Il n’avait pas pu informer l’intéressé de l’importance de maintenir une hygiène de vie compte tenu des sollicitations lombaires de la conduite. Cela étant, il ne l’aurait pas déclaré inapte à la conduite professionnelle en l’absence de douleur et de plaintes lors de l’examen physique, précisant que de nombreux conducteurs étaient porteurs d’hernies discales asymptomatiques. Il n’avait pas obtenu de réponse du chirurgien relative à l’opération entraînant l’incapacité de travail du 3 au 31 janvier 2023, mais l’intéressé lui avait dit qu’elle était en lien avec l’accident du 2 juillet 2021.

F. a. Par acte expédié le 9 janvier 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre les décisions des 17 novembre et 23 décembre 2022 des TPG confirmant son licenciement avec effet respectivement aux 28 février et 31 mars 2023, en concluant principalement à leur nullité. À titre préalable, il a sollicité la jonction des procédures de recours contre ces deux décisions et leur suspension en raison de la saisine de la commission de conciliation interne aux TPG. À titre subsidiaire, il a conclu à ce que la non-conformité au droit desdites décisions soit constatée, qu’il soit proposé aux TPG de le réintégrer et, à défaut, de les condamner à lui payer une indemnité correspondant à huit salaires mensuels.

Les congés avaient été donnés pendant une période de protection et étaient donc nuls en vertu de l’art. 73 al. 2 du statut du personnel des TPG du 1er janvier 1999 (ci-après : SP), étant précisé qu’une nouvelle incapacité venait de surgir. Les décisions étaient en outre contraires au principe de la proportionnalité et de l’égalité de traitement.

b. La commission de conciliation mentionnée à l’art. 89 SP s’est déclarée incompétente le 23 janvier 2023.

c. La procédure de recours a été suspendue le 16 janvier et reprise le 3 février 2023, sur demande des TPG.

d. Les TPG ont conclu au rejet du recours et se sont opposés à la réintégration du recourant pour le cas où celle-ci devait leur être proposée. Le comportement de ce dernier ne pouvait être considéré comme étant de bonne foi puisqu’il tendait à faire obstacle à la mise en œuvre de l’art. 71 SP qui justifiait le licenciement litigieux. Sa situation n’était pas comparable aux cas dans lesquels la protection contre le licenciement en temps inopportun avait été accordée en raison du fait que l’employé ignorait l’existence de sa pathologie, ce qui n’était pas ici le cas de l’intéressé qui avait omis de communiquer le certificat médical. L’abus de droit invoqué par les TPG devait conduire à l’inapplicabilité de l’art. 73 SP, de sorte que les deux décisions litigieuses étaient valables puisque notifiées en « temps opportun ».

e. Le recourant a répliqué et conclu subsidiairement à l’audition du Dr D______, en cas de doute de la chambre de céans, pour démontrer l’absence de lien de causalité entre l’accident de juillet 2021 et l’arrêt de travail de novembre 2022. Celui-ci reposait sur une cause médicale différente liée à un état psychologique affaibli depuis 2018 et aggravé en juillet 2021 à la suite de l’accident et du contexte compliqué qui l’entourait.

f. Sur ce, les deux causes ouvertes pour le recours contre chacune des décisions litigieuses ont été gardées à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 89 al. 1 et 2 SP ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant demande la jonction des causes A/57/2023 et A/91/2023 dans le cadre desquelles il s’oppose à la résiliation de ses rapports de service par les TPG, prononcée par décisions des 17 novembre et 23 décembre 2022.

2.1 Selon l’art. 70 LPA, l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (al. 1). La jonction n’est toutefois pas ordonnée si la première procédure est en état d’être jugée alors que la ou les autres viennent d’être introduites (al. 2).

2.2 En l’espèce, les deux causes, toutes deux gardées à juger, portent sur le même contexte de faits qui a conduit les TPG à prononcer, à intervalles rapprochés, les deux décisions litigieuses à l’égard de la même personne, étant précisé que les TPG ont d’emblée annoncé que le licenciement du 23 décembre 2022 était subsidiaire à celui du 17 novembre 2022. Dans ces circonstances, il se justifie de joindre les deux causes précitées sous le numéro A/57/2023.

3.             Dans sa réplique, le recourant demande, à titre subsidiaire et en cas de doute de la chambre de céans, l’audition du Dr D______, médecin-conseil des TPG.

3.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées).

3.2 En l’espèce, le Dr D______ a établi un rapport daté du 28 février 2023, versé à la procédure, concernant l’examen du recourant effectué le 10 février 2023. Ce dernier a également produit une attestation du 29 décembre 2022 de son médecin, le Dr C______, décrivant dans les grandes lignes ses problèmes de santé. Ainsi et pour les raisons développées plus bas, la chambre administrative dispose de tous les éléments utiles pour trancher la question de savoir s’il existe un lien entre l’atteinte à la santé consécutive à l’accident du 2 juillet 2021 et celle médicalement attestée depuis le 15 novembre 2022. La chambre administrative ne procédera donc pas à l’audition du Dr D______.

4.             Le recourant invoque la nullité du licenciement du 17 novembre 2022 (cause A/57/2023) ainsi que de celui, subsidiaire, du 23 décembre 2022 (cause A/91/2023), prononcés tous deux pour les mêmes motifs.

4.1 Les TPG, établissement de droit public genevois (art. 1 al. 1 de la loi sur les transports publics genevois du 21 novembre 1975 - LTPG - H 1 55), sont dotés de la personnalité juridique et sont autonomes dans les limites fixées par la LTPG (art. 2 al. 1 LTPG). Tous les employés sont liés aux TPG par un rapport de droit public (art. 2 al. 2 SP).

4.2 En matière de rapports de service, l’employeur public dispose d’un large pouvoir d’appréciation, notamment face à des manquements aux devoirs de service commis par les membres de son personnel, de sorte que la chambre administrative ne peut intervenir qu’en cas de violation du droit, y compris d’abus ou d’excès du pouvoir d’appréciation, ou de constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA ; ATA/114/2021 du 2 février 2021 consid. 2).

4.3 Conformément à l’art. 68 al. 1 let. c SP, les TPG ont, à raison, fixé le délai de congé du recourant, engagé en mars 2020, à trois mois pour la fin d’un mois.

4.4 À teneur de l'art. 73 al. 1 SP, qui réglemente le licenciement en temps inopportun par l'employeur, après le temps d'essai, celui-ci ne peut pas résilier le contrat : pendant que l'employé accomplit un service obligatoire, militaire ou dans la protection civile, en vertu de la législation fédérale, ou encore pendant les quatre semaines qui précèdent et qui suivent ce service pour autant qu'il ait duré plus de douze jours (let. a) ; pendant une incapacité de travail totale ou partielle résultant d'une maladie ou d'un accident non imputable à la faute de l'employé durant nonante jours de la deuxième à la cinquième année de service (let. b).

Le congé donné pendant une des périodes prévues à l’al. 1 est nul ; si le congé a été donné avant l’une de celles-ci et si le délai de congé n’a pas expiré avant cette période, ce délai est suspendu et ne continue à courir qu’après la fin de la période (art. 73 al. 2 SP).

Lorsque les rapports de travail doivent cesser à un terme, tel que la fin d’un mois, et que ce terme ne coïncide pas avec la fin du délai de congé qui a recommencé à courir, ce délai est prolongé jusqu’au prochain terme (art. 73 al. 3 SP).

4.5 L'art. 73 SP a la même teneur que l'art. 336c al. 1 let. b et al. 2 CO, si bien que la jurisprudence développée sur cette base trouve application, ce que la chambre administrative a déjà admis (ATA/600/2021 du 8 juin 2021 consid. 5c). Par ailleurs, l’art. 2 al. 3 SP prévoit que le Code des obligations, notamment son titre dixième (du contrat de travail), s’applique à titre de droit public supplétif.

4.5.1 Le travailleur peut bénéficier de plusieurs périodes de protection non seulement lorsqu'il cumule les hypothèses prévues par les différentes lettres de l'art. 336c al. 1 CO (cumul «interlittéral», par exemple service militaire suivi d'une incapacité de travail due à un accident), mais aussi lorsqu'il est incapable de travailler en raison d'un accident puis d'une maladie, ou pour cause de maladies ou d'accidents successifs n'ayant aucun lien entre eux («cumul intralittéral» ; ATF 120 II 124 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_706/2016 du 4 août 2017 consid. 2.1).

Dans ce dernier cas de figure, chaque nouvelle maladie ou chaque nouvel accident fait courir un nouveau délai légal de protection, durant lequel l'employeur ne peut valablement résilier le contrat de travail (ATF 124 III 474 consid. 2b/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_826/2015 du 21 septembre 2016 consid. 3.3.1). Tel est notamment le cas de deux accidents ayant des origines totalement différentes (ATF 120 II 124 consid. 3). En revanche, une nouvelle incapacité de travail ne fait pas courir un nouveau délai lorsqu'elle est due à la même cause médicale que la précédente, comme une rechute d'une affection précédente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_826/2015 précité consid. 3.3.1). Il en va de même en cas d'aggravation de la même maladie (arrêt du Tribunal fédéral 4C.346/2004 du 15 février 2005 consid. 5.1).

4.5.2 Le cumul des périodes de protection a par exemple été refusé à un travailleur qui avait connu à intervalle rapproché deux épisodes d'incapacité de travail, attribuée d'abord à un « burn-out » puis à un état dépressif réactionnel, qui trouvaient leur source dans les soucis professionnels de l'intéressé, et plus particulièrement dans son licenciement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_117/2007 du 13 septembre 2007 consid. 5.2). Une influence réciproque entre deux pathologies du travailleur, sous la forme d'une bronchite asthmatique et d'un syndrome anxieux dépressif, a également été retenue, la première ayant contribué à l'apparition de la deuxième (arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2007 du 31 août 2007 consid. 3.2, 5 et 6.2). Il en va de même d'une pathologie coronarienne, dans le cadre de laquelle a été découverte une tumeur rénale, qui a conduit à une dégradation de l'état psychique du patient et a nécessité son hospitalisation pour un trouble de l'adaptation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_706/2016 précité consid. 3.5).

Dans cette dernière affaire concernant des atteintes jugées importantes à la santé physique du travailleur (arrêt du Tribunal fédéral 4A_706/2016 précité), le Tribunal fédéral a relevé, sur la base d’un traité de la médecine psychiatrique, que le trouble de l’adaptation était une réaction psychologique à un ou plusieurs facteurs de stress identifiable, qu’il accompagnait fréquemment des maladies et qu’il constituait
peut-être la réaction psychologique la plus répandue face à une atteinte à la santé. Selon l'expérience générale de la vie, de graves et longues atteintes à la santé pouvaient rejaillir sur les relations familiales, et l'impossibilité prolongée d'exercer son activité professionnelle pouvait aussi constituer une source de stress social, par la crainte de perdre son emploi et d'avoir des difficultés financières (consid. 3.5). Le Tribunal fédéral a estimé que rien dans les éléments recueillis du cas d’espèce, et en particulier dans les explications - mesurées et nuancées - du médecin traitant, n'indiquait que le facteur de stress constitué par les atteintes à la santé physique (et leurs conséquences sociales) fut suffisamment marginal pour considérer la maladie psychique comme indépendante et apte à faire courir un nouveau délai de protection. Ainsi, les pathologies physiques et psychiques étaient liées à un point suffisant pour exclure de retenir en droit un nouveau cas d’incapacité de travail ouvrant une nouvelle période de protection (consid. 4).

4.5.3 La preuve de l’absence de lien entre deux incapacités de travail successives incombe à l’employé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_117/2007 du 13 septembre 2007 consid. 5.3 ; Stéphanie PERRENOUD, in Luc THÉVENOZ/Franz WERRO, Commentaire romand du Code des obligations I, 3ème éd., 2021, n. 60 ad art. 336c CO).

Il en va de même de l’incapacité de travail (art. 8 CC), le travailleur ayant le plus souvent recours pour ce faire à un certificat médical sans que celui-ci ne constitue un moyen de preuve absolu (arrêts du Tribunal fédéral 8C_619/2014 du 13 avril 2015 consid. 3.2.1 ; 4A_289/2010 du 27 juillet 2010 consid. 3.2 ; ATA/600/2021 précité consid. 5d).

4.5.4 La durée de la protection prévue à l’art. 336c al. 1 let. b CO est exprimée sous forme de maxima ; elle correspond à la durée effective de l’incapacité de travail mais au plus à la durée maximale fixée par la loi. Elle se calcule à compter du premier jour de l’incapacité de travail. L’employé bénéficie d’un crédit en jours par cas de protection : il ne s’agit pas d’un crédit annuel comme pour le droit au salaire au sens de l’art. 342a CO, de sorte qu’une nouvelle année de service ne donne pas naissance à un nouveau crédit de jours de protection. Les incapacités de travail causées par une même atteinte à la santé ne peuvent se cumuler qu’à concurrence du crédit en jours maximal selon l’art. 336c al. 1 let. b CO (Stéphanie PERRENOUD, op. cit., n. 44s et 60 ad art. 336c CO).

4.6 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité établit les faits d'office (art. 19 LPA). Elle définit ainsi les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Cette maxime l'oblige notamment à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier (ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 3b et les références citées).

Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA), qui comprend en particulier l'obligation d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêt du Tribunal fédéral 2C_649/2020 du 10 novembre 2020 consid. 6.4 ; ATA/1100/2020 du 3 novembre 2020 consid. 3a et les références citées).

4.7 Par ailleurs, la constatation des faits, en procédure administrative, est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves, qui signifie que le juge forme librement sa conviction, en analysant la force probante des preuves administrées, dont ni le genre, ni le nombre n'est déterminant, mais uniquement la force de persuasion (art. 20 al. 1 LPA ; ATA/109/2021 du 2 février 2021 consid. 12b).

4.8 En l’espèce, après une année de service aux TPG, le recourant a cumulé plusieurs périodes d’incapacité de travail, dont celle résultant des blessures dues à son accident de moto, qui a duré du 3 juillet 2021 au 31 mai 2022 avec une reprise partielle en mai 2022. Hormis son absence en raison du service civil entre le 6 juin et le 20 septembre 2022, l’intéressé s’est retrouvé dans l’incapacité de travailler, attestée par certificats médicaux, à quatre reprises. Il n’est pas contesté que ses arrêts de travail du 3 au 31 janvier 2023 et du 1er mars au 3 avril 2023 sont dus à son accident. Tel n’est en revanche pas le cas, à teneur du dossier, de son incapacité de travail du 30 janvier au 13 mars 2023, liée à une hernie discale.

Le point litigieux concerne l’arrêt de travail, pour maladie, du 15 novembre au 15 décembre 2022, prolongé successivement au 15 janvier puis au 15 février 2023, par certificats médicaux du Dr C______. Il n’est pas contesté que le recourant a bénéficié de la durée maximale de protection pour ses problèmes de santé consécutifs à son accident du 2 juillet 2021. Il convient ainsi de déterminer si l’atteinte à sa santé médicalement attestée depuis le 15 novembre 2022, à l’origine de son incapacité de travail qu’il n’a annoncée aux TPG que le 1er décembre 2022, a un lien suffisant au sens de la jurisprudence susmentionnée avec ledit accident.

Le médecin-conseil des TPG a examiné le recourant le 10 février 2023. À la question des TPG de savoir s’il existait un « lien éventuel » entre l’arrêt de travail depuis le 15 novembre 2022 et celui survenu à la suite de l’accident du 2 juillet 2021, il a répondu, dans son rapport du 28 février 2023, en ces termes : « Il existe un clair lien de causalité entre l’accident de 2021 et ses suites (en particulier le licenciement et le conflit qui oppose [le recourant] aux TPG) et l’arrêt de travail actuel. Néanmoins cet arrêt maladie actuel est également lié à une décompensation d’un état de santé préexistant depuis 2018, qui s’est acutisée sans lien avec l’accident en état d’ébriété ».

Dans ses écritures du 9 janvier et 5 mai 2023, le recourant confirme être en souffrance psychologique depuis 2018, qui s’est aggravée en juillet 2021 « à la suite de l’accident ET du contexte compliqué qui l’entoure ». Il reconnaît une « aggravation des symptômes préexistants, [mais] pas une causalité [avec l’accident de juillet 2021] ». Il produit une attestation de son médecin du 29 décembre 2022 soulignant l’aspect essentiellement psychique de sa maladie l’empêchant de travailler depuis le 15 novembre 2022. Il s’appuie aussi sur la fin de la deuxième phrase susmentionnée du rapport du Dr D______ pour démontrer l’absence de lien entre les deux atteintes en cause, soit celle liée à l’accident et celle attestée le depuis le 15 novembre 2022. Le recourant ne fait néanmoins pas référence au début de la réponse précitée du Dr D______, qui admet un « clair lien de causalité » entre ces deux affections, ni ne relève la contradiction apparente des propos de ce médecin.

Ainsi, il y a lieu de constater que les parties admettent l’existence d’un lien entre le « contexte compliqué » lié à l’accident, à savoir les conséquences du licenciement sur la situation professionnelle et économique du recourant, et la dégradation de l’état psychologique de ce dernier dès le 15 novembre 2022. Ce lien est d’ordre psychique, et non physiologique, distinction qui ressort de la juxtaposition des deux phrases précitées du rapport du médecin-conseil des TPG, eu égard à l’ensemble des problématiques ayant affecté la santé du recourant. Par ailleurs, le médecin‑conseil utilise l’adverbe « également » dans sa deuxième phrase. Ce mot permet de comprendre que cette affection psychique a une autre cause que celle liée à l’accident, plus ancienne, ce qui explique la contradiction apparente entre ces deux phrases. Cette autre origine, plus ancienne, est un élément supplémentaire et indépendant de celle relative à l’accident de juillet 2021, qui n’infirme pas le constat du médecin-conseil attestant, dans son rapport du 28 février 2023, de l’existence d’un « clair lien de causalité » entre, d’une part, l’accident et ses conséquences professionnelles et, d’autre part, l’arrêt de travail résultant d’une affection d’ordre psychique depuis le 15 novembre 2022.

À cela s’ajoutent les circonstances particulières entourant les remises, à chaque fois tardives, des certificats médicaux relatifs à cette problématique médicale, et ce après que les TPG ont rappelé au recourant son devoir d’information, notamment dans leur courrier du 28 avril 2022 qu’ils lui ont remis le 9 mai 2022. Le recourant, assisté d’un mandataire syndical depuis mi-mai 2022 et de son conseil depuis début septembre 2022 en tout cas, tarde, d’un côté, à transmettre son premier certificat médical relatif à ses problèmes d’ordre psychique, datant du 15 novembre 2022, qu’il remet, par courriel aux TPG, le 1er décembre 2022 seulement, soit à un moment où il a déjà reçu la décision de licenciement du 17 novembre 2022, notifiée le 22 novembre 2022 à teneur de son mémoire de recours. D’un autre côté et malgré ce contexte de licenciement, il ne se soucie pas de transmettre rapidement aux TPG son second certificat médical du 15 décembre 2022, transmis cependant quasi immédiatement à l’employeur lorsqu’il notifie, le 23 décembre 2022, sa troisième décision de le licencier.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la chambre administrative considère que les conséquences de l’accident sur la situation professionnelle du recourant ont contribué de manière significative, si ce n’est déterminante, à aggraver son état psychologique qui ne l’avait jusqu’à l’accident pas empêché de travailler. Elle constate ainsi un lien suffisant entre ses deux empêchements de travailler dont leur origine réside dans le fait d’avoir conduit en état d’ébriété qualifié, de sorte que le cumul des deux périodes de protection en cause doit être nié. Certes, ces arrêts de travail reposent sur des affections médicales différentes, le premier d’ordre physiologique et le second d’ordre psychique, mais sont intrinsèquement liés en ce sens qu’ils résultent du même comportement adopté par le recourant le 2 juillet 2021, à savoir la conduite d’un véhicule en état d’ébriété qualifié et de ses conséquences sur sa santé, et ce à intervalle rapproché. Ce comportement est non seulement à l’origine de son accident et de ses suites médicales l’ayant empêché de travailler du 3 juillet 2021 jusqu’en mai 2022, mais également de l’aggravation de son état psychique du fait principalement de son licenciement et des conséquences de celui-ci sur sa situation professionnelle et économique.

Par conséquent, l’incapacité de travail ayant débuté le 15 novembre 2022 n’ouvre pas une nouvelle période de protection au sens de l’art. 73 al. 1 let. b SP en faveur du recourant. Celui-ci a ainsi épuisé les nonante jours de protection légale maximale lors de son incapacité survenue du 3 juillet 2021 à mai 2022. Le licenciement du 17 novembre 2022 est donc valable. Le fait qu’il ait été renouvelé le 23 décembre 2022, par une nouvelle décision, n’y change rien puisque celle-ci a un caractère subsidiaire, ce qui a été clairement et d’emblée annoncé au recourant.

Cela étant et compte tenu de ce qui suit, il convient de relever que le délai de congé de trois mois doit être suspendu du 30 janvier au 13 mars 2023, soit pendant 42 jours correspondant à sa nouvelle incapacité de travail due à une hernie discale, pour laquelle le dossier n’établit pas de lien avec l’accident de juillet 2021. Cela a pour effet de reporter le terme du délai de congé au 30 avril 2023, date de fin des rapports de service entre les TPG et le recourant. Ce dernier a ainsi droit à percevoir son salaire jusqu’à cette date. La décision du 17 novembre 2022 doit être modifiée en ce sens.

5.             Le recourant ne conteste pas que les licenciements litigieux reposent sur un même motif justifié, mais invoque la violation du principe de la proportionnalité et du principe de l’égalité de traitement au regard des affaires jugées dans les ATA/293/2022 du 22 mars 2022 et ATA/576/2014 du 29 juillet 2014.

Il s’estime moins bien traité que les chauffeurs de ces deux affaires, dont l’un avait été dépendant de l’éthanol et l’autre fumeur régulier de cannabis et auxquels les TPG avaient accordé une seconde chance. Il se plaint d’être licencié après une seule erreur, commise dans son temps libre pour fêter la naissance de son fils, sans qu’une mesure moins incisive telle que l’avertissement, la mise à pied ou la signature d’un plan d’amélioration, ne soit envisagée, et ce alors qu’il a été considéré apte à la conduite et récupéré son permis de conduire. Les licenciements litigieux le mettent dans une situation financière difficile, sa compagne étant sans emploi et ayant un enfant à charge. Il ne nie pas son manque de communication et en a désormais compris les conséquences sur le lien de confiance, le licenciement ayant agi comme un « véritable électrochoc », ce qu’il n’avait pas pu expliquer à son employeur qui avait refusé de le recevoir avec son conseil. À défaut d’être réintégré, il réclame une indemnité correspondant à huit mois de salaire.

5.1 Selon l’art. 71 SP, la direction des TPG peut mettre fin aux rapports de service pour des motifs dûment justifiés en respectant les délais de congé (al. 1). Est considéré comme dûment justifié, tout motif démontrant que la poursuite des rapports de service n’est pas, objectivement, dans l’intérêt du bon fonctionnement de l’entreprise (al. 2).

S’il retient que le licenciement ne repose pas sur un motif justifié, le juge peut proposer à l’entreprise la réintégration du salarié. Si l’entreprise s’y oppose ou s’il renonce à une telle proposition, le juge fixera une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un ni supérieur à huit salaires mensuels (art. 72 al. 1 SP).

L’employé qui entend demander l’indemnité prévue à l’alinéa précédent doit faire opposition au congé par écrit auprès de l’autre partie au plus tard jusqu’à la fin du délai de congé. Si l’opposition est valable et que les parties ne s’entendent pas pour maintenir les rapports de service, l’employé doit agir par voie d’action en justice dans les 180 jours à compter de la fin du contrat, sous peine de péremption (art. 72 al. 2 SP).

5.2 Selon la jurisprudence de la chambre de céans, l'art. 71 SP équivaut au licenciement pour motif fondé prévu par les art. 21 al. 3 et 22 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). Comme pour les fonctionnaires de l'administration cantonale, il n'est pas imposé aux TPG de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue impossible, mais uniquement qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'entreprise. L'intérêt public au bon fonctionnement des TPG sert en effet de base à la notion de motif dûment justifié qui doit exister pour justifier un licenciement en application de l'art. 71 SP (ATA/1839/2019 du 20 décembre 2019 consid. 7c et les arrêts cités).

Ledit motif (ou motif fondé s’agissant des art. 21 al. 3 et 22 LPAC) est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/1471/2017 du 14 novembre 2017 ; ATA/674/2017 du 20 juin 2017 ; Mémorial du Grand Conseil (MGC) 2005-2006/XI A 10420).

5.3 En matière de fonction publique genevoise, le Tribunal fédéral a considéré que le comportement d’une personne employée par un établissement public cantonal pouvait entraîner la rupture du lien de confiance avec son employeur et justifier un licenciement administratif au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC, et ce bien qu’il n’apparaissait pas que cette personne ait gravement porté atteinte au fonctionnement ou à l’image de l’autorité intimée. Les conséquences d’un licenciement administratif étaient moins graves que la révocation disciplinaire et une violation fautive des devoirs de service n’excluait pas le prononcé d’un tel licenciement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 et 3.6).

Distinguant la révocation, sanction disciplinaire réservée aux cas particulièrement graves portant atteinte au fonctionnement ou à l’image de l’employeur public, et le licenciement ordinaire (ou administratif, soit celui pour motif fondé au sens de l’art. 21 al. 3 et 22 LPAC ou pour motifs graves selon certaines dispositions communales ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_631/2011 du 19 septembre 2012 consid. 7.1), le Tribunal fédéral considère que le licenciement ordinaire implique que le comportement de l’employé – dont les manquements sont aussi reconnaissables pour des tiers – perturbe le bon fonctionnement du service, ou qu’il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur, mais ne présuppose pas nécessairement une violation fautive des devoirs de service (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.1 et 4.2). Il admet également, moyennant le respect du droit d’être entendu, que l’autorité renonce à la voie disciplinaire et prononce un licenciement ordinaire si elle estime que les faits constatés ne sont pas d’une gravité de nature à justifier un renvoi par le biais de la révocation, mais rendent néanmoins inacceptable une continuation des rapports de service (arrêt du Tribunal fédéral 8C_631/2011 précité consid. 7.2).

Selon la jurisprudence, les justes motifs de résiliation ordinaire des rapports de service peuvent procéder de toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait pas éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_676/2021 du 27 juin 2022 consid. 2.3 et les arrêts cités).

L'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration (arrêts du Tribunal fédéral 8C_676/2021 précité consid. 2.4 ; 8C_635/2020 du 22 juin 2021 consid. 3.1 ; 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités).

5.4 L’art. 64 SP prévoit un catalogue de mesures disciplinaires pour le cas où un employé des TPG enfreint ses devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, ou dont le comportement est incompatible avec l’exercice de ses fonctions. En font partie : l’avertissement écrit, la mise à pied avec suspension du salaire, le changement temporaire ou définitif d’affectation et le licenciement avec ou sans effet immédiat pour un motif justifié, conformément aux art. 71 à 74 SP. La mesure est fixée en fonction de toutes les circonstances, notamment la gravité de la faute, la conduite passée de l'employé, ainsi que l'importance des intérêts lésés ou compromis (art. 65 al. 1 SP).

5.5 Les rapports de service étant soumis au droit public, leur résiliation doit respecter les principes constitutionnels généraux, notamment les principes de la légalité, de l'égalité, de la proportionnalité, de la bonne foi, de l'interdiction de l'arbitraire, lors de la fin des rapports de travail des employés (ATA/600/2021 précité consid. 9d ; ATA/479/2020 du 19 mai 2020 consid. 5d).

5.5.1 Le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 143 I 403 consid. 5.6.3 ; 142 I 76 consid. 3.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_635/2020 précité consid. 3.1)

5.5.2 Une décision viole le principe de l'égalité consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 142 V 316 consid. 6.1.1 ; 141 I 153 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 précité consid. 4.4.2).

5.6 En l’espèce, le recourant, chauffeur de bus, a conduit sa moto, après avoir bu une quantité excessive d’alcool, son taux d’alcoolémie ayant été de 1,63 gr. ‰, soit plus du triple respectivement du double du taux qui est considéré comme étant un état d’ébriété (0,5 gr. ‰) et un taux d’alcool « qualifié » au sens de la réglementation topique (0,8 gr. ‰ ; art. 1 let. a et art. 2 let. a de l’ordonnance de l’Assemblée fédérale concernant les taux limites d’alcool admis en matière de circulation routière du 15 juin 2012 – RS 741.13). Or, outre les obligations ressortant des règles internes aux TPG, le recourant, en sa qualité de chauffeur professionnel de personnes, doit respecter l’art. 2a al. 1 let. b de l’ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 (OCR - RS 741.11) qui interdit la conduite sous l’influence de l’alcool. Il y a influence de l’alcool lorsque le conducteur présente un taux d’alcool dans le sang de 0,10 ‰ notamment (art. 2a al. 2 let. b OCR). Conduire un véhicule automobile en état d’ébriété et ne pas respecter l’interdiction de conduire sous l’influence de l’alcool sont en outre des comportements pénalement répréhensibles (art. 91 al. 1 let. a et b et al. 2 let. a de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 - LCR - RS 741.01). Il va ainsi de soi que la conduite, par le recourant, de sa moto avec un taux d’alcool qualifié, atteignant 1,63 gr. ‰, est un comportement objectivement grave pour un conducteur de bus travaillant au service des TPG, susceptible de rompre le lien de confiance.

Certes, le dossier indique que c’est la première fois que le recourant adopte un tel comportement. Cela étant, la quantité d’alcool est très élevée, en particulier par rapport aux limites légales précitées. De plus, l’accident a eu lieu vers 7h30, alors que l’intéressé devait, le jour même, huit heures plus tard, prendre son service au volant d’un bus des TPG, avec le risque concret de conduire en étant toujours sous l’influence de l’alcool vu son taux d’alcoolémie et de mettre ainsi en danger des nombreuses personnes, usagères des TPG ou des routes du canton. Ces circonstances soulignent la négligence, voire le manque de conscience professionnelle, du recourant. Elles sont ainsi propres à ébranler le rapport de confiance de l’employeur à son égard, vu son activité professionnelle, les risques qui y sont associés, tout particulièrement de sécurité routière, et la responsabilité incombant aux TPG de s’assurer de la capacité de ses chauffeurs à assumer leurs obligations de manière conforme à la loi et en prenant en compte toutes les précautions nécessaires à la sécurité des passagers et des autres usagers de la route.

La présente espèce met en lumière deux autres volets, l’un antérieur et l’autre postérieur à l’accident, qui, cumulés à la gravité de la violation des règles élémentaires de la circulation routière commise par le recourant, permettent de confirmer la rupture du lien de confiance entre celui-ci et son employeur. Le premier volet concerne les manquements reprochés au recourant dans le courrier des TPG du 24 décembre 2020, reçu en mains propres en février 2021, concernant son style de conduite qui n’était pas constamment adapté aux standards de sécurité et de qualité, ce qui avait été constaté par son formateur fin novembre 2020 sans être contesté par le recourant à la réception du courrier précité. Le fait qu’il le remette en cause dans le cadre du présent recours n’est ainsi pas déterminant, faute de l’avoir été à l’époque. Le second volet porte sur les nombreux retards du recourant à annoncer des éléments pourtant essentiels à l’employeur et à la bonne marche de l’entreprise. Il en va ainsi du fait qu’il n’était plus en possession de son permis de conduire dès le 11 novembre 2021 jusqu’au 11 avril 2022, qu’il était affecté à un service civil pendant plus de trois mois dès le 6 juin 2022 – ce dont il n’a informé les TPG que le 25 mai 2022 alors que la décision y relative datait du 5 avril 2022 –, qu’il était dans l’incapacité de travailler depuis le 15 novembre 2022 ce qu’il a seulement annoncé aux TPG le 1er décembre 2022, soit après avoir reçu la deuxième décision de licenciement, et qu’il était toujours en arrêt de travail le 15 décembre 2022, ce dont il n’a informé son employeur qu’au moment de recevoir la troisième décision de licenciement par retour de courriel le 23 décembre 2022. À cela s’ajoute le fait que le recourant n’a pas d’emblée pris la juste mesure de la gravité de son acte de conduite en état d’ébriété, et ce malgré les responsabilités importantes incombant à sa fonction de chauffeur professionnel de personnes au sein des TPG.

Dans ces circonstances, la rupture du lien de confiance, nécessaire à la relation professionnelle entre le recourant et les TPG et à l’accomplissement de la mission de conduite de bus publics genevois, conduit à admettre l’existence d’un motif justifié au sens de l’art. 71 SP, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté, et à confirmer en conséquence le licenciement litigieux du 17 novembre 2022, le bon fonctionnement de l’entreprise excluant in casu la poursuite des rapports de service.

Les griefs tirés d’une violation des principes de la proportionnalité et de l’égalité de traitement doivent être écartés. En effet, le recourant perd de vue qu’une violation fautive des devoirs de service ne conduit pas uniquement au prononcé de sanction disciplinaire, mais peut également aboutir à un licenciement ordinaire pour motif fondé en cas de rupture du lien de confiance empêchant le bon fonctionnement de l’entité concernée. Si, certes, la chambre de céans a déjà admis un changement d’affectation comme étant une mesure administrative moins incisive que le licenciement administratif pour un chef de groupe dans un service communal, transféré à un poste subalterne sans responsabilités hiérarchiques (ATA/114/2021 du 2 février 2021 consid. 4), tel n’a par exemple pas été le cas dans une autre affaire où les comportements problématiques se situaient, contrairement au cas précité, dans la relation entre le fonctionnaire et sa hiérarchie (ATA/1223/2021 du 16 novembre 2021 consid. 5), et ce même si dans ces deux affaires, il n’existait pas d’antécédents et que les évaluations avaient été jusqu’alors bonnes.

Dans la mesure où la perte de confiance des TPG à l’égard de l’intéressé affecte ici non seulement la conduite des bus par celui-ci, mais également la communication d’informations importantes à l’employeur, les TPG n’ont pas violé le principe de la proportionnalité en prononçant un licenciement ordinaire pour les motifs susmentionnés, sans envisager au préalable de l’affecter à d’autres tâches au sein de leur entreprise. Au surplus, la chambre de céans a déjà relevé qu’il était particulièrement difficile pour les TPG de trouver des places de travail pour les employés inaptes à la conduite professionnelle (ATA/78/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4b et ATA/1839/2019 du 20 décembre 2019 consid. 12).

Enfin, l’application du principe d’égalité de traitement suppose que la situation du recourant soit semblable à celle des chauffeurs de bus concernés dans les arrêts ATA/293/2022 et ATA/576/2014 précités. Or, comme l’ont relevé les TPG dans leur écriture, tel n’est pas le cas du fait notamment de la différence d’ancienneté. Contrairement auxdits chauffeurs ayant travaillé une dizaine d’années au sein des TPG avant de rencontrer des problèmes liés à la conduite des bus, le recourant y a été confronté dès sa première année pour les manquements exposés dans le courrier des TPG du 24 décembre 2020 ainsi qu’au début de sa deuxième année de service s’agissant de l’accident de moto, à l’origine du présent litige. Dès lors, ce grief ne peut qu’être écarté, la durée des rapports d’engagement étant un facteur objectif susceptible de justifier une approche différente suivant les circonstances particulières. La décision de licenciement du 17 novembre 2022 est donc conforme au droit et doit être confirmée, sous réserve de la modification susmentionnée concernant le terme du délai de congé.

Le recours contre la décision du 17 novembre 2022 doit en conséquence être admis de manière très partielle et limitée, en ce sens que le terme du délai de congé, valablement donné par la décision du 17 novembre 2022, est reporté au 30 avril 2023, en raison de la nouvelle période de protection survenue entre le 30 janvier et le 13 mars 2023, ce que les TPG ignoraient au moment des décisions litigieuses. Pour le reste, la décision de licenciement du 17 novembre 2022 est confirmée, ce qui rend celle subsidiaire du 23 décembre 2022 sans objet.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- englobant les deux recours sera mis à la charge du recourant, qui succombe largement (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure limitée à CHF 250.- lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée aux intimés qui disposent de leur propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/600/2021 précité consid. 11 et les références citées).

La valeur litigeuse au sens de l’art. 85 al. 1 let. b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) est supérieure à CHF 15'000.-.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

préalablement :

ordonne la jonction des causes A/57/2023 et A/91/2023 sous le numéro A/57/2023 ;

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 9 janvier 2023 par A______ contre les décisions des TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS des 17 novembre et 23 décembre 2022 ;

au fond :

admet partiellement le recours du 9 janvier 2023 de A______ contre la décision des TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS du 17 novembre 2022 ;

constate que les rapports de service de A______ ont pris fin le 30 avril 2023 ;

confirme, pour le surplus, la décision précitée du 17 novembre 2022 ;

déclare sans objet le recours contre la décision des TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS du 23 décembre 2022 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 250.- à A______, à la charge des TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS ;

dit que, conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Fabrice COLUCCIA, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Constansa DERPICH, avocate des TRANSPORTS PUBLICS GENEVOIS.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR et Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :