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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/879/2023

ATA/662/2023 du 20.06.2023 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/879/2023-FORMA ATA/662/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 juin 2023

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES intimé



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 1999, était étudiante en maîtrise universitaire en sciences de l’éducation, analyse et intervention dans les systèmes éducatifs (AISE) à l’Université de Genève (ci-après : l’université).

b. Elle avait obtenu un prêt convertible pour la première année de ce cursus, durant l’année académique 2021-2022.

B. a. Le 7 novembre 2022, A______ a adressé au service des bourses et prêts d’études (ci-après : SBPE) une demande de prestation pour l’année académique 2022-2023.

b. Le 20 février 2023, le SBPE a accordé à A______ un prêt convertible pour un semestre uniquement, au motif que la durée minimale de la formation était de trois semestres, l’invitant pour le surplus à retourner complété et signé l’engagement de remboursement.

c. Le 27 février 2023, A______ a formé réclamation contre cette décision.

La formation qu’elle suivait était d’une durée de 12 mois encore, ainsi qu’il ressortait de l’attestation de la faculté du 11 février 2023, qu’elle produisait et qui indiquait qu’elle était régulièrement inscrite au semestre de printemps 2023, du 20 février au 17 septembre 2023.

d. Le 1er mars 2023, le SBPE a rejeté la réclamation.

Les bourses étaient octroyées pour la durée minimale de la formation, et ce n’était que lorsque celle-ci était égale ou supérieure à deux ans que des bourses pouvaient être versées pendant deux semestres supplémentaires.

C. a. Par acte remis à la poste le 10 mars 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre cette décision, concluant à la prise en considération du quatrième semestre de formation, nécessaire, qui ne correspondait pas à un choix de l’étudiante.

Pour la plupart des étudiants, la formation se structurait en pratique en trois semestres de cours et un quatrième semestre complémentaire et nécessaire pour le travail du mémoire de maîtrise.

Elle produisait l’attestation générale de l’université du 11 février 2023 pour le semestre de printemps 2023 et l’attestation spécifique de l’université du 6 mars 2023 et sa demande du 5 mars 2023, qui n’avait pas été remise en question puisque l’université avait émis l’attestation.

b. Le 28 mars 2023, le SBPE a conclu au rejet du recours.

Le règlement de la formation prévoyait une durée de trois semestres en principe. Les affirmations de la recourante ne remettaient pas en cause le fait que la formation pouvait être accomplie en trois semestres.

c. Le 6 avril 2023, A______ a persisté dans ses conclusions.

Le SBPE n’avait pas tenu compte de l’attestation de l’université du 6 mars 2023, précisant qu’elle avait acquis 66 crédits sur 90 et confirmant que son délai d’études était fixé à la session de janvier-février 2024. L’attestation ne mentionnait pas qu’elle bénéficiait de semestres supplémentaires, ce qui confirmait que bien que le règlement indiquait une durée minimale de trois semestres, la « réalité de la formation » prévoyait plutôt une formation plus longue. La durée minimale inscrite dans la loi était un principe général et non un principe absolu. Le but de la disposition n’était pas de sanctionner les étudiants dépassant la durée minimale. La loi devait être appliquée en tenant compte des spécificités de la formation, soit de l’impossibilité pratique de réaliser la formation dans la durée minimale. Le secrétariat de la faculté s’était limité à une attestation assez simple, et la chambre administrative devait demander confirmation à la faculté que sa formation ne pouvait être réalisée en trois semestres.

d. Le 11 avril 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

e. Le 8 juin 2023, A______ a produit le procès-verbal de la réussite de sa maîtrise à la session d’examens de janvier-février 2023.

f. Le 9 juin 2023, les parties ont été informées que la cause restait gardée à juger.

EN DROIT

1.             Le recours a été interjeté en temps utile, devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA – E 5 10).

2.             La recourante a conclu à la prise en considération de son quatrième semestre.

2.1 Selon l’art. 65 LPA, l’acte de recours contient sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). En outre, il doit contenir l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d’irrecevabilité (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/595/2020 du 16 juin 2020 consid. 2b). Une requête en annulation d’une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (ATA/133/2022 du 8 février 2022 consid. 2b). Seule est litigieuse la prise en compte des primes d’assurance maladie dans le budget des parents de la recourante et de la subvention y relative dans celui de cette dernière.

2.2 En l'espèce, on comprend que la recourante recourt contre la décision du SBPE, en demande l'annulation et sollicite qu’une bourse lui soit octroyée pour toute l’année académique 2022-2023, soit également pour le quatrième et dernier semestre de son cursus. Le recours est recevable.

3.             La recourante conclut préalablement à ce que la faculté se voie enjoindre de confirmer que sa formation ne pouvait être réalisée en trois semestres.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l’espèce, il sera vu plus loin que la durée minimale de la formation prévue par le règlement de la maîtrise obtenue par la recourante est de trois semestres. Il n’y a pas lieu de demander à la faculté d’infirmer le règlement qu’elle applique à ses étudiants.

4.             Le recours peut être formé : a) pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation ; b) pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2 ; art. 61 LPA).

5.             La recourante se plaint d’une violation de la loi. Le cursus de maîtrise qu’elle a suivi nécessiterait en pratique 4 et non 3 semestres. Elle ne conteste pas les chiffres retenus par le SBPE pour le calcul d’une éventuelle bourse.

5.1 La loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 (LBPE - C 1 20) règle l'octroi d'aides financières aux personnes en formation (art. 1 al. 1).

5.2 Les aides financières sont accordées sous forme de bourses, de prêts ou de remboursement de taxes (art. 5 al. 1 LBPE). Les bourses d'études sont des prestations uniques ou périodiques non remboursables, qui permettent aux bénéficiaires d'entreprendre, de poursuivre ou de terminer une formation (art. 4 al. 1 LBPE). Les prêts sont des prestations uniques ou périodiques, qui doivent être remboursées à la fin de la formation ou en cas d'interruption ou d'échec de la formation (art. 4 al. 2 LBPE).

5.3 Les bourses sont octroyées pour la durée minimale de la formation. Lorsque cette durée est de 2 ans ou plus et que la formation n’est pas encore achevée, les bourses peuvent être versées pendant 2 semestres supplémentaires (art. 14 al. 1 LBPE). Lorsque la durée des études dépasse de plus de deux semestres la durée minimale de formation, des prêts peuvent être octroyés si des circonstances particulières le justifient (art. 14 al. 2 LBPE).

5.4 Dans sa version en vigueur depuis 2021, le règlement de la maîtrise universitaire en sciences de l’éducation – Analyse et intervention dans les systèmes éducatifs (AISE), accessible en ligne (https://www.unige.ch/fapse/files/3516/2575 /4757 /Ms-SED-AISE-2021-version_finale.pdf), prévoit que la maîtrise correspond à 90 crédits ECTS équivalant chacun à 25 à 30 heures de travail de la part de l’étudiant, comprenant notamment la présence aux cours, le travail personnel, les stages et projets indépendants et la préparation aux évaluations (art. 1.2).

Pour obtenir la maîtrise, l’étudiant doit acquérir 90 crédits ECTS correspondant en principe à une durée d’études de 3 semestres. La durée totale ne peut excéder cinq semestres (art. 8.1). Un semestre d’études à plein temps correspond en principe à 30 crédits (art. 8.2). Le doyen peut accorder des dérogations à la durée des études, sur préavis du comité de programme, si de justes motifs existent ou si l’étudiant présente une demande écrite et motivée. Lorsque la demande de dérogation porte sur la durée maximum des études, l’éventuelle prolongation accordée ne peut dépasser 2 semestres (art. 8.3). L’étudiant doit obtenir les 90 crédits requis pour la maîtrise dans le délai prévu à l’art. 8 (art. 13.2).

Les mêmes règles figuraient déjà dans la version du règlement de 2017 (https://www.unige.ch/fapse/files/9414/9987/7851/Reglement_Ms-SED-AISE-20 17- version_finale.pdf).

5.5 En l’espèce, il ressort du texte clair de l’art. 14 al. 1 LBPE, qui n’appelle pas d’interprétation, que les bourses sont octroyées pour la durée minimale de la formation, sans prolongation possible lorsque celle-ci est inférieure à deux ans. Il ressort pareillement du texte clair de l’art. 8 du règlement d’études que la durée de la formation est au minimum de trois semestres et au maximum de cinq semestres, ce maximum pouvant dans des cas exceptionnels être porté à sept semestres (5 + 2). Il ressort enfin de l’art. 1.2 du règlement d’études que les 90 crédits et partant la durée de la formation comprennent notamment le travail personnel et les projets indépendants, soit le mémoire de maîtrise. Cela ressort également du procès-verbal des examens de maîtrise produit par la recourante.

La décision querellée apparaît ainsi à première vue fondée.

La « réalité différente » dont le règlement d’études tiendrait compte, selon la recourante, en ce qui concerne la durée des études, est précisément exprimée par la fourchette prévue entre le minimum de trois et le maximum de cinq voire sept semestres.

La recourante ne saurait tirer aucun appui des attestations émises par l’université, qui ne portent que sur son immatriculation (attestation du 11 février 2023) ou l’échéance de sa formation (janvier-février 2024, soit cinq semestres, le maximum prévu par le règlement, en comptant l’année 2021-2022 ; attestation du 6 mars 2023).

La recourante fait valoir que sa demande du 5 mars 2023 à l’université demandait un soutien, le SBPE indiquant que le quatrième semestre n’était pas justifié. Elle ne peut toutefois rien inférer de cette circonstance. L’université n’a en effet pas donné suite à cet aspect de sa demande et le règlement applicable arrête quoi qu’il en soit la durée minimale à trois semestres.

La recourante soutient enfin que la plupart des étudiants accompliraient leur formation en quatre semestres au lieu de trois. Elle ne le démontre cependant pas. Elle ne démontre ni ne soutient par ailleurs que la formation ne pourrait en aucun cas être accomplie en trois semestres. C’est ainsi à juste titre que le SBPE en a inféré que la recourante admettait que l’accomplissement de la formation dans le délai minimum de trois semestres était possible.

La décision du SBPE est ainsi conforme à la loi et ne consacre ni excès ni abus de son pouvoir d’appréciation.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ; RFPA - E 5 10.03) et il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 mars 2023 par A______contre la décision du service des bourses et prêts d’études du 1er mars 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :