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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1009/2023

ATA/832/2023 du 09.08.2023 sur JTAPI/520/2023 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1009/2023-PE ATA/832/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______, agissant pour lui est ses filles B______ et C______ recourants
représentés par Me Livio NATALE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 mai 2023 (JTAPI/520/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1985, est ressortissant du Pérou. Il est le père de B______, née le ______ 2014, et de C______, née ______ 2017, filles de D______, toutes ressortissantes péruviennes.

b. Il s'est marié au Pérou le ______ 2015 avec E______, ressortissante espagnole titulaire d’une autorisation d’établissement. Il est arrivé en Suisse le 10 septembre 2018 et a obtenu une autorisation de séjour, au titre du regroupement familial, valable jusqu’au 9 octobre 2022. Dans sa demande d’autorisation de séjour de 2018, il n’a pas mentionné l’existence de ses filles.

c. Les époux se sont séparés le 7 octobre 2021 et ont divorcé le 24 novembre 2022.

d. Ses filles sont arrivées en Suisse, avec leur mère, le 21 septembre 2021. Cette dernière est retournée au Pérou le 23 novembre 2022.

e. Le 23 mars 2022, il a déposé une demande d'autorisation de séjour en faveur de ses deux filles.

f. Par courrier du 23 août 2022, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) l'a invité à exercer son droit d'être entendu au sujet d'une éventuelle révocation de son autorisation de séjour. Il s'était rendu coupable d'un abus de droit manifeste en ne mentionnant à aucun moment l'existence de ses deux enfants lors de sa demande d'autorisation de séjour en 2018. L'OCPM n'en avait été informé que par un courrier de E______ le 5 novembre 2021, dans lequel elle indiquait qu'elle-même n'avait pas appris l'existence des deux filles dès le premier jour, mais bien plus tard. Il avait eu sa deuxième fille de D______ en 2017, alors qu'il était marié avec E______. Il avait ainsi maintenu une relation parallèle avec sa famille au Pérou tout en gardant l'apparence d'une union conjugale en Suisse, ceci étant attesté par ses séjours de longue durée au Pérou auxquels son épouse n'était pas conviée. L'abus de droit commis par l'intéressé rendait sans objet les violences dont il disait avoir fait l'objet de la part de son épouse et qui n'étaient au demeurant étayées par aucun document.

g. Par décision du 6 mars 2023, l’OCPM a refusé d'autoriser les filles de A______ à séjourner en Suisse pendant la procédure de regroupement familial et a prononcé leur renvoi. Cette décision était déclarée immédiatement exécutoire.

Le titre de séjour de A______ était échu depuis le 9 octobre 2022 et la demande de renouvellement de son permis B était suspendue jusqu'à droit connu dans la procédure pénale 1______. La demande d'autorisation de séjour en faveur de ses filles avait été déposée après que ces dernières étaient arrivées avec leur mère. Il les avait scolarisées à Genève dès novembre 2021 et vivait avec leur mère qui, n'avait pas déposé de demande d'autorisation de séjour. Les autorités avaient ainsi été mises devant le fait accompli.

A______ n'avait pas renseigné l'autorité de manière exacte et complète, dans la mesure où il avait indiqué par courrier du 14 mars 2022 que la mère des enfants ne souhaitait plus s'en occuper et qu'il ne savait pas où elle vivait, alors qu'au moment de la rédaction de ce courrier, elle vivait avec lui à Genève. Après son retour au Pérou, la mère avait indiqué dans un courrier du 20 décembre 2022 à l’OCPM qu'il lui avait été très difficile de quitter la Suisse et de laisser ses deux filles, s'excusant de les avoir amenées en Suisse sans penser aux conséquences, mais considérant qu'elles y auraient un meilleur avenir étant donné l'insécurité prévalant au Pérou. Enfin, il était constaté que les deux enfants avaient toujours vécu avec leur mère depuis leur naissance, jusqu'au retour de cette dernière au Pérou le 23 novembre 2022.

Compte tenu de ces éléments, B______ et C______ étaient tenues d'attendre à l'étranger la décision relative à leur autorisation de séjour.

B. a. Par acte du 20 mars 2023, agissant en son nom et au nom de ses filles, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant principalement à son annulation et à ce que ses filles soient autorisées à séjourner en Suisse durant la procédure en cours devant l'OCPM. Subsidiairement, il a conclu à l'annulation de la décision et à la suspension de la présente procédure jusqu'à droit connu dans la procédure pénale 1______. Préalablement, il a demandé la restitution de l'effet suspensif et son audition.

Peu après la naissance de B______, D______ et lui avaient mis un terme à leur relation. Il s'était ensuite marié au Pérou le 6 mars 2015 avec E______, mais le couple avait connu des difficultés, notamment en raison des menaces que son épouse proférait à son encontre, en particulier lorsqu'il était question de ses filles. Il avait également fini par subir des violences physiques. Il avait déposé plainte pénale le 8 novembre 2021, après avoir dû faire appel à plusieurs reprises à la police. Après avoir compris que la précitée s'opposerait à ce qu'il fasse venir ses filles en Suisse, il avait décidé en mai 2018 de retourner au Pérou, mais était revenu un mois plus tard auprès de son épouse qui était parvenue à le convaincre et lui faire croire qu'elle accepterait la venue de ses filles. Or, ce n'était qu'en sollicitant l'OCPM le 28 février 2022, pour s'enquérir de l'état d'avancement de la procédure d'autorisation de séjour en faveur de ses filles, qu'il s'était rendu compte qu'il avait été manipulé par son épouse et que celle-ci n'avait engagé des démarches administratives que pour lui. Après sa plainte pénale, il avait quitté le logement conjugal, puis déposé une requête en mesures protectrices de l'union conjugale le 2 juin 2022. Afin de faire face aux procédures pénales et civiles en cours, il avait sollicité le soutien de la seule personne de confiance qui restait dans son entourage, à savoir D______, qui l'avait dès lors rejoint en Suisse.

Il pensait que les démarches de régularisation du séjour de ses filles avaient été faites par son ex-épouse. Les conditions d'une autorisation de séjour temporaire, dans l'attente de l'issue de la procédure d'autorisation de séjour, étaient manifestement réalisées. Les enfants étaient scolarisées en Suisse depuis novembre 2021 et avaient beaucoup progressé dans l'apprentissage de la langue française. Elles vivaient avec lui dans un logement approprié, et il n'avait pas de dettes et ne dépendait pas de l'aide sociale, ni ne percevait de prestations complémentaires. La seule condition manquante était celle de sa propre autorisation de séjour, mais il avait été victime de violences conjugales. Bien que la procédure pénale fût encore en cours, il était hautement probable qu'elle aboutisse à une condamnation de E______. Les chances que son autorisation de séjour soit délivrée étaient significativement plus élevées que celles de son refus. Il en allait dès lors de même de l'autorisation de séjour qui serait délivrée à ses filles.

La décision portait atteinte au lien familial qu'il avait avec ses filles et à la garantie fondamentale qui protégeait la famille, de même qu'à la Convention protégeant les droits de l'enfant. Ses filles avaient tout intérêt à pouvoir poursuivre l'année scolaire en cours et à continuer à bénéficier de leur cadre de vie actuel et des relations sociales qu'elles avaient tissées en Suisse.

b. L'OCPM a conclu au rejet de la requête d’effet suspensif et du recours.

c. Dans sa réplique, A______ a relevé que l'octroi d'une autorisation de séjour en faveur de ses filles, dans l'attente de l'issue de la procédure sur la demande de regroupement familial, était indépendant du fait qu'elles n'aient pas déposé cette demande depuis la représentation suisse au Pérou, puisque la possibilité de demeurer en Suisse était également valable pour les personnes entrées illégalement. Non seulement il avait été victime de violences conjugales, mais son union conjugale avait duré plus de trois ans, de sorte que les chances de renouvellement de son autorisation de séjour apparaissaient élevées. L'hypothèse que la procédure pénale puisse s'avérer longue ne pouvait se retourner contre lui et ses filles. L'éloignement de Suisse de ces dernières reviendrait à sanctionner leur père pour la plainte qu'il avait déposée. Le renvoi aurait pour conséquence de les déraciner une seconde fois. Il persistait dans sa conclusion subsidiaire tendant à la suspension de la présente procédure jusqu'à droit connu dans la procédure pénale.

d. Par jugement du 10 mai 2023, le TAPI a rejeté le recours.

Le père n’étant pas au bénéfice d’une autorisation de séjour, il ne pouvait prétendre au regroupement familial en faveur de ses filles. Son droit au renouvellement d’une telle autorisation ne paraissait pas manifeste. Les violences conjugales alléguées pourraient ne pas être établies et, même si elles l’étaient, son droit au renouvellement de son autorisation de séjour pourrait être éteint en raison de l’abus de droit qu’il aurait commis ou en raison de l’existence d’un motif de révocation.

C. a. Par acte expédié le 13 juin 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu, principalement, à « la production de tous documents ou moyen de preuve propres à démontrer la réalité des faits allégués », à la restitution de l’effet suspensif, à l’exonération de l’avance de frais, à son audition, à l’annulation de la décision de l’OCPM et à ce que ses filles soient autorisées à séjourner en Suisse pendant la procédure les concernant. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée à l’OCPM pour nouvelle décision, plus subsidiairement, la procédure suspendue jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale 1______.

Après avoir quitté le domicile conjugal, il s’était établi dans un foyer protégé. Dès lors que la procédure relative au renouvellement de son autorisation de séjour était en cours, il serait disproportionné que ses enfants – dont le droit de séjour dépendait de sa propre autorisation de séjour – doivent quitter la Suisse. Des mesures provisionnelles devaient donc être prononcées.

Le TAPI avait tenu pour avérées les allégations de son épouse. Celles-ci étaient toutefois intervenues après qu’il eut annoncé à cette dernière son intention de se séparer d’elle. Le TAPI avait omis de préciser que la mère de ses filles avait indiqué à l’OCPM qu’il avait été difficile pour elle de laisser ses deux filles qui la suppliaient de rester avec lui.

Les époux s’étaient séparés en 2016, car E______ venait rarement au Pérou et disait au recourant qu’il ne pouvait pas venir en Suisse. Lorsque, durant cette séparation, la mère de sa première fille était tombée enceinte, il en avait informé son épouse, indiquant qu’il préférait mettre un terme à leur relation. Celle-ci avait toutefois insisté pour qu’il revienne et indiqué que ses filles auraient de meilleures perspectives d’avenir en Suisse. Il était alors revenu. Il avait ensuite fait de la part de son ex-épouse l’objet de menaces de mort, d’être dénoncé à la police et d’être ensuite expulsé, elle se fasse du mal et dise qu’il en était responsable. Elle l’avait menacé, s’il la quittait, de le faire « éjecter » de Suisse, de le dénoncer pour vol d’argent, de lui rendre la vie impossible, de le brûler avec de l’essence. Elle lui avait dit qu’elle avait une amie prénommée F______ vivant au Pérou qui pourrait falsifier des documents pour former des accusations graves à son encontre, comme celle de blanchiment d’argent. Elle l’avait frappé et injurié. Il avait fait l’objet de violences psychologiques, telles qu’isolement social, contrôle permanent et constante dévalorisation. Il avait été forcé de travailler dans le restaurant de sa belle-sœur en étant sous-payé. Lorsqu’il s’était rendu au domicile conjugal pour récupérer ses affaires, sa belle-sœur l’avait injurié et menacé. Avec F______ et le mari de celle-ci, son ex-épouse avait appelé la police et ils l’avaient accusé de « diverses choses ».

Il était venu en Suisse en mai 2018 par amour pour son épouse, qui lui avait dit avoir changé et ne plus être agressive et possessive. Elle lui avait dit qu’il ne devait pas « déclarer » ses filles, sinon il n’obtiendrait pas de titre de séjour pour lui-même. Elle lui avait aussi dit de n’entamer aucune démarche en vue de régulariser sa présence en Suisse, sinon il serait expulsé et avait donné une fausse date d’arrivée en Suisse. Le jugement passait sous silence les témoignages de personnes ayant constaté qu’il avait été victime de violences conjugales. Il était suivi par le Centre LAVI et l’association Pharos.

L’OCPM avait violé la loi, qui l’autorisait à séjourner en Suisse dans l’attente de l’octroi de l’autorisation de séjour en faveur de ses filles. Si son ex-épouse n’avait pas mis à exécution ses menaces, son autorisation de séjour aurait été renouvelée et ses filles pu bénéficier du regroupement familial. Il était arbitraire de considérer que les violences conjugales pourraient ne pas être établies et que même si elles l’étaient, son droit au renouvellement de son autorisation de séjour pourrait être éteint en raison de l’abus de droit qu’il aurait commis ou de l’existence d’un motif de révocation. Or, il n’en existait aucun motif. Le TAPI ne pouvait suivre les allégations de E______ sans avoir procédé à une confrontation ni l’avoir entendue.

La décision violait l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Il disposait d’un droit de séjour en Suisse, « ce qui pouvait être confirmé par la suspension du renouvellement de son permis de séjour jusqu’à droit connu dans la procédure pénale ». Ainsi, ses filles, qui vivaient avec lui, ne pouvaient être séparées de lui. Le TAPI avait omis d’examiner son grief relatif à la violation de la Convention concernant les droits des enfants.

Enfin, dès lors que l’octroi d’une autorisation de séjour en faveur de ses filles dépendait du renouvellement de sa propre autorisation de séjour, qui elle dépendait de l’issue de la procédure pénale, il convenait de suspendre la présente procédure jusqu’à droit connu dans cette dernière.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours, relevant l’absence d’éléments nouveaux.

c. Le recourant ne s’est pas manifesté dans le délai imparti pour répliquer.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant sollicite son audition.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 132 II 485 consid. 3.2). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement ni celui de faire entendre des témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

2.2 En l'espèce, le recourant a eu l’occasion de faire valoir son point de vue tout au long de la procédure devant le TAPI, puis la chambre de céans. Il a, en outre, pu produire toutes les pièces qu’il estimait utiles. Il n’explique pas en quoi son audition permettrait d’apporter des éléments autres que ses allégations. Il n’y a donc pas lieu de procéder à son audition et le TAPI ne peut non plus, pour les mêmes motifs, se voir reprocher de ne pas y avoir procédé.

En tant que le recourant sollicite « la production de tous documents ou moyen de preuve propres à démontrer la réalité des faits allégués », son chef de conclusions est trop imprécis pour en déterminer l’acte d’instruction requis. Il ne peut donc y être donné suite.

3.             Le recourant demande la suspension de la présente procédure dans l’attente de celle pénale.

3.1 Selon l'art. 14 al. 1 LPA, lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions.

3.2 En l'espèce, la procédure pénale 1______ est susceptible d’influer sur la demande de renouvellement de l’autorisation de séjour du recourant. La procédure relative à cette demande a d’ailleurs été suspendue dans l’attente de l’issue de la procédure pénale. La présente procédure traite toutefois uniquement de la question de savoir si les filles du recourant peuvent être autorisées à séjourner en Suisse dans l’attente de l'issue de la procédure relative à la demande d'autorisation de séjour pour regroupement familial déposée en leur faveur. Elle règle donc la situation administrative des deux enfants durant la procédure en cours les concernant.

Ainsi, l’objet de la présente procédure ne permet pas d’envisager une suspension de celle-ci. Le refus de suspension est donc fondé.

4.             Le recourant soutient que ses filles doivent pouvoir séjourner en Suisse durant la procédure de regroupement familial.

4.1 Selon l'art. 17 LEI, l’étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire qui dépose ultérieurement une demande d’autorisation de séjour durable doit attendre la décision à l’étranger (al. 1). L’autorité cantonale compétente peut autoriser l’étranger à séjourner en Suisse durant la procédure si les conditions d’admission sont manifestement remplies (al. 2).

L'art. 6 OASA – qui a pour titre « procédure d'autorisation » -, prévoit que les conditions d'admission visées à l'art. 17 al. 2 LEI sont manifestement remplies notamment lorsque les documents fournis attestent d'un droit légal ou d'un droit découlant du droit international public à l'octroi d'une autorisation de séjour ou de séjour de courte durée, lorsqu'aucun motif de révocation au sens de l'art. 62 LEI n'existe et que la personne concernée accepte de collaborer au sens de l'art. 90 LEI (al. 1) ; des démarches tels que l'engagement d'une procédure matrimoniale ou familiale, la scolarisation des enfants, l'achat d'une propriété, la location d'un appartement, la conclusion d'un contrat de travail, la création ou la participation à une entreprise ne confèrent, à elles seules, aucun droit lors de la procédure d'autorisation (al. 2).

L'autorité cantonale compétente peut – ou même doit – autoriser, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation (art. 96 LEI), l'étranger à séjourner en Suisse durant la procédure si les conditions d'un droit légal, constitutionnel ou conventionnel à l'octroi d'une autorisation sont données avec une grande vraisemblance (art. 17 al. 2 LEI ; « prozeduraler Aufenthalt »). Elle doit rendre sa décision lors d'un examen sommaire des chances de succès, comme c'est le cas lors du prononcé de mesures provisoires (ATF 139 I 37 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_173/2013 du 19 août 2013 consid. 2.4). En d'autres termes, l'autorisation de séjourner en Suisse durant la procédure doit être accordée à l'intéressé si ses chances d'obtenir une autorisation de séjour sont significativement plus élevées que celles d'un refus (ATF 139 I 37 consid. 4.1).

4.2 Selon l’art. 44 LEI, le conjoint étranger du titulaire d’une autorisation de séjour ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans peuvent obtenir une autorisation de séjour et la prolongation de celle-ci, notamment, s’ils vivent en ménage commun avec lui (let. a), disposent d’un logement approprié (let. b) et ne dépendent pas de l’aide sociale (let. c).

Aux termes de l’art. 51 al. 1 LEI, les droits prévus à l’art. 42 s’éteignent s’ils sont invoqués abusivement, notamment pour éluder les dispositions sur l’admission et le séjour ou les dispositions d’exécution de la LEI (let. a) ou s’il existe des motifs de révocation au sens de l’art. 63 (let. b).

4.3 Aux termes de l'art. 8 CEDH, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale. Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3).

4.4 Aux termes de l'art. 9 § 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989 (CDE - RS 0.107), « les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ». Aucune prétention directe à l'octroi d'une autorisation de droit des étrangers ne peut toutefois être déduite des dispositions de la CDE (ATF 126 II 377 consid. 5 ; 124 II 361 consid. 3b).

4.5 En l'espèce, les enfants sont arrivées en Suisse sans être au bénéfice d’un titre de séjour. Elles devraient, en principe, retourner au Pérou et y attendre l’issue de leur demande de regroupement familial. Se pose donc la question de savoir si elles peuvent bénéficier de l’exception prévue à l’art. 17 al. 2 LEI permettant de demeurer en Suisse dans l’attente de l’issue de la demande précitée.

Or, il apparaît que le renouvellement de l’autorisation de séjour de leur père – dont dépend leur propre demande d’autorisation de séjour – ne peut être tenu pour manifeste. En effet, l’OCPM a fait part de son intention de révoquer l’autorisation de séjour du recourant. Dans son courrier du 23 août 2022, il a considéré que l’intéressé s'était rendu coupable d'un abus de droit manifeste. Il n’avait mentionné à aucun moment l'existence de ses deux enfants lors de sa demande d'autorisation de séjour en 2018. L'OCPM n'en avait été informé que le 5 novembre 2021 par l’ex-épouse. Il avait eu sa deuxième fille de D______ en 2017, alors qu'il était déjà marié avec E______. Il avait ainsi entretenu une relation parallèle avec sa famille au Pérou tout en maintenant l'apparence d'une union conjugale en Suisse. Cela était corroboré par ses séjours de longue durée au Pérou, tels qu’ils ressortaient de son passeport, auxquels son épouse n'était pas conviée. L'abus de droit ainsi commis rendait sans objet les violences dont il disait avoir fait l'objet de la part de son ex-épouse.

Quand bien même le recourant conteste avoir commis un abus de droit, il ne peut, en l’état et sur la base du dossier, être considéré qu’il est manifeste que le point de vue de l’OCPM soit infondé et que, par voie de conséquence, son droit d’obtenir une prolongation de son titre de séjour soit évident. Ses longues absences de Suisse durant son mariage, la conception d’un second enfant avec la mère de son premier enfant, toujours durant le mariage, ainsi que l’absence de mention de l’existence de ses deux filles dans sa demande de regroupement familial formée en 2018 constituent, à ce stade, des éléments qui ne permettent pas d’écarter de manière manifeste l’avis exprimé par l’OCPM dans son courrier d’intention, ni inversement de retenir que le renouvellement de son autorisation de séjour sera à l’évidence admis.

Les conditions permettant de prolonger le titre de séjour du recourant ne paraissant pas manifestement remplies, celles permettant l'admission en Suisse de ses deux filles ne le sont, a fortiori, pas non plus. Partant, l’art. 17 al. 2 LEI ne trouve pas application.

Dans ces conditions, les deux enfants doivent, conformément à l'art. 17 al. 1 LEI, attendre l’issue de la procédure de regroupement familial dans leur pays d’origine.

Contrairement à ce que fait valoir le recourant, cette solution ne se heurte pas à l’art. 8 CEDH, dès lors que ni lui ni ses filles ne disposent en l’état d'un droit de séjourner en Suisse. En outre, les enfants ont vécu avec leur mère depuis leur naissance jusqu’au 23 novembre 2022, de sorte que leur retour auprès de celle-ci, après huit mois de séjour en Suisse, ne saurait constituer un déracinement. Par ailleurs et comme le relève le TAPI, le recourant a pris l'initiative de les arracher au cadre de vie qui était le leur depuis leur naissance sans s’assurer qu’elles disposent d’un droit de séjour en Suisse. Enfin, le recourant a, dans le passé, multiplié les séjours au Pérou pour rendre visite à sa famille, de sorte qu’il pourra continuer à entretenir avec ses filles des relations personnelles régulières, étant précisé qu’en tant que ressortissant péruvien, rien ne s’oppose à son établissement dans son pays d’origine.

Au vu de ce qui précède, l’OCPM n’a pas violé la loi ni abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant d’autoriser les filles du recourant à séjourner en Suisse durant la procédure de regroupement familial et ordonnant leur renvoi de Suisse.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

Cette issue rend sans objet la requête de mesures provisionnelles.

5.             Le recourant plaidant au bénéfice de l’assistance juridique, il ne sera pas perçu d’émolument. Succombant, il ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juin 2023 par A______, agissant pour lui et ses filles contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 10 mai 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Livio NATALE, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.