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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/690/2023

ATA/778/2023 du 18.07.2023 ( PROC ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 14.09.2023, rendu le 20.02.2024, REJETE, 1C_499/2023
Descripteurs : RÉVISION(DÉCISION);MOTIF DE RÉVISION;NOVA;CONDITION DE RECEVABILITÉ
Normes : LPA.19; LPA.22; LPA.80; LPA.80; LPA.81
Résumé : Demande de révision de l'ATA/1061/2022 du 18 octobre 2022 confirmant notamment le bien-fondé de la décision du département d'ordonner au demandeur le dépôt d'une autorisation de construire. La demande est fondée sur des pièces existant avant le prononcé de l'arrêt litigieux. Le demandeur ne fait valoir aucune raison objective et crédible qui l'aurait empêché, avant que la chambre administrative ne rende l'arrêt déféré, d'obtenir lesdites pièces et les produire. Il échoue donc à démontrer qu’il ne pouvait pas invoquer ses nouveaux moyens dans la précédente procédure. Absence d'un motif de révision, ce qui conduit à irrecevabilité de la demande.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/690/2023-PROC ATA/778/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 juillet 2023

 

dans la cause

 

A______ demandeur
représenté par Me Pascal PETROZ, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE – OAC

et

COUR DE JUSTICE - CHAMBRE ADMINISTRATIVE défendeurs

 



EN FAIT

A. a. Par arrêt du 18 octobre 2022 (ATA/1061/2022), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours formé par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) du 28 avril 2022.

Elle a retenu qu'aucune autorisation de changement d'affectation des locaux concernés par la procédure n'avait été accordée ou demandée après 1925 et avant 2001 et que le département du territoire était ainsi fondé à requérir le dépôt d'une demande d'autorisation de construire pour le changement d'affectation effectué, l'autorisation subséquemment délivrée étant conforme au droit.

b. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt. Le recours, enregistré sous le numéro de cause 1C_617/2022, est, au jour du prononcé du présent arrêt, toujours pendant.

B. a. Par acte remis à la poste le 27 février 2023, A______ a déposé une demande de révision de l'ATA/1061/2022 auprès de la chambre administrative, concluant à son annulation.

Il avait pu consulter les archives de la commune de B______ et découvert de nouvelles pièces qui démontraient que, depuis le début des années 1970, une entreprise déployait une activité commerciale dans les locaux en cause, au vu et au su de tout le monde.

Les faits dont ils se prévalaient existaient déjà depuis le début de la procédure mais lui étaient inconnus, malgré toute sa diligence. Il ne les avait découverts qu'à l'occasion d'une consultation des archives de la commune.

b. Le département a conclu à l'irrecevabilité de la demande de révision, subsidiairement à son rejet.

c. Dans sa réplique, le demandeur a relevé qu'avant que l'arrêt déféré n'eût été rendu, il pensait de bonne foi qu'il serait donné suite à ses offres de preuve et que le département cesserait de prétendre à l'existence d'un dossier vide. Sa consultation des archives de la commune dans la foulée de la réception dudit arrêt était parfaitement cohérente.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. La compétence de la chambre administrative est acquise, dès lors que la procédure vise à la révision de l’un de ses arrêts (art. 81 al. de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

1.1 En vertu de l’art. 81 LPA, la demande de révision doit être adressée par écrit à la juridiction qui a rendu la décision dans les trois mois dès la découverte du motif de révision (al. 1) et au plus tard dans les dix ans à compter de la notification de la décision. Le cas de révision de l’art. 80 let. a LPA est réservé. Dans ce cas, la révision peut avoir lieu d’office, notamment sur communication du Ministère public (al. 2). Les art. 64 et 65 LPA sont applicables par analogie. La demande doit, en particulier, indiquer le motif de révision et contenir les conclusions du demandeur pour le cas où la révision serait admise et une nouvelle décision prise (al. 3).

1.2 En l'espèce, le département soutient que la demande de révision n'aurait pas été adressée dans le délai légal de trois mois dès la découverte du motif de révision. Cette question peut toutefois souffrir de rester indécise, compte tenu de ce qui suit.

2.             Selon l’art. 80 let. b LPA, il y a lieu à révision lorsque des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente.

L'art. 80 let. b LPA vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n'avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux « anciens » (ATA/693/2023 du 27 juin 2023 consid. 2.1 et les arrêts cités) Sont « nouveaux », au sens de cette disposition, les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n'étaient pas connus du demandeur malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/693/2023 précité consid. 2.1 et l'arrêt cité). Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c'est-à-dire de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d'une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; 118 II 199 consid. 5).

Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit des faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n’avaient pas pu être prouvés, au détriment du demandeur (ATF 144 V 245 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8F_1/2023 du 21 mars 2023 consid. 3.2). Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le demandeur doit aussi démontrer qu’il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure (ATF 134 IV 48 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8F_1/2023 du 21 mars 2023 consid. 3.2 ; ATA/1055/2022 du 18 octobre 2022 consid. 2b et les arrêts cités).

Lorsqu'aucune condition de l'art. 80 LPA n'est remplie, la demande est déclarée irrecevable (ATA/693/2023 du 27 juin 2023 consid 2.4 et les arrêts cités).

2.1 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/443/2023 du 26 avril 2023 consid. 4.5 et les arrêts cités).

2.2 En l'espèce, le demandeur produit de nouvelles pièces qu'il a obtenues – à la suite d'une consultation des archives et de la commune – après que l'arrêt déféré eut été rendu et qui existaient déjà au moment de la première procédure, soit des faits nouveaux « anciens » au sens de l'art. 80 let. b LPA.

Se pose ainsi la question de savoir s'il ne pouvait connaître ces faits au moment de la première procédure, en faisant preuve de la diligence qui pouvait être attendue de lui. À défaut, la requête sera déclarée irrecevable.

Le demandeur ne fait valoir aucune raison objective et crédible qui l'aurait empêché, avant que la chambre administrative ne rende l'arrêt déféré, de consulter les archives de la commune pour obtenir lesdites pièces et les produire.

Son argumentation selon laquelle il pensait de bonne foi que la chambre administrative donnerait suite à ses offres de preuve, ce qui justifierait d'admettre sa requête, ne saurait être suivie.

En effet, il ressort de la partie en fait de l'arrêt déféré que, le 22 mai 2015 déjà, soit il y a plus de huit ans, le département lui avait demandé d'apporter la preuve de ses allégations selon lesquelles le bâtiment concerné était dédié à des bureaux depuis le milieu des années 1960, précisant qu'il ne disposait d'aucune information sur le changement d'affectation depuis 1925.

Le demandeur était donc informé, à ce moment-là déjà, du fait que le département n'avait en sa possession aucune demande d'autorisation permettant le changement d'affectation en question. Par la suite, le département a confirmé à plusieurs reprises ses propos et a requis du demandeur qu'il dépose une demande d'autorisation de construire afin de régulariser la situation.

Dans la mesure où ce dernier a contesté le bien-fondé de cet ordre et au vu des informations données par le département, il lui appartenait de démontrer, pièces à l'appui, ses allégations, soit notamment que « les locaux avaient été affectés à des bureaux bien avant qu'il ne les ait achetés ». Ainsi, contrairement à ce qu'il prétend, il ne pouvait pas spéculer sur des actes d'instruction ordonnés par la chambre administrative dans le cadre d'une procédure de recours initiée plus de sept ans après que le département lui eut demandé d'apporter la preuve de ses allégations. Il aurait dû et pu agir en conséquence bien avant.

Au vu de ce qui précède, le demandeur échoue à démontrer qu’il ne pouvait pas invoquer ses nouveaux moyens dans la précédente procédure.

Dès lors, les conditions d'un motif de révision au sens de l'art. 80 LPA ne sont pas réalisées. La demande de révision est en conséquence irrecevable.

3.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du demandeur (art. 87 al. 1 LPA), et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable la demande en révision formée le 27 février 2023 par A______ contre l'arrêt ATA/1061/2022 de la chambre administrative de la Cour de justice du 18 octobre 2022 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du demandeur, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal PETROZ, avocat du demandeur, ainsi qu'au département du territoire - OAC.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Valérie MONTANI, Florence KRAUSKOPF, Eleanor McGREGOR, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :