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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2631/2021

ATA/635/2023 du 13.06.2023 sur JTAPI/472/2022 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;IMPÔT SUR LE REVENU;DONATION;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;FARDEAU DE LA PREUVE;MAXIME INQUISITOIRE;LIBRE APPRÉCIATION DES PREUVES
Normes : Cst.29.al2; LIFD.16.al1; LIPP.17; LHID.7.al1; LIFD.24.leta; LIPP.27.letd; CO.239.al1; CC.8; LPA.19
Résumé : Les éléments au dossier montrent que le lien entre la vente fructueuse de la société dirigée par le recourant et la somme qui lui a été versée par l’actionnaire majoritaire ne permet pas de considérer que l’élément subjectif de la donation est rempli, faute d’animus donandi. Leur longue amitié ne suffit pas à considérer que l’actionnaire a agi dans un but purement désintéressé, vu son intention de remercier le recourant pour son travail en partageant avec lui le bénéfice substantiel résultant de la vente de la société. La donation ne peut donc être présumée. Le montant versé doit être considéré comme une gratification. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2631/2021-ICCIFD ATA/635/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 juin 2023

4ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Fouad SAYEGH, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS intimées

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 mai 2022 (JTAPI/472/2022)


EN FAIT

A. a. En 2000, B______, C______ et D______ ont fondé E______ (ci-après : E______).

Selon le registre du commerce (ci-après : RC), celle-ci a pour but « fourniture de services et de biens dans le domaine de l'information technologique, software, hardware, ainsi que services de conseil s'y rapportant ». Le contribuable en était l’un des six administrateurs (avec signature collective à deux), le président et le directeur général. C______ et D______ en étaient respectivement directeur général adjoint et directeur commercial (avec signature collective à deux). F______ en était l’actionnaire majoritaire.

b. Le 30 juin 2019, E______ a été achetée par G______ (ci‑après : l’acheteur) pour un prix de CHF 193 millions.

c. Par courrier du 6 décembre 2019, les précités ont demandé à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) de leur confirmer que les prestations qu’ils avaient perçues et celles qu’ils allaient percevoir de la part d’F______ constituaient des donations non imposables au titre de revenu et non soumises aux droits d’enregistrement.

Pour financer la création de E______, le contribuable avait fait appel à des investisseurs, dont F______, domicilié en Arabie Saoudite. Ce dernier était devenu l'actionnaire majoritaire de E______, tandis que les trois fondateurs n'y avaient jamais détenu d'actions. E______ avait connu un succès fulgurant lui permettant d'ouvrir des nouveaux centres d'hébergement de données informatiques en Suisse romande pour devenir le leader romand dans ce domaine.

La vente de E______ n'avait pas eu d'impact sur les fondateurs qui occupaient toujours les mêmes postes. En revanche, F______ n’avait plus d'intérêt économique dans cette société. En juillet 2019, ce dernier avait décidé, de son propre chef, d'offrir une somme de CHF 1,8 million à chacun de ses amis, B______, C______ et D______. F______ envisageait de leur donner un montant supplémentaire de l'ordre de CHF 1 million à chacun, probablement dans le courant de l'année 2020.

Tous les trois étaient liés à F______ par des relations d'amitié qui dataient de plus de 20 ans, voire près de 40 ans pour le contribuable. F______ avait pris la décision de procéder à des donations uniquement en leur faveur, à l’exclusion de tout autre employé de E______. Sa volonté d'offrir était désintéressée, n'ayant aucune obligation contractuelle ou légale à leur égard. De plus, ils avaient reçu de l’acheteur des participations dans E______ afin qu’ils soient intéressés à son avenir. Les montants des donations reçues n’étaient pas calculés en fonction de paramètres d’emploi, tels que le taux d'occupation et les années de collaboration, mais résultaient de la volonté propre d’F______. Ses donations étaient dépourvues de tout caractère rémunératoire en lien direct avec des rapports de travail.

d. Par courrier du 12 mars 2020, l'AFC-GE a rejeté cette requête, au motif que l’état de fait invoqué n’avait pas été démontré.

e. Le 15 juin 2020, le contribuable, C______ et D______ ont réitéré leur demande, précisant que, lors de la création de E______, F______, suivi par d'autres membres de sa famille, y avait initialement investi CHF 100'000.- pour la libération du capital-actions, puis quelques mois plus tard CHF 5 millions, puis encore CHF 25 millions l'année suivante. En 2010, CHF 11 millions supplémentaires étaient injectés. À terme, l'investissement d’F______ et ses proches pour le développement de E______ s'élevait à plus de CHF 41 millions. Il était ainsi justifié que l'actionnariat de E______ soit alors en mains d’F______ et sa famille.

C______ et D______ n’avaient pas d’actions dans E______, tandis que le contribuable n’en avait qu’une seule.

Grâce à la vente de E______, F______ avait réalisé une plus-value substantielle. Dans un élan de générosité propre à ses valeurs, culture et traditions, il avait décidé d'en offrir une partie à ses trois partenaires et amis, en versant à chacun la somme de CHF 2,8 millions de sa fortune personnelle. Aucun autre membre de sa famille n'avait participé à cette donation.

Étaient notamment joints les documents suivants :

- un courrier (rédigé en anglais) d’F______ au contribuable du 2 juin 2020 (dont le contenu sera repris ci-après dans la partie « en droit ») ;

- un extrait bancaire du 23 juillet 2019, indiquant un versement de CHF 5,4 millions de la part d’F______ en faveur du contribuable, sous le libellé « VENTE E______ » ;

- un extrait du compte bancaire du contribuable indiquant un débit de CHF 3,6 millions effectué le 8 aout 2019 en faveur de C______ et D______ ;

- un extrait bancaire du 9 janvier 2020, indiquant un versement de CHF 1 million de la part d’F______ en faveur du contribuable, sous le libellé « VENTE E______ » ;

- divers articles de presse en lien avec E______.

f. Dans leur déclaration fiscale pour l’année 2019, le contribuable et son épouse, A______, ont notamment indiqué avoir reçu une donation de CHF 1,8 million en date du 25 juillet 2019.

g. Par courrier du 25 février 2021, l'AFC-GE a refusé de donner une suite favorable à la demande du contribuable, de C______ et D______.

Aucune pièce probante d'une donation n’avait été fournie. Si le courrier du 2 juin 2020 d’F______ mentionnait sa longue relation d'amitié avec le contribuable, elle niait de fait une quelconque relation amicale avec C______ et D______. F______ ne citait ces derniers qu'en lien avec le groupe qu'ils composaient avec le contribuable et avec la relation qui les liait à celui-ci.

Il n'y avait aucun lien familial au sens du droit civil entre F______, le contribuable, C______ et D______. Une relation amicale n'impliquait pas que tout versement entre amis soit fait à titre gratuit.

Les articles de presse fournis mettaient en évidence l’expansion de E______ présentée par ses employés, comme le contribuable ou sa fille. Or, si les moyens financiers étaient certes nécessaires pour lancer et développer une entreprise, l'implication de ses employés, et plus particulièrement de ses cadres, était également un gage de réussite. Il paraissait insolite que de tels professionnels soumettent à des investisseurs une idée qui s'avérait être une grande réussite, sans négocier, pour le moins lors d'augmentations du capital de la société, une participation aux fonds propres de celle-ci. Ce caractère insolite semblait confirmé par la teneur du courrier du 2 juin 2020 d’F______ et par le fait que le contribuable, C______ et D______ bénéficiaient d'un plan de participations avec le nouvel actionnaire, destiné à rémunérer leurs prestations futures.

Selon les documents bancaires remis, les versements totalisant CHF 8,4 millions trouvaient leur origine exclusivement dans le prix de vente des actions de E______. S'ils devaient avoir été faits à titre gratuit, la mention aurait dû, selon l'expérience générale de la vie et le cours ordinaire des choses, être « donation ». Une donation provenant de la fortune personnelle d’F______ aurait pu être faite sans nécessiter préalablement des virements d'autres comptes bancaires liés à la vente desdites actions.

h. Conformément à la demande de renseignements de l’AFC-GE du 1er mars 2021, les contribuables lui ont remis le 17 mars 2021 une copie de la convention d’achat relative à la participation de E______ acquise durant l’année 2019.

i. Par bordereaux du 9 juin 2021, l'AFC-GE a taxé les contribuables pour l’année 2019, en rajoutant à leur revenu imposable la somme de CHF 1,8 million au titre d’autre revenu, ledit montant représentant une prestation imposable.

j. Par courrier recommandé du 6 juillet 2021, les contribuables ont élevé réclamation contre ces bordereaux. Ils contestaient la qualification du montant de CHF 1,8 million perçu en juillet 2019, en reprenant les précédents développements.

k. Par décisions du 12 juillet 2021, l’AFC-GE a rejeté ces réclamations, relevant que les arguments des contribuables ne pouvaient pas remettre en question les conclusions contenues dans son courrier du 25 février 2021.

B. a. Par acte du 12 août 2021, les contribuables ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l’encontre de ces décisions, concluant principalement à leur réformation « dans le sens des considérants » et, subsidiairement, à leur annulation.

Reprenant leur argumentation précédente, ils précisaient les liens amicaux forts existants depuis de nombreuses années avec F______ et sa famille.

Étaient notamment joints les documents suivants :

- des photographies de vacances montrant B______ et F______ et leurs familles ;

- des articles de presse concernant E______ ;

- un extrait du procès-verbal de l’assemblée extraordinaire des actionnaires du 24 juin 2019, indiquant en particulier que le capital-actions de E______ était constitué de 4'100'000.- actions à CHF 10.- l’unité, réparties entre six actionnaires dont 3'465'167 actions pour F______ et une pour B______, qui représentait alors la majorité des actionnaires ;

- les certificats de salaire de B______ pour les années 2015 à 2019 ;

- un extrait du contrat de ventre de E______ du 3 juin 2019.

b. L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Reprenant les termes de son courrier du 25 février 2021, elle a notamment souligné que le contribuable n’avait pas démontré qu’F______ entretenait des relations similaires avec C______ et D______. Si le contribuable avait réellement perçu une donation d’F______, il n'aurait pas eu besoin de s'assurer préalablement auprès de l'AFC-GE que le versement en cause allait bien être considéré comme tel, mais il lui aurait suffi de l’indiquer dans sa déclaration fiscale.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué en persistant dans leurs conclusions.

d. Le 11 mars 2022, les contribuables ont versé au dossier un nouveau courrier (rédigé en anglais) qu’F______ avait adressé à B______ le 27 février 2022, dans lequel le premier rappelait que son souhait était d’honorer leur amitié. La vie ayant été si généreuse envers lui, son présent était une façon de rendre en retour une partie de ce qu’il avait reçu. Il était étonné que sa sincère intention de donner puisse être mal interprétée par les autorités en défaveur de B______. Il se tenait à sa disposition pour comparaître en personne.

e. L'AFC-GE a relevé que le courrier d’F______ avait été établi pour les besoins de la cause et ne pouvait être retenu comme un élément pertinent afin d'évaluer le contexte dans lequel l’intéressé avait perçu les prestations en 2019 et 2020. Ce document n'était pas probant et devait être écarté.

f. Par jugement du 9 mai 2022, le TAPI a rejeté le recours et confirmé les décisions contestées et les bordereaux y relatifs.

Compte tenu des éléments objectifs figurant au dossier, il n’y avait pas lieu de donner suite à la demande d’audition d’F______. Il ressortait en effet de ceux-ci qu’il était établi que le versement de la prestation en cause était étroitement lié à l’opération de la vente de E______, plus précisément au bénéfice résultant de celle-ci. Quand bien même le courrier du 2 juin 2020 avait été rédigé dans la perspective de rendre service au contribuable à l’égard de toute autorité, celui-ci ne comportait aucunement le terme de « donation » ou d’un synonyme, mais exprimait plutôt, à tout le moins implicitement, une gratitude pour les services rendus dans le cadre du développement et de la vente de E______, ce qui était corroboré par la mention « VENTE E______ » figurant sur les avis bancaires.

En revanche, il n’en ressortait pas que la prestation en cause avait été consentie uniquement en raison de liens d’amitié, étant précisé que les dirigeants de E______ étaient subordonnés à ses actionnaires, nonobstant leurs liens d’amitié. Le versement litigieux constituait manifestement une participation au bénéfice découlant de la vente de E______, le contribuable ne niant pas avoir dirigé cette opération, en sa qualité de directeur général, ou y avoir à tout le moins participé, si bien qu’il était commun qu’il en fût gratifié. Si F______ avait l’intention de faire une donation, il l’aurait mentionné, ce qui n’avait pas été le cas.

Compte tenu de l’ensemble des circonstances, le versement effectué par F______ en faveur du contribuable et simultanément aux deux autres fondateurs de E______, l’année de la vente de celle-ci procurant un gain très important sur son investissement, ne pouvait être compris autrement que comme une forme de rémunération ou de gratification destinée à récompenser les trois personnes auxquelles le précité devait l’opportunité d’obtenir ce gain. C’était précisément parce que ce versement avait un lien avec l’activité déployée par le contribuable au sein de E______ qu’il paraissait problématique à F______ de ne marquer sa gratitude qu’à l’égard de ce dernier, ses deux associés ayant manifestement aussi une part importante au succès de la société et au gain tiré de sa vente. S’il s’était agi d’un geste tout à fait étranger à la relation d’affaires nouée autour de E______, mais exclusivement motivé par une amitié privilégiée, F______ aurait pu se sentir à l’aise en faisant un cadeau uniquement au contribuable. Les contribuables n’avaient pas allégué qu’ils auraient bénéficié antérieurement, à une ou plusieurs reprises, de versements d’argent de la part d’F______ à titre de cadeaux. Le versement litigieux avait donc été le seul d’une telle importance effectué depuis une très longue période, voire le premier du genre.

La correspondance chronologique entre ce versement et la vente de E______ apparaissait comme un élément supplémentaire et manifeste du rapport étroit entre l’un et l’autre, tant il apparaissait improbable que cette correspondance puisse résulter d’une simple coïncidence. Même s’il fallait présumer l’existence d’une donation en raison des liens d’amitié entre le contribuable et F______, cette présomption se trouvait renversée par les différents éléments versés au dossier, en particulier le contenu du 2 juin 2020. La prestation litigieuse apparaissait donc comme une gratification consentie dans le cadre de l’activité du contribuable et, en tant que telle, était imposable et devait être soumise aux cotisations sociales.

C. a. Par acte daté du 9 juin 2022, les contribuables ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant, principalement, à son annulation, à ce que le versement querellé soit qualifié de donation non soumise à l’impôt sur le revenu, et subsidiairement, au renvoi de la cause au TAPI afin que celui-ci enjoigne à l’AFC‑GE de réformer le bordereau de taxation du 9 juin 2021 dans le sens des considérants. Préalablement, ils sollicitaient l’audition d’F______.

Concernant cette dernière, le TAPI suggérait que celui-ci pourrait se rendre coupable de faux témoignage ou être capable de se convaincre inconsciemment de sa volonté libérale. Or, son intention libérale étant remise en question, son audition s’imposait et il appartenait à la chambre administrative de lui octroyer la valeur probante adéquate.

Les éléments que le TAPI considérait comme manifestes pour retenir que la gratuité de l’attribution n’était pas établie découlaient de son appréciation partiale des faits, interprétés systématiquement en leur défaveur. Il était reconnu que l’élément déclencheur de la donation était la vente de E______. Il ne pouvait être tiré aucune conséquence de l’absence du terme « donation » dans le courrier du 2 juin 2020, tandis que F______ ne disposait pas de compétences juridiques.

Si le versement avait dû intervenir en raison d’une prétendue participation à la vente de E______, F______ aurait pu l’écrire dans son courrier du 2 juin 2020. Aucun argument ne pouvait être tiré du libellé des ordres bancaires produits. Si F______ n’avait pas procédé à d’autres versements, le TAPI n’avait pas envisagé que cela pouvait s’expliquer par le fait qu’il n’avait pas disposé d’une telle occasion auparavant. Le TAPI ne détaillait aucunement quelles auraient été les activités pour lesquelles lui-même aurait été rémunéré.

Compte tenu de son salaire avantageux et confortable, il fallait se demander pourquoi F______ aurait choisi de lui verser une somme supplémentaire. Le TAPI errait lorsqu’il indiquait que E______ appartenait entièrement à F______ et sa famille, puisque lui-même disposait d’une action. Il n’était donc pas subordonné économiquement à ce dernier. Celui-ci n’était pas actionnaire unique de E______ et les versements avaient été faits uniquement en sa faveur et celle de D______ et C______, trois personnes avec lesquelles il entretenait des relations amicales. Le TAPI ayant admis la réalité des liens d’amitié entre F______ et lui-même, l’animus donandi du premier devait être présumé. Si les versements litigieux devaient être considérés comme une rémunération pour le travail effectué ou les service rendus, l’on ne voyait pas pourquoi F______ aurait pu décider seul du montant de cette rémunération, faute d’être l’actionnaire unique de E______. F______ entretenait également des liens d’amitié avec D______ et C______. Il ne leur devait rien, mais devait, au contraire, être remercié par ses trois amis pour avoir accepté d’investir d’importants montants dans E______ et d’inciter des proches à le suivre, alors que l’entreprise présentait d’importants risques.

b. L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

L’argumentation nouvellement développée par les recourants concernant la détention d’une participation dans E______ par le contribuable ne changeait en rien la qualification du versement effectué par F______ en sa faveur. Même si le recourant avait acquis une ou plusieurs actions de E______, cela ne modifiait pas le raisonnement à tenir sur le contexte et les circonstances du versement effectué par F______ en sa faveur, dès lors que l’intégralité des actions de E______ avait été vendue le 3 juin 2019.

c. Le 15 février 2023 a eu lieu une audience.

c.a. F______, entendu à titre de témoin, a alors déclaré avoir fait la connaissance de B______ 46 ans auparavant. Il avait proposé la création de E______, laquelle était « sa » société. Il avait fait venir B______ « de force » dans celle-ci en raison de leur amitié. Tous deux l’avaient développée, tandis que C______ et D______ exécutaient les ordres de B______. Il confirmait avoir investi avec ses proches environ CHF 40 millions, car il faisait confiance à B______. Ce dernier lui avait proposé l’acheteur de E______. Il ne l’avait pas rémunéré pour son travail lors de cette vente. Il n’avait pas une relation aussi proche avec C______ et D______ qu’avec B______, même s’il les « aimait » également. Il avait versé le montant de CHF 5,4 millions à B______, en tant que directeur de E______, en lui demandant de verser CHF 1,8 million à C______ et à D______. Il avait bien voulu faire une donation en leur faveur et n’hésiterait pas à remettre de l’argent à B______ s’il en avait besoin. Il était dans sa nature d’être généreux et de faire des donations. Il en avait déjà fait par le passé en faveur de B______, moins importantes toutefois. Il en avait également fait à d’autres personnes, telle que CHF 50 millions à son beau-père et d’autres membres de sa famille. Il était possible que la personne ayant indiqué « VENTE E______ » sur le virement bancaire relatif aux CHF 5,4 millions en faveur de B______ se fût trompée.

c.b. Pour sa part, B______ a précisé qu’il avait rencontré l’acheteur de E______ et préparé l’acte de vente qu’il avait signé au nom de F______ et des autres actionnaires. L’indication « VENTE E______ » sur le virement de CHF 5,4 millions avait été posée par la banque sur sa proposition. S’il avait été mentionné « donation », la banque aurait posé des questions au sujet de la provenance des fonds. F______ l’avait approché pour créer E______. Les investissements effectués par celui-ci s’étaient inscrits dans la progression constante du chiffre d’affaires de E______, lequel était passé de CHF 500'000.- en 2005 à CHF 24 millions en 2015. En 2015, il avait souhaité soit impliquer d’autres investisseurs, soit vendre la société. La Royal Bank of Canada l’avait mis en rapport avec l’acheteur. Il n’avait pas d’actions dans E______ mais avait perçu un salaire de près de CHF 1'000'000.-, sans recevoir de bonus additionnel pour la vente de E______. Trois ans plus tard, l’acheteur l’avait revendue pour le double du prix.

Il était resté employé de l’acheteur jusqu’à sa retraite trois ans plus tard. Initialement, F______ voulait lui donner CHF 9 millions, ce qu’il avait refusé car il estimait que D______ et C______ devaient également recevoir une somme dès lors qu’ils avaient été à ses côtés pendant 20 ans et étaient également des amis. F______ lui avait alors répondu que le montant était divisible par trois, de sorte que chacun d’entre eux recevrait CHF 3 millions. Toutefois, C______, D______ et lui-même avaient décidé de « rémunérer » le directeur financier qui avait énormément travaillé pour la réalisation de la vente. Ils estimaient que s’ils avaient reçu une donation pour celle-ci, le directeur financier la méritait également. Il continuait d’avoir des relations d’affaires avec F______, lequel pourrait à nouveau être amené à lui faire des donations.

d. Dans leurs observations subséquentes, les parties ont maintenu leurs positions respectives en persistant dans leurs conclusions.

d.a. L’AFC-GE a relevé que l’audience précitée avait mis en lumière de nombreuses divergences entre les différentes versions des faits, soit celle du contribuable depuis le début de la procédure dans ses écritures et durant l’audience, entre celles du contribuable et d’F______ et entre les déclarations écrites de ce dernier et sa version des faits à l’audience.

d.b. Les recourants ont souligné la personnalité généreuse de leur ami, qui avait confirmé leurs profonds liens d’amitié et sa volonté d’effectuer une donation. La donation effectuée en faveur du contribuable n’était pas un cas singulier. Dans le cadre de l’appréciation de l’animus donandi, il fallait prendre en considération la dimension socio-culturelle et la personnalité du donateur. La finalisation de la vente d’une société faisait partie du cahier des charges ordinaires de tout dirigeant d’entreprise et ne nécessitait pas de rémunération spécifique, ce d’autant moins que la sienne était déjà très élevée. Il était exorbitant de considérer qu’il aurait dû être rémunéré CHF 5,4 millions pour l’activité déployée en vue de la vente de E______. Si le versement devait le rémunérer pour ses efforts dans la vente de E______, il était incompréhensible qu’il ait voulu le diviser en parts égales.

e. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2) À titre préalable, les recourants invoquent une violation de leur droit être entendu, dans la mesure où le TAPI n’a pas donné suite à leur demande d’audition des parties et d’F______. Ils réitèrent cette requête par-devant la chambre de céans.

2.1. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2 ; 140 I 68 consid. 9.3 ; 135 I 279 consid. 2.6.1). Une réparation devant l'instance de recours est possible si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_302/2018 du 14 mars 2019 consid. 2.1). La réparation dépend cependant de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2). Elle peut se justifier en présence d'un vice grave notamment lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2). Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/1021/2020 du 13 octobre 2020 consid. 4a ; ATA/1152/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2c et les arrêts cités).

2.2. In casu, dès lors que lors de l’audience du 15 février 2023, tant les parties qu’F______ ont été entendues, il a été donné suite à la conclusion préalable des recourants en ce sens.

En outre, ledit acte d’instruction est également de nature à rendre sans objet le grief de violation du droit d’être entendu des recourants envers le TAPI pour le même motif. Si une telle hypothèse devait être considérée comme avérée, il y aurait lieu de constater qu’elle aurait été réparée par-devant la chambre de céans.

Au vu de ce qui précède, ce grief sera écarté.

3) Le litige porte sur la question de savoir si les décisions de l’intimée du 12 août 2021 retenant que le versement effectué par F______ de CHF 1,8 million en faveur du contribuable constitue une prestation imposable au titre de gratification sont fondées, ou si celui-ci doit être considéré comme une donation, exempte d’impôts.

3.1. Selon l'art. 16 al. 1 LIFD, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Cette disposition exprime la théorie de l'accroissement du patrimoine, respectivement du principe de l'imposition du revenu global net, selon lesquels tous les montants qui accroissent le patrimoine d'une personne sont inclus dans son revenu imposable, à moins d'être expressément exonérés (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.1). Dans la LIFD, les revenus exonérés sont les gains en capitaux privés (art. 16 al. 3 LIFD) et les revenus énumérés dans la liste exhaustive figurant à l'art. 24 LIFD (ATF 143 II 402 consid. 5.1). Dans un système caractérisé par une imposition générale des revenus, ces exceptions à l'imposition doivent être interprétées de manière restrictive (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.3).

L’art. 17 de la loi genevoise sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) a un contenu similaire à l'art. 16 LIFD et conforme à l'art. 7 al. 1 de la loi du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation fiscale des impôts directs des cantons et des communes (LHID - RS 642.14).

Sont imposables tous les revenus provenant d’une activité exercée dans le cadre de rapports de travail, qu’elle soit régie par le droit privé ou par le droit public, y compris les revenus accessoires, tels que les indemnités pour prestations spéciales, les commissions, les allocations, les primes pour ancienneté de service, les gratifications, les pourboires, les tantièmes, les avantages appréciables en argent dérivant de participations de collaborateur et les autres avantages appréciables en argent (art. 17 al. LIFD et 18 al. 1 LIPP).

La nature de l'activité et l'organisation des rapports de travail ne sont pas déterminantes. En particulier, le fait que la rémunération soit versée pour l'activité principale ou une activité accessoire du contribuable, la manière dont elle est nommée, la forme (argent ou prestations appréciables en argent) sous laquelle la rémunération est versée pour la prestation fournie et le fait que le montant de la rémunération soit fixe ou variable ne jouent aucun rôle. Les prestations de tiers doivent être ajoutées au revenu du travail si elles ont un lien économique avec le rapport de travail et si le contribuable les reçoit en vue de son activité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_379/2020 du 7 juillet 2020 consid. 3.1).

3.2. En vertu des art. 24 let. a LIFD et 27 let. d LIPP, les dévolutions de fortune ensuite d'une donation sont exonérées de l'impôt sur le revenu. L'impôt sur les donations et l'impôt sur le revenu sont donc exclusifs l'un de l'autre (arrêt du Tribunal fédéral 2C_148/2020 du 19 janvier 2021 consid. 7). Les donations sont exonérées de l'impôt direct sur le revenu, afin d'éviter une double imposition avec l'impôt sur les donations, que pratiquement tous les cantons prélèvent et qui est de leur compétence exclusive (ATF 146 II 6 consid. 6.1).

3.3. En principe, la loi fiscale lie l'imposition des successions et donations aux transferts et institutions du droit civil ; elle peut s'écarter du droit civil pour donner une définition propre des cas d'imposition mais, en vertu du principe de la légalité de l'impôt, elle doit le dire expressément (Jean-Marc RIVIER, Droit fiscal suisse, Neuchâtel 1998, p. 522). Lorsque la norme opère clairement son rattachement au droit civil, elle doit être appréciée dans le contexte du droit civil et les concepts du droit civil être pris dans leur acception civile (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 3e éd., Bâle 2007, p. 52 ; Walter RYSER/Bernhard ROLLI, Précis de droit fiscal suisse, 4e éd., Berne 2002, p. 78).

3.4. En droit civil, la donation est la disposition entre vifs par laquelle une personne cède tout ou partie de ses biens à une autre sans contre-prestation correspondante (art. 239 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations - RS 220). La donation est un contrat unilatéral – car une seule des parties s’oblige – et un acte bilatéral, car la concordance des volontés est exigée (art. 1 et 239 CO). La concordance des volontés des parties s’exprime par la volonté des parties – du donateur et du donataire – de conclure un contrat selon lequel le donateur consent à faire une attribution à titre gratuit que le donataire est prêt à accepter. Le donateur et le donataire doivent être conscients des éléments du contrat, qui sont objectivement et subjectivement essentiels pour l’un d’eux ou pour les deux. Sans cette concordance des volontés, la donation n’est pas valable (Margareta BADDELEY in Luc THÉVENOZ/Franz WERRO, Code des obligations I, Commentaire romand, 2012, p. 1605 n. 5 à 7 ad art. 239 CO). Le contrat de donation, acte générateur d'obligation, a pour effet de créer un rapport d'obligation et de faire naître une créance (Margareta BADDELEY, op. cit., p. 1616 n. 56 ad art. 239).

La donation se caractérise par un élément subjectif, « la volonté du donateur de donner sans contre-prestation correspondante, et par deux critères objectifs, la diminution du patrimoine du donateur et l'enrichissement du donataire » (Margareta BADDELEY, op. cit., p. 1609 n. 26 ad art. 239).

La volonté de donner doit se manifester par l’appauvrissement du donateur lequel est la contrepartie de l’enrichissement du donataire (arrêts du Tribunal fédéral 2C_961/2010 du 30 janvier 2012, consid. 5.2 ; 4A_201/2009 du 24 juin 2009 ; Margareta BADDELEY, op. cit., n. 37 ad art. 239).

Ce contrat peut revêtir deux formes : la donation manuelle (art. 242 CO) où la naissance de l'obligation de donner et son exécution ont lieu au même moment et la promesse de donner (art. 243 CO) où la conclusion du contrat et son exécution ne sont pas simultanées et qui n'est valable que si elle est faite par écrit.

3.5. La notion fiscale de donation ne se recoupe pas forcément entièrement avec celle du droit civil ; elle peut en effet comporter des particularités en raison du but de la loi ou pour des motifs pratiques. Les critères de l'acte d'attribution entre vifs, de la gratuité et de l'animus donandi sont toutefois communs. L'acte d'attribution ne consiste pas nécessairement en une prestation unique; certaines prestations périodiques peuvent être des donations. Le critère, objectif, de la gratuité de l'attribution est réalisé lorsque le donataire ne fournit pas pour le don de contre-prestation en faveur du donateur. Le critère, subjectif, de l'animus donandi signifie que le donateur doit avoir la conscience et la volonté d'effectuer une attribution à titre gratuit en faveur du donataire. Il n'y a notamment pas de volonté de donner lorsqu'est attendue une contre-prestation ou lorsque la prestation n'est pas effectuée librement, mais en vertu d'une obligation juridique. Ainsi, la jurisprudence retient que les fondations n'effectuent en principe pas de donation, dans la mesure où elles ne font qu'agir en exécution d'une obligation juridique qui leur incombe. Il est aussi admis que les sociétés de capitaux ne font en principe pas de donation, car elles allouent des montants pour des motifs économiques (arrêt du Tribunal fédéral 2C_44/2018 du 31 janvier 2020 consid. 7.1 et les références). Pour distinguer les prestations de l'employeur ou d'un tiers imposables selon l'art. 17, al. 1 LIFD des donations exonérées de l'impôt sur le revenu selon l'art. 24, let. a LIFD, il faut se demander lequel des motifs est prépondérant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_379/2020 du 7 juillet 2020 consid. 3.1).

Par ailleurs, dans sa jurisprudence récente, le Tribunal fédéral a examiné la question de savoir si le fait qu’une attribution ait été effectuée en exécution d’un devoir moral exclu ou non l’existence d’une donation au sens de l’art. 24 let. a LIFD. In casu, savoir si à titre exceptionnel un animus donandi pouvait être admis de la part de la société commerciale ayant versé les sommes en question n’avait pas à être examiné plus avant. Dès lors que lesdits versements avaient été effectués en exécution d’une obligation coutumière ou naturelle, un devoir moral de respecter le droit coutumier – et non pas d’un choix libre et discrétionnaire de leurs auteurs –, tendant à compenser la perte de son défunt époux pour la recourante, ceux-ci reposaient sur une obligation juridique et la réalisation de l’animus donandi pouvait être niée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_148/2020 du 19 janvier 2021 consid. 7.4 et 8.3).

3.6. En matière fiscale, les règles générales du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 CC, destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, ont pour effet que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment. Ainsi, si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération (ATF 144 II 427 consid. 8.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5 et les références).

Le Tribunal fédéral a jugé qu'il n'était pas arbitraire de présumer l'existence d'une volonté de donner (animus donandi) entre personnes proches, lorsque les autres conditions d'une donation sont réalisées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_137/2022 du 4 novembre 2022 consid. 9.2.2). Lorsque les versements effectués ne proviendraient pas de proches, cette présomption ne peut être retenue. Il appartient au contribuable de prouver les faits propres à démontrer la réalisation des conditions de la donation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_44/2018 précité consid. 8.5.1).

3.7. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/880/2021 du 31 août 2021 consid. 3a).

En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2e phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/919/2022 du 13 septembre 2022 consid. 9b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/880/2021 précité consid. 3b).

3.8. En l’espèce, les parties s’accordent sur la fait que la vente de E______ a eu lieu antérieurement au versement par F______ au contribuable de la somme de CHF 1,8 million.

Il est ainsi admis que les éléments objectifs de la donation sont réalisés, de sorte que seule demeure litigieuse la question de savoir si l’élément subjectif de celle-ci, soit l’animus donandi d’F______, est remplie.

Contrairement aux allégations des recourants et au vu de la jurisprudence susrappelée, deux motivations différentes permettent de retenir que la prestation litigieuse ne saurait être qualifiée de donation.

D’une part, le lien entre la vente de E______ et le versement de la somme de CHF 1,8 million démontre une motivation économique justifiant ce versement. Bien que les recourants s’évertuent à soutenir le contraire, les divers éléments versés au dossier, en particulier le motif du virement bancaire (« VENTE E______ ») et les déclarations d’F______ et du contribuable, indiquent qu’il s’agissait de remercier le second pour l’investissement fulgurant qu’avait représenté E______ pour le premier. Cette approche est confirmée, en plus du contenu des courriers d’F______des 2 juin 2020 et 27 février 2022, par les déclarations de celui-ci et celles du contribuable lors de leur audition le 15 février 2023. En effet, F______ a expressément indiqué avoir versé le montant de CHF 5,4 millions au contribuable « en tant que directeur de E______ », ce qui corrobore manifestement le fait qu’il entendait par là le remercier pour l’exercice de ses fonctions au sein de E______ ayant permis d’aboutir au succès de la vente de celle-ci.

Pour sa part, le contribuable a expliqué qu’il avait lui-même souhaité partager cette somme avec ses deux directeurs, D______ et C______, car ils avaient été à ses côtés pendant 20 ans et étaient également des amis. Le contribuable considérait donc devoir partager la somme de CHF 5,4 millions avec ceux-ci en raison de leur rôle dans l’évolution de E______. De même, il a relevé qu’ils avaient tous trois décider de « rémunérer » le directeur financier, qui avait énormément travaillé pour la réalisation de la vente.

Par conséquent, il ressort des déclarations mêmes des concernés que la somme reçue de la part d’F______ par le contribuable visait à le remercier pour son implication dans le cadre de E______, laquelle résultait de leur amitié. Le fait que le recourant percevait un salaire particulièrement avantageux pour la fonction occupée n’a pas empêché F______ de lui manifester sa gratitude pour le travail accompli ayant abouti à la vente bénéfique de E______.

Ces propos confirment les éléments retenus par le TAPI, qui, au contraire des griefs formulés par les recourants, a analysé précisément chacun d’eux, à savoir la chronologie avec la vente de E______, l’absence de terme « donation » dans ceux employés par F______, évoquant davantage une gratitude pour les services rendus dans le cadre du développement et de la vente de E______, confirmée par la mention « VENTE E______ », l’association de leur lien amical et dans les affaires, ainsi que le partage de la somme de CHF 5,4 millions avec les deux autres fondateurs.

À cet égard, dans le cadre de la présente procédure de recours, les recourants, soutenus par F______, invoquent désormais que ce ne serait pas la première donation du précité en faveur du contribuable. Cependant, ils se contentent par-là de contester la motivation du TAPI, sans toutefois apporter la preuve d’éventuels précédents versements effectués par F______ en faveur du contribuable.

D’autre part, de même que précédemment, tant dans ses courriers des 2 juin 2020 et 27 février 2022 que lors de son audition du 15 février 2023 par-devant la chambre de céans, F______ a confirmé avoir versé la somme litigieuse au recourant en raison de leur lien d’amitié et d’une volonté de partager avec lui le bénéfice substantiel retiré lors de la vente de E______, grâce à son investissement en tant que directeur de celle-ci. Ainsi, y compris sous cet angle, il ne saurait être considéré qu’F______ agissait dans un but purement désintéressé, puisque son intention était de remercier son ami de longue date en lui versant une part du bénéfice résultant de la vente de E______. Par conséquent, son action était motivée par un devoir moral visant à honorer leur amitié au travers de l’investissement du recourant dans la création et le développement de E______, ayant permis d’aboutir à son succès et à la forte plus-value réalisée lors de la vente de celle-ci. Il y avait donc bien un motif, une contre-prestation au versement de CHF 1,8 million effectué en faveur du contribuable.

Au vu de ce qui précède, le lien de longue amitié existant entre F______ et le contribuable ne permet pas de présumer que le versement de CHF 1,8 million a constitué une donation. Si ce lien a certainement constitué le fondement de leur relation d’affaires, il n’en demeure pas moins que la prestation litigieuse est la conséquence de la vente fructueuse de E______, pour laquelle le contribuable a grandement œuvré. Ledit montant ne saurait dès lors être considéré comme une donation.

Partant, le jugement du TAPI qui retient que la somme de CHF 1,8 million doit être appréhendée comme gratification consentie dans le cadre de l’activité du recourant et est, en tant que telle, imposable en vertu des art. 17 al. 1 LIFD et 18 al. 1 LIPP, est conforme au droit.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

4) Vu de l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 juin 2022 par A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 mai 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de A______ et B______ pris solidairement ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Fouad SAYEGH, avocat des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :