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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1352/2023

ATA/655/2023 du 20.06.2023 ( FORMA ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1352/2023-FORMA ATA/655/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 juin 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______, agissant par ses parents B______ et C______ recourants
représentés par Me Robert ASSAEL, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé



EN FAIT

A. a. A______ est né le ______2012.

Il a été scolarisé au sein de l’établissement primaire D______ (ci-après : l’école D______) depuis la 1P, école qui se trouve à moins de 100 m de son domicile. Il fréquente la 7P depuis la rentrée scolaire 2022-2023.

b. Après avoir recueilli le 20 mars 2023 les observations de ses parents, B______ et C______, le directeur de cet établissement a, par décision du 30 mars 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, ordonné le transfert de A______ à l’école de E______ à compter du 24 avril 2023.

c. Les parents, ont recouru le 18 avril 2023 contre cette décision auprès de la direction générale de l’enseignement obligatoire (ci-après : DGEO). Ils ont conclu notamment à la restitution de l’effet suspensif.

d. Par décision du 21 avril 2023, la DGEO a refusé la demande de restitution de l’effet suspensif.

Après examen des diverses pièces de la procédure, la situation de A______ au sein de l’école D______ apparaissait problématique. Les parents avaient fait état à plusieurs reprises de leur insatisfaction et de leur méfiance envers l’école et ses acteurs, qui seraient selon eux la source des problèmes de leur fils. Il apparaissait que ce dernier entretenait des relations compliquées avec certains de ses camarades et les adultes de l’établissement. Les parents refusaient d’entretenir des échanges avec la direction d’établissement, s’opposaient à ce que l’éducateur puisse intervenir auprès de leur enfant afin de l’aider dans ses difficultés ou encore que l’école puisse s’adresser au thérapeute de A______. Dans de telles circonstances, qui devraient être analysées de manière plus approfondie dans le cadre de la procédure au fond, les chances de succès du recours ne paraissaient prima facie et sans préjudice de l’examen au fond pas à tel point évidentes qu’il conviendrait d’octroyer la mesure sollicitée. En outre, ordonner le maintien de A______ à l’école D______ pendant la durée de la procédure ne se justifiait pas car il aurait pour effet de faire droit, de manière provisoire, aux conclusions du recours sur le fond, ce qui était en principe prohibé.

Aucun intérêt privé ou public prépondérant ne permettait de renoncer dans le cas présent à cette règle. Bien au contraire, l’ensemble des protagonistes, dont les parents et leur enfant, faisaient état de son mal-être et de ses difficultés au sein de l’école en question. Il en allait dès lors de l’intérêt de A______ de l’extraire d’une telle situation, afin de lui permettre de retrouver immédiatement un environnement scolaire dénué de tout litige. Une évolution rapide et positive des relations famille - école au sein de l’école D______ apparaissait objectivement peu vraisemblable, compte tenu de l’intensité et de la durée du litige. Or, une telle relation positive, basée sur la confiance, devait être nouée au plus vite avec les professionnels qui accueillaient A______ au quotidien afin de le soutenir dans ses difficultés comportementales. Celui-ci pourrait nouer de nouvelles amitiés et une relation positive avec les adultes, éléments qui l’aideraient à retrouver une scolarité harmonieuse. Enfin, les craintes des parents quant à la poursuite de sa scolarité en cas de changement d’école n’étaient pas objectivées, étant précisé que A______ pourrait suivre le programme de 7P, qui était le même dans l’ensemble des établissements primaires du canton, et bénéficier des aménagements que sa situation requérait.

B. a. Les parents ont formé recours contre cette décision par acte déposé le 24 avril 2023 au guichet de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), concluant à ce qu’il soit ordonné, sur mesures superprovisionnelles puis provisionnelles, à la DGEO de maintenir l’enfant dans l’école D______ jusqu’à la fin de l’année scolaire 2022 – 2023 et, sur le fond, à l’annulation de la décision du 21 avril 2023 et à ce que soit accordé l’effet suspensif à leur recours hiérarchique du 18 avril 2023.

Le bulletin du premier semestre attestait de bons résultats scolaires de A______ en français, allemand, anglais, mathématiques et sciences de la nature. Ses apprentissages de la vie scolaire étaient tous satisfaisants, à savoir dans la prise en charge de son travail personnel, de ses relations avec les autres élèves et les adultes, la collaboration avec ses camarades et le respect des règles de vie commune. Son enseignante avait relevé ses progrès et son investissement dans ses apprentissages, tout en soulignant qu’il devait également s’investir dans les domaines qui l’intéressaient moins. Elle avait encore noté qu’il gérait son travail de manière autonome et qu’elle l’encourageait à prendre le temps de relire pour contrôler ainsi ses erreurs d’inattention ou de précipitation. Elle l’invitait aussi à prendre en compte les remarques de l’adulte concernant son travail et à ne pas s’y opposer systématiquement. Il avait progressé dans le respect des règles de classe.

Les comportements qui étaient reprochés à A______ étaient contestés et n’étaient pas établis par le dossier que la DGEO avait transmis aux parents le 17 avril 2013. Aucun adulte n’avait été témoin de quoi que ce soit. Il n’était de plus pas tenu compte de l’attitude d’autres élèves à l’encontre de A______, qui pourrait expliquer certaines de ses réactions. L’enfant avait été diagnostiqué TDA-HP.

Si l’effet suspensif n’était pas restitué au recours, l’enfant serait transféré le 24 avril 2023 à l’école de E______. Dans le cas où le recours hiérarchique serait ensuite admis, on imaginait mal son retour à l’école D______, soit un double changement d’école, qui plus était à deux mois de la fin de l’année scolaire, qui lui serait fortement préjudiciable et constituerait un dommage irréparable. Un tel changement ne pourrait qu’être psychologiquement catastrophique et source d’angoisse, de peur de l’inconnu, de dévalorisation, d’incompréhension face au directeur et de sentiment qu’on voulait « se débarrasser » de lui. Ne pas restituer l’effet suspensif viderait le recours de sa substance, voir le rendrait sans objet. Il n’y avait ni urgence, ni intérêt public qui commanderaient que la décision du directeur soit immédiatement exécutée, ce d’autant plus qu’il affirmait que les problèmes dataient de plusieurs années et que ses résultats étaient bons.

b. La juge déléguée a, le 25 avril 2023, refusé de donner suite à la demande de mesures superprovisonnelles.

c. La DGEO a conclu au rejet de la requête de mesures provisionnelles puis, le 26 mai 2023, du recours.

Selon les indications données par sa nouvelle enseignante, l’intégration de A______ dans sa nouvelle école se déroulait bien. Il participait aux leçons et tissait des liens avec ses camarades. La relation avec son enseignante était positive et il était à l’écoute des adultes de l’école.

d. Les parties ont été informées, le 30 mai 2023, que la cause était gardée à juger.

e. Leurs arguments et la teneur des pièces de la procédure seront pour le surplus repris ci-dessous dans la mesure utile au traitement du recours.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente contre une décision incidente, puisque formée contre un refus de restitution de l’effet suspensif à un recours hiérarchique, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             2.1 Selon l’art. 57 LPA, sont susceptibles d'un recours, les décisions finales (let. a) ; les décisions par lesquelles l'autorité admet ou décline sa compétence (let. b) ; les décisions incidentes à certaines conditions (let. c) et les lois constitutionnelles, les lois et les règlements du Conseil d'État.

2.2 Les décisions incidentes sont susceptibles de recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd. 2018 p. 432 n. 1265). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1).

2.3 La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c et les arrêts cités ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/ Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

2.4 Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

3.             En l’espèce, l’enfant a été transféré dans une autre école à la suite de la décision de la direction du précédent établissement du 30 mars 2021. Il s’y est présenté le 26 avril 2023. Les retours de son enseignante sont bons quant à son intégration, tant auprès de ses camarades que des adultes. Il participe aux leçons et tisse des liens avec ses camarades et la relation avec son enseignante est bonne. Ses parents ne remettent pas en cause ce constat.

Ainsi, quand bien même le nouvel établissement serait un peu plus éloigné du domicile de l’enfant, il ressort des pièces à la procédure que le transfert semble être une solution favorable à une situation qui semble s’être cristallisée dans son ancienne école et source de difficultés notamment pour l’enfant.

Dans ces conditions, les recourants échouent à démontrer le risque d’un préjudice irréparable, de sorte que le recours doit être déclaré irrecevable.

Le présent arrêt rend sans objet la demande de mesures provisionnelles.

4.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 550.- sera mis à la charge solidaire des recourants et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 24 avril 2023 par A______ , agissant par ses parents B______ et C______, contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 21 avril 2023 ;

met un émolument de CHF 550.- à la charge solidaire de B______ et C______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert ASSAEL, avocat des recourants, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :