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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3243/2022

ATA/634/2023 du 13.06.2023 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.08.2023, 1C_410/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3243/2022-LCI ATA/634/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 juin 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Philippe GIROD, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT intimé



EN FAIT

A. a. A______ est propriétaire depuis le 18 juin 1997 de la parcelle n° 284 de la commune de Collex-Bossy (ci-après : la commune), laquelle est située en zone agricole.

b. Il ressort des images aériennes accessibles sur le site d’information du territoire genevois (ci-après : SITG) que la parcelle était libre de toute construction lors de la construction de l’autoroute en 1963 et qu’elle contenait un bâtiment en 1972 ainsi qu’en 1996, 2001, 2005. En 2009, deux annexes au bâtiment originel apparaissent sur les images aériennes. Cette configuration n’a pas varié lors des relevés topographiques suivants (2012, 2015, 2016, 2018, 2019, 2020 et 2021).

c. Le bâtiment originel était un hangar destiné à l’élevage de poules et de lapins, dont l’agrandissement avait été autorisé en 1971 (DD 1______) par le département du territoire (ci-après : le département). La transformation en maison d’habitation, même temporaire, avait en revanche été refusée à deux reprises, le 22 mars 1974 (DD 2______) puis le 23 mars 1977 (DD 3______).

L’autorisation de 1971 mentionnait que la destination de la construction autorisée était limitée exclusivement à l'usage de poulaillers et clapiers ; en aucun cas elle ne pourrait être convertie, totalement ou partiellement, en habitation, même temporaire (week-end), entrepôt, atelier, etc. ; de même, était interdite toute adjonction de maisonnette, chalet, roulotte, caravane, etc.

d. Le 16 juin 2009, le département a notifié à A______ un ordre de remise en état et refusé de régulariser les travaux (DD 4______) après qu’il eut constaté au début de la même année que des travaux de transformation du bâtiment principal en habitation ainsi que la construction d’un garage de 50 m2 et d’une annexe de 25 m2 avaient été accomplis sans autorisation et ouvert une procédure d’infraction (I/5______).

e. Les recours formés par A______ contre ces décisions ont été rejetés par jugement du 7 mai 2012 du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Son entreprise offrait des services de jardinage aux particuliers. La culture de plantes de saison, sur environ 3'000 m2, apparaissait secondaire par rapport à son activité principale de jardinier paysagiste et ne constituait pas une exploitation horticole au sens de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). Ainsi, l’octroi d’une autorisation, même à titre dérogatoire, n’était pas envisageable. Il ne pouvait par ailleurs se prévaloir de droits acquis. L’ordre de démolition respectait le principe de proportionnalité.

f. Le recours formé par A______ contre ce jugement a été rejeté par arrêt du 6 févier 2013 de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

La transformation avait été réalisée en 1997 et il ne pouvait se prévaloir de sa bonne foi ni de la prescription trentenaire. D’autres constructions litigieuses dans la commune avaient donné lieu à des dénonciations. Ni la commune ni le département n’avaient toléré les situations contraires au droit et il ne pouvait se prévaloir du principe de l’égalité de traitement. Il ne pouvait invoquer une situation acquise, la transformation ayant été refusée par deux fois en 1974 et 1977 et le département ne pouvant se voir reprocher d’avoir toléré une situation dont il n’avait pas connaissance.

g. Le recours formé par A______ contre cet arrêt a été rejeté par arrêt du Tribunal fédéral du 20 décembre 2013.

Une éventuelle prescription acquisitive concernant un éventuel studio qui aurait été installé sans droit dans le hangar plus de trente ans auparavant serait sans portée, le bâtiment ayant entre-temps, et en temps non prescrit, été entièrement aménagé en logement.

B. a. Le 18 août 2014, A______ a demandé au Conseil d’État d’autoriser le maintien précaire de l’ensemble des constructions litigieuses en application de l’art. 139 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

La remise en état du hangar et la démolition des nouvelles constructions mettraient en péril l’équilibre économique de son entreprise, qui représentait son seul et unique revenu, entraînant un dommage réel et concret avec des frais de démolition importants, une nouvelle organisation et un ralentissement voire un arrêt de son activité. Sa parcelle était située le long de l’autoroute. Aucun intérêt public n’était impacté. Il exerçait bien une activité horticole, contrairement à ce qui avait été retenu dans la précédente procédure.

b. Le même jour, il en a adressé copie au département et a prié ce dernier de bien vouloir surseoir à l’exécution de la décision du 16 juin 2009.

c. Le 27 août 2014, le Conseil d’État a accusé réception de la demande.

d. Le 8 septembre 2014, le département a indiqué à A______ que, s’agissant de sa demande de surseoir à l’exécution de sa décision du 16 juin 2009, celle-ci restait valable.

e. Le 8 octobre 2014, le Conseil d’État a informé A______ que sa demande ferait l’objet d’une publication dans la Feuille d’Avis Officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) et qu’à l’issue du délai de consultation, une décision serait prise.

f. Le 24 octobre 2014, la demande a été publiée dans le FAO.

g. Le 29 avril 2022, le département a indiqué à A______ qu’il reprenait son dossier, constatait que les éléments cités dans son ordre du 16 juin 2009 semblaient toujours présents sur la parcelle et lui impartissait un délai de dix jours pour se déterminer, toutes mesures et/ou sanctions demeurant réservées.

h. Le 9 mai 2022, A______ a répondu au département qu’il n’avait plus de nouvelles de Conseil d’État ni du département depuis l’échange de courriers d’août à octobre 2014. Les parcelles dont faisait partie la sienne se trouvaient entre plusieurs zones agricoles. Leur statut n’était pas clairement défini et plusieurs habitations, dont la sienne, s’y trouvaient depuis de nombreuses années au su et au vu des autorités communales et cantonales. La compétence d’exiger le rétablissement d’une situation conforme au droit se prescrivait par 30 ans. L’autorité pouvait en être déchue avant l’écoulement de 30 ans lorsque le principe de la bonne foi le commandait.

i. Le 15 mai 2022, le Conseil d’État a fait paraître dans la FAO la demande de maintien à titre précaire formée par A______

j. Par arrêté du 31 août 2022, il a refusé le maintien à titre précaire.

A______ n’avait toujours pas donné suite à l’ordre de remise en état devenu définitif en 2014. Autoriser le maintien à titre précaire reviendrait à accorder une dérogation selon les art. 24 s. LAT, de manière incompatible avec cette loi.

C. a. Par acte remis à la poste le 3 octobre 2022, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cet arrêté, concluant à son annulation et à ce que soit autorisé à titre précaire le maintien des transformations effectuées sur la parcelle. Subsidiairement, un premier délai de cinq ans devait lui être accordé pour réorganiser son entreprise. Plus subsidiairement, la cause devait être renvoyée au Conseil d’État pour nouvelle décision. Préalablement, l’effet suspensif devait être accordé, l’apport des procédures A/2573/2009 et A/4402/2011 ordonné et un délai accordé pour produire les chiffres actualisés de son exploitation.

Il ignorait los de l’acquisition de la parcelle que des constructions avaient été refusées. À sa connaissance, c’était le précédent propriétaire qui l’avait dénoncé. Sa parcelle se trouvait dans un groupe de parcelles le long de l’autoroute entre plusieurs zones agricoles, sans être qualifiées en tant que telles. Il l’avait acquise pour pratiquer l’horticulture. Il était horticulteur, membre B______, s’acquittait de toutes les taxes professionnelles et employait jusqu’à neuf personnes. Les parcelles voisines comportaient également des habitations avec procédures d’autorisation en cours. À l’exceptions des surfaces occupées par des constructions, toute sa parcelle était consacrée aux cultures au sol et hors sol (arbres, arbustes et plantes de saison). Sur une surface voisine mise gratuitement à disposition par l’État, il cultivait un potager, pour ses besoins personnels et pour la vente, ainsi que du foin pour sas lapins et ses poules. Les terreaux étaient entreposés sur une troisième parcelle, à Bellevue. Son activité d’horticulteur, sur une surface de trois ares, permettait d’alimenter son activité de jardinier paysagiste pour un chiffre d’affaires supérieur à CHF 750'000.- en 2010 et CHF 790'000.- en 2011 pour les deux types d’activité. En 2013, le chiffre d’affaires de son activité d’horticulteur était plus important que celui de son activité de jardinage, et s’élevait sur les six premiers mois à CHF 262'721.90 contre CHF 190'247.-. Pour les besoins de son entreprise, il avait transformé le bâtiment, amélioré son confort et installé en partie des bureaux, construit un garage pour tracteur agricole et une annexe utilisée par ses ouvriers, pour la pause de midi par exemple.

Il n’avait plus eu de nouvelles depuis huit ans. L’autorité pouvait être déchue de son droit d’exiger le rétablissement lorsque le principe de la bonne foi le commandait. Il invoquait ce principe vu l’absence de traitement réservée à son cas.

L’arrêté lui avait été notifié à son domicile alors qu’il avait élu domicile auprès de son conseil. Aucune autre motivation n’en ressortait que la référence à l’arrêt du Tribunal fédéral et on ignorait si le Conseil d’État avait instruit le dossier sous l’angle de l’art. 139 LCI et consulté par exemple la commune, ce qui rendait la motivation arbitraire.

Le principe de la bonne foi pouvait imposer un régime transitoire afin de permettre aux administrés de s’adapter à la nouvelle réglementation. Vu le silence observé au sujet de sa demande depuis 2014, il n’était pas possible pour le Conseil d’État de refuser le maintien sans lui accorder un délai transitoire pour réorganiser son activité.

b. Le 17 octobre 2022, le Conseil d’État a indiqué qu’il n’avait pas l’intention de requérir la levée de l’effet suspensif, ce dont la chambre administrative a pris acte le 3 novembre 2022.

c. Le 7 novembre 2022, le Conseil d’État a conclu au rejet du recours.

d. Le 12 décembre 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Sa demande ne portait pas sur la révision de la procédure de 2009. Le Conseil d’État ne se prononçait pas sur l’application de l’art. 139 LCI, pas plus qu’il n’avait examiné le principe de proportionnalité.

e. Le 26 janvier 2023, le Conseil d’État a persisté dans ses conclusions.

Le recourant ne pouvait se prévaloir de l’écoulement du temps en dehors de tout délai de prescription. Ce qui valait pour la demande d’autorisation valait a fortiori pour une demande de mesure exceptionnelle. En zone agricole, l’application de l’art. 139 LCI ne pouvait aller plus loin que les dérogations permises par la LAT.

f. Le 6 mars 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Le Conseil d’État ne se prononçait pas sur sa conclusion subsidiaire en octroi d’un délai.

g. Le 7 mars 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             À titre préalable, le recourant demande que soit ordonné l’apport des procédures A/2573/2009 et A/4402/2011 et que lui soit octroyé un délai pour produire les chiffres actualisés de son exploitation.

2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1 ; ATA/1173/2020 du 24 novembre 2020 consid. 3a).

2.2 En l’espèce, le recourant a pu développer son argumentation et produire toute pièce utile à plusieurs reprises devant la chambre de céans. Seul le résultat des procédures A/2573/2009 et A/4402/2011 – soit les arrêts prononcés par la chambre de céans et le Tribunal fédéral, versés à la présente procédure – est pertinent pour l’issue du litige, qui ne porte pas sur la révision de la décision du 16 juin 2009 et des arrêts qui l’ont confirmée ainsi que le rappelle le recourant. Il n’y a donc pas lieu d’ordonner l’apport de ces deux procédures.

La présente procédure n’ayant pas pour objet la révision de la décision de 2009 et des arrêts qui l’ont confirmée, la production des résultats de l’activité professionnelle, et notamment de la part de la culture arboricole, est sans influence sur le sort du litige, comme il sera vu plus loin. Il n’y a donc pas lieu d’accorder au recourant un délai pour produire les chiffres actualisés de son exploitation, étant observé qu’il devait disposer au moment de déposer son recours des résultats comptables des exercices annuels jusqu’en 2021 et que s’il a évoqué dans son recours les résultats de 2010, 2011 et 2013, il n’a pas produit d’autres chiffres, pas plus que dans ses écritures ultérieures.

Il ne sera pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction.

3.             Le recourant se plaint d’une violation de l’art. 139 LCI. L’arrêté ne serait pas motivé et sa demande n’aurait pas été instruite. Le principe de proportionnalité aurait enfin été violé.

3.1 L’art. 139 LCI prévoit que lorsqu’une construction ou une installation n’est pas conforme à l’autorisation donnée ou si, entreprise sans autorisation, elle n’est pas conforme aux prescriptions légales, le Conseil d’État peut la laisser subsister, à titre précaire, si elle ne nuit pas à la sécurité, à la salubrité ou à l’esthétique, moyennant le paiement, en plus de l’amende, d’une redevance annuelle dont il fixe le montant et la durée selon la gravité de l’infraction (al. 1). Cette redevance doit être au moins égale au bénéfice annuel résultant de l’infraction et sa durée ne peut être supérieure à 30 ans. En cas de vente, le nouveau propriétaire est tenu au paiement de cette redevance (al. 2). En cas de retard dans le paiement, la redevance est productive d’intérêts au taux de 5% l’an dès son exigibilité (al. 3).

3.2 Le Tribunal fédéral a observé en 1981 déjà, sous l’empire de l’ancien art. 298 LCI (devenu depuis l’art. 139 LCI), que lorsque l'autorité octroie une autorisation de maintien à titre précaire en zone agricole, sa décision a pratiquement pour effet d'accorder une dérogation hors de la zone à bâtir selon les art. 24 s. LAT (ATF 107 Ib 170 consid. 2b). Cette jurisprudence a été confirmée sous l’empire de la LCI de 1988 : à l’égard des art. 24 s. LAT, l’art. 139 al. 1 LCI n’a pas de portée propre (arrêts du Tribunal fédéral 1A.180/2002 du 19 novembre 2002 consid. 2.1 ; 1A.75/1991 du 13 février 1992, consid. 1b ; ATA/510/2013 du 27 août 2013 ; ATA/52/2005 du 1er février 2005).

3.3 Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

3.4 Dans un cas d’octroi d’autorisation à titre précaire dans le canton de Vaud, le Tribunal fédéral a admis en 2002 le recours de l’office fédéral du développement territorial (ARE), considérant, au sujet de la proportionnalité, que l'ordre de démolir une construction édifiée sans permis et pour laquelle une autorisation ne pouvait être accordée n'était en principe pas contraire au principe de la proportionnalité. L'autorité renonçait toutefois à une telle mesure si les dérogations à la règle étaient mineures, si l'intérêt public lésé n'était pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y avait des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit. Celui qui plaçait l'autorité devant un fait accompli devait cependant s'attendre à ce qu'elle se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlaient pour lui (1A.180/2002 précité consid. 3.1).

3.5 En l’espèce, le recourant affirme dans son recours que sa parcelle et les parcelles voisines se trouvent en bordure d’autoroute, entre plusieurs zones agricoles, « sans être qualifiées en tant que telles ». En réalité, il ressort du SITG que la parcelle du recourant, comme toutes les parcelles voisines, est située en zone agricole.

Cela étant, le recourant ne conteste pas que les constructions qu’il y a édifiées sans autorisation ne sont pas autorisables, même à titre dérogatoire, sous l’angle des art. 24 s. LAT, ce qui a au demeurant été constaté de manière définitive en 2013 par la chambre de céans puis par le Tribunal fédéral, et il admet que sa demande ne vise pas à une révision de la décision de 2009 et des arrêts qui l’ont confirmée. Dans cette mesure, la connaissance de la part de l’exploitation horticole ou arboricole dans le résultat d’exploitation de son activité est sans portée sur l’issue du litige, de sorte qu’il n’y a pas lieu de donner au recourant un délai pour compléter ces données chiffrées.

Compte tenu que les constructions n’étaient pas autorisables en zone agricole, ce qui avait été constaté de manière définitive, le Conseil d’État ne pouvait autoriser le maintien à titre précaire sans violer les art. 24 s. LAT. Il ne disposait pas dans le cas d’espèce, contrairement à ce que semble considérer le recourant, d’un pouvoir discrétionnaire.

C’est ainsi conformément au droit que le Conseil d’État a refusé le maintien à titre précaire.

S’agissant de la proportionnalité, les infractions commises par le recourant n’étaient pas mineures. Celui-ci ne pouvait de bonne foi se croire en droit d’agir et les constructions ont définitivement été considérées comme non autorisables. Aucune mesure moins incisive, comme par exemple « un premier délai de cinq ans pour réorganiser son entreprise commerciale » auquel conclut à titre subsidiaire le recourant, n’est susceptible d’être conforme au droit fédéral, et notamment à la séparation stricte du bâti et du non bâti en zone agricole que les art. 24 s. LAT ont pour objectif de faire respecter. La décision de remise en état date du 16 juin 2009, soit bientôt 14 ans. Faire droit à la conclusion subsidiaire du recourant porterait à près de 20 ans la durée du non-respect de la décision initiale, ce qui serait choquant.

La chambre de céans observe encore que la décision de 2009 entrée en force en 2013 contraint le recourant à renoncer à son logement – et aux bureaux qu’il indique avoir aménagés – ainsi qu’aux deux annexes construites sans droit, soit des inconvénients découlant du caractère illicite des constructions qu’il avait réalisées, auxquels il devait s’attendre et qui ne sauraient prévaloir sur l’intérêt public au respect des décisions de justice et de la séparation du bâti et du non bâti voulue par la LAT.

Le Conseil d’État ne disposant d’aucune marge de manœuvre s’agissant d’appliquer l’art. 139 LCI à des constructions non autorisables en zone agricole, il ne pouvait être attendu de lui qu’il instruise la demande plus qu’il ne l’a fait, soit en donnant au recourant l’occasion de se déterminer le 29 avril 2022 et en publiant sa demande dans la FAO le 15 mai 2022. Le Conseil d’État n’avait en particulier pas à interpeller la commune, contrairement à ce que semble penser le recourant, la loi n’exigeant aucun préavis de celle-ci et un préavis favorable de la commune étant en toute hypothèse sans effet sur l’absence de portée de l’art. 139 LCI par rapport aux art. 24 ss LAT.

Enfin, la décision est certes motivée de manière sibylline, par une référence à l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_318/2013 précité. Cette motivation est toutefois suffisante, car il s’agit de l’arrêt par lequel le Tribunal fédéral a rejeté en 2013 tous les griefs du recourant concernant l’application de la LAT et retenu notamment que les constructions qu’il avait effectuées en zone agricole n’étaient pas autorisables. Or, cette circonstance scelle à elle seule le sort du recours, selon la jurisprudence constante susévoquée. La motivation de l’intimé n’a d’ailleurs pas échappé au recourant, puisqu’il critique le défaut d’instruction et de motivation de l’arrêté, ainsi que la violation du principe de la proportionnalité et se prévaut du principe de la bonne foi.

Les griefs seront écartés.

4.             Dans un second grief, le recourant se plaint de la violation du principe de la bonne foi. Il se prévaut d’une situation acquise par l’écoulement du temps et l’inaction de l’autorité, à l’appui principalement de l’octroi d’un premier délai transitoire de cinq ans.

4.1 Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4). Il protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1). La protection de la bonne foi ne s'applique pas si l'intéressé connaissait l'inexactitude de l'indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes (ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1).

4.2 En l’espèce, le recourant ne saurait se prévaloir d’aucune garantie, promesse ou indication que l’autorité aurait pu lui donner. Le département s’est montré constant dans sa volonté de faire respecter la LAT et d’obtenir la remise en état, depuis la décision de 2009 jusqu’à ses écritures au Tribunal fédéral en 2013. Il a par la suite expressément attiré l’attention du recourant en 2014 sur le fait que sa demande au Conseil d’État était sans effet sur l’entrée en force de la décision de remise en état. Le recourant ne peut dans ces conditions soutenir qu’il aurait pu croire de bonne foi, et en particulier inférer de son silence plusieurs années durant, que le département ne poursuivrait pas l’exécution de sa décision.

Pour les mêmes motifs, le recourant ne pouvait inférer du temps mis par le Conseil d’État à traiter sa demande que le maintien à titre précaire lui était de fait octroyé. Le silence de l’intimé, s’il peut être regretté, pouvait d’autant moins être interprété par le recourant comme un assentiment tacite que ce dernier avait sciemment procédé à des constructions illicites sans requérir d’autorisation, que l’ordre de remise en état était devenu définitif après qu’il eut épuisé toutes les voies de recours, et qu’il savait depuis 2013 au plus tard que les constructions ne pouvaient être autorisées sous l’angle de la LAT – une circonstance excluant, de jurisprudence constante, l’application de l’art. 139 LCI. Il est par ailleurs significatif que le recourant ne se soit pas plaint depuis 2014 d’un déni de justice ni n’ait simplement interpellé le Conseil d’État sur le sort de sa demande.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 octobre 2022 par A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 31 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A_______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe GIROD, avocat du recourant, au Conseil d'État ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO,

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :