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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/441/2022

ATA/392/2023 du 18.04.2023 sur JTAPI/836/2022 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.05.2023, rendu le 01.06.2023, IRRECEVABLE, 2C_297/2023
En fait
En droit

Jrépublique et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/441/2022-PE ATA/392/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 avril 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Michael Anders, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 août 2022 (JTAPI/836/2022)


EN FAIT

A. a. Monsieur A______, né ______ 1982, est ressortissant du Kosovo.

b. Le ______ 2010, il s'est marié à Annemasse avec Madame B______, ressortissante française née le ______ 1971, titulaire d'une autorisation pour frontalière (livret G-CE). Selon leur certificat de mariage, ils étaient alors domiciliés au 7, rue C______ à Annemasse. L’attestation de domicile du 2 juillet 2015 délivrée par le maire d'Annemasse mentionne que M. A______ était domicilié au 7, rue C______, 74100 Annemasse depuis 2010.

c. M. A______ et son épouse se sont séparés en 2016.

d. Le ______ 2016, à Pierre-Bénite (France), Madame D______, ressortissante kosovare née le ______ 1988, a donné naissance à E______, fille de M. A______.

e. Par requête du 14 février 2019, M. A______ (domicilié au 241, rue F______ à Collonges-sous-Salève) a déposé une demande en divorce devant le juge aux affaires familiales de Thonon-les-Bains (France). Le divorce a été prononcé le 23 juillet 2020, le jugement mentionnant comme domicile l’adresse précitée.

f. Le 10 juillet 2019, M. A______ a informé l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) de sa nouvelle adresse, c/o Mme G______ (épouse de son frère) au 19, rue H______, 1202 Genève, depuis le 1er juillet 2019.

g. Selon l’acte de reconnaissance du 14 février 2020, M. A______ a déclaré reconnaitre E______ devant l'officier de l'État civil de la Mairie de Saint-Julien-en-Genevois (Haute Savoie).

h. En date du 29 septembre 2020, M. A______ et Mme D______ ont signé un contrat de bail portant sur un appartement de quatre pièces sis au 4, rue I______, 1257 la Croix-de-Rozon, à compter du 1er octobre 2020.

i. Début 2021, à une date indéterminée, Mme D______ a déposé auprès de la Ville de Lancy une demande d'ouverture de dossier de mariage avec M. A______.

j. Par courrier du 25 janvier 2021, l'officier de l'État civil de la Ville de Lancy a accusé réception de cette demande et imparti un délai pour fournir une copie d'un titre de séjour en cours de validité ou de toute autre pièce prouvant la légalité de son séjour en Suisse.

k. Le ______ 2022, est né J______ , le deuxième enfant de M. A______ et Mme D______.

l. a. Selon certificat de travail du 30 avril 2014, M. A______ a travaillé pour K______ du 1er septembre 2013 au 30 avril 2014. Ses décomptes de salaires pour cette période mentionnaient qu'il était domicilié au 7, rue C______ à Annemasse.

l.b. Le 10 juin 2014, M. A______ a signé un contrat de travail avec la société L______ à Carouge en tant que chauffeur-livreur. Selon les fiches de salaires, il a travaillé pour cette société de juin 2014 à avril 2016. Les fiches en question mentionnaient son adresse à Annemasse jusqu'en décembre 2015 et au 241, rue du F______ à Collonges-sous-Salève (France), dès le 1er janvier 2016.

l.c. Par courriel du 17 février 2019, M______ a informé l'OCPM qu'elle avait licencié M. A______. En raison d'un accident de travail survenu le jour même de l'annonce de son licenciement, l'entreprise devait cependant attendre le retour de l’employé, à une date inconnue, pour que ce licenciement déploie ses effets.

l.d. Le 8 août 2019, N______ a été inscrite au registre du commerce du canton de Genève. M. A______ en est le titulaire avec signature individuelle. La société a pour but le nettoyage, l’entretien, la fin de chantier, la fin de bail, la conciergerie d'appartements, les bureaux et locaux, le nettoyage de vitres et les encadrements.

l.e. Selon attestation du 29 juillet 2020, M. A______ a été engagé le 21 mars 2020 à plein temps par O______ au Petit-Lancy, pour une durée indéterminée.

l.f. Le 25 juillet 2022, il a pris un nouvel emploi de chauffeur chez P______ .

m. Selon l’attestation du 22 mars 2018, M. A______ est affilié au syndicat Q______ depuis le 1er avril 2016, date à laquelle il a annoncé être domicilié en France, au 241, rue du F______ , 71160 Collonges-sous-Salève.

n. Le 6 septembre 2022, il a commencé une formation en vue d’obtenir un certificat fédéral de capacité (CFC) d’agent de propreté.

B. a. Le 12 mars 2018, M. A______ a été entendu par la police en qualité de prévenu d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) pour avoir logé un compatriote faisant l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse, dans un appartement sis au 76, avenue R______ au Grand-Lancy, loué par son frère, Monsieur S______ , titulaire d'un permis B, époux de Madame G______. M. A______ a déclaré qu'il logeait chez son frère depuis environ six mois.

b. Par ordonnance pénale du 14 juin 2018, M. A______, sans domicile connu en Suisse, a été condamné à une amende de CHF 300.- ou à une peine privative de liberté de substitution de trois jours pour infraction à l'art. 116 al. 1 let. a et al. 2 LEI pour incitation à l'entrée, à la sortie et au séjour illégal.

C. a. Par décision du 7 juillet 2008, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a refusé la demande d'autorisation d'entrée en Suisse pour une durée d'un mois dans le but d'effectuer une visite familiale, déposée par M. A______ auprès de la représentation suisse à Pristina (Kosovo). Le refus est fondé sur le motif que la sortie de Suisse de l'intéressé ne paraissait pas garantie, suivant en cela le préavis défavorable de l’OCPM.

b. Le 4 octobre 2013, M. A______ a sollicité une autorisation pour frontalier, en vue de travailler comme chauffeur-livreur auprès de K______ à Vernier.

c. Par demande du 2 juillet 2015, L______ a sollicité une autorisation pour frontalier en faveur de M. A______.

d. Par décision du 29 juillet 2015, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a refusé de donner une suite favorable à cette demande, au motif notamment que l'ordre de priorité au sens de l'art. 21 LEI n'avait pas été respecté.

e. Par demande du 1er août 2017, T______ a déposé une demande d'autorisation de travail en faveur de M. A______, résidant au 76, avenue R______, 1212 Grand-Lancy, comme aide-peintre, pour vingt et une heures de travail hebdomadaire.

f. Le 15 août 2017, M. A______ a déposé une demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur auprès de l'OCPM. Il a fait valoir qu'il n'avait jamais fait ménage commun avec son épouse en France, qu'il résidait en fait à Genève de manière ininterrompue depuis 2007, qu'il était bien intégré, en particulier professionnellement, et qu'il n'envisageait pas de retourner au Kosovo où sa réintégration serait fortement compromise.

g. Le 13 octobre 2017, M______ a déposé une demande d'autorisation de travail en faveur de M. A______, résidant c/o M. S______ , au 76, avenue des R______ , 1212 Grand-Lancy, en qualité d'agent d'entretien, six heures par semaine.

Le 13 novembre 2017, l'OCPM a délivré l'autorisation de travail sollicitée, valable jusqu'à droit connu sur la demande d'autorisation de séjour et révocable en tout temps.

h. Le 6 novembre 2018, M. A______ a sollicité un visa de retour en vue de se rendre au Kosovo pendant un mois, pour visite familiale. Les 25 avril 2021 et 6 juin 2021, il a sollicité des visas de retour en vue de se rendre au Kosovo avec Mme D______ et leur fille

i. En date du 21 décembre 2018, M. A______ a déposé auprès de l'OCPM une demande d'autorisation de séjour en application de l’« opération Payprus ». Il a soutenu qu'il vivait et travaillait à Genève de manière ininterrompue depuis 2007.

j. Par courrier du 3 août 2021, l'OCPM a fait part à M. A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande d'autorisation de séjour.

k. Par courrier du 14 septembre 2021, M. A______ a exposé qu’il faisait ménage commun avec Mme D______ qui était venue le rejoindre en Suisse peu de temps avant la naissance de leur fille (en France), le 19 décembre 2016. Un retour au Kosovo aurait des conséquences délétères pour sa compagne, l'accession à un logement pour une « mère célibataire » y étant très difficile. Ils seraient tous trois exposés à des représailles familiales et au rejet social et économique, les mœurs et la religion au Kosovo réprouvant le concubinage de même que la maternité d'une mère célibataire. Des membres de leur famille vivaient en Suisse depuis plusieurs années.

Il avait créé en 2019 une « entreprise de transport » dont Mme D______ était salariée. Cette activité avait bien débuté malgré la crise sanitaire. Il avait ainsi pu acquérir trois véhicules automobiles pour les besoins de l'entreprise. La famille était bien intégrée à Genève et son ascension professionnelle pouvait être qualifiée de remarquable.

l. Par décision du 3 janvier 2022, l'OCPM a rejeté la demande de régularisation des conditions de séjour et prononcé le renvoi de M. A______ de Suisse, en lui impartissant un délai au 15 février 2022 pour quitter le territoire helvétique et l'ensemble des territoires des États membres de l'union européenne ainsi que des États associés à Schengen. L'intéressé ne remplissait pas les conditions d'un cas de rigueur. Il était venu en Suisse et souhaitait y rester, pour des motifs économiques. L'exécution de son renvoi était possible, licite ou raisonnablement exigible.

m. Par décision distincte du même jour, l'OCPM a refusé de délivrer une autorisation de séjour en vue de mariage à Mme D______ et prononcé son renvoi de Suisse ainsi que celui de sa fille E______, avec délai au 15 février 2022 pour quitter le territoire helvétique et l'ensemble des territoires des États membres de l'Union européenne ainsi que des États associés à Schengen.

D. a. Par acte du 2 février 2022, M. A______ a recouru (cause A/441/2022) auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision de refus d'autorisation de séjour rendue à son encontre, concluant principalement à son annulation et à la délivrance d'un permis de séjour. Subsidiairement, il a conclu à être autorisé à prouver par toutes voies de droit, notamment son audition et celle de témoins, les faits allégués dans ses écritures.

Il n'avait jamais fait ménage commun en France avec son ex-épouse et résidait en Suisse depuis 2007. Il cotisait à l'AVS depuis 2010. Début 2017, Mme D______ et leur fille étaient venues le rejoindre à Genève. Toute la famille était parfaitement intégrée. Son ascension professionnelle, de même que celle de sa compagne, était remarquable. Il était salarié depuis plusieurs années auprès de O______ SA et, en parallèle, avait créé en 2019 son entreprise. Cette entreprise avait réalisé entre août 2019 et janvier 2022 un chiffre d'affaires de près de CHF 90'000.-.

Un retour au Kosovo aurait des conséquences délétères pour toute la famille. En tant que couple non marié avec un enfant, il y serait, comme sa compagne, exposé à l'opprobre et à l'exclusion socio-économique. Son seul frère vivait également en Suisse avec son épouse. Un retour au Kosovo n'était pas non plus envisageable au vu des pathologies dont souffrait E______, qui nécessitait un suivi et un accompagnement au long cours, inexistant au Kosovo.

Il a produit, notamment, une déclaration écrite de son frère S______ du 25 janvier 2022, indiquant l'avoir logé à son ancienne adresse (chemin U______ , 1217 Meyrin) dès 2007 puis, à partir de la fin décembre 2011, au 19 rue H______, 1202 Genève, un extrait de son compte PostFinance mentionnant sous « données personnelles » une adresse au chemin U______ , 1217 Meyrin puis à l'avenue des Communes réunies 76, 1212 Grand-Lancy, des extraits de virements bancaires à la V______ au Kosovo, un extrait de son compte individuel auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation, une confirmation d'ouverture de compte auprès de PostFinance le 15 novembre 2010, résilié le l9 octobre 2013, une attestation d'absence de poursuites du 9 décembre 2020 et une attestation d'absence de recours à l'aide de l'Hospice général du 4 décembre 2020.

Selon le certificat médical du Docteur W______ , E______ était atteinte d'autisme infantile et de troubles de langage de type réceptif. Elle nécessitait deux fois par semaine de séances de logopédie et de psychomotricité. Scolarisée en école normale, le besoin d'une école spécialisée devait être anticipé. L'accompagnement d'un enfant autiste était peu disponible au Kosovo.

b. Le 3 février 2022 également, Mme D______ a interjeté recours contre la décision de refus l'OCPM rendue à son encontre et celui de sa fille (cause A/439/2022).

c. L'OCPM a conclu au rejet du recours.

Concernant le renvoi d'un couple de parents non mariés, le mariage civil n'avait guère d'importance au Kosovo, contrairement au mariage coutumier. Il paraissait pour le surplus impensable qu'une jeune fille noue une relation avec un homme au Kosovo et ait des enfants avec ce dernier sans passer par cette cérémonie. Au vu de la tradition kosovare, tout laissait croire que le couple était déjà marié coutumièrement. Celui-ci et leur fille avaient d'ailleurs déjà sollicité ensemble des visas en avril et juin 2021 afin de se rendre au Kosovo. Leur retour dans leur pays ne semblait dès lors pas poser de problème particulier. Enfin, les soins et le suivi dont E______ avait besoin en raison de son handicap étaient disponibles au Kosovo.

d. Dans sa réplique, M. A______ a indiqué que Mme D______ était enceinte de leur deuxième enfant. Ils ne s'étaient jamais mariés coutumièrement au Kosovo, raison pour laquelle Mme D______ avait préféré quitter son pays lorsqu'elle était tombée enceinte de son premier enfant pour venir accoucher en France et fuir l'hostilité socioreligieuse régnant dans son pays contre les couples non mariés.

e. Par jugement du 17 août 2022, le TAPI a rejeté le recours de M. A______.

Il a retenu que l’intéressé avait conservé son domicile en France, à tout le moins jusqu'à la fin de l'année 2017, date de son emménagement chez son frère. Il avait été condamné en 2018. Son intégration socio-professionnelle n’était pas remarquable. Sa réintégration ne paraissait pas gravement compromise. Sa fille ne disposant pas d’un droit de séjour en Suisse, il ne pouvait se prévaloir de sa relation avec elle pour y demeurer.

E. a. Par acte déposé le 9 septembre 2022 au greffe universel du Pouvoir judiciaire, M. A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu à l’octroi d’un titre de séjour.

Il a repris les arguments déjà exposés. L’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) s’opposait à ce qu’il soit séparé de sa compagne et de son enfant. Sa fille, atteinte dans sa santé, ne pouvait être renvoyée, le risque d’abus et de négligence étant trop élevé. Par ailleurs, le risque d’exclusion sociale de la famille était très élevé, au vu du fait qu’E______ et l’enfant à naître étaient issus d’un couple non marié. Enfin, il remplissait les conditions de l’« opération Papyrus », ayant vécu pendant plus de dix ans en Suisse.

b. Le 21 novembre 2022, le recourant a informé la chambre administrative qu’il était débiteur de la somme de CHF 13'886.81 envers le fisc. Il allait suivre une formation organisée par l’OFPC du 14 décembre 2022 au 27 mars 2023 en français et dès avril 2023 en mathématiques, en vue du CFC. Vu la formation en cours, son renvoi n’était pas exigible.

c. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

La naissance d’un second enfant ne changeait rien à la situation administrative du recourant, celui-ci étant également dépourvu de titre de séjour. La formation commencée ne justifiait pas l’octroi d’une autorisation de séjour, les conditions de celle-ci n’étant pas remplies.

d. Le 9 janvier 2023, le recourant a produit la décision d’allocations familiales en faveur de ses deux enfants, son compte individuel de cotisations AVS de 2010 à 2022, un échantillonnage de contrats de gestion des déchets conclus par son entreprise en sous-traitance de O______ depuis 2020 et un contrat de nettoyage conclu avec un cabinet de physiothérapie.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le recourant soutient qu’il remplit les conditions permettant l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas d’extrême gravité, tels que prévus par l’« opération Papyrus ».

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

2.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

2.3 L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

2.4 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

2.5 La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.6 L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

2.7 Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

2.8 L’examen de la proportionnalité de la mesure, imposé par l’art. 96 LEI, se confond avec celui qui est prévu à l’art. 8 § 2 CEDH (ATF 139 I 31 consid. 2.3.2 ; 139 I 145 consid. 2.2).

2.9 Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

2.10 Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI). L'autorité compétente dispose d'un très large pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'examen des conditions de l'art. 31 al. 1 OASA.

2.11 En l’espèce, le recourant soutient séjourner en Suisse depuis 2007. Or, comme l’a constaté le TAPI à juste titre, le séjour du recourant depuis cette date n’est nullement établi. L'attestation de domicile délivrée en 2015 par le maire d'Annemasse précise qu'il était domicilié dans cette ville depuis 2010, ses demandes d'autorisation de travail en tant que frontalier, en 2013 et 2015, ses contrats de travail conclus avec K______ et L______ et les fiches de salaires y relatives qui mentionnent toutes comme domicile son adresse à Annemasse (de 2013 à fin 2015), puis à Collonges-sous-Salève (dès janvier 2016). Il en va de même de son affiliation au syndicats Q______ en 2016. Le fait de travailler et cotiser aux assurances sociales n’établit nullement un domicile en Suisse. Sa fille est née en France en 2016. Ces éléments ne sauraient être contrebalancés par l’attestation contraire du frère du recourant, dont le lien de parenté ne permet pas d’accorder une valeur probante élevée à cet écrit. Enfin, le recourant a déclaré le 18 mars 2018 à la police qu’il n’habitait que depuis six mois en Suisse.

En outre, la durée du séjour du recourant doit être relativisée au regard du fait qu’elle a été intégralement effectuée dans l’illégalité. Le recourant en était conscient, dès lors que sa demande d’autorisation de séjour avait été refusée le 7 juillet 2008 par le SEM déjà. Toutes les demandes effectuées en vue d’obtenir une autorisation de travail ont également été refusées.

Compte tenu du fait que son séjour s’est essentiellement déroulé dans l’illégalité, il ne saurait non plus se plaindre d’une violation de l’art. 8 CEDH, comme exposé ci-dessus (consid. 2.7). À cet égard, il est relevé que ni sa compagne ni ses deux enfants ne bénéficient d’un titre de séjour en Suisse, de sorte que le refus d’accorder au recourant un titre de séjour ne contrevient pas à l’art. 8 CEDH.

Par ailleurs, quand bien même il conviendrait de tenir compte d’une durée de séjour en Suisse depuis 2007, le recourant ne remplirait pas les conditions permettant de retenir l’existence d’un cas de rigueur. En effet, celui-ci ne peut se prévaloir d’une intégration sociale remarquable. Certes, il est financièrement indépendant, ne fait pas l'objet de poursuites et suit des cours en vue d’obtenir une attestation de maîtrise de la langue française au niveau A2. Outre sa relation sentimentale avec sa compagne et leurs deux enfants, il n’allègue, cependant, pas qu’il aurait noué à Genève des liens affectifs ou amicaux d’une intensité telle qu’il ne pourrait les poursuivre par le biais de moyens de télécommunication modernes une fois de retour au Kosovo. Par ailleurs, il a été condamné pour incitation à l'entrée, à la sortie et au séjour illégal en 2018. Il ne peut donc se targuer d’une intégration sociale réussie.

Son activité professionnelle dans le domaine du transport et du nettoyage ne présente pas non plus un degré de réussite tel qu’il ne pourrait être exigé de sa part de la poursuivre dans son pays d’origine. Au contraire, il apparaît que le recourant pourra, en cas de retour dans son pays, mettre à profit l’expérience professionnelle et les connaissances acquises de la langue française acquises durant son séjour en Suisse. En outre, il ressort du dossier qu’il s’est régulièrement rendu dans son pays d’origine avec lequel il a conservé des attaches. Il connaît donc les us et coutumes de son pays et en parle la langue. Comme l’a relevé l’OCPM, s’il est possible que le statut non marié du recourant et de sa compagne heurte la sensibilité de certains de ses compatriotes, il n’est pas rendu vraisemblable qu’il exposerait le recourant et sa famille à des difficultés insurmontables, comme le démontre le fait que la famille s’est rendue en avril et juin 2021 ensemble au Kosovo. Le recourant est encore relativement jeune et en bonne santé. Ayant selon ses indications vécu au Kosovo jusqu’en 2007, il y a passé son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte. Ainsi, quand bien même après le nombre d’années passées à l’étranger, le recourant traversera à son retour dans son pays une nécessaire phase de réadaptation, sa réintégration socio-professionnelle ne parait pas gravement compromise.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’OCPM n’a pas violé le droit ni abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le recourant ne remplissait pas les conditions restrictives permettant l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Il est encore observé que l’« opération Papyrus » se contentait de concrétiser les critères légaux fixés par la loi pour les cas de rigueur et que, comme cela vient d’être retenu, le recourant ne remplit pas les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA. Il ne saurait donc, pour ce motif non plus, se prévaloir de cette opération.

3.             Il convient encore d’examiner si le renvoi prononcé par l’OCPM est fondé.

3.1 Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation. Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

3.2 En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Le recourant soutient qu’un mariage coutumier au Kosovo serait impossible et que le mariage civil ne serait pas susceptible de « réparer le déshonneur » subi par sa compagne. Comme exposé ci-dessus, il ne rend toutefois pas vraisemblable qu’en cas de retour dans son pays, sa compagne, ses enfants et lui seraient concrètement rejetés en tant que parents non mariés ou qu’ils risqueraient de subir des traitements inhumains et dégradants en raison de leur relation hors mariage. Il n’explique d’ailleurs pas quel motif s’opposerait à s’installer près de sa propre famille, à qui selon ses indications du recourant ils avaient pu rendre visite sans problème. La question de savoir si E______ peut accéder au Kosovo aux soins dont elle a besoin sera examinée dans le recours la concernant. Enfin, le recourant a commencé une formation alors qu’une décision de renvoi venait d’être prononcée à son encontre. Il a ainsi pris le risque que si son recours n’était pas admis, il doive l’interrompre en raison de son départ de Suisse.

Au vu de ce qui précède, aucun motif ne permet de retenir que le renvoi du recourant ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 septembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 17 août 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michael Anders, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.