Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3224/2022

ATA/70/2023 du 24.01.2023 ( FORMA ) , ADMIS

Descripteurs : FORMATION(EN GÉNÉRAL);FORMATION PROFESSIONNELLE;MATURITÉ PROFESSIONNELLE;EXAMEN(FORMATION);DROIT D'ÊTRE ENTENDU
Normes : Cst.29.al2; LPA.46.al2; LPA.47
Résumé : Recours d’un candidat à la maturité professionnelle post-CFC dans la filière technique, architecture et science de la vie ayant échoué au concours d’admission. Le recours est admis pour violation grave du droit d’être entendu, le recourant n’ayant pas pu se défendre devant la chambre administrative en toute connaissance de cause.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3224/2022-FORMA ATA/70/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 janvier 2023

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Bénédict Fontanet, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE



EN FAIT

1) Monsieur A______ est né le ______ 2003. Au mois d’août 2018, il a commencé un apprentissage d’horloger en voie duale (option rhabillage) au centre de formation professionnelle technique (ci-après : CFPT) et au sein de la société B______ SA. Il a obtenu son certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) d’horloger en juin 2022.

2) Entre temps, le 12 février 2022, M. A______ s’est préinscrit en maturité professionnelle post-CFC. Il a indiqué vouloir suivre la formation technique, architecture et science de la vie (ci-après : MP2 TASV). Cette formation avait lieu au sein de l’école de commerce C______ (ci-après : l’établissement ou l’école). Il souhaitait, après sa maturité professionnelle, rejoindre la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève (HEPIA) et y obtenir un Bachelor en microtechniques.

3) Le 4 avril 2022, M. A______ s’est soumis au concours d’admission dans la filière MP2 TASV.

4) Par courriel du 8 juillet 2022, le doyen de l’établissement a informé la mère de M. A______ que 48 places dans la formation MP2 TASV étaient disponibles. L’art. 57 al. 1 du règlement relatif à l’admission dans l’enseignement secondaire II du 14 avril 2021 (C 1 10.33 - RAES-II) prévoyait que l’admission en maturité professionnelle après la formation professionnelle initiale était subordonnée à l’obtention du CFC et à la réussite de tests d’admission en français, mathématiques, langue nationale (italien ou allemand) et anglais. L’alinéa 4 prévoyait que si le nombre de candidats dépassait le nombre de places disponibles, les tests d’admission tenaient lieu de concours d’admission.

L’admission s’effectuait sur la base d’une analyse du dossier de candidature. Son fils occupait la 68ème place sur 79 candidats et il n’était pas admis en MP2 TASV pour l’année scolaire 2022-2023. Il pouvait se réinscrire pour l’année scolaire 2023-2024, les informations utiles à cette démarche étant disponibles dès le mois de novembre 2022.

Cette décision pouvait faire l’objet d’un recours, dans les trente jours, adressé à la direction générale de l’enseignement secondaire II (ci-après : DGES II).

5) Le 11 juillet 2022, le père de M. A______ s’est adressé au doyen. Il regrettait que le classement de son fils ainsi que les résultats aux tests ne soient pas d’office communiqués aux candidats. Il l’invitait à lui indiquer la procédure pour obtenir les résultats des évaluations. Dans la mesure où les candidats étaient invités à se représenter, cette information était en effet essentielle. Il l’invitait également à lui indiquer l’articulation et la pondération respective entre le test d’admission et les critères supplémentaires qui étaient venus s’y ajouter, tels qu’ils apparaissaient sur le site dédié à la maturité professionnelle, notamment la lettre de motivation, les résultats obtenus durant la formation (11ème du cycle d’orientation et CFC) et la préparation au concours d’admission par le biais de la plateforme informatique.

6) Dans un nouveau courriel du 26 juillet 2022 adressé au doyen, le père de M. A______ a regretté ne pas avoir de réponse à ses questions formulées le 11 juillet 2022. Son fils était par conséquent contraint de recourir pour avoir accès aux informations souhaitées, notamment les résultats aux examens, les critères d’appréciation et la base légale sur laquelle reposait le numerus clausus.

7) Le 8 août 2022, M. A______ a formé un recours hiérarchique auprès de la DGES II contre la décision du 8 juillet 2022. Il a relevé que la notification de cette dernière par voie électronique était irrégulière, les conditions réglementaires applicables n’étant pas réunies. Il en a tiré pour conséquence que cette irrégularité ne pouvait entraîner pour lui aucun préjudice. Sur le fond, il a soulevé les griefs de violation de son droit d’être entendu - d’une part, du fait qu’il n’avait jamais pu accéder aux résultats de son test d’admission et, d’autre part, du fait que la décision en cause n’était pas motivée - ainsi que du principe de la séparation des pouvoirs.

8) Par décision du 1er septembre 2022, la DGES II a rejeté le recours.

a. Les art. 85 al. 1 et 95 al. 2 à 4 de la loi sur l’instruction publique du 17 septembre 2015 (LIP - C 1 - 10) posaient les jalons de l’enseignement secondaire II et traitaient des voies de la formation professionnelle. Sur le plan réglementaire, l’admission en filière MP2 TASV faisait l’objet de l’art. 57 RAES, par renvoi de l’art. 10 du règlement relatif à la maturité professionnelle du 29 juin 2016 (RMatuPro - C 1 10.74). Au surplus, la plaquette de promotion de cette filière, disponible en ligne, précisait que l’élève qui souhaitait être admis à la formation devait être porteur d’un CFC et réussir la sélection qui tenait compte de la lettre de motivation, des résultats obtenus durant la formation, de la préparation au concours d’admission par le biais de la plateforme informatique et de la réussite dudit concours d’admission qui permettait d’attester du niveau de connaissances exigées en français, mathématiques, anglais, allemand ou italien.

Le nombre de candidats dépassant les places disponibles, à savoir 79 candidats pour 48 places disponibles en MP2 TASV pour la rentrée scolaire 2022-2023, M. A______ avait dû se soumettre à un concours d’admission. À l’issue de ce concours, il s’était classé à la 68ème place, avec des faiblesses en anglais et mathématiques. C’était par conséquent à juste titre que la direction de l’école avait constaté sa non-admission dans la filière.

b. À propos de la violation de son droit d’être entendu, il était invité à prendre directement contact avec la direction de l’établissement afin de consulter son test d’admission et toute documentation utile afin de faire valoir ses éventuels arguments en cas d’irrégularité. Il était enfin invité à renouveler, s’il le désirait, sa demande d’inscription selon les modalités qui seraient communiquées dans le courant du premier semestre de l’année scolaire 2022-2023.

9) Le 13 septembre 2022, le père de M. A______ a adressé un courriel à la direction de l’établissement. Il l’invitait à lui indiquer : les modalités de consultation des résultats des tests de son fils ; le mode d’appréciation et le poids relatif des critères complémentaires de sélection ajoutés unilatéralement par l’école qui ne figuraient pas à l’art. 57 RAES et enfin, la formule de pondération globale qui avait permis d’établir le classement des 78 candidats.

10) Le même jour, la direction de l’école lui a répondu que son courriel était transmis au directeur de l’établissement.

11) M. A______ a formé recours contre la décision de la DGES II par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 3 octobre 2022. Il a conclu, « sous suite de frais et dépens », principalement à son annulation et, statuant à nouveau, à ce qu’il soit autorisé à s’inscrire à la formation MP2 TASV pour l’année scolaire 2022-2023. Subsidiairement, il a conclu à l’annulation de la décision et au renvoi de la cause à la DGES II pour nouvelle décision.

a. La DGES II avait commis un déni de justice en ne statuant pas sur le grief tiré de la violation de son droit d’être entendu. Il avait fait valoir deux violations de ce droit et la DGES II s’était contentée de l’inviter à prendre contact avec la direction de l’établissement.

b. Ces violations étaient graves et, partant, irréparables. Il se justifiait de renvoyer le dossier à l’intimée qui devait lui garantir l’accès à tous les documents pertinents devant lui permettre de comprendre la manière avec laquelle ses prestations avaient été évaluées, les notes qu’il avait obtenues et les raisons qui avaient conduit les examinateurs à lui attribuer lesdites notes.

Il n’avait pas été entendu par la direction de l’école avant que la décision prononçant sa non-admission ne lui soit notifiée. Après la notification de la décision - irrégulière car communiquée uniquement par courriel - il n’avait jamais pu accéder aux documents en lien avec son test alors même qu’il avait plusieurs fois demandé à pouvoir les consulter. Il n’avait pas pu prendre connaissance de son examen ou de l’éventuelle grille de correction, ni reçu d’explications sur la manière avec laquelle ses prestations avaient été appréciées ou pondérées. Au jour où il déposait son recours, il continuait d’ignorer la note qu’il avait obtenue à l’examen, les notes qu’il avait obtenues pour chaque matière, comment ses prestations avaient été évaluées et les raisons de son classement au 68ème rang. Il savait uniquement qu’il aurait présenté des faiblesses en anglais et en mathématiques.

c. Il soulevait le grief de la violation du principe de la séparation des pouvoirs. L’art. 57 RAES-II prévoyait que l’admission en maturité professionnelle pouvait se faire par le biais d’un examen d’entrée lorsque le nombre de postulants était supérieur au nombre de places à pourvoir. Cette limitation s’apparentait à un numerus clausus. Or, un numerus clausus devait nécessairement reposer sur une base légale formelle, laquelle faisait défaut dans le cas d’espèce. L’art. 95 LIP auquel se référait l’autorité s’appliquait à la formation professionnelle dispensée dans les centres de formation professionnelle. Il n’avait pas vocation à s’appliquer à la maturité professionnelle. Il n’avait pas postulé pour rejoindre un centre de formation professionnelle, à savoir une filière de formation professionnelle supérieure, mais une école de commerce aux fins d’y obtenir une maturité professionnelle, soit une filière de formation professionnelle initiale régie par les art. 88 et 89 LIP.

12) Le 14 octobre 2022, le DIP, soit pour lui la DGES II, a conclu au rejet du recours.

a. Les élèves n’étaient pas entendus avant de recevoir les résultats de leurs examens. Par ailleurs, les tests d’admission avaient pour but de départager les candidats à la maturité professionnelle les places étant limitées. Pour la rentrée 2022, 250 candidats s’étaient présentés, dont 78 dans l’orientation choisie par M. A______. Pour ladite orientation, deux classes avaient été ouvertes pour la rentrée scolaire 2022, représentant 48 élèves. Vu le nombre de candidats, les tests d’admission avaient été passés sur la plateforme « Moodle ». Chaque candidat avait reçu un code pour passer l’examen. Les examens, passés dans différentes matières, consistaient notamment en des questionnaires à choix multiples (QCM) et des réponses de type vrai/faux. Il n’y avait pas d’examinateurs, les résultats obtenus se basant sur le pourcentage de réponses justes obtenues sur « Moodle ». La correction était par conséquent automatisée. Par ailleurs, les examens étaient rendus anonymes. Il n’y avait donc pas d’épreuves au format papier à transmettre à M. A______. Afin de consulter ses réponses, le candidat devait se rendre à l’école, laquelle lui donnait accès à l’examen grâce à son code. Le critère de réussite était uniquement basé sur le pourcentage de réussite aux examens passés sur « Moodle », étant donné le nombre de candidats. L’établissement avait donc sélectionné les 48 candidats ayant obtenu les meilleurs résultats aux tests passés. M. A______ avait obtenu 52.45/100 points en allemand, 40/100 points en anglais, 32.98/100 en mathématiques, 46.77/100 en français, soit 173,2/400 points. Le candidat classé 48ème avait obtenu 222.95/400 points.

La DGES II avait autorisé M. A______ à accéder aux documents relatifs à ses examens. Elle lui avait par ailleurs indiqué que des faiblesses en mathématiques et en anglais l’avaient prétérité. Le père de M. A______ n’avait pas fait mention de sa volonté de recourir. Or, le principe de la bonne foi imposait de se comporter de manière loyale. En l’absence d’une telle indication, on ne pouvait attendre de l’établissement qu’il donne immédiatement à M. A______ accès à ses examens. L’école était disposée à le recevoir. Elle allait le contacter dans la semaine du 17 octobre 2022 et lui proposer des dates de consultation.

Le recourant soulevait à tort le grief de violation du principe de la séparation des pouvoirs. Il fallait en effet considérer que les études menant à une maturité professionnelle étaient régies par les règles relatives à la formation professionnelle. Les tests d’admission indiqués à l’art. 57 al. 4 RAES-II reposaient ainsi sur une base légale formelle, à savoir l’art. 95 al. 2 LIP.

13) M. A______ a persisté dans ses conclusions le 17 novembre 2022.

a. Il a fait état de faits nouveaux en ce sens que, le 10 novembre 2022, soit plus de quatre mois après s’être vu signifier son échec au test d’admission, il avait pu prendre connaissance de la « maigre documentation » en mains de l’autorité. Dans le dossier consulté figurait un tirage de ses examens, dont il avait pu lever des copies. Il ne contenait rien d’autre, en particulier aucun barème de notes. Il ne contenait aucune documentation expliquant la méthodologie suivie pour préparer le test d’admission, ni les questions posées aux candidats, ni les mesures prises en vue d’assurer que tous les élèves étaient placés sur un pied d’égalité. Il s’étonnait de ce que la DGES II n’avait pas spontanément versé ses examens à la procédure, alors que la chambre administrative lui avait enjoint de faire parvenir l’intégralité de son dossier.

Selon les explications qu’il avait reçues du directeur ad interim de l’école, il semblait que la DGES II n’avait édicté aucune directive ni aucune circulaire ayant pour but ou pour fonction de déterminer les sujets à aborder lors du test d’admission, d’assurer la régularité de ce test, sa transparence et, in fine, l’égalité de traitement entre les élèves. Il semblait au contraire que les directions d’établissement étaient livrées à elles-mêmes et qu’elles avaient toute latitude pour définir le champ d’examen ainsi que les critères de sélection. Le doyen en charge de la sélection des élèves éligibles au cursus de la MP2 TASV avait ainsi, de sa propre initiative, choisi comme référentiel d’examen les tests utilisés pour juger de l’admissibilité au collège (filière gymnasiale) des élèves en provenance des écoles privées. La DGES II devait verser à la procédure toute la documentation (directives, circulaires et autres) permettant d’appréhender la réelle portée de ce test d’admission et de s’assurer de sa régularité, de même que de la préservation de l’égalité de traitement entre les divers candidats qui y avaient été soumis. Il ressortait du courriel du 14 novembre 2002 de ce même directeur ad interim - courriel qu’il versait à la procédure - que le contenu des tests aurait été validé par le DGES II. Il devait nécessairement en rester une trace de sorte que l’autorité devait être en mesure de verser ce document à la procédure.

b. Il ne s’était pas plaint de ne pas avoir été entendu avant de recevoir les résultats de ses examens, mais uniquement de ne pas avoir été entendu avant que la décision de l’exclure de la formation lui soit communiquée. Il s’était en outre plaint de jamais avoir pu accéder aux documents en lien avec le test d’admission, ce à quoi l’autorité se contentait de répondre qu’elle l’avait autorisé à y accéder. Or, elle n’avait pas à l’autoriser puisqu’il s’agissait d’une prérogative essentielle découlant du droit d’être entendu. Il appartenait à l’autorité de lui fournir, dès sa première demande, les documents en lien avec son test et pas seulement de l’autoriser à les consulter sans rien entreprendre pour permettre cette consultation. Ce n’était que le 10 novembre 2022 qu’il avait enfin pu consulter un « Ersatz » de dossier, au siège de l’établissement. Malgré ses demandes, il n’avait jamais pu accéder aux documents en possession de l’autorité intimée avant d’avoir recouru auprès de la DGES II, puis auprès de la chambre administrative.

c. Il confirmait qu’il n’existait aucune base légale habilitant le DIP à le soumettre à un test d’aptitude en vue de pouvoir s’inscrire à la formation MP2 TASV.

14) Le 21 novembre 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L’objet du litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’intimée du 1er septembre 2022 confirmant la décision de non-admission du recourant dans la filière MP2 TASV rendue par l’école le 8 juillet 2022.

3) Le recourant se plaint de la notification par courriel, qu’il qualifie d’irrégulière, de la décision du 8 juillet 2022.

a. À teneur de l’art. 46 al. 2 LPA, les décisions sont notifiées aux parties, le cas échéant à leur domicile élu auprès de leur mandataire, par écrit. Elles peuvent être notifiées par voie électronique aux parties qui ont expressément accepté cette forme de communication. Le Conseil d’État règle les modalités de la notification électronique par voie réglementaire.

L’art. 47 LPA prévoit qu’une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties.

b. En l’espèce, il ne ressort pas du dossier que le recourant aurait expressément accepté que la décision relative à son admission dans la filière MP2 TASV lui soit notifiée par voie électronique. Mais il ne ressort pas non plus du dossier que le recourant aurait exigé la notification d’une décision par une autre voie. Au contraire, il a accepté cette notification dès l’instant où son père, une fois en possession de la décision du 8 juillet 2022, a interpellé le doyen par courriels des 11 puis le 26 juillet 2002. Cette notification n’a enfin pas empêché le recourant de recourir, d’abord devant la DGES II, autorité devant laquelle il a pour la première fois soulevé le grief de notification irrégulière, puis devant la chambre de céans.

Ce premier grief sera par conséquent écarté.

4) Le recourant soulève le grief d’une violation de son droit d’être entendu sous deux aspects. Tout d’abord, il souligne n’avoir jamais été entendu par la direction de l’établissement avant que la décision négative prononçant sa non-admission à la formation ne lui soit notifiée. Ensuite, il se plaint qu’après la notification de cette décision, il n’a jamais pu accéder aux documents en lien avec son test alors qu’il l’avait demandé à plusieurs reprises.

a. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 143 III 65 consid. 3.2 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_42/2019 du 25 mars 2020 consid. 3.1). Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit à une audition orale (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1).

b. Le droit d'être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond. Une réparation devant l'instance de recours est toutefois possible si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée. La réparation dépend cependant de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut se justifier même en présence d'un vice grave, lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure. Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/244/2020 du 3 mars 2020 consid. 7a et les références citées).

c. Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet,
celle-ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 61 LPA).
Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral du 12 mai 2020 8C_257/2019 consid. 2.5 et les références citées), sous réserve que ledit vice ne revête pas un caractère de gravité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.5 ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6c).

d. Dans un ATA/782/2022 du 9 août 2022, la chambre de céans a tranché un litige relatif une collégienne dont le travail de maturité du 4 novembre 2021 avait été annulé pour plagiat le 3 février 2022 par le collège où elle étudiait, décision ensuite confirmée le 11 avril 2022 par la DGES II. Elle s’était notamment plainte d’une violation de son droit d’être entendue par l’autorité dès lors qu’elle avait dû recourir devant la chambre de céans à l’aveugle sans connaître l’ampleur du plagiat ni même quels passages étaient considérés comme plagiés. La chambre de céans avait retenu que le travail dans lequel le plagiat avait été constaté, n’avait été transmis à la recourante que quelques jours avant le dépôt de son recours. En outre, même devant la chambre de céans, l’analyse issue du logiciel « Compilatio » qui avait permis d’identifier le plagiat à laquelle la décision en cause faisait référence, n’avait pas été produite. Ces éléments pouvaient en soi déjà être constitutifs d’une violation du droit d’être entendue de la recourante. Néanmoins, la chambre de céans a souligné que la recourante avait été reçue par la doyenne des travaux de maturité en décembre 2021 et qu’un entretien téléphonique supplémentaire avait eu lieu en janvier 2022 concernant le plagiat au cours duquel, visiblement, les parties plagiées lui avaient été explicitées. L’analyse du travail de maturité figurant au dossier permettait de comprendre que la sanction ne se fondait pas uniquement sur le rapport de « Compilatio », mais sur une comparaison détaillée des parties considérées comme plagiées avec le texte de la recourante. Dans ce contexte, la recourante ayant au surplus eu l’occasion de faire valoir ses arguments et se déterminer sur ceux de l’autorité intimée, l’éventuel vice formel en lien avec le droit d’être entendu avait été guéri.

e. En l’espèce, le 11 puis le 26 juillet 2022, le recourant a sollicité en vain du doyen de l’école plusieurs explications en lien avec les résultats de son concours d’admission dans la filière MP2 TASV.

Dans la décision litigieuse du 1er septembre 2022, la DGES II a invité le recourant à prendre directement contact avec la direction de l’établissement afin de consulter son test d’admission et toute documentation utile afin de faire valoir ses éventuels arguments en cas d’irrégularité. Ce faisant l’autorité intimée a implicitement admis une violation du droit d’être entendu du recourant, violation qu’elle n’a pas souhaité réparer elle-même alors qu’elle aurait pu le faire, notamment en sollicitant de l’école l’ensemble des pièces pertinentes pour résoudre le litige. Pour le reste, bien qu’il ait sans attendre, le 13 septembre 2022, interpellé la direction de l’établissement afin qu’elle lui indique entre autres quelles étaient les modalités de consultation des résultats de ses tests, le recourant n’a pu prendre connaissance de ses examens que le 10 novembre 2022, soit plus d’un mois après avoir déposé son recours, alors même que l’année scolaire 2022-2023 avait déjà commencé.

Il n’apparaît pas que la documentation promise le 1er septembre 2022, qui n’a du reste pas été versée à la procédure, aurait été portée à la connaissance du recourant.

Il en découle que le recourant n’a pas pu se défendre efficacement et en toute connaissance de cause, ce qui constitue une violation grave de son droit d’être entendu.

Certes, il ressort du dossier que le recourant a été classé au 68ème rang sur 48 places disponibles. Il ne semble par ailleurs pas qu’il remette en cause les faiblesses en anglais et en mathématiques dont a fait état l’autorité intimée laquelle a, à l’appui de sa réponse au recours, révélé le nombre de points obtenus par le recourant dans les matières évaluées. À cette occasion, elle a en outre expliqué que, vu le nombre de candidats, les tests avaient été passés sur la plateforme « Moodle », que les corrections étaient « par conséquent » automatisées et qu’il n’y avait pas d’examinateurs, les résultats se basant sur le pourcentage de réponses justes obtenues sur la plateforme informatique. De telles modalités confirment la pertinence des questions posées par le recourant depuis le 11 juillet 2022, s’agissant notamment de la méthodologie suivie pour préparer les tests d’admission, de la manière dont sont déterminés les critères d’appréciation et les questions posées aux candidats, de l’égalité de traitement entre ces derniers ou encore des barèmes de notes et des éventuelles pondérations appliquées. On se demande également à partir de quel nombre de candidats les tests sont effectués sur une plateforme informatique.

Il résulte de ce qui précède que le grief de violation du droit d’être entendu est fondé. Le recours sera en conséquence admis en ce sens que la décision du 1er septembre 2022 sera annulée et la cause renvoyée à la DGES II afin qu’elle renseigne correctement le recourant. Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner les autres griefs soulevés par le recourant.

5) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, qui y a conclu et est représenté par un avocat (art. 87 al. 2 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 octobre 2022 par Monsieur A______ contre la décision du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 1er septembre 2022 ;

au fond :

l’admet ;

annule la décision de la DGES II du 1er septembre 2022 ;

renvoie la cause à la DGES II au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt (la présente décision) peut être porté(e) dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bénédict Fontanet, avocat du recourant ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :