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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1793/2023

ATA/692/2023 du 27.06.2023 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1793/2023-FORMA ATA/692/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juin 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______, agissant par ses parents B______et C______ recourante
représentée par Me Stéphane RYCHEN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé



EN FAIT

A. a. A______, née le ______ 2010, est de nationalité suisse et vit auprès de ses parents à D______, en France, depuis le 1er mars 2019.

Elle achève sa 8ème année au sein de l’école E______ à F______, commune où elle était domiciliée à son entrée à l’école publique.

b. Ses deux parents travaillent à Genève et sont imposés à la source.

Son frère aîné, après avoir été scolarisé en dernier lieu au cycle d’orientation G______, au H______, est parti pratiquer le basket-ball à haut niveau et poursuivre sa scolarité en Espagne.

B. a. A______ est au bénéfice d’une Talent Card de Swiss Olympic comme footballeuse. Afin de favoriser sa progression et son passage à l’échelon professionnel, l’association suisse de football (ci-après : ASF) entend l’intégrer au sein de son centre national de préformation pour filles à I______, à compter de la prochaine rentrée scolaire, pour une durée de un à trois ans. Elle fait partie de la dizaine d’élues de sa volée sur l’ensemble de la Suisse.

b. Elle a passé, le 8 mai 2023, avec succès l’examen médical du sport à la Haute École de sport fédérale de Macolin, préalable indispensable à son intégration au centre national de préformation précité.

Sa famille d’accueil est déjà désignée.

c. L’ASF a conclu des accords avec les écoles publiques sises à proximité immédiate de son centre national à I______, lesquelles accueillent les élèves admis au sein du programme fédéral et mis au bénéfice d’une Talent Card National.

d. Le 5 avril 2023, les parents d’A______ ont sollicité du département de l’instruction publique (ci-après : DIP) que leur fille puisse être mise au bénéfice de l’exception au principe de territorialité prévu aux art. 2 al. 1 let. b et 4 de la convention intercantonale réglant la fréquentation d'une école située dans un canton autre que celui de domicile du 20 mai 2005 (concernant les cantons de Berne, Fribourg, Jura, Neuchâtel, Valais, Vaud et Genève ; ci-après : convention intercantonale), afin de pouvoir poursuivre sa scolarité obligatoire durant l’année scolaire 2023–2024 dans le canton de Berne.

e. Par décision du 25 avril 2023, la direction générale de l’enseignement obligatoire (ci-après : DGEO) a refusé d’entrer en matière sur le financement de la scolarité d’A______ dans le canton de Berne, vu son domicile en France et non dans le canton de Genève.

C. a. A______ a formé recours, via ses parents, par acte expédié le 25 mai 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Elle a conclu sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles à ce que le DIP l’autorise à poursuivre sa scolarité obligatoire dans une école publique dans le canton de Berne et mette en œuvre tous les actes nécessaires afin qu’elle puisse fréquenter une telle école dès la prochaine rentrée scolaire. Au fond, elle a conclu en sus à l’annulation de la décision querellée.

L’urgence tenait au fait qu’elle avait été admise dans la structure du « sport-culture-études SCE » de la ville de I______, sous réserve de l’attestation du DIP de la prise en charge de l’écolage 23–24, qui devait leur parvenir jusqu’au 30 mai 2023. Au vu de sa scolarisation à l’école publique à Genève, seul le DIP pouvait délivrer l’approbation nécessaire et préalable à son admission à l’école obligatoire à I______.

Elle reprochait à l’autorité intimée d’avoir refusé de l’admettre au bénéfice d’une exception au principe de territorialité, ce qui l’empêchait de poursuivre sa scolarité obligatoire dans un autre canton, malgré le niveau dûment reconnu qu’elle avait atteint dans la pratique de son sport ce, au seul motif que bien qu’admise légitimement et légalement dans l’enseignement primaire public genevois, ses parents étaient domiciliés en France voisine. Le DIP avait violé la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 10), le règlement de l'enseignement primaire (REP - C 1 10.21), le règlement sur le cycle d’orientation (RCO - C 1 10.26), la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) et la convention intercantonale.

Elle avait toujours été scolarisée, légalement et légitimement, au sein de l’enseignement primaire public genevois, où la famille était dans un premier temps domiciliée. Malgré le déménagement de ses parents en France voisine au printemps 2019, elle ne bénéficiait pas d’une supposée dérogation mais était admise, sans considération aucune de son lieu de domicile, à l’enseignement primaire public genevois et de ce fait était assimilée aux élèves domiciliés ou non dans le canton, de sorte qu’elle ne pouvait pas être discriminée. Tant la loi que les règlements traitaient uniquement des enfants scolarisés au sein de l’école publique genevoise. Seules faisaient exception les prestations très spécifiques définies aux art. 30 LIP et 23B REP. Les enfants domiciliés hors du canton, admis à l’enseignement obligatoire public genevois, étaient indiscutablement rattachés au canton de Genève au sens du principe de territorialité défini à l’art. 1 de la convention intercantonale.

Cette disposition n’érigeait nullement la question du domicile cantonal comme un principe absolu. Les législations cantonales en termes de domicile sur le canton étaient d’ailleurs réservées. L’art. 23 al. 2 REP prévoyait que les enfants domiciliés hors canton pouvaient être scolarisés très exceptionnellement à Genève selon les termes fixés par la convention intercantonale. Ceci signifiait indubitablement que les élèves visés à l’al. 1 du même article, dont elle faisait partie, n’étaient pas considérés comme domiciliés hors du canton au sens de la convention intercantonale.

Elle remplissait toutes les conditions fixées aux art. 2 et 4 de la convention intercantonale, ce que le DIP ne contestait pas, et devait être mise au bénéfice de l’exception au principe de territorialité. Elle fréquentait en effet l’école obligatoire en Suisse et pratiquait un sport au niveau dûment reconnu tant dans le canton de Genève que celui de Berne. La solution envisagée était la plus adaptée à sa situation, puisque le lieu de pratique de son sport se situait à Berne, sous l’égide de l’ASF.

La décision attaquée allait encore à l’encontre de l’art. 15 de la loi sur le sport du 14 mars 2014 (LSport - C 1 50). La recourante comprenait mal la position du DIP qui supportait déjà, dans tous les cas, les coûts liés à la scolarité par le biais de subventions à la formation sportive de haut niveau sur son territoire et qui continuerait à les supporter à l’avenir, même à défaut de l’autoriser à poursuivre sa scolarité à I______ dans le cadre de sa formation de sportive d’élite.

b. Le 26 mai 2023, la juge déléguée a refusé la conclusion prise à titre superprovisionnel.

c. Le 6 juin 2023, la DGEO a conclu au refus de mesures provisionnelles.

En lien avec le préjudice irréparable, elle a relevé que la prise en charge des frais de scolarité dans un établissement public bernois posait problème. Or, la recourante ne démontrait pas avoir demandé ou ne pas avoir été autorisée à prendre elle-même en charge les frais de scolarité, de CHF 18'000.- par an. La DGEO s’étonnait que la recourante n’ait pas sollicité son admission dans le dispositif Sport-Art-Études mis en place dans l’enseignement public genevois pour l’année 2023-2024, qui lui aurait permis de bénéficier des aménagements d’horaires facilitant sa pratique de sportive d’élite.

d. Dans sa détermination sur le fond du 16 juin 2023, la DGEO a conclu au rejet du recours, pour autant qu’il ait encore un objet.

La chambre administrative s’était prononcée à de nombreuses reprises sur la problématique de l’admission des élèves domiciliés hors canton dans l’enseignement public genevois. Elle avait considéré dans ce cadre que l’art. 25 RCO était en tous points conforme au droit. En résumé, l’obligation d’instruction suffisante et gratuite ne concernait que les élèves domiciliés en Suisse, conformément aux art. 19 et 62 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), subsidiairement dans le canton de Genève (art. 37 LIP). L’art. 3 § 6 de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) prévoyait une condition de domicile sur le territoire pour pouvoir bénéficier des cours d’enseignement général d’apprentissage et de formation professionnelle.

La chambre administrative avait récemment retenu que les élèves non domiciliés dans un canton suisse ne pouvaient pas se prévaloir de la convention intercantonale, ce qui au demeurant résultait de son texte clair. Le fait pour la recourante d’être admise, en exception au principe de territorialité, dans une école d’un autre pays que celui de son domicile ne permettait pas de créer, par extension, un domicile dans le canton de Genève, ce qui permettrait une application de la convention intercantonale. Si la recourante avait choisi de bénéficier de la possibilité de fréquenter les écoles publiques du canton de Genève, il n’en demeurait pas moins qu’elle n’était pas soumise à la scolarité obligatoire et gratuite en Suisse, mais bien dans son pays de domicile, la France.

Les élèves scolarisés dans le canton de Genève sans y être domiciliés ne disposaient pas du même statut que ceux y étant domiciliés. Ils étaient admis par dérogation, soit une possibilité liée à l’emploi de l’un de leurs parents au moins dans le canton. En cas de perte d’emploi, la scolarité dans le canton prenait fin.

Si ces élèves étaient intégrés dans l’enseignement public genevois, ils ne relevaient pas d’un établissement de secteur mais étaient susceptibles de devoir changer d’établissement scolaire en fonction de l’évolution des places disponibles. La convention intercantonale limitait la possibilité aux seuls élèves domiciliés dans un canton de fréquenter l’école dans un autre canton et non à tous ceux qui y seraient scolarisés. Il s’agissait là également d’une différenciation, placée dans un concordat intercantonal, fondée sur l’absence de domicile.

e. Aux termes de sa réplique sur mesures provisionnelles, du 19 juin 2023, la recourante est revenue sur son statut de scolarisation en Suisse, tout en étant domiciliée hors du territoire cantonal, n’ayant selon elle pas bénéficié d’une exception stricto sensu mais d’un régime d’admission ordinaire basé sur des critères dérogatoires au principe de domicile, soit une admission élargie. Dès le moment de l’admission de tels élèves à l’école publique obligatoire genevoise, on ne pouvait leur imposer un traitement discriminatoire ni des dispositions restrictives, tel l’art. 37 al. 1 LIP, afin de limiter indûment la gratuité de l’écolage ou l’applicabilité de la notion obligatoire d’enseignement garanti par la Cst.

La notion de domicile n’était pas relevante dans l’application de la convention intercantonale. Seul le domicile scolaire l’était. Conclure à la solution inverse reviendrait à violer le droit.

Le département faisait référence à un arrêt la chambre administrative non publié et non définitif, du 23 mai 2023, dont elle n’avait pas jugé utile ne serait-ce que de détailler les considérant pertinents.

L’urgence de l’octroi de mesures provisionnelles était sur l’actualité, puisque l’autorité du canton de Berne avait exceptionnellement accepté de prolonger le délai jusqu’au 30 juin 2023 pour fournir l’attestation requise.

Elle n’avait pas déposé à Genève de demande pour intégrer le dispositif Sport-Art-Études pour l’année 2023-2024 dans la mesure où « elle ne pouvait pas bénéficier de structures et horaires d’entraînement aménagés sur le territoire genevois qui nécessiteraient des aménagements scolaires à son jeune âge ». Ce n’était en effet qu’à partir de l’âge de 14-15 ans (U15) que les jeunes footballeurs du canton pouvaient intégrer la structure élite leur donnant accès à ce dispositif. À l’inverse, elle pouvait d’ores et déjà bénéficier de conditions d’entraînement beaucoup plus favorables tant en quantité qu’en qualité au sein du centre national de formation pour filles à I______.

Le principe de la bonne foi était violé par l’autorité. La décision attaquée constituait en effet un revirement important de la position exprimée « jour après jour, mois après mois et année après année » au sein du système scolaire public obligatoire genevois à son endroit et alors qu’elle bénéficiait de sa gratuité comme tout élève domicilié dans le canton et qu’elle suivait le même programme (HarmoS), aux mêmes conditions. Elle avait donc subi un choc important en constatant que le DIP considérait soudainement qu’elle devait être traitée différemment et discriminée en raison de son domicile.

Elle avait encore pris bonne note de la position du DIP selon laquelle, si elle devait quitter le système scolaire genevois pour intégrer par ses propres moyens le système scolaire bernois, elle ne remplirait possiblement plus les conditions, ce qu’elle contestait, pour réintégrer l’école à Genève à son retour du centre national de préformation à I______. Cela renforçait encore le fait que seul le DIP pouvait l’autoriser à intégrer l’école publique obligatoire à I______.

f. Dans sa réplique sur le fond du 23 juin 2023, la recourante a insisté sur le délai prolongé au 30 juin 2023 par la ville de I______ pour produire l’attestation requise de la part du DIP. Elle avait rendu visite à sa famille d’accueil le 15 juin 2023 et demeurait très enthousiaste et motivée à l’idée de vivre l’expérience projetée.

g. Les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur le refus du DIP de prise en charge de la scolarisation de la recourante dans le canton de Berne, au degré secondaire I public.

2.1 À teneur de l’art. 19 Cst., le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit est garanti. Au niveau cantonal, l’art. 24 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) dispose que le droit à l’éducation, à la formation et à la formation continue est garanti (al. 1). Toute personne a droit à une formation initiale publique gratuite (al. 2).

L’art 62 Cst. prévoit pour sa part que l’instruction publique est du ressort des cantons (al. 1). Les cantons pourvoient à un enseignement de base suffisant ouvert à tous les enfants. Cet enseignement est obligatoire et placé sous la direction ou la surveillance des autorités publiques. Il est gratuit dans les écoles publiques (al. 2). Les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés, au plus tard jusqu'à leur 20ème anniversaire (al. 3). Si les efforts de coordination n'aboutissent pas à une harmonisation de l'instruction publique concernant la scolarité obligatoire, l'âge de l'entrée à l'école, la durée et les objectifs des niveaux d'enseignement et le passage de l'un à l'autre, ainsi que la reconnaissance des diplômes, la Confédération légifère dans la mesure nécessaire (al. 4). La Confédération règle le début de l'année scolaire (al. 5). Les cantons sont associés à la préparation des actes de la Confédération qui affectent leurs compétences ; leur avis revêt un poids particulier (al. 6).

2.2 Selon son art. 1, la LIP régit l’instruction obligatoire, soit la scolarité et la formation obligatoires jusqu’à l’âge de la majorité pour l’enseignement public et privé (al. 1). Elle régit également l’intégration et l’instruction des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés de la naissance à l’âge de 20 ans révolus (al. 2). Elle s’applique aux degrés primaire et secondaire I (scolarité obligatoire) et aux degrés secondaire II et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles (ci-après : degré tertiaire B) dans les établissements de l’instruction publique (al. 3).

L’instruction publique comprend notamment le degré secondaire I, soit le cycle d’orientation (art. 4 al. 1 let. b LIP). Selon l’art. 67 LIP, le degré secondaire I dure trois ans et comprend les 9ème, 10ème et 11ème degrés.

2.3 L’art. 37 al. 1 LIP prévoit que tous les enfants et jeunes en âge de scolarité obligatoire et habitant le canton de Genève doivent recevoir, dans les écoles publiques ou privées, ou à domicile, une instruction conforme aux prescriptions de ladite loi, au programme général établi par le DIP conformément à l’accord intercantonal sur l'harmonisation de la scolarité obligatoire du 14 juin 2007 (HarmoS - C 1 06) et à la convention scolaire romande du 21 juin 2007 (CSR- C 1 07).

Le DIP, avec le concours des services concernés, veille à l’observation de l’obligation d’instruction, telle que définie à l’art. 1 LIP (art. 38 al. 1 LIP). Les parents sont tenus, sur demande du DIP, de justifier que leurs enfants, jusqu’à l’âge de la majorité, reçoivent l’instruction obligatoire fixée par la loi (art. 38 al. 2 LIP).

L’art. 58 LIP prévoit que, sous réserve des al. 2 à 5, les élèves sont scolarisés dans l’établissement correspondant au secteur de recrutement du lieu de domicile ou à défaut du lieu de résidence des parents (al. 1). Si les élèves de ce secteur de recrutement sont en nombre insuffisant ou sont trop nombreux pour l’organisation rationnelle de l’enseignement, le DIP peut les affecter à une autre école. Cette affectation n’est pas sujette à recours (al. 2). Après avoir entendu les parents concernés, la ou les directions des établissements concernés peuvent transférer un élève dans une autre classe ou un autre établissement, en cours d’année ou pour l’année scolaire suivante, lorsque le bon déroulement de la scolarité de l’élève et/ou le bon fonctionnement de la classe ou de l’établissement le commande (al. 3). Pour les élèves qui sont inscrits dans un dispositif spécifique, tel que les classes et institutions de l’enseignement spécialisé ou les classes Sport-Art-Études, notamment, des exceptions au lieu de scolarisation peuvent être prévues par voie réglementaire. Cette affectation n’est pas sujette à recours (al. 4). Enfin, le DIP peut, à titre exceptionnel, accorder des dérogations, notamment en cas de changement de domicile, de manière à permettre à l’élève de terminer l’année scolaire dans la classe où il l’a commencée (al. 5).

2.4 Au niveau règlementaire, l’art. 23 REP prévoit que sont admis dans l'enseignement primaire public genevois : a) les élèves domiciliés en France voisine et déjà scolarisés dans l’enseignement public genevois, pour autant que l'un de leurs parents au moins soit assujetti à Genève à l'impôt sur le revenu de l'activité rémunérée qu'il exerce de manière permanente dans le canton ; b) les frères et sœurs ainsi que les demi-frères et les demi-sœurs des enfants scolarisés au sein d'établissements scolaires publics genevois (al. 1). Les enfants domiciliés hors canton peuvent être scolarisés très exceptionnellement à Genève, selon les termes fixés par la convention intercantonale réglant la fréquentation d'une école située dans un autre canton que celui de domicile (al. 2).

2.5 S’agissant du cycle d’orientation, l'art. 16 RCO dispose que le degré secondaire I fait partie de la scolarité obligatoire (al. 1), que les enfants en âge de scolarité obligatoire doivent être inscrits à l'école et suivre une instruction dès le premier jour de l'année scolaire ou dans les trois jours qui suivent leur arrivée à Genève (al. 2) et que le degré secondaire I est gratuit pour les élèves qui remplissent les conditions de l'art. 25 RCO (al. 3).

Selon l’art. 25 al. 1 RCO, sont admis au cycle d'orientation public genevois (a) les élèves domiciliés dans le canton ; (b) les élèves domiciliés en France voisine et déjà scolarisés dans l’enseignement public genevois, pour autant que l'un de leurs parents au moins soit assujetti à Genève à l'impôt sur le revenu de l'activité rémunérée qu'il exerce de manière permanente dans le canton ; (c) les frères et sœurs ainsi que les demi-frères et les demi-sœurs des enfants scolarisés au sein d'établissements scolaires publics genevois. Selon l’al. 2, l'admission des élèves domiciliés dans le canton mais qui ne sont pas issus d'une école publique genevoise doit être demandée auprès de la direction générale qui statue. Selon l’al. 3, pour les élèves visés à l’al. 1, let. b et c, la demande d'admission doit être déposée auprès de la direction générale dans le délai fixé chaque année par le DIP et publié sur le site Internet de ce dernier.

2.6 L’art. 19 Cst. consacre un droit social, justiciable, qui oblige la collectivité à fournir une prestation (Andreas AUER et al., Droit constitutionnel suisse, vol. II, 4e éd., 2021, n. 1709 et la référence citée). L’art. 62 Cst. fonde quant à lui, outre la compétence cantonale en matière d’instruction publique, le caractère obligatoire de l’enseignement de base. Il en découle que l’un des corollaires du caractère obligatoire de l’enseignement primaire est que les enfants doivent fréquenter l’école du lieu où ils résident (Andreas AUER et al., op. cit., n. 1715). Ainsi, sont titulaires du droit à un enseignement de base suffisant et gratuit tous les enfants domiciliés en Suisse, indépendamment de leur nationalité et du statut de résidence de leurs parents (Pascal MAHON, Droit constitutionnel, vol. II, 2015, p. 334 n. 200).

Quant à l’art. 24 Cst-GE, rien n’indique que sa portée, s’agissant du droit à un enseignement de base suffisant et gratuit, serait plus large que celle de l’art. 19 Cst.

La limitation de la possibilité de s'inscrire dans les écoles d'un canton donné aux élèves domiciliés dans ledit canton ne contrevient pas à l’art. 13 par. 2 let. a du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels entré en vigueur pour la Suisse le 18 septembre 1992 (RS 0.103.1), lequel prévoit que l’enseignement primaire doit être obligatoire et accessible à tous. Cette disposition, qui selon le Tribunal fédéral n’est pas directement applicable, ne confère en effet aucun droit supplémentaire par rapport à l’art. 19 Cst. (ATF 144 I 1 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2011 précité). Pour le même motif, elle n’est pas non plus contraire à l’art. 28 par.1 let. a de la Convention relative aux droits de l’enfant entrée en vigueur pour la Suisse le 26 mars 1997 (RS 0.107), disposition qui prévoit que les États parties rendent l’enseignement obligatoire et gratuit pour tous.

2.7 La chambre de céans a traité en détail de la problématique d'une éventuelle discrimination à raison du domicile dans plusieurs arrêts. Elle a rejeté les recours d'enfants et de leurs parents domiciliés en France voisine contre le refus de les scolariser dans l'enseignement public genevois primaire (ATA/999/2019 du 11 juin 2019 consid. 13 à 24 ; ATA/1017/2019 du 13 juin 2019 ; ATA/1016/2019 du 13 juin 2019 ; ATA/1015/2019 du 13 juin 2019 notamment) et secondaire (ATA/524/2020 du 26 mai 2020 consid. 5 ; ). Ce refus, qui découlait de l'un des corollaires du caractère obligatoire de l'enseignement, à savoir que les enfants doivent fréquenter l'école du lieu où ils résident, reposait sur une base légale suffisante et ne violait pas l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

Par ailleurs, dans un arrêt du 11 juin 2019, le Tribunal fédéral a confirmé un arrêt de la chambre de céans s’agissant du refus de l’accès, pour un enfant handicapé suisse, domicilié en France, aux mesures de pédagogie spécialisée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_820/2018 consid. 4.1).

2.8 La convention intercantonale prévoit que les élèves des établissements de la scolarité obligatoire, notamment, fréquentent les écoles ou établissements de leur canton de domicile (art. 1 al. 1 convention). La convention intercantonale prévoit également des exceptions de portée générale à ce principe de territorialité listées à l'art. 2 al. 1 let. a à g de la convention, tels le changement de domicile cantonal pendant la scolarité, et les cantons peuvent traiter par analogie des demandes fondées sur des motifs non expressément énumérés à l'art. 2 al. 1, mais voisins et reconnus comme valables (art. 2 al. 2 convention).

Plus spécifiquement, l’art. 2 al. 1 let. b de la convention intercantonale prévoit une telle exception au principe de territorialité en faveur des élèves qui ont atteint un niveau dûment reconnu dans la pratique d’un sport ou d’un art, qui justifie une scolarisation dans des classes spéciales ou l’adoption d’autres mesures particulières et qui démontrent qu’une scolarisation dans un établissement d’un autre canton que leur canton de domicile est judicieuse.

Selon l’art. 4 de la convention intercantonale, les élèves qui pratiquent un sport ou un art à un haut niveau, dûment reconnu et attesté dans leur canton de domicile ainsi que dans celui d'accueil, sont autorisés à fréquenter un établissement correspondant d’un autre canton s’ils démontrent que cette solution est adaptée à la particularité de leur situation. Tel est en particulier le cas: a) si des classes spéciales ne sont pas ouvertes dans le canton de domicile, b) si le lieu de pratique, à un haut niveau, d’un sport ou d’un art se situe dans un autre canton que le canton de domicile, à proximité d’un établissement scolaire public susceptible d’accueillir l’élève.

2.9 La chambre administrative a retenu qu’une élève qui n’avait pas son domicile dans un canton suisse, mais en France, ne pouvait pas se prévaloir de la convention intercantonale, qui prévoit des dérogations au principe selon lequel la formation doit être suivie dans le canton de domicile de l’élève (ATA/538/2023 du 23 mai 2023, consid. 2.3, publié sur le site du pouvoir judiciaire au jour de sa consultation le 23 juin 2023).

2.10 En l'espèce, la recourante, mineure, n’a pas son domicile dans un canton suisse, mais en France, auprès de ses parents. Elle ne peut donc se prévaloir de la convention intercantonale, ce qui au demeurant découle, comme justement souligné par l’autorité intimée, de son texte clair qui renvoie toujours au canton de domicile et non pas au lieu de scolarisation de l’enfant.

Pour le surplus, il a déjà été jugé que le critère du domicile comme lieu de scolarisation ne constitue pas une discrimination inadmissible (ATA/999/2019 du 11 juin 2019 consid. 13 à 24 ; ATA/524/2020 du 26 mai 2020 consid. 5) ni ne se heurte à ALCP.

Le fait que la recourante ait poursuivi sa scolarité obligatoire primaire à Genève nonobstant le déménagement de la famille en France voisine en 2019 n’y change rien. À cet égard, la recourante perd de vue que ce dernier critère s'apparente à une forme de régime transitoire, à savoir que les élèves domiciliés en France voisine et déjà scolarisés dans l’enseignement public genevois, pour autant que l'un de leurs parents au moins soit assujetti à Genève à l'impôt sur le revenu de l'activité rémunérée qu'il exerce de manière permanente dans le canton, une certaine continuité, est favorisée. Cette continuité est prévue pour l’admission au cycle d’orientation, aux mêmes conditions, si l’élève domicilié en France voisine était déjà scolarisé dans l’enseignement public genevois, ce qui est le cas de la recourante. Celle-ci pourrait ainsi poursuivre son cursus au cycle d’orientation à Genève.

Ceci n’a toutefois nullement pour conséquence qu’elle puisse bénéficier des conditions de la convention intercantonale, comme déjà relevé, quand bien même elle a atteint un niveau dûment reconnu dans la pratique d’un sport, en l’absence de domicile en Suisse, dans l’un des cantons partie audit concordat. Elle ne saurait à cet égard se prévaloir de la poursuite d’une situation durant depuis des années, alors même qu’elle entend en changer les conditions par la fréquentation de l’école secondaire I dans un autre canton.

En faisant valoir différents arguments relatifs à l'avenir, en particulier au niveau sportif, de leur fille, les parents de la recourante remettent en cause non pas tant la décision attaquée, et sa validité juridique, mais bien le fait que la convention intercantonale n’est pas applicable à sa situation.

Il s'ensuit que la décision attaquée est conforme au droit. Le recours sera dès lors rejeté.

Le prononcé du présent arrêt rend sans objet la demande de mesures provisionnelles.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe. L’enfant mineur ayant agi par ses parents, ceux-ci se verront astreints, solidairement, au paiement dudit émolument (art. 87 al. 1 LPA). Également en raison de l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 mai 2023 par A______, agissant par ses parents B______ et C______, contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 25 avril 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge solidaire de B______ et C______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Stéphane RYCHEN, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER et Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. DIKAMONA

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :