Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3281/2022

ATA/754/2023 du 11.07.2023 sur DITAI/579/2022 ( PE ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3281/2022-PE ATA/754/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 juillet 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Innocent SEMUHIRE, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________



Recours contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2022 (DITAI/549/2023)

 


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1981, est ressortissant du Sénégal. Père de deux enfants restés au Sénégal, il est entré en Suisse le 8 février 2022.

b. Le 7 mars 2022, il a adressé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative.

B. a. Par décision du 9 juin 2022, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a refusé de lui octroyer une autorisation de travail.

b. A______ a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), la procédure étant ouverte sous le numéro de cause A/3677/2022.

C. a. Par décision du 5 septembre 2022, l’OCPM a refusé d’octroyer une autorisation de séjour pour activité lucrative et a prononcé le renvoi de Suisse de A______.

b. Ce dernier a formé recours auprès du TAPI à l’encontre de cette décision, inscrit sous numéro de cause A/3281/2022. Préalablement, il a conclu à la suspension de la procédure, jusqu’à droit jugé sur le recours faisant l’objet de la cause A/3677/2022.

c. Par décision du 22 décembre 2022, le TAPI a refusé de prononcer la suspension de l’instruction du recours et réservé la suite et le sort des frais de la cause jusqu’à droit jugé au fond. A______ ne disposait en l’état d’aucune autorisation pour travailler en Suisse et il devrait quitter le pays dans l’hypothèse, devenue exécutoire, où la décision de l’OCPM était confirmée, pour attendre dans son pays d’origine l’issue de la cause A/3677/2022. Il ne motivait pas sa demande de suspension, de sorte qu’aucun intérêt privé ne pouvait être retenu comme prépondérant par rapport à l’intérêt public.

D. a. Par acte du 12 janvier 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant principalement à la suspension de la procédure inscrite sous numéro de cause A/3281/2022 jusqu’à droit jugé sur le recours faisant l’objet de la cause A/3677/2022, subsidiairement à l’annulation du jugement entrepris et au renvoi du dossier au TAPI pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Il fait notamment valoir un préjudice irréparable du fait que, même s’il obtenait gain de cause dans son recours contre la décision de l’OCIRT alors qu’il avait dû rentrer dans son pays d’origine pour attendre son issue, le préjudice ne pourrait pas être réparé puisqu’il serait privé d’exercer une activité économique dès lors qu’aucun employeur serait disposé à lui procurer une place de travail. Par ailleurs, la décision de l’OCIRT ne lui avait jamais été notifiée et il avait été privé de sa possibilité de recourir et donc d’un contrôle de la légalité de cette décision.

b. Le 18 janvier 2023, le TAPI a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler.

c. Le 7 février 2023, l’OCPM a confirmé son opposition à la suspension de la procédure, le recourant ne pouvant se prévaloir d’aucun droit à l’octroi d’une autorisation de séjour avec activité lucrative en application du droit interne ou d’un traité international, devait attendre la réponse de l’autorité à l’étranger, conformément à l’art. 17 al. 1 LEI, et ne saurait poursuivre son activité lucrative, sa demande à cet égard semblant manifestement dénuée de chances de succès. Il a joint une ordonnance pénale prononcée le 1er juillet 2022 par le Ministère public de l’arrondissement de la Côte condamnant le recourant à une peine pécuniaire pour entrée illégale, séjour illégal et activité lucrative sans autorisation, pour avoir travaillé dans un restaurant de Versoix sans être au bénéfice des autorisations nécessaires et sans visa.

d. Le 23 février 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il était arbitraire de faire dépendre la suspension de la procédure à l’existence d’un droit à une autorisation de séjour. Il n’était pas entré en Suisse pour un séjour temporaire et aurait ensuite requis une autorisation de séjour durable, mais avait dès son arrivée, requis une autorisation de séjour avec activité lucrative. Le fait de ne pas pouvoir exercer d’activité lucrative durant l’instruction de la cause ne s’opposait pas à la suspension de cette dernière et l’autorité intimée ne pouvait pas se prononcer sur les chances de succès du recours dans la cause A/3677/2022. L’ordonnance pénale produite était fondée sur des faits contestables puisqu’il était au bénéfice d’une carte consulaire délivrée par l’ambassade du Sénégal, qu’il avait requis une autorisation de séjour et que l’OCPM avait confirmé les données transmises dans le cadre de la demande d’autorisation de séjour.

e. Les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La décision de refus de suspension est une décision incidente.

2.1 Selon l'art. 57 let. c LPA ab initio, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l'objet d'un tel recours si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.

2.2 L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Le préjudice irréparable visé par l’art. 93 al. 1 let. a et b LTF suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1).

2.3 La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

2.4 Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

2.5 Une décision de suspension de la procédure peut causer un préjudice irréparable lorsque le justiciable se plaint, pour cette raison, d'un retard injustifié à statuer sur le fond constitutif d'un déni de justice formel ; il faut à cet égard que le grief fasse apparaître un risque sérieux de violation du principe de célérité (ATF 143 IV 175 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_804/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1.2 et les références citées).

À l'inverse, le refus de suspendre une cause dans l'attente d'une autre procédure et, par conséquent, la poursuite de l'instruction de la cause pendante n'exposent pas le justiciable à un préjudice irréparable de nature juridique dès lors qu'une décision finale qui lui soit favorable sur le fond du litige n'est pas exclue (arrêt du Tribunal fédéral 1C_25/2018 du 19 janvier 2018 consid. 2.3).

2.6 La seconde hypothèse de l'art. 57 let. c LPA suppose cumulativement que l'instance saisie puisse mettre fin une fois pour toutes à la procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision préjudicielle ou incidente et que la décision finale immédiate qui pourrait ainsi être rendue permette d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 133 III 629 consid. 2.4.1 ; ATA/365/2010 du 1er juin 2010 consid. 4c).

2.7 En l’espèce, le fait d’admettre la suspension n’est manifestement pas de nature à mettre immédiatement un terme à la procédure ni d’éviter au recourant une procédure longue et coûteuse. La seconde hypothèse de l’art. 57 let. c LPA n’est donc pas remplie ; le recourant ne le fait au demeurant pas valoir.

La première hypothèse visée par l’art. 57 let. c LPA n’est pas non plus réalisée.

En effet, le fait de refuser de suspendre l’instruction de la procédure menée par le TAPI n’est pas susceptible d’entraîner un préjudice difficilement réparable pour le recourant. Ce dernier pourra, en cas de décision au fond qui lui serait défavorable, la contester auprès de la chambre administrative. Il pourra également, au cas où les jugements seraient contestés, demander la jonction des causes. Il n’en résulterait ainsi pour lui aucun préjudice difficilement réparable. Le refus de suspension ne le prive d’aucun droit dans l’éventuelle procédure de recours qu’il pourrait intenter contre une décision lui étant défavorable. En particulier, en cas de recours, il lui sera loisible de faire valoir tous les griefs qu’il estime pertinents, notamment si son recours (qu’il a d’ailleurs pu déposer, nonobstant les griefs qu’il fait valoir s’agissant de la notification de la décision) dans la procédure A/3677/2022 devait être admis et de solliciter l’ensemble des actes d’instruction qui lui semblent utiles. Au besoin, en cas d’admission de son recours dans cette dernière procédure, il pourra déposer une nouvelle demande d’autorisation de séjour avec activité lucrative.

Pour le surplus, il n’explique pas en quoi la décision du TAPI lui causerait un préjudice irréparable en le contraignant à quitter la Suisse avant que son recours dans la procédure A/3677/2022 soit tranché, et il ne peut se prévaloir d’aucun droit potentiel à séjourner en Suisse. Ni le fait de ne plus pouvoir exercer d’activité lucrative en Suisse faute d’autorisation de travail, ni les difficultés à trouver un nouvel emploi en Suisse depuis son pays d’origine une fois l’autorisation de travail accordée, ne constituent à l’évidence un préjudice irréparable, sauf à vider de leur sens les dispositions légales applicables en matière de droit des étrangers et à mettre l’autorité devant le fait accompli.

Quant à la durée de son séjour, le recourant ne fait que substituer sa vision personnelle de son arrivée en Suisse en vue d’un séjour stable au constat administratif qu’à défaut de titre de séjour valable, son séjour ne pouvait qu’être temporaire.

Le refus de suspension ne lui cause donc aucun préjudice irréparable.

Les conditions de l'art. 57 let. c LPA n’étant pas réalisées, son recours doit être déclaré irrecevable.

3.             Malgré l’issue du recours, aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant qui plaide au bénéfice de l’assistance juridique (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). En outre, aucune indemnité de procédure ne sera allouée
(art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 12 janvier 2023 par A______ contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2022  ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Innocent SEMUHIRE, avocat du recourant, à l’office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

 


 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.