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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1886/2023

ATA/854/2023 du 14.08.2023 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1886/2023-FPUBL ATA/854/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 14 août 2023

de jonction et sur effet suspensif

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Mes Céline DE LORIOL et Philippe GRUMBACH, avocats

contre

VILLE DE GENÈVE intimée



 

Vu le recours interjeté le 3 juillet 2023 par A______ auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du Conseil administratif (ci-après : le Conseil administratif ou CA) de la Ville de Genève (ci-après : la ville) du 2 juin 2023 prononçant la résiliation de son engagement ;

que A______ a conclu à l’annulation de la décision et à ce qu’il soit ordonné à la ville de le réintégrer dans son poste ;

que, préalablement, l’effet suspensif devait être restitué au recours ;

qu’il avait été engagé par la ville en 2004 et travaillait depuis lors en qualité d’horticulteur-paysagiste au service B______ (ci-après : B______) ;

qu’il n’avait jamais rencontré aucun problème dans l’exécution de son travail, dans ses rapports avec ses collègues — hommes et femmes confondus — ou sa hiérarchie, dont il était apprécié ;

qu’au cours de ses entretiens d’évaluation/de service, son employeur était extrêmement satisfait de son travail et de son comportement vis-à-vis de ses collègues, de sa hiérarchie et du public ;

qu’il devait rester concentré en toutes circonstances dans la mesure où il lui revenait de se servir au besoin de la pelle mécanique, mais que le travail se faisait dans une bonne ambiance qu’il lui tenait à cœur d’entretenir, en contribuant à régler les tensions ; qu’il prenait plaisir à coacher les apprentis ;

que ses relations avec C______ s’étaient exclusivement limitées à des rapports de travail durant le temps et sur le lieu de travail, avec des bavardages et des plaisanteries ;

qu’elle avait l’air à l’aise avec l’équipe et n’avait jamais paru gênée par les attitudes et les échanges survenus ; qu’il ne se souvenait pas avoir eu de contact physique avec C______ ;

qu’il venait en tenue au travail et ne se rendait jamais dans les vestiaires ; que lesdites tenues de travail étaient larges, épaisses et rembourrées et incluait le port obligatoire de gants, de sorte que les contacts directs avec la peau ne pouvaient qu’être extrêmement rares ;

qu’il n’avait jamais tenu de propos déplacés, à connotation sexuelle à son égard ou sur son physique, ni ne lui avait fait subir des attouchements et avait été extrêmement choqué des accusations portées à son encontre ;

que les allégations à son encontre concernaient des dates durant lesquelles les deux protagonistes avaient été absents pour cause d’incapacité de travail ou de vacances, si bien qu’ils ne s’étaient que très peu vus ;

que la décision attaquée avait un impact direct, extrêmement grave et incisif sur ses intérêts, notamment s’agissant de ses effets pécuniaires ainsi que vis-à-vis des assurances et prestations sociales dont il bénéficie ;

que précédemment, le 24 mai 2023, le Conseil administratif (ci-après CA) avait prononcé une suspension d’activité à l’encontre de A______ jusqu’au prononcé d’une éventuelle sanction et l’a informé de son intention de résilier son engagement avec effet immédiat pour justes motifs, la décision étant exécutoire nonobstant recours ;

que l’intéressé avait formé recours à l’encontre de cette décision le 5 juin 2023 (A/1886/2023), sans solliciter la restitution de l’effet suspensif ;

que, dans la présente cause, le 17 juillet 2023, le CA a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif ; qu’imposer la réintégration du recourant pendant la procédure de recours reviendrait à mettre à néant les effets directs du licenciement immédiat, privant la ville de l’immédiateté de la mesure, sous réserve d’une absence flagrante de justes motifs de licenciement, ce qui n’était pas le cas ; que la réintégration aurait un impact négatif sur la crédibilité et l’image de la ville, notamment sur les autres collaborateurs et apprentis ; qu’elle le mettrait face à des difficultés organisationnelles pour protéger les apprentis et stagiaires et éviter les risques de collusion avec les collègues de travail ;

que la restitution de l’effet suspensif risquerait de lui causer un préjudice irréparable en lien avec les salaires qui devraient être versés, ce d’autant que le recourant invoquait des difficultés financières ;

que le recourant ne démontrait pas que les griefs dirigés contre lui ne seraient pas établis, prima facie; qu’il n’établissait pas non plus un refus de prestations de la caisse de chômage ni son absence totale de revenu ; que la solvabilité de la collectivité publique ne saurait être remise en doute en cas d’admission du recours, contrairement à celle du recourant, de sorte que ce dernier ne subirait aucun dommage ; que l’intérêt privé du recourant à percevoir son salaire pendant la procédure de recours ne l’emportait pas sur l’intérêt public de l’administration municipale ;

que, dans sa réplique sur effet suspensif, le recourant a persisté dans ses conclusions, exposant qu’aucune enquête appropriée n’avait été menée avant la décision de suspension avec effet immédiat ou celle de licenciement immédiat et que l’intimée avait fait primer les allégations d’une jeune apprentie à ses dires alors qu’il travaillait pour la ville depuis vingt ans à son entière satisfaction et que lesdites allégations étaient sans fondement et non corroborées ;

qu’il pouvait être affecté à une autre équipe, pour contrer les risques allégués de danger pour les employées ou de collusion envers ses collègues de l’équipe travaux ;

que l’impact négatif d’une réintégration sur les autres collègues donnait à penser qu’ils avaient été avisés de l’enquête, ce qui biaiserait leurs témoignages ; qu’il requérait une intégration à un poste où il percevrait une rémunération en contrepartie de son travail ;

que les parties ont été informées le 4 août 2023 que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

 

Considérant, en droit, qu’interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente, le recours est, prima facie, recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) ;

que les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou la vice-présidente de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de celles-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 LPA et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu'aux termes de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3) ;

qu'à teneur de l'art. 34 al. 1 let. c du statut du personnel de la ville de Genève du 29 juin 2010 (SVG - LC 21 151), après la période d'essai, un employé peut être licencié, par décision motivée du CA, pour motif objectivement fondé pour la fin d'un mois, moyennant un délai de préavis de six mois dès la onzième année de service ;

que si la chambre administrative retient qu'un licenciement est contraire au droit, elle peut proposer au CA la réintégration de la personne intéressée. D'un commun accord, les parties peuvent convenir d'un transfert de la personne intéressée dans un poste similaire. En cas de refus du CA, la chambre administrative alloue à la personne intéressée une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à trois mois et supérieur à vingt-quatre mois du dernier traitement brut (art. 105 al. 1 et 2 SVG) ;

qu’en dérogation à l'art. 105 SVG, lorsque le licenciement contraire au droit est également abusif au sens de l'art. 336 du loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), la chambre administrative annule le licenciement et ordonne la réintégration de la personne intéressée (art. 106 SVG) ;

que le recourant invoque un préjudice financier, du fait que son salaire ne lui est plus versé en raison de l’exécution immédiate de la décision entreprise, qui l’amènerait à effectuer des démarches auprès des assurances sociales sur lesquelles il devrait revenir si son recours était admis, et qu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne justifiait une atteinte d’une telle gravité ;

que prima facie la décision détaille les motifs du licenciement et les raisons pour lesquelles la ville considère que les rapports de service ne peuvent plus se poursuivre au-delà du terme du 2 juin 2023;

que le recourant n’invoque pas de préjudice financier que l’admission du recours ne pourrait réparer ;

que le recourant invoque un préjudice du fait de la rapidité avec laquelle la décision a été prise, à l’issue d’une procédure qu’il considère comme bâclée, alors qu’il travaillait à satisfaction de son employeur depuis vingt ans ;

que prima facie, la décision a été prise après audition des principaux protagonistes ;

que la jurisprudence de la chambre administrative a, de façon constante, considéré qu’un dommage psychologique ou d’image résultant du fait de la libération de travailler, de la suspension provisoire ou de la résiliation des rapports de service ne saurait à lui seul justifier la réintégration à titre provisoire (ATA/663/2018 du 26 juin 2018 consid. 4b et les références citées) ;

qu’il y a donc lieu de peser l'intérêt du recourant à pouvoir retrouver son emploi, dans l'hypothèse où la chambre de céans devait ordonner sa réintégration, dans le cas de figure d’application de l’art. 106 SVG, respectivement l'intérêt de la ville au bon fonctionnement de son administration justifiant l'éloignement du collaborateur, et éventuellement à pouvoir engager un nouveau collaborateur remplaçant, sans que cette mesure ne cause des problèmes d'ordre budgétaire, administratif ou matériel (Cléa BOUCHAT, L'effet suspensif en procédure administrative, 2015, n° 1147) ;

que l'employeur jouissant d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration (arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités), les chances de succès du recours n’apparaissent de prime abord pas évidentes ;

qu’ainsi, au vu de l’absence de préjudice difficilement réparable, du fait que les chances de succès du recours ne paraissent prima facie pas manifestes et de l’intérêt public à l’exécution immédiate de la décision de licenciement, la requête de restitution de l’effet suspensif sera rejetée ;

Considérant que l’autorité peut, d’office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune (art. 70 al. 1 LPA) ;

que le recourant a sollicité préalablement dans ses conclusions du 3 juillet 2023 la jonction des procédures ;

qu’en l'espèce, les procédures A/1886/2023 et A/2197/2023 sont dirigées contre des décisions émises par la même autorité, à l'égard de la même personne, comparaissant par les mêmes conseils, et concernant le même complexe de faits ;

qu’il se justifie ainsi de joindre les causes précitées sous le numéro A/1886/2023 ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais du présent incident.


 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

ordonne la jonction des procédures A/1886/2023 et A/2197/2023 sous le numéro A/1886/2023-FPUBL.

rejette la requête en restitution de l’effet suspensif ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ; si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

s’il porte sur la responsabilité de l’Etat et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 30'000.- ; si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 30'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure aux minima indiqués soit CHF 15'000.- (contestation relative aux rapports de travail), respectivement à CHF 30'000.- (contestation relative à la responsabilité de l’Etat) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Mes Céline DE LORIOL et Philippe GRUMBACH, avocats du recourant ainsi qu'à la Ville de Genève.

 

la vice-présidente :

Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :