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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/778/2022

ATA/62/2023 du 24.01.2023 ( EXPLOI ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/778/2022-EXPLOI ATA/62/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 janvier 2023

 

dans la cause

 

A______SA
représentée par Me Yolande Lagrange, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL



EN FAIT

1) A______SA (ci-après : A______SA ou la société), dont le siège est à Genève, est active dans toute opération commerciale en lien avec la vente et la livraison de produits, notamment de mets prêts à être consommés et la fourniture de tous biens ou services y relatifs à des sociétés du groupe ou à des tiers.

2) Depuis mars 2021, la société a fait l’objet de contrôles menés par l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT).

3) Le 9 novembre 2021, l’OCIRT a informé la société par courriel qu’il avait constaté l’occupation de travailleurs sans autorisation, la nuit, le dimanche et des jours fériés. Il lui demandait de solliciter rapidement les autorisations nécessaires auprès du secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) et d’octroyer aux travailleurs les compensations adéquates.

À teneur du dossier, ce courriel n’a pas reçu de réponse.

4) En décembre 2021, l’OCIRT a entendu quatre employés concernant leurs conditions de travail au sein de la société.

Ils ont notamment indiqué travailler la nuit, les dimanches et les jours fériés, sans vérifications d’éventuels dépassements des horaires par la société.

5) Le 26 janvier 2022, le syndicat B______ (ci-après : le syndicat ou B______) a transmis à l’OCIRT des documents démontrant selon lui des violations des dispositions de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11) concernant les livreurs de la société.

6) Le 4 février 2022, le SECO a confirmé, sur interpellation de l’OCIRT, que la société ne disposait pas d’une autorisation lui permettant d’occuper du personnel la nuit, les dimanches et les jours fériés. Aucune demande à ce sujet n’était en cours de traitement.

7) Le 8 février 2022, A______SA a été informée d’un nouveau contrôle de la part de l’OCIRT, visant à vérifier si les prescriptions de la LTr étaient respectées.

À cette occasion, l’OCIRT lui a signifié un avertissement au sens de l'art. 51 al. 1 LTr, constatant l’occupation illicite, sans autorisation adéquate, des travailleurs la nuit, le dimanche et les jours fériés et lui a adressé une demande de renseignements et de documents, afin de vérifier si les prescriptions en matière de durée du travail et du repos étaient dûment respectées.

8) Le 10 février 2022, la société a demandé à consulter le dossier en possession de l’OCIRT. Elle souhaitait qu’il lui soit confirmé que le courrier du 8 février 2022 ne valait pas décision. Elle sollicitait ensuite, après avoir pu se déterminer, la notification d’une décision formelle et motivée portant sur « l’illicéité de l’occupation de travailleurs le soir, le dimanche et les jours fériés ». Elle s’engageait enfin à demander les autorisations idoines auprès du SECO d’ici au 31 mars 2022, cela bien qu’elle contestât l’illicéité de l’occupation des travailleurs précitée.

9) Le 15 février 2022, l’OCIRT a confirmé à la société que le courrier du 8 février 2022 ne valait pas décision au sens de l’art. 51 al. 1 LTr mais qu’il s’agissait d’un avertissement au sens de l’art. 51 al. 1 LTr. Il prenait note du fait que la société allait demander les autorisations pour le travail de nuit, du dimanche et des jours fériés. Elle était invitée à procéder dans les meilleurs délais.

10) Le 23 février 2022, l’OCIRT a développé sa position, et maintenu sa demande de renseignements figurant dans son courrier du 8 février 2022.

11) Le 23 février 2022, le syndicat a demandé l’accès au dossier de A______SA, pour la procédure visant le contrôle de l’application de la LTr.

12) Par courrier du 24 février 2022, l’OCIRT a informé A______SA avoir reconnu au syndicat la qualité de partie à la procédure dirigée à son encontre, à la suite de la demande de ce dernier du 23 février 2022.

Il lui avait reconnu ce droit sur la base de l’art. 58 LTr, qui prévoyait que les associations des employeurs et des travailleurs intéressés avaient qualité pour recourir contre les décisions prononcées par l’office contre un employeur en application des art. 50 à 54 LTr. Ces associations disposaient donc de la qualité de partie à la procédure au sens de l’art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), au stade déjà de la procédure non contentieuse menée par l’office en matière de contrôle du respect de la LTr.

13) Le 25 février 2022, A______SA a demandé un délai pour transmettre les documents demandés, et de différer l’exercice des droits liés à la qualité de partie du syndicat, jusqu’à droit connu sur cette question.

14) Le 1er mars 2022, A______SA a demandé à l’OCIRT de clarifier la participation du syndicat au stade de la procédure non contentieuse, ainsi que de pouvoir produire deux versions des pièces demandées, dont l’une caviardée, en raison de l’existence de données personnelles des travailleurs y figurant.

15) Le 2 mars 2022, l’OCIRT a indiqué que selon la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), le syndicat pouvait participer à la procédure non contentieuse qu’il avait ouverte.

16) Par acte expédié le 7 mars 2022, A______SA a interjeté recours à l’encontre du courrier précité auprès de la chambre administrative, concluant à la constatation que ce dernier constituait une décision incidente, susceptible de recours, ainsi qu’à la tenue d’une audience. Au fond, il convenait d’annuler ladite décision et de rejeter la qualité de partie du syndicat dans la procédure de contrôle.

Subsidiairement, il convenait de renvoyer la cause à l’OCIRT afin que ce dernier rende une décision refusant au syndicat la qualité de partie dans la procédure de contrôle ouverte à son encontre, ou à défaut, pour qu’il rende une décision restreignant l’accès au dossier de la procédure par le syndicat.

Les démarches agressives du syndicat l’exposaient à des risques concrets. En effet, le syndicat avait par le passé adopté un comportement démontrant peu de considération pour la confidentialité, et il existait des risques de divulgation de ses données commerciales. En outre, les démarches du syndicat avaient un impact important sur la capacité de ses employés à effectuer correctement leur travail, ainsi que sur ses relations avec ses employés, ses partenaires commerciaux et pour la bonne marche de ses affaires. Il existait un risque de médiatisation à son encontre, le syndicat s’étant montré prêt à tout pour contrecarrer le modèle économique qu’elle utilisait. L’accès d’B______ à toutes les informations confidentielles issues de la procédure allait vraisemblablement lui causer un préjudice irréparable.

Son droit d’être entendue avait été violé, car elle n’avait pas pu se prononcer sur la requête du syndicat visant à l’admettre en qualité de partie. L’OCIRT ne lui avait pas transmis non plus la copie de la décision admettant le syndicat comme partie à la procédure.

L’art. 7 LPA n’avait pas été respecté. La procédure ouverte par l’OCIRT contre elle avait pour objet de vérifier qu’elle respectait la LTr. Une telle procédure n’obligeait pas l’autorité cantonale à rendre une décision. Il s’agissait d’une procédure non-contentieuse qui ne menait pas de manière automatique à une prise de décision. Partant, la qualité de partie ne pouvait pas être reconnue à une personne tierce, en l’occurrence le syndicat, qui ne faisait pas l’objet du contrôle. Elle rappelait à ce sujet avoir fait l’objet de plusieurs contrôles récents, sans que ceux-ci aient été clôturés par la prise d’une décision.

En outre, la décision ne respectait pas l’art. 58 LTr. En effet, les interprétations littérale, historique et téléologique confirmaient que cet article ne visait que la participation des syndicats au stade du contentieux. Il s’agissait en effet de leur donner la qualité pour recourir contre des « décisions ». L’OCIRT avait violé la loi en octroyant la qualité de partie au syndicat, alors qu’à ce stade, le contrôle à son encontre n’impliquait pas pour autant la prise d’une décision.

17) Par courriers à l'OCIRT des 11 et 18 mars 2022, la société a maintenu sa position selon laquelle elle contestait l’occupation illicite des travailleurs la nuit, le dimanche et les jours fériés, mais avoir malgré tout déposé une demande d’autorisation pour travail de nuit et du dimanche auprès du SECO. Elle a également transmis les documents caviardés des données personnelles de ses travailleurs, indiquant en substance protéger ces données personnelles jusqu’à l’issue du recours.

18) Le 31 mars 2022, la recourante a déposé un mémoire complémentaire. Depuis novembre 2021, le syndicat n’avait cessé de harceler ses livreurs, par téléphone ou en personne. Elle a joint deux attestations de ces derniers, ainsi que des copies de messages WhatsApp. La stratégie du syndicat était encore en cours, puisque certains de ses livreurs avaient rapporté de tels agissements encore au mois de mars 2022.

19) Dans sa réponse du 7 avril 2022, l’OCIRT a conclu à l’irrecevabilité du recours, et à l’appel en cause du syndicat. Au fond, il convenait de rejeter le recours et de confirmer la qualité de partie du syndicat dans la procédure de contrôle ouverte à l’encontre de A______SA.

Il s’en remettait à justice sur la question de la qualification de décision ou non du courrier du 24 février 2022. Cela étant, s’il était retenu que l’acte sujet à recours était une décision incidente, le préjudice exposé par la recourante, pour autant qu’il soit établi ou rendu vraisemblable, pouvait être réparé par une limitation d’accès au dossier au sens de l’art. 45 LPA. Dès lors, le recours devait être déclaré irrecevable.

L’appel en cause du syndicat devait être ordonné, dès lors que la situation juridique de celui-ci allait être affectée par l’issue du recours, qui portait justement sur la qualité de partie de ce dernier dans la procédure non contentieuse.

Son courrier du 24 février 2022 n’avait pas pour vocation d’être une décision, dans la mesure où la qualité de partie du syndicat était reconnue ex lege, en raison de l’art. 58 LTr et où la recourante ne subissait pas de préjudice irréparable du fait de cette décision. En tout état, une éventuelle violation du droit d’être entendue de la société pouvait être réparée devant une instance de recours, ce qui avait été le cas en l’espèce.

L’art. 7 LPA n’avait pas non plus été violé, la jurisprudence de la chambre administrative retenant que la personne disposant de la qualité de partie de partie en procédure contentieuse devait également se la voir reconnaître dans la procédure non contentieuse. La recourante faisait une lecture partiale de la jurisprudence.

A______SA s’était déjà vu infliger un avertissement pour avoir occupé des travailleurs la nuit, le dimanche et les jours fériés, sans autorisation du SECO, dans la présente procédure. Un second contrôle s’agissant de la durée du travail était en cours, les pièces fournies par la recourante étant en train d’être analysées par ses soins.

Il avait respecté l’art. 58 LTr. Selon la jurisprudence, la qualité de partie du syndicat au sens de l’art. 58 LTr était reconnue autant au stade de la procédure non contentieuse que la procédure contentieuse. Le syndicat avait déposé une demande d’accès au dossier le 23 février 2022, alors qu’un contrôle LTr était diligenté à l’encontre de la recourante. Il lui avait alors reconnu la qualité de partie, ne disposant d’aucune marge de manœuvre dans l’application de l’art. 58 LTr.

20) Le 21 avril 2022, l’OCIRT a indiqué ne pas avoir d’observations à faire valoir sur le mémoire complémentaire transmis par la recourante.

21) Dans sa réplique du 27 mai 2022, la recourante a persisté dans ses précédentes explications et conclusions.

22) Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L'acte attaqué, daté du 24 février 2022, n'est pas qualifié de décision et ne contient pas d'indication des voie et délai de recours. La recourante soutient qu'il s'agit néanmoins d'une décision au sens de l'art. 4 LPA, et l'intimé s'en rapporte à justice sur ce point.

a. En vertu de l'art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 1 LPA, les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet : de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations (let. a) ; de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b) ; de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c). Lorsqu'une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

b. La chambre de céans a jugé récemment qu'un courrier déniant à un administré la qualité de partie à la suite de doléances liées aux immissions sonores d'établissements publics, et ne mentionnant pas les voies de droit, constituait une décision au sens de l’art. 4 LPA et pouvait être attaqué comme tel devant la chambre administrative (ATA/926/2022 du 15 septembre 2022 consid. 2d). Plus anciennement, elle a considéré que la reconnaissance de la qualité de partie au sens de l'art. 7 al. 1 LPA à un groupement était une décision, quand bien même celle-ci était en l'occurrence si gravement viciée qu'elle en était nulle, dès lors que ledit mouvement n'avait pas la personnalité juridique (ATA/906/2003 du 9 décembre 2003 consid. 3).

c. En l'espèce, il n'y a pas de raison que l'admission d'un tiers comme partie à la procédure ne constitue pas une décision. Contrairement toutefois au premier des deux arrêts qui viennent d'être cités, dans le présent cas cette décision n'exclut pas la recourante de la procédure (ce qui constituerait alors pour elle une décision finale, arrêt du Tribunal fédéral 1P.56/2004 du 7 avril 2004 consid. 2.1), si bien qu'il s'agit d'une décision procédurale incidente.

3) a. Les décisions incidentes ne sont susceptibles de recours que si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

b. L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que la recourante ou le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable à la recourante ou au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1133/2022 du 8 novembre 2022 consid. 2b ; ATA/184/2020 du 18 février 2020 consid. 3a).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi elle ou il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4).

c. La jurisprudence considère que les décisions admettant un appel en cause n'occasionnent pas de préjudice irréparable (ATF 132 I 13 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1). Il en va différemment des décisions refusant un appel en cause (ATF 134 III 379 consid. 1.1 ; 132 I 13 consid. 1.1). Sans doute l'appelé en cause peut-il se trouver impliqué contre son gré dans une procédure pendante entre des tiers en cas d'attraction au procès. Il ne s'agit toutefois pas d'un dommage irréparable, car il conserve la faculté de contester la décision finale qui lui donnerait tort, en faisant valoir soit que les conditions de l'appel en cause n'étaient pas réalisées en l'espèce, soit que cette décision a mal appliqué le droit sur le fond. La situation n'est pas différente pour les autres parties à la procédure. L'intervention d'une partie supplémentaire ne cause pas un préjudice irréparable ; le fait que l'appel en cause intervienne le cas échéant en dernière instance cantonale n'y change rien (arrêt du Tribunal fédéral 1C_11/2015 du 13 janvier 2015 consid. 2.2).

Dans un arrêt rendu en 2008, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable un recours de la Loterie Romande contre un arrêt du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) confirmant l'admission comme partie, en procédure non contentieuse, de la Fédération suisse des casinos (arrêt du Tribunal fédéral 2C_86/2008 du 23 avril 2008 consid. 2). S'il était vrai que l'art. 26 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA - RS 172.021) accordait à la partie ou à son mandataire le droit de consulter notamment les mémoires, les actes servant de moyens de preuve et la copie des décisions notifiées (cf. également l'ATF 129 II 183, qui admettait quant à lui la qualité pour recourir contre une décision d'admission de la qualité de partie d'un tiers), il n'en demeurait pas moins que, d'après l'art. 27 al. 1 let. a et b PA, l'autorité pouvait également refuser la consultation de pièces, en particulier lorsque des intérêts publics importants des cantons ou des intérêts privés importants, en particulier ceux d'une partie adverse, exigeaient que le secret soit gardé ; en pareille hypothèse, l'art. 28 PA prévoyait qu'une pièce dont la consultation avait été refusée à la partie ne pouvait être utilisée à son désavantage que si l'autorité lui en avait communiqué, oralement ou par écrit, le contenu essentiel se rapportant à l'affaire et lui avait donné en outre l'occasion de s'exprimer et de fournir des contre-preuves. En l'espèce, vu les art. 27 et 28 PA, la décision attaquée qui portait exclusivement sur la qualité de partie de la Fédération suisse des casinos ne causait pas de dommage irréparable car l'accès au dossier pouvait être aménagé par des décisions séparées et spécifiques en application de ces dispositions légales (consid. 2.2).

d. En l'espèce, la recourante soutient qu'elle subirait un préjudice irréparable en raison d'une part du risque de divulgation de secrets par B______, dès lors que ce dernier aurait accès au dossier, et d'autre part du risque d'exacerbation de la médiatisation par le syndicat, dès lors que ce dernier pourrait accéder indûment à des informations telles que des données personnelles ou des secrets d'affaires.

Ces préjudices allégués sont tous deux en lien direct avec le droit qu'aurait B______ d'accéder au dossier. Or la LPA contient des dispositions équivalentes à celles de la PA citées par le Tribunal fédéral (l'art. 27 PA correspondant à l'art. 45 al. 1 LPA, et l'art. 28 PA à l'art. 45 al. 3 LPA), si bien que le préjudice exposé par la recourante pourrait être réparé par une limitation d'accès au dossier, étant précisé qu'en ce qui concerne la médiatisation du cas par B______, elle apparaît largement indépendante de sa qualité ou non de partie à la procédure. La recourante ne peut dès lors pas se prévaloir d'un préjudice irréparable.

e. La seconde hypothèse de l'art. 57 let. c LPA suppose cumulativement que l'instance saisie puisse mettre fin une fois pour toutes à la procédure en jugeant différemment la question tranchée dans la décision préjudicielle ou incidente et que la décision finale immédiate qui pourrait ainsi être rendue permette d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (ATF 133 III 629 consid. 2.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_413/2018 du 26 septembre 2018 consid. 3 ; ATA/184/2020 du 18 février 2020 consid. 4).

f. La recourante ne se prévaut pas de cette hypothèse, ceci à juste titre dès lors que l'on ne voit pas que la procédure puisse être notablement écourtée si B______ n'était plus partie à la procédure.

Aucune des hypothèses prévues par l'art. 57 let. c LPA n'étant donnée, le recours sera déclaré irrecevable.

4) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 7 mars 2022 par A______SA contre la décision de l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 24 février 2022 ;

met à la charge de A______SA un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yolande LAGRANGE, avocate de la recourante, à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail, au secrétariat d'État à l'économie ainsi qu'à Me Christian DANDRÈS, avocat du syndicat B______.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :