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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/708/2022

ATA/527/2023 du 23.05.2023 sur JTAPI/994/2022 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/708/2022-PE ATA/527/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 mai 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Gazmend ELMAZI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 septembre 2022 (JTAPI/994/2022)


EN FAIT

A. a. A______ (ci-après aussi : le requérant), né le ______ 1967, est ressortissant du Kosovo.

b. Selon les déclarations de l’intéressé devant la police, son épouse et ses deux fils, nés en 2001 et 2002, résident au Kosovo (cf. procès-verbal d’audition du 28 avril 2022).

c. Le 24 avril 1997, A______ a déposé une demande d’asile.

Par décision du 9 avril 2003, l’office fédéral des migrations (actuellement : le secrétariat d’État aux migrations, ci-après : SEM) a rejeté sa demande et prononcé son renvoi, exécuté le même jour. Une interdiction d’entrée en Suisse
(ci-après : IES) était par ailleurs prononcée à son encontre, valable jusqu’au 9 avril 2006.

d. Il a formé une demande de visa pour le Kosovo en juillet 2021.

e. a. Par ordonnance pénale du 28 avril 2022, le Ministère public (ci-après : MP) l’a déclaré coupable de faux dans les certificats (art. 252 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0), d’infraction à l’art. 115 al. 1 let. b et c de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI. Il a été condamné à 180 jours-amende et mis au bénéfice du sursis. La condamnation a fait suite à une dénonciation de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

À teneur de cette ordonnance, il lui était notamment reproché d’avoir produit à l’appui de sa demande d’autorisation de séjour différents documents falsifiés ou contrefaits et indiqué faussement, pièces à l’appui, qu’il avait séjourné et travaillé durant dix ans de manière ininterrompue à Genève entre 2009 et 2019, tentant d’induire en erreur l’OCPM dans le but d’obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Lors de son audition par la police le 28 avril 2022, il avait notamment déclaré qu’il était revenu en Suisse sans visa à cause des conditions de vie au Kosovo. Il avait travaillé à divers endroits depuis 2007 et jusqu’en 2018, sans être déclaré. Il ne se souvenait pas des noms des entreprises pour lesquelles il avait travaillé. Il avait préparé le dossier lui-même et un dénommé « F______ » avait écrit une attestation ainsi qu’un courrier pour l’OCPM. Il avait payé CHF 200.- pour cela. S’agissant des lettres de recommandation ou de restaurants incriminées, il était présent lorsque leurs auteurs les avaient signées.

L’intéressé a formé opposition à cette ordonnance. Une procédure est actuellement pendante devant le Tribunal de police.

e.b. Par ordonnance de classement partiel du 23 novembre 2022, le MP a ordonné le classement de la procédure à l’égard de l’intéressé s’agissant du séjour illégal et de l’exercice d’une activité lucrative sans autorisation pour la période du 29 avril 2015 au 22 novembre 2015 ainsi que pour trois documents produits à l’appui de sa demande d’autorisation de séjour.

f. Selon l’extrait de son compte individuel AVS du 15 décembre 2020, il a perçu des revenus en 1989, de 1991 à 2003, en 2006, et de 2018 à 2019.

B. a. Le 12 août 2019, A______ a déposé une demande de régularisation de ses conditions de séjour auprès de l’OCPM, mentionnant résider sur le territoire suisse depuis plusieurs années.

À l’appui de sa demande il a notamment joint : un formulaire M indiquant une date d’arrivée à Genève en 2006, une attestation de l’Hospice général du 20 mars 2019, des extraits du registre des poursuites du 12 juillet 2019 et de son casier judiciaire du 22 mars 2019, des attestations d’achats mensuels d’abonnements des transports publics genevois (ci-après : TPG) pour les années 2013 à 2018, un contrat de travail du 2 août 2018 chez B______ SA, en qualité de manœuvre classe C et des fiches de salaire, deux extraits de la caisse cantonale genevoise de compensation des 1er février 2017 et 1er avril 2019, mentionnant des cotisations de 1989 à 2003, puis en 2006 (trois mois), des attestations et recommandations de proches, connaissances et anciens employeurs.

b. Par courriers des 7 mai et 20 novembre 2020, l’OCPM a invité A______ à lui faire parvenir des justificatifs de séjour en Suisse pour les années 2010 à 2013, lui précisant que les témoignages n’étaient pas considérés comme probants, et à lui indiquer s’il avait déposé une demande d'asile en Suisse ainsi que les dates de ses différents voyages dans son pays d’origine.

c. Par courrier du 29 octobre 2020, l’OCPM a informé A______ de son intention de refuser de faire droit à sa demande d’autorisation de séjour et l’a invité à formuler ses observations et objections éventuelles par écrit dans un délai de 30 jours.

À teneur des pièces produites, il ne pouvait justifier d’un séjour continu de dix ans à Genève, n’ayant, en particulier, pas fourni de preuves de séjour pour les années 2011 à 2012. Après être reparti au Kosovo à une date inconnue, afin de refaire son passeport le 23 janvier 2012, il était revenu en Suisse, au plus tôt le 9 décembre 2013, ne comptabilisant ainsi que huit années de séjour.

Par ailleurs, il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité au sens des art. 30 al. l let. b LEI et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007
(OASA - RS 142.201). Il n’avait démontré ni une intégration socioculturelle particulièrement remarquable, ni une très longue durée de séjour en Suisse, ni qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l'ensemble de la population restée sur place.

d. Par courrier du 19 décembre 2020, faisant usage de son droit d’être entendu, le requérant a expliqué être arrivé en Suisse en 1989 et avoir cotisé jusqu’en 2006. Le 23 janvier 2012, il avait fait établir un nouveau passeport, de sorte qu’il ne disposait plus de l’ancien sur lequel figuraient les justificatifs d’entrée en Suisse entre 2006 et 2012. Entre 2006 et 2017, il avait travaillé pour diverses exploitations qui ne l’avaient pas déclaré. Aujourd’hui, il lui était impossible de justifier sa présence en Suisse, durant cette période, autrement que par des attestations personnelles, qu’il joignait à son courrier. Il était retourné deux fois au Kosovo : en 2012 et en 2013. Depuis janvier 2018, il travaillait pour B______ SA puis C______ Sàrl. Il certifiait sur l’honneur avoir été en Suisse entre 2006 et 2010.

e. Il joignait diverses pièces, dont une attestation de D______ SA signée par E______, lequel indiquait que le requérant avait régulièrement travaillé de 2010 à 2013 pour divers employeurs dont il assurait la gestion administrative, fiscale et comptable.

f. Par courriel du 26 novembre 2021, le requérant a expliqué qu’il s’était rendu au Kosovo en janvier 2012 environ trois semaines. Il était ensuite revenu en Suisse pour repartir au Kosovo en février 2013, y restant trois semaines. Il s’y était enfin rendu une semaine, en septembre 2013.

g. Par courriel du 6 janvier 2022, le requérant a informé l’OCPM n’avoir pas trouvé de preuves supplémentaires afin d’attester de sa présence à Genève.

h. Par décision du 26 janvier 2022, l’OCPM a refusé d'accéder à la requête du 12 août 2019 du requérant et, par conséquent, de soumettre son dossier avec un préavis positif au SEM, et prononcé son renvoi, pour les motifs invoqués dans sa décision d’intention du 29 octobre 2020.

i. Un délai au 26 mars 2022 lui était imparti pour quitter la Suisse.

C. a. Par acte du 28 février 2022, le requérant a formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision.

Agé de 54 ans, il avait démontré avoir séjourné en Suisse durant plus de 30 ans, soit plus de la moitié de son existence. La décision de l'OCPM violait le principe de proportionnalité et l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Employé au sein de la société C______ Sàrl, son travail lui permettait d’être indépendant financièrement. Il n’avait jamais fait l'objet de poursuites ni bénéficié de l'aide sociale et son comportement avait toujours été exemplaire. Il était parfaitement intégré en Suisse où il avait noué de solides liens d’amitié et professionnels, comme le démontraient les nombreux témoignages produits.

Ayant quitté son pays d’origine depuis 33 ans, il n’y avait pratiquement plus aucun lien et sa réintégration y serait tout simplement impossible. En cas de renvoi, il se retrouverait dans une situation précaire et sans emploi.

b. Le 5 septembre 2022, faisant suite à la requête du TAPI, le requérant a versé à la procédure l’ordonnance pénale du 28 avril 2022.

S’étant opposé à ladite ordonnance, il sollicitait la suspension de la présente procédure jusqu’à droit jugé au pénal.

c. Par jugement du 26 septembre 2022, le TAPI a rejeté le recours.

L’issue de la procédure pénale était sans incidence sur la cause, le requérant n’ayant pas nié les faits qui lui étaient reprochés sur le plan pénal, de sorte qu’il ne se justifiait pas de suspendre la procédure.

Dans la mesure où l’« opération Papyrus » avait pris fin le 31 décembre 2018, soit avant que le requérant n’ait déposé sa demande d’autorisation de séjour auprès de l’OCPM, il ne pouvait en bénéficier.

Sous l'angle du cas de rigueur, la durée de son séjour en Suisse devait être fortement relativisée dès lors qu'il n’y avait jamais bénéficié d'un quelconque titre de séjour et que depuis le dépôt de sa demande de régularisation, le 12 août 2019, son séjour se poursuivait au bénéfice d'une simple tolérance. En outre, s’il indiquait être revenu en Suisse en 2006, la continuité de son séjour depuis lors n’avait pas été valablement démontrée. Le MP avait d’ailleurs retenu que plusieurs des documents produits étaient des faux, ce qu’il n’avait pas nié.

La notion d'intégration rattachée à la durée du séjour impliquait, au demeurant, que la personne concernée implante véritablement son centre de vie en Suisse et qu'elle ne quitte plus ce pays, hormis pour de courts voyages à l'extérieur, ce qui n’avait manifestement pas été le cas du recourant. Il devait en outre être relevé qu’il était arrivé pour la première fois en Suisse à l’âge de 22 ans et qu’il avait ainsi vécu dans son pays d'origine son enfance et son adolescence, périodes cruciales pour la formation de la personnalité.

D. a. Par acte du 26 octobre 2022, le requérant a formé recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à l’octroi d’un permis de séjour en sa faveur.

Âgé de 54 ans, il avait démontré avoir séjourné en Suisse durant plus de 30 ans, soit la moitié de son existence. Il avait toujours été indépendant financièrement, n’avait aucune dette et n’avait jamais fait appel à l’aide sociale. Il avait réussi à nouer de solides liens d’amitié et relations de travail. Retenir sa condamnation pénale, qui n’était pas définitive, était contraire au droit. L’enquête démontrerait qu’il n’avait pas adopté de comportement frauduleux et n’avait pas fourni de faux documents. Il n’avait plus aucune attache au Kosovo.

b. Par réponse du 25 novembre 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Les années passées en Suisse entre avril 1997 et avril 2003 l’avaient été dans le cadre de la procédure d’asile. Elles ne pouvaient dès lors être retenues dans la comptabilisation des années nécessaires pour la reconnaissance d’un cas de rigueur. Il n’avait pas été en mesure d’apporter des justificatifs ayant force probante pour les années 2010 à 2013.

c. Le 20 janvier 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a produit l’ordonnance de classement du 23 novembre 2022 constatant que trois des documents, dont une attestation de travail datée du 15 juin 2020 indiquant qu’il avait travaillé pour divers employeurs de 2010 à 2013, qu’il avait produits à l’appui de sa demande de régularisation n’étaient pas des faux.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

e. Le 26 janvier 2023, le conseil du recourant a informé la chambre de céans qu’il avait cessé d’occuper.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur le refus de l’OCPM de préaviser favorablement auprès du SEM l’autorisation de séjour du recourant.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

2.2 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral
[ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.3 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes de l’UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.

2.4 Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

2.5 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

2.6 En l’occurrence, l’« opération Papyrus » s’est achevée plus de huit mois avant le dépôt, le 12 août 2019, de sa demande de régularisation, de sorte que le recourant ne saurait en bénéficier.

Il convient donc d’examiner sa situation sous l’angle du cas de rigueur. Devant la chambre de céans, l’intéressé se prévaut principalement de sa longue durée de séjour en Suisse, qui, selon ses dires, remonterait à près de 30 ans. Il ressort certes de l’extrait de son compte individuel que le recourant a exercé une première activité lucrative en Suisse en 1989. Il y a travaillé, selon ses dires, dans le canton de Bâle avant de déposer une demande d’asile dans le canton de Fribourg en avril 1997. Par décision du 9 avril 2003, celle-ci a été refusée et son renvoi a été prononcé et exécuté le même jour. Il est revenu en Suisse, selon ses dires, en 2006, s’installant à Genève, canton dans lequel il a formé une demande de régularisation de ses conditions de séjour en août 2019. Le recourant ne peut donc se prévaloir que d’un séjour légal en Suisse légal d’une durée de six ans (dans le cadre de la procédure d’asile). L’importance de ces années (soit 1997 à 2003) doit néanmoins être relativisée, le recourant ayant séjourné dans un autre canton et étant entre-temps retourné dans sa patrie, où il a vécu de 2003 à 2006, années durant lesquelles ses liens avec la Suisse se sont nécessairement distendus. L’examen du dossier révèle d’ailleurs que le recourant y avait sa famille, dont deux jeunes enfants (nés en 2001 et 2002).

Certes, dans l’appréciation globale du cas d’espèce, on ne saurait faire totale abstraction des années passées dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance. Force est toutefois de relever que les pièces produites par le recourant ne permettent pas d’attester d’un séjour continu depuis son retour en Suisse en 2006. Selon l’extrait de son compte individuel, l’intéressé n’a travaillé que trois mois en 2006 et n’a plus exercé d’activité lucrative déclarée jusqu’en 2018. Le recourant se prévaut d’attestations d’employeurs et de lettres de soutien de personnes proches. Or, ainsi que l’a justement retenu le TAPI, la valeur probante de ces témoignages est toute relative. On ne trouve du reste aucun document attestant d’une activité exercée durant la période comprise entre 2006 et 2010. S’agissant des années 2010 à 2013, il ressort de l’attestation de E______, dont le caractère authentique a été récemment confirmé par le MP, que le recourant a travaillé pour divers employeurs durant cette période. On ignore toutefois à quel taux le recourant aurait exercé ces activités et s’il s’agissait d’emplois fixes ou de courte durée. Il ressort par ailleurs du courrier de l’OCPM du 29 octobre 2020 que l’intéressé serait reparti au Kosovo pour refaire son passeport le 23 janvier 2012 et ne serait revenu en Suisse que le 9 décembre 2013, au plus tôt. Le recourant a remis en cause la durée de cette absence, mais a admis qu’il était retourné au Kosovo en 2012 et 2013. Il n’est ainsi pas exclu que, durant cette période, il ait séjourné en partie en Suisse et en partie au Kosovo, étant pour le surplus rappelé qu’il avait, au Kosovo, une femme et deux enfants.

Quant aux abonnements mensuels TPG versés au dossier, ils n’attestent que d’une présence à Genève depuis décembre 2013. Par ailleurs, hormis l’année 2016 (voire 2015), les abonnements ne sauraient attester d’une présence continue puisqu’ils ne couvrent que quelques mois durant l’année.

Au vu des éléments qui précèdent, le recourant ne saurait tirer parti de la seule durée de son séjour en Suisse pour bénéficier d'une dérogation aux conditions d'admission. Il se trouve en effet dans une situation comparable à celle de nombreux étrangers qui sont appelés à quitter la Suisse au terme d'un séjour autorisé ou non et qui, ne bénéficiant d'aucun traitement particulier, restent soumis aux conditions d'admission. Cela étant, il y a lieu d'examiner si des critères d'évaluation autres que la seule durée du séjour en Suisse seraient de nature à faire admettre qu'un départ de ce pays placerait l'intéressé dans une situation excessivement rigoureuse.

En l’occurrence, s’agissant de son intégration professionnelle en Suisse, elle ne saurait être qualifiée d’exceptionnelle au sens de la jurisprudence précitée. Si le recourant est indépendant financièrement, n’a pas recouru à l’aide sociale et n’a pas de dettes, de tels éléments ne suffisent pas pour retenir l’existence d’une intégration socio-professionnelle particulièrement réussie. On ne saurait en effet considérer qu’il se soit créé avec la Suisse des attaches professionnelles à ce point profondes et durables qu’il ne puisse plus raisonnablement envisager un retour dans son pays d’origine. Par ses emplois, l’intéressé, n’a en effet pas acquis de connaissances ou de qualifications spécifiques telles qu’il ne pourrait pas les mettre en pratique dans sa patrie ou qu’il faille considérer qu’il a fait preuve d’une ascension professionnelle remarquable en Suisse justifiant l’admission d’un cas de rigueur au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI. Certes, le fait que le recourant n'est pas au bénéfice d'une autorisation de séjour a rendu son intégration professionnelle en Suisse plus difficile. La situation de l'intéressé ne se distingue cependant pas de celle de nombreux étrangers qui sont confrontés à des difficultés accrues sur le marché du travail helvétique en raison de leur statut précaire.

Quant à son intégration sociale, elle ne saurait être qualifiée de remarquable. Les lettres de soutien versées au dossier attestent de liens sociaux établis à Genève. Or, il sied de rappeler qu'il est parfaitement normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers s'y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Le recourant ne prétend du reste pas qu'il se serait particulièrement investi dans la vie associative et culturelle de son canton ou de sa commune de résidence, en participant activement à des sociétés locales, par exemple. Il ne démontre, enfin, pas maîtriser la langue française, étant relevé que lors de son audition à la police du 28 avril 2022, il a dû être assisté d’une interprète en langue albanaise. Le recourant ne soutient pas non plus qu’il disposerait d’attaches familiales importantes en Suisse.

S’agissant des possibilités de réintégration du recourant dans son pays d’origine, il y a passé toute son enfance, son adolescence, ainsi que le début de sa vie d'adulte. La chambre de céans ne saurait admettre que ces années soient moins déterminantes pour la formation de la personnalité et, partant, pour l'intégration socioculturelle, que le séjour du recourant en Suisse (ATF 123 II 125 consid. 5b/aa et l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_196/2014 du 19 mai 2014 consid. 4.2). S’ajoute à cela que, d’après ses déclarations devant la police, sa femme et ses deux fils y résident toujours, le recourant ayant d’ailleurs formé une demande de visa en juillet 2021. Il n'est ainsi pas concevable que son pays d'origine lui soit devenu à ce point étranger qu'il ne serait plus en mesure, après une période de réadaptation, d'y retrouver ses repères. On ajoutera que les expériences professionnelles qu'il a acquises en Suisse sont susceptibles de faciliter sa réintégration au Kosovo.

Enfin, compte tenu du fait que son séjour s’est essentiellement déroulé dans l’illégalité, il ne saurait pas non plus se plaindre d’une violation de l’art. 8 CEDH, comme exposé ci-dessus (consid. 2.4). 

C’est partant à juste titre que tant l’autorité intimée, qui n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation, que le TAPI, ont retenu que les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour n’étaient pas remplies. Au vu de ce qui précède, il n’est pas nécessaire d’examiner si, compte tenu de sa condamnation pénale du 28 avril 2022, le comportement du recourant peut être considéré comme irréprochable. Il sera du reste rappelé que dite condamnation n’est pas entrée en force et que le recourant a bénéficié d’un classement partiel de la procédure par ordonnance pénale du 23 novembre 2022.

2.7 Dès lors que l’OCPM a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, il devait prononcer son renvoi. En l’espèce, aucun motif ne permet de retenir que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigée. Le recourant ne le soutient pas.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

3.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 octobre 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 26 septembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine Payot Zen-Ruffinen, présidente, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.