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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4500/2019

ATA/224/2023 du 07.03.2023 sur JTAPI/251/2022 ( LCI ) , ADMIS

Recours TF déposé le 28.04.2023, 1C_200/2023
Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;ZONE AGRICOLE;IMMISSION;EXPERTISE;VOISIN;PERMIS DE CONSTRUIRE;CONFORMITÉ À LA ZONE
Normes : LAT.16; LAT.22; OAT.34; OAT.34a; OPair.3
Résumé : Admission d’un recours contre l’autorisation de construire une installation de biogaz. Les données techniques du projet qui ressortaient du dossier de financement contenant la description et le dimensionnement de l’unité de méthanisation, qui ressortaient également des plans visés ne varietur, ne suffisaient pas pour vérifier la viabilité de l’installation au sens de l’art. 34 al. 1 let. c OAT. S’ajoutait encore l’absence d’examen de conformité du projet avec l’OPair, compte tenu des nuisances olfactives et la proximité d’habitations.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4500/2019-LCI ATA/224/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mars 2023

3ème section

 

dans la cause

COMMUNE DE A______
COMMUNE DE B______
commune de C______

représentées par Me François Bellanger, avocat

et

Mme D______
représentée par Me Tobias Zellweger, avocat

contre

M. E______
représenté par Me Marie-Claude de Rham-Casthelaz, avocate

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 mars 2022 (JTAPI/251/2022)


EN FAIT

1) M. E______ est propriétaire de la parcelle no 10'006 de la commune de A______, d’une surface de 40'425 m², sise en zone agricole. Cette parcelle est recouverte de forêts à raison de 4'395 m² au nord et un bâtiment d’une surface de 113 m² y est érigé au sud. Elle est bordée au sud par la route F______ et à l’est par la route G______.

Cette parcelle figure sur la carte de l’inventaire des surfaces d’assolement
(ci-après : SDA), approuvé par le Conseil d’État le 13 février 2019.

2) Le 10 juin 2010, le département du territoire (ci-après : le département) a délivré à M. E______ l’autorisation APA no 1______ portant sur le remblayage de la parcelle n°10'006.

3) Le 23 décembre 2015, M. E______, agriculteur, qui exploitait des parcelles réparties sur 198 ha sur la commune de C______ et les communes avoisinantes, a déposé auprès du département une demande d’autorisation de construire sur la parcelle no 10'006, visant la construction d’une ferme, l’abattage d’arbres, l’installation de production de biogaz, le remodelage topographique du terrain et le défrichement d’une forêt, enregistrée par le département sous DD 2______.

La notice d’impact écologique (ci-après : NIE) élaborée par H______ SA qui accompagnait la demande a été complétée et mise à jour à plusieurs reprises au cours de l’instruction du projet et des diverses demandes de compléments émises par les instances de préavis. La dernière version est datée de février 2019. La NIE portait sur tous les aspects du projet : installation, énergie et protection de l’environnement. L’installation projetée visait à accueillir
quatre-vingt bovins, de leur sevrage à leur abattage. La valorisation de 4'705 t de matière organique par an était prévue en jumelant la plateforme d’engraissement à une installation de méthanisation. Les intrants proviendraient du fumier en provenance de manèges des alentours, du fumier et du lisier de bovins provenant de l’exploitation elle-même, ainsi que de la paille issue de l’exploitation de M. E______.

Il ressort de ce document qu’au nord-est, à l’est ainsi qu’au sud de la parcelle se trouvent des terres agricoles exploitées. Elle est entourée à l’ouest par des locaux et une pépinière ainsi qu’une habitation située à environ 65 m de la parcelle et environ 100 m du projet de construction. Au nord-ouest est situé un domaine d’habitation privée à environ 90 m de la parcelle, séparée par le bois et à environ 210 m du projet de construction. Au sud-est est située une maison d’habitation à 40 m de la parcelle séparée par la route G______ et à environ 95 m du projet de construction.

Selon le rapport de financement du projet d’installation de biogaz d’I______ GmbH (ci-après : I______) produit par M. E______ le 1er mars 2019, les bâtiments à construire représentaient une surface de 2'230 m2 et les aménagements extérieurs s’élevaient à 3'000 m2. Le projet prévoyait la méthanisation de 4,705 t par an de substrats, soit 1,838 t de fumier bovin et 2,678 t de fumier de cheval mélangés avec de la paille. L’installation de biogaz prévoyait deux silos de stockage de 435 m3 et 581 m3. Le digestat solide devant être stocké pendant six mois, deux silos de respectivement 1'162 m3 et 873 m3 ainsi qu’un silo existant seraient utilisés. L’installation comportait encore une fosse de 10 m3 pour le lisier, une fosse pour la récupération de l’eau de pluie de 500 m3. Un réservoir de stockage final de
1'000 m3 était prévu ainsi que deux unités de stockage de gaz de 793 m3 dans le digesteur et 793 m3 dans le post-digesteur. Les deux fosses de fermentation auraient un volume de 1'373 m3. Une préfosse de 60 m3 étaient encore prévue pour compléter l’installation.

Le projet étant en zone de SDA, une compensation de la surface utilisée par le défrichement de 4'395 m2 de forêt, située sur la parcelle était prévue.

4) Dans le cadre de l’instruction du projet, le département a notamment demandé à M. E______ de déposer un complément afin de régulariser les travaux autorisés dans l’APA 1______ qui n’avaient pas été réalisés de manière conforme, ce qui a été fait le 12 décembre 2017 par le dépôt d’une demande portant sur la « mise en conformité d’un remblayage de parcelle agricole ».

5) a. Le service de l’environnement et des risques majeurs (ci-après : SERMA) a rendu six préavis dont il ressortait notamment qu’il avait consulté l’office cantonal de l’eau, l’office cantonal des transports (ci-après : OCT), l’office cantonal de l’énergie, l’office cantonal de l’agriculture et de la nature (ci-après : OCAN), le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA), le service de géologie, sol et déchets (ci-après : GESDEC) et l’office cantonal du patrimoine et des sites.

Le 2 mars 2017 notamment, il a demandé des pièces complémentaires sur des questions techniques, l’établissement d’un business plan démontrant la viabilité économique du projet et la démonstration que chaque activité était rentable pour elle-même.

Dans son dernier préavis du 21 mai 2019, favorable avec dérogation, sous conditions et avec souhaits, il précisait que le préavis incluait l’évaluation de la mise en conformité relative à la suite de l’ancienne procédure APA 1______, concernant le remodelage topographique du terrain. Le préavis couvrait l’ensemble des thématiques environnementales traitées dans le cadre d’une NIE.

b. La direction de la planification cantonale (ci-après : SPI) a demandé à plusieurs reprises des compléments et a rendu un préavis favorable le 16 janvier 2018. Les pertes de SDA liées aux constructions pour la production d’énergie pouvaient être considérées comme optimisées dans la dernière version du projet. Le défrichement de la surface boisée sur la parcelle n° 10'006 permettait par ailleurs de récupérer 4'500 m2 de SDA sur les 5'230 m2 utilisés par le projet.

Les objectifs de production d’énergie l’emportaient sur les objectifs de préservation des SDA et paysagers. L'autorisation serait conditionnée au défrichement effectif de la surface boisée et sa remise « à l'état initial et SDA compatible ».

c. La commune de A______ a rendu quatre préavis, tous défavorables. Elle indiquait dans le dernier préavis, du 5 novembre 2018, qu’elle ne changerait pas sa position tant que le service des autorisations de construire et le GESDEC ne valideraient pas par écrit les modifications des profils et des niveaux de remblais de l’APA 1______ et 1______/2 réalisés par M. E______.

d. La direction des autorisations de construire, devenue l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) a, elle aussi, été consultée et a rendu un préavis favorable avec dérogation au sens de l’art. 70 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) le 5 octobre 2018, après avoir demandé à plusieurs reprises un projet modifié et des pièces complémentaires.

e. Le 26 février 2016, la commune de C______ a transmis au département une observation négative sur le projet et la commune de A______ a demandé au département de refuser l’octroi du permis de construire sollicité.

6) M. E______ s’est déterminé par écrit le 19 décembre 2016 sur les divers préavis reçus dans le cadre de l’instruction de sa requête et, le 27 novembre 2017, il a déposé une requête en défrichement définitif portant sur une surface de 4'395 m2 de la parcelle no 10'006, afin de récupérer une surface de pâturage. L’OCAN a délivré cette autorisation le 5 novembre 2019 (3______).

7) Le ______ 2019, le département a délivré à M. E______ l’autorisation DD 2______, laquelle a été publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève du même jour. Les préavis faisaient partie intégrante de l’autorisation, notamment celui du 21 mai 2019 du SERMA (chiffre 5 de l’autorisation).

Le préavis du SERMA prévoyait une condition ch. 31, selon laquelle le requérant devait produire à l’OCAN – service de l’espace rural et service de l’agronomie, trente jours ouvrables avant toute intervention, les contrats de prise en charge à prix coûtant issus du biogaz. Il était également indiqué sous ch. 31 que la rentabilité du projet était dépendante du prix de vente de l’électricité produite. Or, la justification légale du projet était notamment liée à la démonstration de cette rentabilité. Il était indiqué en fin de préavis que le GESDEC, secteur déchets, « n’était pas en mesure de se prononcer sur le rendement de l’installation de méthanisation ni sur la viabilité économique de ce projet ».

8) Le même jour, le département a adressé à M. E______ un courrier en lien avec l’autorisation délivrée, lui infligeant une amende administrative de CHF 5'000.- compte tenu du fait que le projet avait déjà partiellement été réalisé, les remblayages, assimilés à une décharge à ciel ouvert, bien plus importants que ceux fixés par l’APA 1______, ayant occasionné le non-respect des niveaux de terrain autorisés.

9) Par acte du 5 décembre 2019, les communes de A______, B______ et C______ ont recouru ensemble, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre l’autorisation de construire DD 2______, concluant à son annulation. Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/4500/2019.

10) Le 5 décembre 2019, Mme D______, domiciliée à l’adresse ______, route F______, propriétaire de la parcelle no 2'456 de la commune de A______, a également recouru auprès du TAPI contre l’autorisation de construire concluant à l’annulation de la décision ainsi qu’à des mesures d’instruction. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de cause A/4504/2019.

Sa parcelle était séparée de celle de M. E______ par la parcelle no 10'003, de 6'221 m2 et son domicile était situé à moins de 90 m de la parcelle no 10'006. Elle avait la qualité pour recourir, notamment en raison des nuisances liées à l’exploitation de l’installation de biogaz.

11) Après un premier échange d’écritures, le TAPI a joint les procédures A/4500/2019 et A/4504/2019 sous le numéro de cause A/4500/2019 par décision du 9 mars 2020 (DITAI/142/2020).

12) Au cours d’un troisième échange d’écritures ordonné par le TAPI, Mme D______ a produit une étude réalisée par J______ SA, concluant que la viabilité économique et environnementale du projet n’était pas démontrée par les documents produits par le requérant. Une étude chimique des intrants était nécessaire pour déterminer le rendement, en raison de la présence de matière ligneuse telle que la paille qui agissait comme facteur limitant dans la gestion anaérobie/méthanisation et agissait sur la capacité de production d’énergie, ce qui n’avait pas été pris en compte dans l’étude produite. Les infrastructures étaient surdimensionnées par rapport à l’énergie produite et les calculs du rendement thermique et électrique d’I______ étaient remis en question.

13) Le TAPI a entendu les parties en audience de comparution personnelle et d’enquêtes le 22 février 2021.

a. M. E______ a indiqué avoir reçu une décision de l’OAC le 22 octobre 2020, classant la procédure I-4______.

Il réalisait de la culture céréalière sur 110 ha et de l’élevage et engraissement de bovins sur 50 ha. Il avait environ cent trente bêtes. Il élevait des vaches mères, et les abattait à K______. Il avait le label Genève région Terre Avenir (GRTA).

Il épandait sur ses champs le fumier frais provenant de son exploitation bovine ainsi que du fumier de cheval provenant des manèges des environs, auxquels il livrait le fourrage. Il n’avait pas de contrats avec ces derniers, mais leur fournissait le fourrage depuis plus de vingt ans et récupérait l’entier de leur fumier. Il s’agissait d’accords tacites qui fonctionnaient bien. Il avait indiqué la liste des manèges avec qui il travaillait dans ses écritures. Ceux-ci étaient intéressés par son installation de biogaz. Il livrait le fourrage environ une fois par semaine aux manèges et récupérait une benne de fumier également une fois par semaine. Avec la future installation, au lieu de vider le contenu des bennes directement dans ses champs, il amènerait ce contenu à son installation. Le site choisi pour celle-ci était central par rapport à l’ensemble de son exploitation et les manèges concernés étaient dans un rayon de moins de 15 km. Il pouvait produire une liste des manèges et le volume de fumier annuel produit.

Dans un rayon de 15 km autour de son exploitation, on trouvait environ trois cents chevaux. Il n’aurait ainsi aucun souci à trouver un autre manège pouvant fournir le fumier si l’un de ceux avec qui il travaillait actuellement ne pouvait plus lui en procurer.

b. Les représentants du département, soit M. L______, M______ de l’OCAN, et Mme N______, O______, ont indiqué que la procédure d’infraction I-4______ était close. Les travaux concernant la mise conformité du remblayage seraient effectués en même temps que la construction de l’installation, le cas échéant, sinon le requérant devrait se conformer entièrement à l’APA 1______.

M. L______ a précisé ne pas s’être posé la question de savoir s’il existait des contrats entre M. E______ et les manèges concernant la livraison des fourrages et la reprise du fumier ni vérifié le tonnage de fourrage livré et de fumier récupéré, car ces éléments semblaient évidents. Il s’était basé sur la NIE et les relations préexistantes entre l’OCAN et M. E______. La NIE indiquait les communes dans lesquelles les manèges se situaient et la condition des 15 km par la route était remplie. Il fournirait le nombre exact de manèges implantés dans un rayon de 15 km ainsi que le nombre de chevaux qui y étaient accueillis. Une exploitation de biogaz était rentabilisée entre vingt et vingt-cinq ans, sa durée de vie pouvant être plus longue si elle était entretenue.

c. Une commune a indiqué que, si on ne prenait en considération que l’exploitation de M. E______ et non les manèges, que ceux-ci soient des entreprises agricoles ou non, la distance entre l’exploitation et les manèges devait être de 7,5 km au maximum afin de respecter la législation.

14) Le 5 mars 2021, dans le délai imparti par le TAPI, le département a transmis copie du courrier de l’OCAN.

Il n’existait pas de liste officielle des centres équestres situés dans le canton de Genève. Néanmoins, la Fédération genevoise équestre (ci-après : FGE) publiait sur son site internet la liste de ses membres et des manèges, au nombre de
vingt-quatre, dont, après déduction des manèges en rive droite, quatorze étaient situés dans un rayon de 15 km de la future installation de biogaz. L’effectif total était de six cent deux équidés, selon la banque de données sur le trafic des animaux (ci-après : BDTA).

Un cheval, selon la littérature spécialisée, produisait 12 t de fumier par an, ce qui correspondait, pour le nombre de chevaux dans un rayon de 15 km, à 7'224 t de fumier de cheval, soit plus de 2,7 fois la quantité nécessaire à son fonctionnement.

S’agissant des entreprises de MM. P______ et Q______, à R______ et S______, elles accueillaient cent douze chevaux, soit un total de
1'344 t. Pour l’établissement T______, accueillant vingt-cinq chevaux, cela représentait un total de 300 t par an.

15) Le 10 mars 2021, une seconde audience de comparution personnelle et d’enquêtes s’est tenue devant le TAPI.

Il a été demandé que M. E______ produise la liste des manèges qu’il fournissait en fourrage, la quantité fournie, la quantité de fumier qu’il reprenait et une attestation de ces manèges indiquant qu’il était le seul fournisseur de fourrage et le seul à venir rechercher celui-ci. Le TAPI a également sollicité la liste des manèges se trouvant à 15 km au maximum par la route et non dans un rayon de
15 km.

a. M. E______ a notamment indiqué que les quatre-vingts têtes de bétail prévues dans la nouvelle exploitation étaient prises en compte, en fonction de leurs jours de présence sur l’exploitation, dans la NIE.

S’agissant des odeurs, il avait actuellement, comme ses confrères, une place à fumier à l’air libre. Dans la future installation, il avait prévu une place à fumier fermée, avec un système permettant d’atténuer les odeurs. Dès lors, il n’aurait plus de fumier à l’air libre. Le fumier de cheval avait une faible odeur. Il prenait actuellement le fumier de bovin des stabulations environ quatre fois par an. Il procéderait un peu plus souvent si l’installation de biogaz était réalisée et il l’amènerait directement dans la place à fumier fermée.

Concernant la revente de l’électricité, il n’avait pas encore signé de contrat de revente, mais avait l’obligation de le faire avant le début des travaux, comme indiqué dans le préavis du SERMA du 21 mai 2019. Il avait déjà pris contact avec les Services industriels genevois (ci-après : SIG). Il avait des contrats standardisés avec des partenaires, qui prévoyaient des durées contractuelles de dix ans, avec possibilités de réadaptation.

Concernant la production de chaleur, en plus de celle d’électricité, il avait une lettre d’intention signée par l’État, intéressé par récupérer la chaleur thermique pour chauffer la prison de U______. Il existait d’autres alternatives à l’utilisation de la chaleur.

S’agissant de la procédure d’infraction I-4______, il s’opposait à sa production et à celle de la décision de service du 2 octobre 2020 citée dans son courrier du 22 octobre 2020, celle-ci ne faisant pas partie de la procédure d’autorisation de construire DD 2______.

b. M. L______ a précisé que les exploitations de MM. P______ et Q______ répondaient à la définition de l’entreprise agricole. L’exploitation de M. T______ n’y répondait pas.

Le prix de reprise de l’électricité était l’élément clé dans le cadre de l’analyse de la rentabilité de l’installation. C’est pour cela qu’une condition figurait à cet égard dans l’autorisation de construire, soit l’obligation de produire un contrat trente jours avant le début des travaux. Mme N______ a indiqué qu’aucun élément ne lui permettait de douter de la subsistance à long terme de l’exploitation agricole de M. E______, celle-ci étant une des plus importantes de Genève. Le département n’avait procédé à aucune vérification s’agissant de la subsistance de l’exploitation dans son ensemble. En revanche, l’examen financier et de rentabilité avait été réalisé sur l’installation projetée et la viabilité du projet avait été vérifiée, ce qui avait mené à la délivrance de l’autorisation. La loi ne fixait aucune durée contractuelle minimale pour le rachat de l’électricité.

Pour qu’une telle installation soit rentable, il était nécessaire d’utiliser également la chaleur thermique, afin qu’elle ne soit pas perdue. Le prix de rachat de l’électricité tenait d’ailleurs compte de la valorisation de la chaleur thermique. L’autorisation devant être déposée pour la construction de cette canalisation de transport ne faisait pas partie de la présente procédure.

Concernant la viabilité et rentabilité du projet, M. L______ a indiqué avoir organisé une séance avec la société V______ SA, société d’ingénieurs spécialisés dans le domaine du biogaz et de l’énergie, en présence de M. E______, et d’un représentant d’I______ le 9 novembre 2017 afin d’analyser le rapport de ce dernier. Un mandat d’accompagnement d’une valeur CHF 1'000.- avait été donné à V______ SA dans le cadre de la procédure d’autorisation. Il lui avait été demandé de lire le rapport d’I______ et de participer à la séance. Il n’existait pas de procès-verbal ni de rapport suite à cette séance.

Il s’était aussi rendu avec M. E______ dans une entreprise de biogaz en France, semblable à celle projetée. L’installation de biogaz existante de W______ n’était pas comparable à celle projetée, raison pour laquelle ils ne l’avaient pas visitée.

c. Les communes ont indiqué que, pour elles, les manèges n’étaient pas considérés comme des exploitations agricoles.

Elles estimaient que les demandes concernant l’aspect financier du projet faites dans les préavis n’avaient pas été suivies.

Elles sollicitaient encore la production de la décision rendue par le GESDEC le 2 octobre 2020, concernant la procédure d’infraction I-4______, citée dans le courrier du 22 octobre 2020 du département, ainsi qu’un transport sur place.

16) Dans le délai fixé par le TAPI, le département a transmis une liste des manèges membres de la FGE situés à une distance par la route d’au maximum
10 km du site de l’installation de biogaz projetée. La liste faisait état de dix manèges et de quatre cent trente-neuf équidés, tous situés entre 1 km et au maximum 7 km de l’installation projetée.

Il existait, en outre, hors de la région X______, mais encore dans un maximum de 15 km par la route, trois centres équestres pour un total de cent quatre chevaux. Au total, treize manèges pour cinq cent quarante-trois équidés étaient situés dans la limite maximale légale de distance.

17) Le 31 mars 2021, M. E______ a transmis les explications requises quant à la provenance prévue des 325,5 t annuelles de fumier de cheval. Il était prévu que les volumes proviennent de trois manèges, avec qui il collaborait depuis de nombreuses années, soit ceux de Y______, de S______, et de R______, dont il joignait les attestations.

Il reprenait 630 t de fumier des Z______, qui comptait en moyenne soixante-cinq chevaux en pension, 130 t des Écuries de S______, comptant environ quarante chevaux, et 480 t des AA______, lesquelles comptaient quarante-trois équidés.

18) Le 19 avril 2021, Mme D______ a réitéré sa demande de mesures d’instruction, soit la production de la décision du GESDEC du 2 octobre 2020, ainsi qu’un transport sur place.

19) Le 14 juin 2021, M. E______ a indiqué que sa famille était active dans l’agriculture en Suisse depuis cinq générations. Titulaire du certificat fédéral de capacité d’agriculteur depuis 2003, il avait repris en 2006 l’exploitation familiale, une des plus importantes du canton de Genève. Il s’était également formé dans l’encadrement de personnel. Sa structure n’avait pas de poursuites, était affiliée aux assurances sociales et payait régulièrement ses impôts.

Son exploitation était régulièrement contrôlée par l’OCAN, qui s’assurait que les conditions fédérales pour bénéficier des paiements directs étaient remplies.

Il était également administrateur de diverses sociétés suisses, inscrites au registre du commerce, actives dans le domaine de l’agriculture et du transport. Toutes étaient financièrement viables. En outre, sa sœur, expert-comptable et expert-réviseur, gérait les aspects financiers de son exploitation et celle-ci attestait que les comptes étaient tenus conformément à la législation en vigueur, actives depuis plusieurs années.

S’agissant de la viabilité financière du projet de construction, cette question avait déjà été analysée en détail dans la NIE. Divers articles joints, outre le préavis du SERMA du 21 mai 2019, démontraient qu’il était prévisible que l’exploitation de biogaz subsisterait à long terme.

Il a notamment joint à son courrier une copie de son CFC, les attestations d’affiliation comme indépendant et d’employeur, une attestation de l’office des poursuites du 7 juin 2021, faisant mention d’une poursuite à son encontre, par une personne physique, frappée d’opposition, ses relevés de comptes émis par l’administration fiscale cantonale de 2018 à 2021, ainsi qu’une attestation de sa comptable du 8 juin 2021 et de l’autorité fédérale de surveillance en matière de révision concernant cette dernière, et divers articles concernant le biogaz.

20) a. Le 17 juin 2021, l’OCAN a indiqué maintenir sa décision concernant l’autorisation de défrichement, estimant que les exigences de la protection de la nature et du paysage étaient démontrées.

Les espèces mentionnées dans la NIE n’étaient pas menacées et leur présence démontrait le caractère commun du biotope. Les diverses espèces d’oiseaux citées dans la NIE étaient liées aux milieux ouverts, soit des friches et des haies et non au milieu forestier. Elles étaient du reste localisées dans le cordon arboré non forestier se trouvant le long de la route, ce qui correspondait à leur habitat biologique. Ces espèces verraient leur habitat amélioré par la plantation de la haie prévue en qualité de compensation qualitative demandée.

b. Le 23 juin 2021, la CCDB a confirmé maintenir sa position concernant son préavis du 30 novembre 2018, estimant qu’il était clairement démontré que les exigences de la protection de la nature et du paysage étaient remplies. En particulier, elle estimait que l’état actuel de la forêt, une ancienne pépinière, offrait un potentiel restreint pour la biodiversité, contrairement à une haie vive, constituée en compensation. Cette dernière offrirait des habitats variés favorables à l’avifaune, notamment la fauvette grisette.

21) Le 18 octobre 2021, le département a indiqué au TAPI que les manèges fournissant la paille enrichie de fumier ne devaient pas répondre aux conditions énoncées à l’art. 7 de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11) pour être considérées comme des entreprises agricoles au sens de l’art. 34a al. 2 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1).

L’aide à l’exécution de l’office fédéral de l’environnement (ci-après : OFEV) sur les installations de méthanisation dans l’agriculture qu’il avait produite en annexe à sa réplique indiquait que « le rapport étroit avec l’agriculture signifi[ait] que plus de la moitié des intrants, provient de l’exploitation où se trouve l’installation de biogaz ou, normalement, d’exploitations agricoles situées à une distance par la route de 15 km ».

Quoi qu’il en soit, l’OCAN confirmait que les Z______ et le Manège de S______ répondaient à ces conditions. Il ne disposait pas des informations nécessaires pour se déterminer sur le manège de Vandœuvres. Cela étant, plus de 50 % des substrats utilisés proviendraient de l’exploitation elle-même ainsi que des Z______ et du Manège de S______.

22) Dans un délai prolongé au 10 décembre 2021, les parties ont campé sur leurs positions dans leurs observations finales et les observations spontanées du 22 décembre 2021 de M. E______ lui ont été renvoyées par le TAPI, car produites hors délai.

23) Par jugement du 8 mars 2022, le TAPI a déclaré irrecevable le recours interjeté par les communes de C______ et B______ et rejeté les recours de la commune de A______ et de Mme D______.

Le territoire des communes de C______ et de B______ se trouvaient à respectivement 730 et 900 m à vol d’oiseau de la parcelle concernée par le projet. L’augmentation de trafic alléguée serait inférieure à 1 %. Leur qualité pour recourir ne pouvait être retenue.

Les mesures d’instruction supplémentaires n’étaient pas nécessaires, le dossier étant complet.

La provenance à moins de 15 km des intrants permettait de retenir que le critère de l’art. 34a al. 1 OAT était rempli. Les intrants étaient constitués en majeur partie de déjections de bovins sis sur l’exploitation auxquelles venaient s’ajouter le fumier de cheval provenant des trois manèges de Y______, des écuries de S______ et des AA______.

Le projet était viable malgré ce qu’alléguait Mme D______ se fondant sur une expertise privée. L’autorisation de construire contenait une condition s’agissant du rachat de l’électricité.

La parcelle était adéquate pour réaliser le projet et le principe de concentration était respecté.

Les divers éléments du dossier permettaient de considérer que la subsistance à long terme de l’exploitation était assurée, tout comme le respect des autres conditions de l’art. 34 al. 4 OAT.

En délivrant l’autorisation de construire, le département avait concilié sans excès ou abus deux intérêts publics divergents, soit la promotion des énergies renouvelables et la protection des SDA.

Les autres griefs, portant sur le remblayage, l’accroissement du trafic, le défrichement, le principe de coordination, l’autorisation d’exploiter et la nécessité de planifier, devaient être écartés.

24) Le 2 mai 2022, Mme D______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre le jugement du TAPI, concluant à son annulation. Préalablement, elle sollicitait l’apport de la procédure d’infraction I-4______ conduite par le GESDEC ainsi que celle de la décision du GESDEC du 22 octobre 2020, l’audition de la société V______ SA en vue de déterminer l’objet et l’étendue du mandat confié par le département, l’expertise en vue de confronter le rapport I______ du 1er mars 2019 et l’expertise de J______ SA du 4 août 2020 notamment au regard de la viabilité technique de l’installation projetée.

a. Le jugement ne mentionnait pas que le coût total estimé pour la réalisation de l’installation s’élevait à CHF 2'581'459.- selon le rapport I______ et qu’il était prévu de la financer à 75 % par un crédit de CHF 1'936'094.- conclu pour une période de vingt ans avec un taux d’intérêts à 3 %.

Des faits avaient été omis en lien avec l’autorisation de défrichement également.

b. Son droit d’être entendue avait été violé par le fait que l’expertise privée produite, qui avait mis en évidence de nombreuses lacunes dans le projet et dans l’étude réalisée par I______, n’avait pas été prise en compte. Le rapport d’I______ n’était pas une expertise judiciaire et le département ne disposait pas des connaissances techniques suffisantes pour apprécier ledit rapport. Ce rapport ne permettait pas de combler les lacunes de l’autorité. Le GESDEC avait expliqué ne pas pouvoir calculer le rendement ni la viabilité économique du projet d’installation de biogaz.

Son droit d’accès au dossier avait été refusé s’agissant de la décision de remise en état des remblais.

c. L’art. 34 al. 4 OAT avait été violé, la condition de la subsistance à long terme de l’exploitation n’ayant pas été vérifiée et était impossible à vérifier en l’absence de compte, de bilan, d’analyse ou de tout rapport chiffré. Cette analyse ne saurait être fondée uniquement sur l’importance de l’exploitation ou de la bonne réputation de l’exploitant.

Il était impossible d’examiner la condition de l’art. 34a al. 3 OAT, en l’absence du revenu total de l’exploitation, de celui issu de l’activité agricole ainsi que de celui issu de la production d’énergie.

Il n’était pas possible de déterminer la viabilité du projet sans connaître le prix de l’électricité et sans tenir compte de l’exploitation de la chaleur produite.

d. La loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo - RS 921.0) était violée par le défrichement prévu.

e. L’autorité avait abusé de son pouvoir d’appréciation en autorisant que le remblayage demandé dans l’APA 1______ soit effectué en même temps que la construction de l’installation litigieuse.

En refusant de tenir compte tenu du fait que M. E______ avait par le passé obtenu des autorisations de construire sans les utiliser, voire ne débutant les travaux sans les achever, l’autorité intimée avait commis un excès négatif de son pouvoir d’appréciation.

f. La procédure d’autorisation de construire une canalisation censée relier la parcelle à la prison de U______ aurait dû être coordonnée avec la procédure litigieuse afin de s’assurer que la chaleur thermique serait utilisée et non perdue. Le principe de coordination avait été violé.

g. Il y avait eu une violation de l’obligation de planification. Compte tenu de l’ampleur du projet et notamment de la longueur de la canalisation pour l’utilisation de la chaleur thermique de 1,2 km qui traversait une route cantonale et une dizaine de parcelles, une planification aurait dû être prévue.

25) Par acte unique du 2 mai 2022, les communes de A______, B______ et C______ ont recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI, concluant à son annulation ainsi qu’à celle de l’autorisation de construire.

a. Le jugement niait à tort la qualité pour recourir des communes de B______ et de C______.

b. Leur droit d’être entendues avait été violé.

c. Le principe d’instruction d’office avait été violé.

d. L’examen relatif à l’existence d’un intérêt prépondérant n’avait pas été fait, en violation de l’art. 34 al. 4 let. b OAT.

e. L’examen relatif à la subsistance à long terme de l’exploitation en violation de l’art. 34 al. 3 let. c OAT n’avait pas été fait.

f. Les règles sur le rapport étroit de la biomasse utilisée avec l’agriculture et avec l’exploitation avaient été violées.

g. L’obligation constitutionnelle de maintenir un minimum de SDA avait été violée.

h. Les règles en matière de répartition des frais de procédure n’avaient pas été respectées.

26) Le 24 juin 2022, Mme D______ a appuyé le recours des communes.

La prison de U______ allait être détruite d’ici à 2030. Ce fait devait être pris en compte.

27) Le 24 juin 2022, le département a déposé des observations, concluant au rejet des recours.

Il a répondu point par point aux griefs soulevés par les recourantes.

28) Le 24 juin 2022, M. E______ a répondu au recours des communes, concluant à son rejet ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure.

Par mémoire séparé, il a répondu au recours de Mme D______, concluant à son rejet ainsi qu’au versement d’une indemnité de procédure.

Il a répondu point par point aux griefs soulevés par les recourantes et son argumentation sera reprise en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

29) Les communes ont répliqué le 23 août 2022, persistant dans leurs conclusions et reprenant leur argumentation.

30) Mme D______ a répliqué le 23 août 2022, persistant dans son argumentation et répondant à l’argumentation développée par M. E______.

31) Le 7 octobre 2022, M. E______ a dupliqué.

Il était prévu de reconstruire la prison sur le même site. Les besoins en énergie des différentes prisons actuelles et futures persisteront, voire augmenteront et qu’il y avait d’autres débouchés.

32) Le 10 novembre 2022, Mme D______ a persisté dans les conclusions de son recours.

33) Le 11 novembre 2022, les communes ont persisté dans leur recours.

Il n’y avait jamais eu de contact entre M. E______ et les offices en lien avec l’utilisation du biogaz pour les bâtiments projetés. Elles sollicitaient l’audition de MM. AB______, chef des infrastructures au sein de l’office cantonal de la détention, et AC______, M______ de l’office cantonal de la détention ainsi que d’un représentant des SIG.

En raison d’une instruction insuffisante, en particulier faute d’avoir intégré un projet d’utilisation de la chaleur thermique dans le dossier de l’autorisation de construire, il n’était pas possible de déterminer si cette centrale serait viable, si elle serait subordonnée aux revenus de l’exploitation agricole et si l’exploitation agricole pourrait subsister à long terme.

34) Le 23 novembre 2022, Mme D______ a appuyé la demande de mesures d’instructions faite par les communes.

35) Le 1er décembre 2022, M. E______ s’est opposé aux demandes de mesures d’instructions demandées, non pertinentes, car l’autorisation de construire délivrée prévoyait des conditions, dont celle de transmettre les contrats de prise en charge de l’électricité et de la chaleur thermique qui feraient l’objet d’une seconde autorisation.

36) La cause a ensuite été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L’une des recourantes sollicite les mesures d’instructions déjà requises devant le TAPI et reproche à celui-ci d’avoir violé son droit d’être entendue en n’ordonnant pas ces mesures. Elle sollicite l’apport de la procédure d’infraction I-4______ conduite par le GESDEC ainsi que la décision de ce service du 22 octobre 2020, l’audition de la société V______ SA et une expertise confrontant les rapports d’I______ et de J______ SA. Dans leurs observations du 11 novembre 2022, les communes recourantes sollicitent encore l’audition de représentants de l’office de la détention.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2). En outre, il n'implique pas le droit à une audition orale ni à l’audition de témoins
(ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. En l’espèce, les pièces requises, l’expertise sollicitée et les témoignages demandés ne sont pas susceptibles de modifier la solution donnée au litige, comme cela ressort des considérants qui suivent. Le dossier contient tous les éléments pertinents nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause sur les griefs invoqués et il ne sera pas donné suite aux requêtes des recourantes.

S’agissant de l’apport d’une procédure à laquelle les recourantes ne sont pas parties, celles-ci n’avancent aucune raison qui justifierait cette demande et il faut considérer que dite procédure est exorbitante au litige.

Quant au TAPI, il a procédé à plusieurs échanges d’écritures et à deux audiences de comparution personnelle au cours desquelles les recourantes ont pu poser leurs questions. Rien ne permet de retenir qu’une troisième audience aurait été nécessaire, notamment pour poser des questions qui auraient été justifiées par des faits apparus en cours de procédure. En effet, la possibilité a été laissée aux recourantes de se prononcer encore par écrit, après la seconde audience.

En conséquence, le grief sera écarté.

3) Le TAPI a jugé irrecevable le recours déposé par les communes de C______ et de B______, au motif qu’elles n’étaient pas dans une relation spéciale et étroite avec l’objet du litige, ce qui est contesté devant la chambre de céans.

Vu l’issue du litige, la question de la qualité pour recourir des communes de C______ et de B______ contre l’autorisation de construire souffrira de rester indécise, la qualité pour recourir de la commune de A______, avec laquelle celles-ci ont déposé un mémoire commun, étant quoiqu’il en soit acquise.

4) Le litige concerne l’implantation d’une installation de biogaz sur la parcelle de l’intimé.

a. Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l’autorité compétente (art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 - LAT - RS 700 ; art. 1 al. 1 LCI). L’autorisation est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone et si le terrain est équipé (art. 22 al. 2 LAT). Le droit fédéral et le droit cantonal peuvent poser d’autres conditions (art. 22 al. 3 LAT).

Dès que les conditions légales sont réunies, le département est tenu de délivrer l’autorisation de construire (art. 1 al. 5 LCI).

b. Les zones agricoles servent à garantir la base d'approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l'équilibre écologique ; elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction en raison des différentes fonctions de la zone agricole et comprennent : les terrains qui se prêtent à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice et sont nécessaires à l'accomplissement des différentes tâches dévolues à l'agriculture (let. a) ; les terrains qui, dans l'intérêt général, doivent être exploités par l'agriculture (let. b, art. 16 al. 1 LAT). Il importe, dans la mesure du possible, de délimiter des surfaces continues d'une certaine étendue (art. 16 al. 2 LAT). Dans leurs plans d'aménagement, les cantons tiennent compte de façon adéquate des différentes fonctions des zones agricoles (art. 16 al. 3 LAT).

Le paysage devant être préservé, il convient notamment de réserver à l’agriculture suffisamment de bonnes terres cultivables, en particulier, les SDA (art. 3 al. 1 et 2 let. a LAT). Les SDA se composent des terres cultivables comprenant avant tout les terres ouvertes, les prairies artificielles intercalaires et les prairies naturelles arables; elles sont garanties par des mesures d'aménagement du territoire (art. 26 al. 1 OAT). La Confédération a adopté un plan sectoriel au sens de l'art. 13 al. 1 LAT définissant la surface totale minimale d'assolement du territoire suisse et sa répartition entre les cantons (art. 29 OAT ; Plan sectoriel des surfaces d'assolement (SDA) Surface totale minimale d'assolement et sa répartition entre les cantons ; FF 1992 II 1616). Les cantons veillent à ce que les surfaces d'assolement soient classées en zone agricole (art. 30 al. 1 OAT) et s'assurent que leur part de la surface totale minimale d'assolement soit garantie de façon durable (art. 30 al. 2 OAT).

c. La LAT prévoit que peuvent être déclarées conformes à l’affectation de la zone agricole et autorisées dans une exploitation agricole les constructions et installations nécessaires à la production d’énergie à partir de biomasse ou aux installations de compost qui leur sont liées, si la biomasse utilisée est en rapport étroit avec l’agriculture et avec l’exploitation. Les autorisations doivent être liées à la condition que ces constructions et installations ne serviront qu’à l’usage autorisé. Le Conseil fédéral règle les modalités (art. 16a al. 1bis LAT). À cet égard, la doctrine a précisé que la formulation utilisée à l’art. 16a al. 1bis 2ème phrase, indiquant que les autorisations doivent être liées à la condition que ces constructions et installations ne serviront qu’à l’usage autorisé impliquait que selon la volonté du législateur, ces constructions ne pouvaient pas être réaffectées à un autre usage, même moyennant l’octroi d’une autorisation exceptionnelle (Alexander RUCH/Rudolf MUGGLI, in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd.], Commentaire pratique LAT : construire hors zone à bâtir, 2017, n. 29 ad art. 16a LAT).

Aux termes de l’OAT, sont admissibles les constructions et les installations nécessaires pour : la production de carburant ou de combustible ; la production de courant par couplage chaleur-force à partir du carburant ou du combustible généré ; les conduites destinées au transport de l’énergie produite vers les utilisateurs adéquats, ainsi qu’à l’acheminement de la biomasse et à l’évacuation des résidus de la production d’énergie ; le traitement de la biomasse acheminée et des résidus de la production d’énergie (art. 34a al. 1 OAT). Sont également admissibles les constructions et les installations nécessaires pour la production de chaleur à partir de biomasse ligneuse et la distribution de la chaleur produite si les installations nécessaires sont placées dans des bâtiments centraux existant à l’intérieur de l’exploitation agricole et qui ne sont plus utilisés pour l’agriculture, et les parties constitutives de ces installations répondent aux normes actuelles de haute efficacité énergétique (art. 34a al. 1bis OAT).

Les substrats utilisés doivent provenir à raison de la moitié au moins de leur masse de l’exploitation elle-même ou d’entreprises agricoles distantes, en règle générale, de 15 km au maximum par la route. Cette partie doit représenter 10 % au moins de la valeur énergétique de tous les substrats utilisés. Les sources des autres substrats de la biomasse doivent être situées, en règle générale, à une distance de 50 km au maximum par la route. Des distances plus longues peuvent être autorisée à titre exceptionnel (art. 34a al. 2 OAT).

L’installation complète doit être subordonnée à l’exploitation agricole et contribuer à une utilisation efficace des énergies renouvelables (art. 34a al. 3 OAT).

Une autorisation ne peut être délivrée que si la construction ou l’installation est nécessaire à l’exploitation en question ; si aucun intérêt prépondérant ne s’oppose à l’implantation de la construction ou de l’installation à l’endroit prévu, et s’il est prévisible que l’exploitation pourra subsister à long terme (art. 34 al. 4 OAT et 34a al. 4 OAT).

5) En l’espèce, le TAPI a estimé que les conditions de l’art. 34 al. 4 OAT étaient remplies, ce que les recourantes contestent.

S’agissant de la condition de la prévisibilité de la subsistance à long terme de l’exploitation (art. 34 al. 4 let. c OAT), le Tribunal fédéral a eu l’occasion de relever que la réalisation de cette condition qui a pour but d'éviter que des autorisations ne soient délivrées inconsidérément dans une zone qui doit être maintenue autant que possible libre de toute construction, pour des constructions et installations qui seront rapidement mises hors service à la suite de l'abandon de l'exploitation agricole, devait faire l’objet d’un examen concret et précis dans chaque cas particulier, en tenant compte de la structure et de l’importance de l’exploitation ainsi que des circonstances locales, si possible par l’établissement d’un plan de gestion. Ce critère devait être examiné de manière particulièrement détaillée lorsqu'il s'agissait d'autoriser d'importants projets de construction (ATF 133 II 370 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_631/2019 du 2 octobre 2020 consid. 2.4.5 ; 1C_58/2017 du 19 octobre 2018 consid. 5.5 ; ATA/462/2020 du 7 mai 2020
consid. 15).

Sur cette question, le dossier contient le rapport I______ produit par l’intimé dans lequel figure une étude économique du projet indiquant un investissement total, pour la production de 250 kW, de CHF 2'581'459.-, autofinancé à hauteur de 25 %. Cette étude, que les auteurs qualifient de « sommaire ayant le caractère de document technique, économique et financier basé sur des données générales et réelles » retient le traitement annuel de 4'705 t de substrats méthanisables qui produiraient 655'488 m3 de biogaz par an. Ce gaz serait valorisé à l’aide d’un cogénérateur de 250 kW à un taux de fonctionnement de 88 % permettant de produire 1'622'496 kWh électriques et 1'468'294 kWh thermiques. Après la déduction de l’autoconsommation, l’électricité produite de 1'402'439 kWh pourrait être injectée dans le réseau et la chaleur excédentaire de 401'272 kWh pourrait être utilisée pour alimenter une partie des besoins de la prison de U______ située à 1,2 km du projet.

Lors des audiences d’instruction, le représentant de l’OCAN a précisé que pour que l’installation soit rentable, il était nécessaire que la chaleur thermique soit utilisée et non pas perdue. M. E______ a indiqué qu’il avait une lettre d’intention signée par le département s’agissant de la récupération de la chaleur thermique pour chauffer la prison de U______. Des solutions de rechange existaient, notamment le séchage de céréales ou de bois. Les SIG lui avaient proposé des alternatives qui seraient discutées lorsque l’autorisation serait entrée en force. S’agissant de la canalisation pour le transport de la chaleur, une demande d’autorisation devrait être déposée, elle ne faisait pas partie de la présente procédure. Concernant l’utilisation de l’énergie thermique, le rapport I______ retient que 100 % de la chaleur produite nette serait vendue à un prix au kWh lié au prix du mazout sur le marché. L’étude économique prend en compte les travaux de la fouille pour la canalisation de 1,2 km à hauteur de CHF 53’400.- ainsi qu’une part non chiffrée des frais d’investissement du processus de fermentation et des investissements d’infrastructures pour le raccordement du réseau thermique de CHF 22'000.-.

Le représentant du département, lors des audiences de comparution personnelle, a indiqué avoir fait examiner et confirmer la question de la viabilité de l’installation par des ingénieurs spécialisés dans le domaine du biogaz et de l’énergie, lors d’une séance en présence du requérant et d’un représentant d’I______, sans que les conclusions de cette analyse, rémunérée CHF 1'000.-, ne soient documentées dans le dossier.

L’étude de J______ SA produite par la recourante voisine du projet, met en doute les chiffres de rentabilité produits et relève que la présence de paille dans les intrants nécessitait une étude chimique pour déterminer le rendement thermique et électrique. L’étude souligne également les incertitudes quant à l’utilisation de l’énergie produite et notamment quant à sa valorisation par la création du réseau de chaleur présentant des contraintes techniques, économiques et environnementales supplémentaires non intégrées dans le projet. En outre, la littérature spécialisée préconisait une distance maximale d’environ 260 m du réseau de distribution de la chaleur pour une installation de ce type.

Dans le préavis du SERMA, faisant partie intégrante de l’autorisation litigieuse, figure une condition concernant le prix de vente de l’électricité produite lequel devrait être soumis à l’OCAN, avant ouverture du chantier, s’agissant de la démonstration de la rentabilité, laquelle était une condition légale du projet selon la LAT. Le département reconnaît ainsi cette exigence de rentabilité, fixe une limite au prix coûtant, mais diffère son contrôle à un examen ultérieur, ayant lieu trente jours avant l’ouverture du chantier, soit lorsque l’autorisation de construire sera, le cas échéant, déjà entrée en force. Quant à la valorisation de la chaleur produite, elle serait examinée dans une procédure séparée, ultérieure.

Au vu de ces éléments, il faut constater que les questions de l’utilisation de la chaleur produite, des prix de l’électricité ou de la chaleur ont été abordées lors de l’examen de la demande par le département, mais n’ont pas été tranchées par l’autorisation délivrée, le département renvoyant l’examen de ces éléments à une procédure d’autorisation ultérieure, s’agissant de la canalisation et au contrôle préalable à toute intervention de l’examen par l’OCAN du prix qui sera convenu. De plus, les autres éléments nécessaires pour trancher la question de la rentabilité de l’installation ne figurent pas au dossier, le département n’ayant pas documenté son analyse qu’il a admis avoir notamment fondée sur l’étude fournie par le bureau d’ingénieurs consulté (Eper SA) dont la teneur ne figure pas non plus au dossier.

Ainsi, s’il faut suivre le département et le TAPI lorsqu’ils indiquent que l’élément clé de la rentabilité de l’installation est constituée par le prix de rachat de l’électricité, ils ne peuvent être suivis lorsqu’ils estiment que cette question a été réglée par l’autorisation, laquelle prévoit uniquement une limite au prix coûtant sans que les autres éléments touchant le rendement de l’installation et donc sa viabilité économique ne soient clairement établis. Or, en repoussant ces questions, notamment celle du prix et des conditions de vente de l’électricité, après l’entrée en force de la décision, le département prive en fait les recourantes du contrôle judiciaire de la viabilité à long terme de l’installation litigieuse, laquelle est pourtant requise pour admettre sa conformité à la zone agricole. À cela s’ajoute le fait que l’utilisation de la chaleur thermique, laquelle est également nécessaire pour que l’installation soit rentable, aux dires même du département, n’est pas non plus abordée dans ladite autorisation.

S’agissant notamment de la condition prévue dans l’autorisation concernant la remise des contrats de vente de l’électricité produite, elle prive les recourantes de l’accès au juge sur cette question. L’examen d’une condition de sa conformité au droit fédéral, soit la rentabilité du projet, dont les paramètres ne sont pas connus au moment de la délivrance de l’autorisation. Seule une limite au prix coûtant est fixée, lequel dépend toutefois du calcul de rentabilité de l’installation laquelle est remise en doute, notamment s’agissant du potentiel méthanogène des intrants et donc du rendement thermique et électrique de l’installation. Ainsi, dans l’hypothèse où l’autorisation serait confirmée, lors de l’examen par l’OCAN des contrats de fourniture d’électricité et du prix convenu, la décision d’autorisation étant entrée en force, les recourantes n’auraient plus de possibilité de recourir contre cette approbation.

De même, s’agissant de la chaleur produite, son utilisation n’étant pas déterminée par la décision, mais renvoyée à une procédure ultérieure, il n’est pas possible de se prononcer dans le cadre des présents recours sur la conformité du projet d’installation au droit fédéral, la rentabilité du projet ne pouvant être déterminée. Ainsi, dans le cas où la variante d’une conduite reliant l’installation à U______ devait être choisie, comme le suggère le projet présenté, il faut constater que ladite conduite serait d’une longueur de 1,2 km, traverserait une route cantonale ainsi que plusieurs parcelles. Dans ce cas, les différents intérêts en présence ne permettent pas non plus d’être assuré de l’issue d’une procédure d’autorisation.

C’est le lieu de préciser que la situation en l’espèce diffère notablement de celle ayant donné lieu à l’ATA/462/2020 du 7 mai 2020 dont se prévaut le département pour justifier sa décision d’autorisation rendue en l’absence de tous les éléments permettant d’examiner la viabilité de l’installation. En effet, la chambre de céans avait estimé dans cette cause que l’installation d’une miellerie sur une parcelle sise en zone agricole remplissait les conditions de l’OAT, même en l’absence de production d’un plan de gestion. Dans les circonstances prises en considération par la chambre de céans, il y avait notamment le fait que la production de miel avait déjà lieu depuis 2016, dans quatre locaux disséminés dans le canton et que la requérante, qui employait trois personnes, souhaitait regrouper ses activités et augmenter sa production. Elle avait produit ses comptes ainsi que les factures de ses investissements et souligné qu’elle économiserait ses charges de loyer qui pourraient être affectées à l’entretien et à l’amortissement du bâtiment à construire. De plus, le financement n’avait pas été considéré comme problématique dans les circonstances et au vu des options présentées.

En l’espèce par contre, en rendant une décision qui ne fixe pas tous les éléments essentiels à l’approbation d’un projet de construction d’une installation de méthanisation, le département, suivi en cela par le TAPI, empêche la chambre de céans de se déterminer valablement sur la viabilité du projet. Les éléments essentiels à l’examen de la conformité de l’autorisation avec le droit fédéral n’ayant pas été déterminés lors de l’instruction de la demande d’autorisation, force est de constater que les conditions de l’art. 34 al. 4 OAT ne sont pas remplies en l’espèce.

Il découle de ce qui précède que le TAPI a erré en retenant avec le département que les données techniques du projet qui ressortaient du dossier de financement du projet, rendu le 1er mars 2019 par I______ contenant la description et le dimensionnement de l’unité de méthanisation, qui ressortaient également des plans visés ne varietur, suffisaient pour vérifier sa viabilité au sens de l’art. 34 al. 4 let. c OAT, en l’absence des données liées à la revente de l’électricité et de celles liées à la valorisation de la chaleur thermique.

Il n’est dès lors pas besoin d’examiner si le principe de la coordination matérielle et formelle, ancré à l’art. 25a LAT, est également violé par l’absence d’une procédure d’autorisation coordonnée concernant la canalisation de chauffage à distance envisagée. Il en va de même, pour les mêmes raisons, s’agissant d’examiner l’obligation de planification prévu à l’art. 14 al. 1 LAT, lequel peut s’appliquer même si le projet est conforme à la zone lorsque ses effets globaux ne peuvent être adéquatement appréhendés que dans une procédure de planification et non dans une simple procédure d’autorisation de construire.

En conséquence, le jugement du TAPI ainsi que l’autorisation délivrée doivent être annulés.

6) À cela s’ajoute encore l’examen de conformité du projet avec la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement, LPE - RS 814.01) qui a notamment pour but de protéger les hommes contre les atteintes nuisibles ou incommodantes (art. 1 al. 1 LPE). En application de cette disposition, l’Ordonnance sur la protection de l’air (OPair - RS 814.318.142.1) impose des distances minimales à respecter par rapport à la zone habitée, lors de la construction d'installations notamment d'élevage, afin d'éviter des nuisances olfactives excessives. Elle s'appuie pour ce faire sur les recommandations de la Station fédérale de recherches en matière d'économie d'entreprise et de génie rural (Agroscope ; art. 3 et Annexe 2 ch. 51 OPair).

Selon une jurisprudence récente du Tribunal fédéral, les nouvelles recommandations éditées par Agroscope sur mandat de l’OFEV et de l’OFAG, en mars 2018 sous le titre : « Bases relatives aux odeurs et à leur propagation, nécessaires pour déterminer les distances à observer par les installations d’élevage » (ci-après : directive Agroscope 2018) ne doivent pas être appliquées de manière rigide et absolue mais dans le respect du principe de proportionnalité. Ces recommandations l’ont toutefois mené à confirmer le refus d’une autorisation pour une installation de biogaz, comprenant notamment une fosse à lisier couverte, située à une centaine de mètres de plusieurs villas construites en zone agricole. Ces recommandations préconisent une distance minimale de 201 m pour les habitations, indépendante des caractéristiques de l’installation de biogaz. Le Tribunal fédéral a insisté sur la fait que les autorités d’exécution ne peuvent s’en tenir à la stricte application des formules mathématiques sans évaluer leur pertinence dans le cas concret en cause pour établir ou non une violation de la législation en matière de protection de l’air. En l’occurrence, le Tribunal fédéral a jugé que même en prenant en compte les mesures particulières de réduction des odeurs prévues pour l’installation en cause, la Cour cantonale n’avait pas violé le droit fédéral en refusant d’autoriser un projet situé à 100 m des habitations les plus proches (arrêt du Tribunal fédéral 1C_333/2019 du 5 novembre 2021 confirmant un arrêt de la Cour de droit publique vaudoise AC.2018.0132). Dans une autre espèce, le Tribunal fédéral a déjà jugé que le fait qu’une villa se trouve également en zone agricole n’empêchait pas la prise de mesures préventives destinées à limiter les émission d’odeur, en particulier quant à l’emplacement des installation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_27/2008 du 25 juin 2008 consid. 2.3).

En l’espèce, la NIE indique la présence de trois habitations, l’une sise à environ 100 m, une autre à environ 210 m et une villa à 95 m du projet, mais ce document ne présente aucune analyse en lien avec le respect des distances en matière de nuisances olfactives. La NIE indique uniquement sur une demi-page qu’un procédé de ventilation et d’un laveur humidificateur d’air participeraient à l’abattement des odeurs.

En audience, le requérant a déclaré qu’actuellement, il disposait d’une place à fumier à l’air libre et que dans la future installation, il était prévu une place à fumier fermée. Le fumier de bovin serait apporté un peu plus que quatre fois par an directement dans la place à fumier fermée, laquelle serait pourvue d’un système permettant d’atténuer les odeurs et que le fumier provenant des chevaux avait une faible odeur.

L’examen de la pollution de l’air engendrée par les installations et le respect des exigences en la matière ne ressort pas clairement du dossier d’instruction. Le préavis du SERMA du 21 mai 2019, qui couvre l’ensemble des thématiques environnementales traitées dans le cadre d’une NIE indique que le SABRA, compétent pour la thématique de la protection de l’air, a été consulté mais il n’est fait aucune mention des odeurs. Dans les bases légales et directives citées en titre du chapitre protection de l’air et du climat, la directive d’Agroscope 2018 n’est pas citée.

En conséquence, il appert que l’éventuelle incompatibilité de l’installation avec l’OPair en lien avec les nuisances olfactives pourtant soulevée par les recourantes n’a pas non plus pu faire l’objet d’un contrôle judiciaire, en l’absence d’une analyse topique figurant dans le dossier d’autorisation ou d’une instruction faite ultérieurement par le TAPI.

7) Vu ce qui précède, le jugement querellé ainsi que l’autorisation de construire DD 2______ du 5 novembre 2019 seront annulés.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de l’intimé (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à Mme D______ ainsi qu’une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée conjointement aux communes recourantes, à la charge de l’intimé (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 2 mai 2022 par Mme D______, la commune de A______, la commune de B______ et la commune de C______, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 mars 2022 ;

au fond :

les admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 mars 2022 ;

annule l’autorisation de construire DD 2______ du 5 novembre 2019 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de M. E______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à Mme D______, à la charge de M. E______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- conjointement à la commune de A______, à la commune de B______ et à la commune de C______, à la charge de M. E______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat de la commune de A______, de la commune de B______ et de la commune de C______, à Me Tobias Zellweger, avocat de Mme D______, à Me Marie-Claude Rham-Casthelaz, avocate de M. E______, au département du territoire - OAC, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l’office fédéral de l’agriculture et à l’office fédéral du territoire (ARE).

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Mascotto, Mme McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :