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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/533/2021

ATA/358/2023 du 04.04.2023 sur JTAPI/1201/2021 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;ACTIVITÉ LUCRATIVE DÉPENDANTE;CALCUL DE L'IMPÔT;DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL)
Normes : LIPP.29.letc; LIFD.26.al1.letc; LIFD.1.leta; LIFD.25; OFP.1.al1; OFP.3; OFP.7; LIPP.28; LIFD.26.al2
Résumé : Recours de l’administration fédérale des contributions et de l’administration fiscale cantonale contre un jugement du TAPI admettant la déductibilité des frais d’agent sportif des revenus d’un joueur de hockey professionnel. In casu, le recours à un tel agent relève de la convenance personnelle, rien au dossier ne permettant de retenir que l’intimé se trouvait dans une situation nécessitant de changer de club et aucune preuve n’étant apportée quant au détail des frais d’agent facturés. Le lien de causalité entre ces derniers et la conclusion du nouveau contrat de travail n’a pas été démontré. Il est également confirmé que le cumul des déductions forfaitaire et effective n’est pas admis, contrairement à ce qu’a retenu le TAPI. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/533/2021-ICCIFD ATA/358/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 avril 2023

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

Monsieur A______

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 novembre 2021 (JTAPI/1201/2021)


EN FAIT

1) Monsieur A______ exerce une activité dépendante d’hockeyeur professionnel.

2) Durant l’année 2019, il a été employé par deux clubs de hockey, soit B______ Sport AG (du 1er janvier au 31 juillet 2019) et C______ SA (du 1er août au 31 décembre 2019), percevant des rémunérations brutes de respectivement CHF 100'300.- (dont un « bonus » de CHF 2'400.-) et
CHF 45'822.-, ainsi que des allocations pour frais forfaitaires de respectivement CHF 3'100.- et CHF 2'500.- (non comprises dans ces rémunérations).

3) Dans sa déclaration fiscale 2019, M. A______ a notamment fait valoir en déduction de son revenu brut imposable (CHF 146'122.-) des frais (forfaitaires) de repas (CHF 3'200.-) et de déplacement (CHF 501.- et CHF 3'000.-) et des « frais d’agent et de matériel » effectifs de CHF 12'150.-. À titre de justificatif pour ces derniers frais, il a produit une facture émise le 10 octobre 2019 par D______ sise au Canada (Ontario), indiquant que pour la « saison 2019/2020 », il devait verser des « management fee » de CHF 3'575.- le 15 octobre 2019 et la même somme le 15 janvier 2020, soit un total de CHF 7'150.-. Les allocations perçues pour frais forfaitaires (CHF 5'600.-) n’avaient pas été mentionnées.

4) Par bordereaux du 18 novembre 2020 portant sur les impôts fédéral direct
(ci-après : IFD), cantonal et communal (ci-après : ICC) 2019, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a admis les déductions forfaitaires revendiquées pour les frais de repas (CHF 3'200.- pour l’ICC et l’IFD) et de déplacement (CHF 501.- pour l’ICC et CHF 3'000.- pour l’IFD), ainsi que CHF 3'961.- pour frais professionnels IFD. Elle a refusé celle sollicitée pour des « frais d’agent et de matériel », au motif qu’il s’agissait « de convenance personnelle et non de frais d’acquisition de revenus ». Les allocations susmentionnées n’avaient pas été prises en compte.

5) Le 9 décembre 2020, le contribuable a élevé réclamation contre ces bordereaux, requérant la déduction de ses frais d’agent de CHF 12'150.-.

6) Par décisions du 21 janvier 2021, l'AFC-GE a rejeté sa réclamation.

Étaient déductibles du revenu les frais indispensables à l’exercice d’une profession. Le terme « indispensable » visait ce sans quoi l’activité ne serait pas réalisable. L’intervention d’un agent ne lui permettait pas d’exercer sa profession, mais seulement d’en tirer un meilleur revenu. Il ne s’agissait donc pas de frais indispensables, mais de convenance personnelle qui n’étaient pas déductibles.

7) Par acte du 15 février 2021, le contribuable a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre ces décisions, concluant à leur annulation.

8) L'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

9) Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué en persistant dans leurs conclusions.

10) Par jugement du 29 novembre 2021, le TAPI a admis partiellement le recours précité.

La solution retenue dans le jugement JTAPI/1060/2021 du 18 octobre 2021 était applicable en l’espèce. Ainsi, en principe, les frais d’agent revendiqués par le contribuable devaient être pris en considération comme déductibles. Cependant, selon le principe de la périodicité, il ne pouvait prétendre à la déduction de la totalité de ces frais, seule la moitié dudit montant concernant la saison 2019, l’autre moitié étant due pour celle de 2020. Ainsi, les taxations querellées devaient être rectifiées dans la mesure où seule une déduction de CHF 3'575.- pouvait être admise au titre de frais professionnels effectifs pour l’année fiscale 2019.

Concernant les frais matériels de CHF 5'000.-, il appartenait à M. A______ de produire les justificatifs faisant état du paiement effectif du matériel de sport qu’il prétendait avoir acquis en 2019, ce qu’il n’avait pas fait. Il n’avait pas non plus précisé quel matériel il aurait acheté en 2019 ni le prix exact de celui-ci. La déduction revendiquée à ce titre devait lui être refusée, faute de preuve suffisante. À teneur de ses certificats de salaire, ses employeurs lui avaient versé en 2019 des allocations pour frais professionnels totalisant CHF 5'600.- (qu’il aurait omis de mentionner dans sa déclaration fiscale) dont l’AFC-GE n’avait pas tenu compte, alors qu’elle aurait dû le faire.

11) Par acte du 14 décembre 2021, l’AFC-GE a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, en concluant à son annulation et à la confirmation des décisions querellées en ce qu’elles maintenaient le refus d’octroyer la déduction revendiquée de frais d’agent sportif. Préalablement, elle demandait la suspension de cette procédure jusqu’à droit connu dans la cause A/1867/2021.

Un recours portant sur la problématique de la déduction des frais d’agent était déjà pendant auprès de la chambre administrative (cause n° A/1867/2021), de sorte que, par souci d’économie de procédure, il apparaissait opportun de suspendre la présente procédure jusqu’à droit jugé dans la cause précitée.

Le contenu de la facture du 10 octobre 2019 établie par D______ n’exposait pas en quoi avait consisté l’activité déployée par celle-ci, ni dans quelle mesure une prestation de placement dans un club aurait été concrètement fournie et à quels contrats celle-ci se référait. Ladite facture se limitait à prévoir deux dates de paiement pour deux montants de CHF 3'575.- chacun. Le contribuable n’avait pas produit l’éventuel contrat de courtage/d’agent qui le lierait à cette société. Il avait donc échoué à établir un lien de causalité entre l’éventuelle négociation d’un contrat de travail réussie et finalisée en sa faveur avec un club de hockey. La déduction demandée devait donc être refusée. Le TAPI avait écarté à tort cet argument en l’ignorant. En accordant la déduction requise, le jugement entrepris violait les règles légales en matière de fardeau de la preuve.

Contrairement à une décision bernoise, le TAPI avait retenu que les frais d’agent revendiqués par le contribuable devaient, sur le principe, être considérés comme déductibles. Or, selon la jurisprudence évoquée, les dépenses qui constituaient la condition préalable à l’exercice d’une activité lucrative n’étaient pas déductibles car elles devaient en principe être traitées fiscalement comme une utilisation ordinaire du revenu. In casu, le contribuable avait changé de club de hockey au milieu de l’année 2019. S’il devait être retenu que l’activité d’agent avait permis de finaliser un contrat avec le nouveau club de hockey, les frais d’agent engendrés ne seraient pas déductibles car ils auraient constitué une étape préalable à l’exercice d’une activité lucrative au sein d’un nouveau club. Ces frais n’auraient pas de lien direct avec l’emploi actuel du contribuable au sein du deuxième club de hockey pour lequel il avait joué durant l’année litigieuse. Le contribuable n’apportait pas la preuve que les frais engagés pour l’emploi d’un agent seraient absolument nécessaires à la conclusion d’un contrat de travail avec un club de hockey, ni qu’il n’était pas à même de s’occuper personnellement de sa carrière et de ses perspectives professionnelles. Recourir à un agent lui permettait uniquement d’éviter de gérer lui-même les négociations avec les clubs sportifs, ce qui était constitutif d’un motif de convenance personnelle. Le jugement entrepris violait les art. 29 let. c LIPP et 26 al. 1 let. c LIFD.

Il violait également l’interdiction du cumul d’une déduction forfaitaire et d’une déduction pour frais effectifs en matière d’IFD. Par bordereau de taxation IFD 2019 du 18 novembre 2020, elle avait admis une déduction forfaitaire de CHF 3'961.- à titre de frais professionnels IFD et équivalant à 3 % du salaire net du contribuable. En sus de cette déduction forfaitaire, le jugement entrepris avait octroyé au contribuable une déduction de frais d’agent de CHF 3'575.-, laquelle péjorait sa situation. Ce cumul de déductions violait l’art. 26 LIFD et les dispositions de l’OFP y relatives.

12) Dans ses déterminations du 31 janvier 2022, l’AFC-CH s’est ralliée aux conclusions de l’AFC-GE, en ce sens que les frais d’agent ne pouvaient être déductibles au sens de l’art. 26 al. 1 let. c LIFD.

D______ ne semblait pas avoir de succursale en Suisse disposant d’une autorisation cantonale et du SECO. Il était douteux qu’une société étrangère puisse effectivement représenter les intérêts d’un joueur suisse sur le marché suisse du hockey. Les prestations facturées ne pouvaient être considérées comme étant nécessaires à l’obtention d’un revenu en Suisse.

Au vu du faible nombre d’employeurs susceptibles d’engager les hockeyeurs professionnels et du nombre de contacts limités à développer sur un tel « marché de niche », l’engagement d’un agent constituait une convenance personnelle du joueur qui s’évitait ainsi de gérer lui-même les négociations avec son employeur ou son futur employeur. Le fait que le rôle des agents ne se limitait pas à la signature de contrats mais englobait une multitude de services suivant le profil des joueurs conseillés permettait d’inférer que les frais d’agent, de manière générale, ne pouvaient être qualifiés de frais d’acquisition du revenu déductibles. Les frais d’agent en question avaient été perçus lors de l’année 2019 alors que le contribuable était un joueur défensif recherché sur un marché suisse restreint. La situation du contribuable s’apparentait à celle d’un salarié en recherche d’emploi. Au bénéfice d’un emploi préexistant, il avait engagé durant la période fiscale 2019 des frais d’agent afin d’obtenir un nouveau contrat plus rémunérateur ou comportant d’autres avantages en terme de carrière. Tout versement d’une commission de placement de 5 % du joueur à son agent résultait systématiquement de l’évolution de la carrière du joueur, laquelle tendait au fil des années à l’obtention d’emplois plus rémunérateurs, sans que ces frais ne puissent être mis en lien direct avec la conservation de l’activité professionnelle actuelle du contribuable.

Au surplus, l’AFC-CH reprenait les développements de l’AFC-GE.

13) Dans ses écritures responsives, le contribuable a conclu au rejet du recours.

Au terme de la saison 2018-2019, des changements dans l’organisation du club dans lequel il jouait l’avaient amené à résilier son contrat, sauf à ne pas jouer la saison suivante. Les clubs avaient ainsi l’ascendant sur les joueurs car ils savaient qu’un joueur ne jouant pas était un « joueur fini ». Il n’avait pas les qualifications requises pour gérer pareille situation. De plus, le « management » du hockey sur glace était un univers inconnu aux joueurs, compte tenu des accords et arrangements entre clubs. Un agent connaissant ces aspects du métier était nécessaire pour un joueur.

Contrairement à ce qu’indiquaient l’AFC-GE et l’AFC-CH, malgré ses compétences et un agent pour négocier son nouveau contrat, son salaire annuel avait diminué de CHF 126'600.- à CHF 100'000.-. Alors qu’il était le joueur le plus utilisé de son équipe dans l’élite du hockey suisse, il avait dû accepter une baisse de salaire de 20 %.

Son contrat actuel allait se terminer. Vu l’incertitude de la déductibilité de ses frais d’agent, il avait recherché un nouveau contrat seul. Bien qu’il eût commencé ses recherches en décembre 2021, il n’avait aucune offre ni aucun retour, en dépit d’une saison positive. Le faible nombre de clubs professionnels impliquait que la demande était plus importante que l’offre, chaque année de nouveaux jeunes joueurs devant être placés.

À l’appui de ses écritures, il produisait notamment des extraits de ses contrats de travail de 2019 attestant de ses salaires.

14) L’AFC-GE a répliqué en persistant dans ses conclusions et maintenant sa position.

Aucun argument nouveau susceptible d’influer sur le sort du litige n’était avancé, ni aucune nouvelle pièce déterminante produite. Le contribuable ne produisait que des extraits incomplets de ses contrats de travail.

Dans un arrêt ATA/214/2022 du 1er mars 2022 (cause n° A/1867/2021), la chambre administrative avait exclu la déductibilité des frais d’agent d’un sportif professionnel, ceux-ci devant être considérés comme des frais d’investissement. Dans ce cas similaire à celui soumis, il était notamment retenu que le TAPI se référait à des ouvrages portant sur le droit du sport et non pas sur la fiscalité, ce qui n’était pas suffisant.

15) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi sur la procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 et art. 145 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2) À titre liminaire, la recourante a sollicité la suspension de la présente procédure jusqu’à droit jugé dans la cause A/1867/2021. Celle-ci ayant désormais été tranchée, ladite demande est devenue sans objet.

3) Sur le fond, la recourante fait valoir que l’octroi au contribuable de la déduction en cause viole les règles applicables en matière de fardeau de la preuve, ainsi que les art. 29 let. c LIPP et 26 al. 1 let. c LIFD, les frais d’agent relevant de la convenance personnelle.

a. La Confédération perçoit un impôt sur le revenu des personnes physiques (art.  1 let. a LIFD). Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD (art. 25 LIFD).

Selon l’art. 26 al. 1 LIFD, les frais professionnels qui peuvent être déduits sont : les frais de déplacement nécessaires entre le domicile et le lieu de travail jusqu’à concurrence de CHF 3'000.- (let. a) ; les frais supplémentaires résultant des repas pris hors du domicile et du travail par équipes (let. b) ; les autres frais indispensables à l’exercice de la profession ; l’art. 33 al. 1 let. j est réservé (let. c).

À teneur de l’art. 1 al. 1 de l’ordonnance du département fédéral des finances sur la déduction des frais professionnels des personnes exerçant une activité lucrative dépendante en matière d’impôt fédéral direct du 10 février 1993 (ordonnance sur les frais professionnels - OFP - RS 642.118.1), au titre des dépenses professionnelles des personnes exerçant une activité lucrative dépendante, le contribuable peut déduire les dépenses nécessaires à l’acquisition du revenu et ayant un rapport de causalité direct avec lui.

L’art. 3 OFP prévoit que le département fédéral des finances fixe notamment les déductions forfaitaires prévues à l’art. 7 al. 1 OFP. Selon cette dernière disposition, sont réputés autres frais professionnels pouvant faire notamment l’objet d’une déduction forfaitaire au sens de l’art. 3 OFP, les dépenses indispensables à l’exercice de la profession, soit l’outillage professionnel (y compris le matériel informatique et les logiciels), les ouvrages professionnels, l’utilisation d’une chambre de travail privée, les vêtements professionnels, l’usure exceptionnelle des chaussures et des vêtements ainsi que l’exécution de travaux pénibles. La justification de frais plus élevés (art. 4 OFP) est réservée. Si, au lieu de la déduction forfaitaire mentionnée notamment à l’art. 7 al. 1 OFP, le contribuable fait valoir des frais plus élevés, il doit justifier la totalité des dépenses effectives ainsi que leur nécessité sur le plan professionnel.

L’appendice de l’OFP fixe la déduction forfaitaire prévue à ses art. 3 et 7. Pour les autres frais professionnels, la déduction forfaitaire est de 3 % du salaire net. Cette déduction est comprise entre un minimum de CHF 2'000.- et un maximum de CHF 4'000.- par an.

b. Le canton perçoit également un impôt sur le revenu (art. 1 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08).

L’art. 28 LIPP est le pendant, au niveau cantonal, de l’art. 25 LIFD. Il se réfère aux déductions générales et aux frais mentionnés aux 29 à 37 LIPP.

Selon l’art. 29 al. 1 let. c LIPP, sont déduits du revenu les autres frais indispensables à l’exercice de la profession. La totalité des frais professionnels mentionnés notamment à l’al. 1 let. c est fixée forfaitairement à 3 % du revenu de chaque contribuable, correspondant au revenu brut après les déductions prévues à l’art. 31 let. a et b LIPP (avant déduction des rachats), à concurrence d’un montant minimum de CHF 600.- et d’un montant maximum de CHF 1'700.-. La justification de frais effectifs plus élevés demeure réservée.

Les articles précités étant d’une teneur similaire, les considérations développées ci-dessous valent tant pour l’IFD que pour l’ICC.

c. L’art. 25 LIFD envisage les déductions dites organiques (frais d'acquisition du revenu) et les déductions générales (Yves NOËL in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand - Impôt fédéral direct, 2017, n. 6 ad art. 25 LIFD). Sont des frais d'acquisition du revenu les frais que le contribuable ne peut éviter et qui sont essentiellement dus ou causés par la réalisation du revenu (ATF 142 II 293 in RDAF 2017 II p. 417 ; 124 II 29 consid. 3a). En d'autres termes, il faut que la dépense soit économiquement nécessaire à l'obtention du revenu et que l'on ne puisse exiger du contribuable qu'il y renonce (ATF 124 II 29 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_916/2012 du 28 février 2013 consid. 4.1 ; 2C_477/2009 du 8 janvier 2010 consid. 3.2). Il y a lieu de vérifier dans le cadre d'un examen d'ensemble des circonstances concrètes l'existence d'un lien suffisamment étroit entre la dépense dont la déduction est demandée et le revenu imposable (ATF 142 II 293 consid. 3.2 ; ATA/1255/2019 du 13 août 2019 consid. 5).

Les frais d’entretien du contribuable ne constituent pas des frais d’acquisition du revenu. Tel est aussi le cas des dépenses privées résultant de la situation professionnelle du contribuable (dépenses privées dites de représentation). Au même titre, les dépenses qui ne servent pas à l’obtention d’un revenu précis, mais à atteindre ou à conserver sa capacité de gain, ne sont pas déductibles. Il s’agit notamment des frais pour garder ou améliorer sa capacité de travail, respectivement se maintenir en bonne santé, ainsi que la garde des enfants pendant ce temps de travail. En définitive, les coûts d’investissement, c’est-à-dire les dépenses pour mettre en place, développer ou améliorer une source de revenus, ne constituent pas des frais d’acquisition du revenu ; il s’agit notamment des dépenses engagées pour acquérir dans le futur une meilleure situation professionnelle ou pour pouvoir exercer une autre profession. Par contre, les dépenses engagées pour maintenir ou assurer la source de revenu existante sont déductibles (ATF 142 II 293 consid. 3.4 ; 124 II 29 consid. 3d).

Les dépenses nécessaires à l’acquisition du revenu sont celles faites immédiatement et en rapport direct avec l’obtention du revenu, même s’il est généralement admis que le critère de nécessité soit interprété assez largement (ATF 142 II 293 consid. 3.2 ; RDAF 1994 p. 85 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5ème éd., 2021, p. 194). Les frais engagés par un salarié pour chercher un nouveau poste de travail ne peuvent pas, selon la jurisprudence, être qualifiés de frais d’acquisition du revenu, mais comme des frais d’entretien. Il en irait différemment, vu sous l’angle du lien de causalité nécessaire, dans le cas d’une personne au bénéfice des prestations de l’assurance chômage qui engagerait des dépenses pour chercher un poste de travail, car le revenu de remplacement acquis n’a pas de lien de causalité avec les recherches d’emploi (ATF 142 II 293 consid. 3.5). Il convient de relever que si les dépenses engagées n’ont pas de lien avec une activité lucrative déterminée, mais qu’elles sont la condition pour qu’une activité puisse à tout le moins être exercée, ces dépenses ne constituent pas des frais professionnels (ATF 142 II 293 consid. 4.1). Les frais de propagande électorale – dont il est question dans cet ATF – ne constituent pas plus des frais d'acquisition du revenu que les frais engagés par une personne active pour trouver un nouvel emploi ; ils constituent des frais de subsistance (Peter LOCHER, Kommentar zum Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, I. Teil , 2ème éd., 2019, n. 63 ad. art. 26 LIFD et les références citées).

Selon la doctrine, les frais professionnels doivent, en principe, être rattachés à la période fiscale pendant laquelle le revenu, auquel ils sont liés, est acquis (principe de la périodicité ; Jean-Blaise ECKERT, in Yves NOËL/Laurence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la LIFD, n. 16 ad art. 26 LIFD et les références citées).

d. Dans son arrêt ATA/214/2022 précité (consid. 5), auquel se réfère la recourante, la chambre de céans a relevé que des considérations d’ordre général basées sur la doctrine extraite d’ouvrages portant sur le droit du sport et non sur la fiscalité, ne suffisaient pas, les circonstances du cas concret devant être examinées. Il fallait ainsi prendre en compte le parcours professionnel du contribuable. Dans ce cas, il exerçait déjà son activité au sein du même club durant la saison 2018-2019 et son salaire avait augmenté de 17,5 % en 2020, année fiscale litigieuse. Ainsi, le contribuable avait prolongé son contrat au sein d’un club qu’il connaissait déjà, de sorte qu’il devait y disposer de contacts suffisants pour lui permettre de discuter seul la prolongation de son contrat. Les frais d’agent pour l’année 2020 devaient donc être qualifiés de coûts d’investissement.

e. Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_649/2020 du 10 novembre 2020 consid. 6.4).

En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5 ; ATA/1239/2021 du 16 novembre 2021 consid. 5a ; ATA/1223/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3c).

f. En l’espèce, le contribuable ne contredit pas le fait qu’il était au bénéfice d’un contrat de travail auprès du club des B______ Sport AG au début de l’année 2019, lorsqu’il a décidé d’en changer pour le club du C______ SA à partir du 1er août 2019. Au contraire, il a expliqué que les raisons ayant motivé ce changement résidaient dans ses perspectives de carrière. Selon lui, des modifications organisationnelles au sein du premier club, ayant pour conséquence future qu’il ne jouerait plus, impliquaient qu’il était préférable qu’il résiliât son contrat.

Bien que, en produisant des extraits de ses contrats de travail auprès des deux clubs précités, le contribuable apporte la preuve que son revenu a effectivement diminué et non pas augmenté, il ne démontre toutefois pas que ses perspectives de carrière chez les B______ Sport AG auraient été prétéritées. Ce choix apparaît d’autant plus discutable que le contribuable lui-même reconnaît être un joueur de hockey particulièrement reconnu à son poste. Il n’est ainsi pas établi que l’intéressé se trouvait dans une situation nécessitant un tel changement.

Cette perspective est confortée par le fait que, y compris dans le cadre de la présente procédure de recours, le contribuable ne fournit aucune copie du contrat d’agent le liant à la société canadienne en question. Il ne fournit que la facture du 10 octobre 2019 d’ores et déjà remise avec sa déclaration fiscale 2019. Cependant, rien n’atteste ou ne décrit les prestations fournies par ladite société en lien avec son activité professionnelle.

En outre, si un lien pouvait éventuellement être trouvé entre les frais d’agent facturés en 2019 et le changement de club effectué cette même année, tel n’est pas le cas de ceux mentionnés pour l’année 2020. En effet, tandis que le contribuable restait alors au bénéfice d’un contrat avec le second club, des frais d’agent lui ont été facturés, à tout le moins pour l’année 2020.

Vu les bases légales et la jurisprudence susrappelés, il lui appartenait néanmoins d’apporter, en tant que diminution de sa charge fiscale, la preuve d’un lien de causalité entre les frais d’agent facturés le 10 octobre 2019 et la conclusion de son nouveau contrat de travail à partir du 1er août 2019. Il résulte toutefois de ce qui précède que tel n’a pas été le cas. Tel que l’a relevé le TAPI, il n’est pas contestable que l’activité d’hockeyeur professionnel réponde à certains critères spécifiques liés aux exigences de ce sport, exercé à ce niveau. Cela étant, c’est à bon droit que la recourante a considéré que les frais allégués ne pouvaient être retenus comme déductions in casu.

Ce grief sera ainsi admis.

4) Dans un second grief, la recourante relève une violation de l’interdiction du cumul d’une déduction forfaitaire et d’une déduction pour frais effectifs en matière d’IFD.

a. Selon l’art. 26 al. 2 LIFD, les frais professionnels mentionnés à l’art. 26 al. 1 let. b et c LIFD, sont estimés forfaitairement ; dans les cas visés à l’art. 26 al. 1 let. c LIFD, le contribuable peut justifier des frais plus élevés.

b. Le principe de la praticabilité de l'impôt permet au législateur, dans une certaine mesure, de simplifier les situations imposables et de renoncer à des réglementations de détail afin d'édicter des normes fiscales d'application efficace et facilitée, à l'instar de l'art. 26 al. 2 LIFD, qui prévoit la fixation forfaitaire des frais de transport déductibles entre le domicile et le lieu de travail et des autres frais professionnels. L'effet de simplification voulu par le législateur serait supprimé et par conséquent l'art. 26 al. 2 LIFD relatif à la déduction forfaitaire des frais de transport et des autres frais serait violé si, d'une manière générale, le contribuable pouvait déduire tout à la fois des frais forfaitaires et des frais effectifs pour une même dépense d'acquisition de son revenu imposable. En règle générale, le contribuable a le choix soit d'utiliser les déductions forfaitaires, soit, s'il encourt des frais supérieurs aux montants fixés, de présenter les pièces justificatives, ce qui implique l'établissement détaillé de l'ensemble des coûts fixes et variables. Ceci explique qu'il n'est pas admissible de combiner frais forfaitaires et frais effectifs pour calculer le même poste de dépenses. Les forfaits constituent du reste des moyennes qui sont réputées correspondre aux dépenses effectives des contribuables, lesquels peuvent se trouver aussi bien favorisés que défavorisés par le système. Ainsi, le contribuable qui s'estime défavorisé doit prouver les frais qui allègent son imposition et supporter les conséquences de l'absence de justificatif (arrêts du Tribunal fédéral 2C_21/2012 du 5 juillet 2013 consid. 7 et 2C_477/2009 du 8 janvier 2010 consid. 4)

La doctrine précise également à cet égard que l’art. 26 al. 2 LIFD ne prévoyant une dérogation aux forfaits fixés qu’en faveur du contribuable, les autorités de taxation ne peuvent en principe pas s’en écarter en sa défaveur, quand bien même les frais effectifs seraient manifestement moins élevés du fait notamment de déplacements supérieurs à la moyenne, étant entendu que la part des frais fixes incluse dans les frais kilométriques a tendance à diminuer à mesure que les déplacements augmentent. À défaut, la fixation de déductions forfaitaires ne saurait en effet atteindre son but de simplification des opérations de déclaration et de taxation (Jean-Blaise ECKERT, op. cit., n. 24 ad art. 26 LIFD et les références citées).

c. En l’occurrence, il convient d’admettre, avec la recourante, que le TAPI n’a pas mentionné ni a fortiori pris en considération le montant de CHF 3'961.- admis au titre de frais professionnels pour l’IFD dans les bordereaux de taxation du 18 novembre 2020.


À cet égard, la recourante relève à juste titre que le cumul de déduction forfaitaire et effective en matière d’IFD n’est pas admis. Ainsi, une déduction de frais effectifs de CHF 3'575.- ne saurait être admise en sus d’une déduction forfaitaire de CHF 3'961.-.

Le recours doit ainsi également être admis pour ce motif.

Par conséquent, le jugement querellé sera annulé et les décisions sur réclamation du 21 janvier 2021 de l‘AFC-GE seront rétablies. En IFD, la déduction forfaitaire de CHF 3'961.-, admise par l’AFC-GE lors de la taxation, n’est pas remise en cause. Celle des frais d’agent est exclue.

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de l’intimé, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 décembre 2021 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 novembre 2021 ;

au fond :

l‘admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 novembre 2021 ;

rétablit les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 21 janvier 2021 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à Monsieur A______, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :