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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3037/2021

ATA/290/2023 du 21.03.2023 sur JTAPI/576/2022 ( LCI ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;TRAVAUX DE CONSTRUCTION;PERMIS DE CONSTRUIRE;EXCEPTION(DÉROGATION);EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION;INTÉRÊT PUBLIC;DOMAINE PUBLIC;LAC LÉMAN;INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL)
Normes : LEaux-GE.15.al1; LPRLac.1.al1; LCI.14
Résumé : Rejet d’un recours déposé par des propriétaires voisins contre une autorisation de construire délivrée à la commune pour l’aménagement d’une parcelle de son domaine public qui constitue un chemin d’accès au lac, d’une largeur variant entre 1 et 2 m, par la pose d’un banc et d’une poubelle devant la plage. Examen de la notion de « lieu approprié » au sens de la LPRLac. Examen des griefs en lien avec la notion d’inconvénient graves de l’art. 14 LCI.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3037/2021-LCI ATA/290/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 mars 2023

3ème section

 

dans la cause

 

Mme A______
M. B______
représentés par Me Ema Bolomey, avocate

contre

COMMUNE DE C______
représentée par Me Jennifer Puertas, avocate

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

et

Mme et M. D______

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mai 2022 (JTAPI/576/2022)


EN FAIT

1) La parcelle no 473 appartient au domaine public de la commune de C______ (ci-après : la commune). D’une surface de 56 m2, elle a une longueur d’environ
34 m et une largeur variant entre 1 et 2 m environ.

Cette parcelle constitue un accès au lac depuis la route de F_____ et débouche sur une petite plage d’environ 2 m. L’accès était bloqué pendant plusieurs années par un mur illégal, lequel a été démoli à la demande de la commune. Le chemin étant en contrebas, il n’était pas accessible depuis la route.

La parcelle est située en zone 5, dans le périmètre des surfaces inconstructibles au sens de l'art. 15 al. 1 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE - L 2 05) et partiellement dans l'espace réservé aux eaux au sens de
l'art. 36a de la loi fédérale sur la protection des eaux du 24 janvier 1991 (LEaux - RS 814.20). Elle est également incluse dans le périmètre de protection générale des rives du lac.

2) Le 8 février 2021, la commune a requis du département du territoire
(ci-après : le département) une autorisation de construire définitive (DD 1_____) pour la construction d'un escalier, l’aménagement d'un chemin pour piétons, la mise en place d'un banc et d'une poubelle, ainsi que l'abattage d'un arbre. Dans sa séance du 13 avril 2021, le conseil municipal de C______ avait décidé, à l’unanimité des membres présents, de réaliser les travaux d’aménagement du chemin E_____ (DP 2_____) et d’ouvrir un crédit de CHF 30'000.- destiné à ces travaux faisant suite au crédit d’étude de CHF 17'000.- voté le 10 mars 2020 pour réhabiliter et aménager ce chemin.

La note explicative de la mandataire de la commune, du 28 janvier 2021, précisait que l'accès à la parcelle serait géré par la commune grâce à un portail équipé d'une clé, installé en haut de l'escalier.

Dans la note explicative du 19 avril 2021, elle a exposé que le chemin serait fini avec un revêtement compact en sable naturel, qu’une dérogation concernant l'accès aux personnes à mobilité réduite (ci-après : PMR) était demandée au motif de l'étroitesse de la parcelle et du fait qu'une plage accessible aux PMR était aménagée à 120 m du projet.

3) Lors de l'instruction du dossier, les préavis favorables suivants ont notamment été recueillis :

- de l'office cantonal du génie civil, le 18 février 2021, sous conditions notamment que la commune fasse le nécessaire pour remédier aux parkings sauvages qui pourraient être induits par ce nouvel accès au lac ;

- de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN), du 21 février 2021 autorisant l'abattage d'un arbre, sous condition de replanter des arbres pour un montant d'au moins CHF 1'000.- et de lui fournir, avant l'abattage, un projet chiffré de replantation pour accord préalable ;

- de l'office cantonale de l'eau (ci-après : OCEau), du 24 février 2021, avec dérogations à l'art. 15 al. 3 let. LEaux-GE, confirmant que le projet correspondait à des constructions d'intérêt général dont l'emplacement était imposé par leur destination ;

- de l'office cantonal des transports (ci-après : OCT), du 10 mai 2021, après une demande de modification afin que le projet respecte les directives de la norme VSS SN 40 238 relative à l'aménagement d'escaliers ; avec dérogation à l’accessibilité par des PMR, compte tenu des difficultés techniques et de l'exigüité de la parcelle, du fait que la norme VSS était respectée en ce qui concernait les hauteurs et profondeurs de marche et que la commune possédait une autre plage accessible aux PMR. Il était pris note du fait que l'escalier était fermé la nuit ;

- de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS), du 8 mars 2021, avec dérogation à l'art. 15 LEaux-GE et sous conditions, relevant que l'intervention était mineure et allait dans le sens du but général visé par la loi sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992 (LPRLac - L 4 10) ;

- de la direction des autorisations de construire, du 26 avril 2021, avec dérogations à l’art. 15 LEaux-GE et à l’art. 109 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) quant à l’accessibilité aux PMR ;

- du service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants, du 20 mai 2021, sous conditions liées au bruit et aux émissions du chantier ;

- avec dérogation du service des monuments et des sites
(ci-après : SMS) du 21 juin 2021, malgré l'absence d'un accès pour les PMR, demandé en condition par la CMNS, en raison des contraintes inamovibles qui empêchaient ce dernier d'être réalisé.

4) Par décision du 19 juillet 2021, publiée le même jour dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO), le département a délivré l'autorisation de construire DD 1_____.

5) Par acte commun du 13 septembre 2021, Mme A______ et M. B______, propriétaires de la parcelle no 315, adjacente à la parcelle no 473 ainsi que Mme et M. D______, propriétaires de la parcelle no 223, également adjacente à la parcelle no 473 (ci-après : les propriétaires voisins), ont formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), contre cette autorisation de construire, concluant à son annulation. Préalablement, ils requéraient un transport sur place ainsi qu’une comparution personnelle.

La parcelle n° 473 était, à l’origine, affectée à l'évacuation des eaux pluviales et n'avait aucune vocation à être empruntée comme chemin d’accès au lac. La faune et la flore s'étaient appropriées cette parcelle depuis que son affectation avait été abandonnée.

C'était à tort que le département avait accordé les dérogations, le projet ne revêtant pas d'intérêt général et n'était pas accessible aux PMR. À quelques mètres se trouvait la plage publique de C______ qui offrait tout le confort à ses utilisateurs. L'intérêt général des habitants de la commune d'avoir un accès partiel et inadapté au lac sur cette parcelle était dès lors tout relatif.

L'accès au lac depuis cette parcelle permettrait premièrement aux passants de voir leurs propriétés, mais surtout d'entrer sur leurs parcelles.

L'aménagement du chemin litigieux représenterait un danger pour ses utilisateurs en cas de fortes précipitations et il nuirait à la faune et à la flore.

Enfin, le projet causerait des nuisances sonores alors que le lieu était complètement silencieux et la pose d'une poubelle causerait également des nuisances comme l'apparition de nuisibles attirés par les déchets alimentaires et la visite de la voirie.

6) Le département et la commune ont conclu au rejet du recours.

Le projet répondait à un intérêt général évident, soit celui d'offrir un accès à la parcelle du domaine public communal qui conduisait aux rives du lac, étant précisé que les habitants de la commune traversaient autrefois la parcelle n° 315 pour y accéder, mais que, depuis son acquisition par les époux B______, l’accès était fermé.

L'affectation de la parcelle avait changé depuis l'assainissement de la route de F_____, de sorte que l'on ne saurait considérer que ce projet représenterait un danger en lien avec l'évacuation des eaux.

7) Après un second échange d’écritures, les propriétaires voisins ont encore produit des attestations de paysagistes certifiant en substance que l’érable plane dont l'abattage était autorisé pour la réalisation du projet était en parfaite santé et ne présentait aucun risque de déracinement ou de chute.

8) Par jugement du 19 mai 2022, le TAPI a rejeté le recours.

Plusieurs griefs étaient irrecevables ou leur recevabilité était douteuse, tels que celui du défaut d’accessibilité aux PMR ou de danger lié aux intempéries pour les utilisateurs du projet.

Le département avait suivi les préavis positifs et obligatoires confirmant que le projet correspondait à des constructions d’intérêt général dont l’emplacement était imposé par leur destination. L’accessibilité aux PMR n’était pas possible en raison de contraintes inamovibles. L’accès au lac, et partant le projet, relevait d’un intérêt public important, face auquel les intérêts privés invoqués ne sauraient prévaloir, le principe de proportionnalité n’était pas violé. Le projet n’entraînerait pas d’inconvénients graves pour les propriétaires voisins. Le grief d’impact négatif sur l’environnement et la nature était mal fondé.

9) Par acte mis à la poste le 1er juillet 2022, Mme A______ et
M. B______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant à son annulation ainsi qu’à celle de l’autorisation de construire DD 1_____.

Une vidéo de la parcelle était déposée. Un transport sur place était néanmoins indispensable et leur droit d’être entendus avait été violé par le refus du TAPI de procéder à cette mesure d’instruction.

Le TAPI avait fait preuve d’arbitraire dans son jugement, retenant uniquement l’accès au lac comme intérêt public prépondérant.

Le projet allait inévitablement induire des nuisances très importantes pour eux, leur parcelle n’étant pas délimitée et donc directement accessible par le cheminement piéton prévu. L’intérêt public poursuivi n’était pas réalisé notamment par l’impossibilité d’accès aux PMR. La plage de la commune se trouvait à 100 m au sud et existait déjà.

La parcelle litigieuse, de par ses dimensions, respectivement son étroitesse, n’était pas un lieu approprié pour aménager un accès au lac, au sens de la loi sur la protection générale des rives du lac du 4 décembre 1992 (LPRLac - L 4 10).

La parcelle servait d’écoulement pour les eaux pluviales jusqu’à la réfection de la route de F_____. Elle n’était pas mentionnée sur les plans définissant le périmètre d’application de la LPRLac, de sorte qu’aucun accès au lac ne devait être ni garanti, ni même autorisé.

Leur intérêt n’avait pas été pris en compte. Notamment le parking sauvage qui allait découler de cet accès augmenterait encore celui existant, comme le prouvait une vidéo jointe. Les nuisances sonores, de sécurité et surtout de l’empiètement inévitable sur leur parcelle n’avaient pas été pris en compte.

Les dégâts qui résulteraient immanquablement du chantier d’exécution n’avaient pas non plus été pris en compte.

Aucune indication n’avait été donnée quant à la fermeture du portail de nuit. Rien n’avait été prévu pour les déprédations de jour, les déchets, la musique, les débordements et les incivilités qui étaient communs. Aucun dispositif n’était prévu par la commune pour limiter l’utilisation de cet espace public.

La protection de la faune et flore n’avait pas été prise en compte. La parcelle, depuis l’arrêt de son utilisation et de son entretien, avait été un refuge pour les cygnes, canards et poules d’eau. L’OCAN n’avait pas procédé à une inspection locale.

L’obligation faite de replanter des arbres n’avait pas été détaillée. Compte tenu de la dimension de la parcelle, il semblait impossible que les mesures compensatoires puissent y être réalisées.

Le jugement et la décision retenaient l’accès au lac comme un intérêt public prépondérant. Or, le projet n’était ni raisonnable, ni possible, ni approprié. Le TAPI n’avait procédé à aucun examen concret du projet et des nuisances qui interviendraient inévitablement.

10) Le 20 juillet 2022, les époux D_____ ont renoncé à formuler des observations.

11) Le 22 août 2022, les recourants ont transmis une vidéo montrant les problèmes de parking sauvage.

12) Le 15 septembre 2022, la commune a répondu au recours, concluant à son rejet.

Elle répondait point par point aux griefs des recourants, estimant que le département n’avait pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en délivrant l’autorisation de construire querellée, ni violé le droit.

13) Le 15 septembre 2022, le département a déposé ses observations, concluant au rejet du recours et répondant point par point à l’argumentation développée par les recourants, dans la mesure où elle pouvait être comprise.

14) Le 16 décembre 2022, les recourants ont répliqué.

La question de la nécessité de créer un lourd et imposant escalier métallique pour accéder au chemin n’avait pas été abordée alors qu’il semblait complètement disproportionné par rapport à la dimension de la parcelle. Le dénivelé important entre la route et le niveau de la parcelle devrait suffire pour constater qu’il ne s’agissait pas d’un lieu approprié pour créer un accès au lac ni un quelconque autre aménagement. L’interprétation arbitraire faite du but poursuivi par la LPRLac menait à la création d’une construction aberrante, aux conséquences graves et très nuisibles pour eux.

L’examen par le Grand Conseil du projet de loi PL13’024, visant à instaurer une nouvelle norme constitutionnelle afin de garantir l’accès et le cheminement le long des rives du lac Léman et le refus par la commission d’aménagement de ce projet ainsi que l’audition du directeur de l’OCEau, allaient dans le sens de dire qu’il n’était pas justifié de vouloir créer à tout prix et sans prendre en considération les particularités du terrain et des parcelles concernées, un accès au lac.

C’était uniquement en se fondant sur les préavis que le TAPI avait été retenu que le projet n’entraînerait pas d’inconvénients graves pour eux. Il n’avait pas non plus expliqué ou justifié pour quels motifs ces nuisances seraient hypothétiques. Il était toutefois notoire que les plages publiques étaient prises d’assaut et donnaient lieu à des déprédations diverses et variées : déchets, musique, alcool, etc. Dix articles de presse parus entre le 17 septembre 2017 et le 23 novembre 2022 attestaient cela. Il était donc malvenu de la part de la commune de prétendre que les nuisances invoquées étaient de simples allégations.

Aucune preuve ne permettait au TAPI de retenir une « faible fréquentation de la plage ». Il était arbitraire de retenir ce fait.

Tout accès au lac permettait la mise à l’eau de divers engins aquatiques. Ils voyaient régulièrement des personnes entrées par la plage de C______ qui se déplaçaient sur l’eau passant devant leur propriété. Il était évident que la fréquentation ne se limiterait pas à une ou plusieurs personnes.

Aucune délimitation n’existait entre leur parcelle et celle concernée par le projet litigieux. Il y aurait forcément des nuisances engendrées sur leur parcelle et ils devraient intervenir quotidiennement durant les périodes estivales pour « faire la police » sans aucun moyen concret d’action, si ce n’était faire intervenir la force publique.

Le transport sur place devait être ordonné, il était impossible de se rendre compte de la vue qu’auraient les passants depuis la parcelle litigieuse sur la leur, ni prendre la mesure des nuisances qui en découleraient.

15) La commune a renoncé à dupliquer et les parties ont été informées que la cause était gardée à juger le 13 janvier 2023.


 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Les recourants sollicitent un transport sur place et font valoir une violation de leur droit d’être entendus, le TAPI ayant refusé de procéder à cette mesure d’instruction.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; ATA/965/2021 du
21 septembre 2021 consid. 2a et les références citées).

Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_90/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.1.2 ; ATA/907/2021 du 6 septembre 2021 consid. 4a).

b. En l’espèce, outre les plans et photographies figurant au dossier et celles accessibles sur le site d’information du territoire genevois (SITG), la chambre de céans dispose également d’une vidéo commentée par les recourants en train de marcher sur le chemin E_____.

Ces éléments sont suffisants pour trancher le litige et le transport sur place requis n’est pas susceptible d’apporter d’autres éléments pertinents nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause. Notamment, les limites de propriété et l’emplacement des arbres que les recourants voudraient voir constater par le transport sur place, apparaissent clairement sur les plans et les photographies, et ne sont que confirmés par la vidéo.

En conséquence, il ne sera pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction et il appert que le TAPI n’a pas commis de violation du droit d’être entendu en renonçant à ces mesures.

3) a. En procédure administrative genevoise, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61
al. 1 let. a LPA), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

b. De jurisprudence constante, la chambre de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci. Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/498/2020 du 19 mai 2020 ; ATA/1098/2019 du 25 juin 2019).

4) Le litige porte sur la conformité au droit de l’autorisation de construire un escalier, aménager un chemin, installer un banc ainsi qu’une poubelle et abattre un arbre sur une parcelle du domaine public de la commune, adjacente à celle des recourants.

Les recourants mettent en doute l’intérêt public ayant fondé la décision d’autorisation en estimant que la création d’un « accès au lac » à cet endroit, n’était pas conforme aux buts de la LPRLac, car ne constituant pas un « lieu approprié » au sens de l’art. 1 al. 1 LPRLac.

La LPRLac a pour but de protéger les rives du lac et les zones sensibles voisines ainsi que de faciliter des accès publics aux rives du lac en des lieux appropriés dans la mesure où il n’est pas porté atteinte à des milieux naturels dignes de protection (art. 1 al. 1 LPRLac).

En premier lieu, le texte clair de cette disposition n’a pas besoin d’être interprété et son sens n’est pas celui que voudraient lui donner les recourants lorsqu’ils analysent la notion de « lieu approprié », pour en déduire que la largeur du chemin d’accès empêche que le lieu soit jugé approprié. Ce faisant, ils omettent de lire l’entier de la phrase, laquelle précise que ces accès doivent être facilités « dans la mesure où il n’est pas porté atteinte à des milieux naturels digne de protection », soit pour autant qu’il ne soit pas porté atteinte à un tel milieu. Leur interprétation ne peut donc être suivie.

En outre, leur argumentation vise non pas les constructions et installations autorisées par la décision contre laquelle ils ont recouru, mais la décision de recréer, ou de créer un accès au lac. Cette décision a été prise par le Conseil municipal et ne fait pas l’objet du présent litige. Ainsi, l’argumentation largement développée et fondée sur l’absence d’intérêt public ou sur la pesée des intérêts dans laquelle leur intérêt privé aurait été omis s’avère être exorbitante au litige et ne sera pas discutée plus avant. Ne seront donc examinés ci-dessous que les griefs soulevés en lien avec le contenu de l’autorisation litigieuse et sa confirmation par le jugement du TAPI.

5) S’agissant du contenu de l’autorisation de construire elle-même, les recourants n’ont soulevé aucun grief précis, outre celui des nuisances qui seraient engendrées lors du chantier et par la fréquentation des lieux, si ce n’est l’absence d’intérêt public à réaliser cet aménagement et celle de la prise en compte de la présence des oiseaux sur la parcelle.

a. La parcelle concernée est située dans le périmètre des surfaces inconstructibles des 30 m de la limite du lac et, le projet d’aménagement a donc été examiné par le département en application de l’art. 15 al. 3 LEaux-GE, lequel prévoit que des dérogations peuvent être accordées, pour autant que celles-ci ne portent pas atteinte aux fonctions écologiques du lac et des rives, ou à la sécurité de personnes et des biens et cela, notamment, pour des constructions ou installations d’intérêt général dont l’emplacement est imposé par leur destination.

En l’espèce, s’agissant d’aménager une parcelle du domaine public pour la rendre accessible au public, l’intérêt poursuivi est simplement celui d’en permettre l’usage commun car, pour l’instant, en raison de l’absence d’un escalier permettant de franchir le dénivelé entre la route et la parcelle, elle est inaccessible depuis la route. À cela s’ajoute l’installation d’un banc et d’une poubelle devant la plage.

En mettant en doute l’intérêt public poursuivi par ces aménagements les recourant omettent de tenir compte du fait que la parcelle concernée fait partie du domaine public, tout comme le lac (art. 1 let. b de la loi sur le domaine public du 24 juin 1961 - LDPu - L 1 5) et ses berges, lesquelles sont délimitées par les hautes eaux moyennes (art. 3 al. 1 et al. 4 LEaux). Ce ne sont donc pas les constructions et installations requises qui créent l’affectation de cette parcelle du domaine public. Ceux-ci ne font que modifier les possibilités d’utilisation.

b. S’agissant des conditions d’octroi de l’autorisation de construire, les recourants remettent en cause le préavis de l’OCAN qui n’aurait pas procédé à une inspection locale permettant de constater que la parcelle était un refuge pour les cygnes, canards et poules d’eau.

Étant rappelé que la parcelle a une largeur maximale de 2 m et que tous les préavis mentionnent qu’elle est située dans le périmètre de protection générale des rives du lac et soumis à LEaux-GE, rien ne permet de retenir que les instances spécialisées consultées ayant donné leur préavis favorable à la dérogation pour la construction d’un banc et d’une poubelle, auraient omis l’avifaune qui peuple les rives lacustres. Quant à l’examen des éventuelles atteintes aux autres fonctions écologiques, le préavis du service spécialisé a été requis et conformément à la loi, celui de la CMNS l’a également été (art. 15 al. 4 LEaux-GE). Ces instances n’ont émis aucune remarque au sujet d’un impact négatif sur la faune ou la flore. En outre, la parcelle n’est pas située dans une réserve naturelle qui bénéficierait d’une protection supplémentaire.

6) Les recourants font grief au département et au TAPI de n’avoir pas tenu compte des importantes nuisances qu’engendrerait la fréquentation des lieux et qui leur causerait des inconvénients graves, au sens de l’art. 14 al. 1 let. a LCI.

a. Aux termes de l'art. 14 al. 1 LCI, le département peut refuser une autorisation lorsqu'une construction ou une installation peut être la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a) ou lorsqu'une construction ou une installation créerait par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation (let. e).

b. Les dispositions cantonales concernant la limitation quantitative des nuisances n'ont plus de portée propre dans les domaines réglés par le droit fédéral (ATF 117 Ib 157 ; 113 Ib 220). Depuis l'entrée en vigueur de loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01), la protection des personnes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes, notamment contre le bruit, est réglée par la législation fédérale. L'art. 14 LCI conserve néanmoins une portée propre en matière d'inconvénients afférents à la circulation, notamment en ce qui concerne le stationnement des véhicules ou la mise en danger des piétons ou du public (ATF 118 Ia 112 consid. 1b p. 115 et les références citées).

L’art. 14 LCI appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée.

7) En l’espèce, la construction d’un escalier et d’un banc, sur une parcelle dont la largeur n’excède pas 2 m, débouchant sur une plage de la même largeur, n’est pas susceptible de créer de nuisances qui pourraient être qualifiées d’incompatibles avec la zone concernée. En effet, même les recourants relèvent qu’au maximum trois personnes pourront se tenir sur la plage. Les craintes des recourants quant aux inconvénients graves que créerait l’utilisation de la plage ou du banc est donc infondée, même si les recourants ont pu bénéficier jusqu’alors de l’absence d’utilisation de cette parcelle du domaine public communal.

Quant aux nuisances créées par les baigneurs ou autres usagers du lac, ainsi que par les personnes utilisant le banc, que ce soit par rapport au parking sauvage ou au passage devant ou à côté de la parcelle des recourants, rien ne permet de retenir qu’elles seront amplifiées de façon importante par l’aménagement contesté, vu la dimension très réduite de la parcelle et son accès limité, notamment par la fermeture nocturne. De surcroît, l’OTC a conditionné son préavis à ce que la commune fasse le nécessaire pour remédier aux problèmes de parking sauvage, lesquels ne seront que peu modifiés par l’installation projetée et qui préexistent à l’autorisation de construire, comme le reconnaissent les recourants qui ont filmé l’état actuel de la situation.

Le problème soulevé de l’absence de délimitation de leur parcelle le long du chemin E_____ n’est pas une conséquence de la décision contestée et la situation n’est pas différente de celle de toute parcelle bordée par un chemin communal, étant rappelé qu’il s’agit d’une parcelle qui appartenait déjà au domaine public communal avant la délivrance de l’autorisation de construire litigieuse.

S’agissant de la présence de la poubelle, les recourants se plaignent de façon contradictoire des nuisances qu’elle créerait (animaux nuisibles, passage de la voirie) tout en relevant que les usagers de la plage ne manqueraient pas de laisser de nombreux détritus sur le sol, risque que l’absence de poubelle ne ferait qu’augmenter.

Force est donc de constater que la situation de la parcelle des recourants, entourée sur trois côtés au moins par le domaine public (lac, chemin E_____, route de F_____), n’est pas modifiée sur ce point par la décision contestée et que les hypothétiques nuisances supplémentaires qui seraient engendrées par l’aménagement projeté, lequel peut être qualifié « d’intervention mineure », comme retenu par le SMS, n’est donc pas susceptible de créer des inconvénients graves. au sens de l’art. 14 LCI.

Quant aux nuisances qui seraient provoquées par le chantier, la jurisprudence a déjà retenu que des travaux de démolition qui entraîneraient éventuellement des nuisances en matière de bruit et de poussière, limitées dans le temps, ne sauraient à elles seules fonder un intérêt pratique à recourir (arrêt 1C_411/2014 du 9 janvier 2015 consid. 2.3.2, publié in SJ 2015 I 263). En outre, le préavis du SABRA contient des conditions liées au bruit et aux émissions du chantier.

En conséquence, les griefs, dans la mesure où ils sont recevables, doivent être écartés.

Entièrement infondé, le recours sera rejeté.

8) Vu l’absence de conclusions prises par les époux D_____, aucun émolument ne sera mis à leur charge et il ne leur sera alloué aucune indemnité de procédure (art. 87 LPA).

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge conjointe des recourants (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la commune intimée qui compte moins de 10'000 habitants et qui y a conclu, à la charge conjointe des recourants (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er juillet 2022 par Mme A______ et M. B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 19 mai 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge conjointe de Mme A______ et M. B______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la commune de C______, à la charge conjointe de Mme A______ et M. B______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Ema Bolomey, avocate des recourants, à Me Jennifer Puertas, avocate de la commune de C______, à Mme et M. D______, au département du territoire - OAC, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.


 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :